Palestine: Fatah, le renouvellement, c'est maintenant?

Le 7e congrès du plus vieux et plus important mouvement palestinien se réunit mardi pour cinq jours à Ramallah. Entre le possible passage de témoin de Abbas et des réformes à adopter, les défis ne manquent pas.
Les salons chics et les lobbys d’hôtels de Ramallah les voient défiler depuis quelques jours déjà. Dans la fumée de cigarettes, on observe des petites réunions d’hommes – et de femmes –, arborant parfois un pin’s aux couleurs du drapeau palestinien, et souvent, une belle moustache. Ils sont ainsi 1.400 délégués du Fatah à se retrouver pendant cinq jours à partir de mardi à Ramallah, siège de l’autorité palestinienne, pour discuter de l’avenir du parti et élire leur direction.
Le Fatah, c’est le parti historique des Palestiniens. Le mouvement rassemblait des courants hétérogènes de la société palestinienne, mais aujourd’hui il ne parvient plus à faire la synthèse des diverses sensibilités. Il reste néanmoins incontournable. A l’international, il rayonne toujours, car il est le plus représenté au sein de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), entité représentant les Palestiniens. A l’intérieur, s’il règne en maître sur la Cisjordanie, il a perdu la bande de Gaza, aux mains du Hamas. Il se construit contre cet autre mouvement comme défenseur des négociations et de la non-violence.
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Une faction minoritaire?
D’ailleurs, si on laisse traîner une oreille, on peut entendre parler lignes politiques: stratégie pour régler le conflit avec Israël ou crise de la démocratie dans les Territoires palestiniens. Le congrès tant attendu et repoussé à plusieurs reprises, le septième depuis la création du Fatah en 1959 (et le premier depuis 2009), ne manque pas de thèmes à aborder, ni de défis à relever. Des semaines avant ces conciliabules policés, les attaques pleuvaient déjà.
«Ce n’est pas le Congrès du Fatah, mais celui d’une faction minoritaire», dénonce Dimitri Diliani, membre du conseil révolutionnaire du Fatah, qui n’est pas invité aux festivités. Il estime être mis à l’écart pour avoir critiqué le manque de transparence du mouvement et son goût pour le mélange des genres. Selon lui, l’organisation de ce congrès ne respecterait même pas le règlement intérieur du parti.
«Les dirigeants de cette réunion refusent les réformes et vont simplement diviser le mouvement et le marginaliser sur la scène politique», renchérit Najat Abu Bakr, députée palestinienne, récemment exclue du Fatah pour des raisons obscures. Elle aussi avait dénoncé la corruption du gouvernement. Tous les deux ont d’ores et déjà annoncé qu’ils ne reconnaîtraient aucune des décisions prises par l’assemblée.
Lassitude autour de Mahmoud Abbas
Dans les rues palestiniennes, quand ce n’est pas le même son de cloche accusateur, c’est l’indifférence. Au cœur du mécontentement: une solide insatisfaction de la vie politique palestinienne en général, et du Fatah en particulier. Dirigeant à la fois l’Autorité palestinienne, l’Organisation de libération de la Palestine et le Fatah, Mahmoud Abbas est jugé responsable du marasme quotidien. En septembre, un sondage affirmait que 61% des Palestiniens souhaitaient la démission de celui qui, à 81 ans, cumule les casquettes.
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Pour le remplacer, une lutte d’influences se joue entre ses partisans et des membres déchus – ou menacés de l’être. Fer de lance de l’opposition: Mohammed Dahlan, ancien membre du gouvernement, exclu du Fatah et exilé aux Emirats arabes unis. Il se présente comme un réformateur soutenu par des puissances régionales comme l’Egypte ou l’Arabie saoudite. Certains membres du Fatah le rejoignent peu à peu – ce serait le cas de Najat Abu Bakr.
Au milieu du marigot, les délégués du congrès restent sereins. «Notre mouvement a affronté beaucoup de Dahlan et il a survécu», répond Salman El Herfi, ambassadeur palestinien fraîchement arrivé de Paris à Ramallah. «Je comprends qu’on nous attaque, c’est pourquoi nous devons apporter de nouvelles stratégies à l’issue de ce congrès», renchérit Hael Al Fahoum, aujourd’hui en poste à Tunis et prédécesseur d’El Herfi. Voilà la ligne (paradoxale) des délégués: «Circulez, on réforme.» Sincères mais très flous, tous parlent de nouveautés sans citer d’initiatives tangibles et encore moins de noms de jeunes loups du parti sur lesquels ils parieraient.
«Notre démocratie est jeune»
Jamal Hussein, un délégué installé au Bahrein, est une exception parmi les politiciens de carrière: il est seulement membre du parti. Dans la vie, il dirige une société spécialisée dans la lutte contre les incendies. Ce fan de Justin Trudeau reconnaît les travers du parti : «Notre démocratie est jeune, on doit répéter qu’il faut voter pour un programme, pas juste parce qu’on se connaît.» Sur les problèmes de transparence, il assure: «Abu Mazen [nom de guerre de Mahmoud Abbas, ndlr] ne sera pas au-dessus de mon épaule» pour lui dire pour qui voter.
Le dernier point d’interrogation du congrès réside dans la succession de Mahmoud Abbas. S’il a déjà exclu les candidats qui ne lui plaisaient pas, le président va-t-il proposer un poulain? Jibril Rajoub, cadre du parti, ancien chef de la sécurité préventive en Cisjordanie, est l’un des hommes pressentis pour prendre sa suite. Le Congrès a exclu des opposants? «On ne pouvait pas inviter tout le monde», répond-il. Le Fatah mélange les genres et est corrompu? «De nombreuses réformes sont nécessaires et vont être mises en place». Le pouvoir déçoit et la situation empire? «Nous allons définir de nouvelles positions face au conflit». Il a déjà réponse à tout.
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