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    Récit

    Immigration : Merkel sous la pression de sa droite

    Par Nathalie Versieux, correspondante à Berlin
    Des migrants rassemblés par la police allemande avant d’être enregistrés, près de Breitenberg dans le sud du pays, le 5 octobre 2015.
    Des migrants rassemblés par la police allemande avant d’être enregistrés, près de Breitenberg dans le sud du pays, le 5 octobre 2015. Photo Michaela Rehle. Reuters

    Déstabilisée par sa droite, à neuf mois des législatives, la chancelière avait déjà durci sa ligne. Avec l’attaque de Berlin, le ciblage des étrangers risque de s’accentuer.

    C’est l’attaque que tout le monde redoutait en Allemagne, et notamment dans le camp de la chancelière, dont la politique d’accueil des réfugiés a déjà été critiquée après plusieurs attaques attribuées à des demandeurs d’asile (lire ci-contre). Ainsi qu’elle l’a elle-même formulé d’une voix faible face à la presse mardi, «s’il s’avérait que c’est une personne que nous avons accueillie à bras ouverts qui a commis un acte si odieux, ce serait particulièrement dur». De fait, dans un premier temps, la police a interpellé un réfugié pakistanais arrivé dans le pays fin 2015. Pour ensuite se raviser et le libérer. Mardi soir, malgré la revendication par l’organe de propagande de l’Etat islamique, on ignorait encore tout du tueur, toujours en fuite (lire page 6).

    La chancelière sait bien qu’à neuf mois des prochaines élections, son destin politique est en jeu. Mardi, elle s’est rendue sur les lieux du drame avec son ministre des Affaires étrangères, le social-démocrate Frank-Walter Steinmeier, un geste exceptionnel en Allemagne.

    L’union sacrée qui régnait autour d’elle en début de semaine semblait en effet fragile. Dès mardi, le parti populiste Alternative pour l’Allemagne (AfD), qui a connu une forte percée lors des élections régionales partielles du printemps après avoir mobilisé contre les migrants, rendait la politique d’accueil des réfugiés responsable de l’attaque. «L’Allemagne n’est plus un pays sûr», a déclaré la présidente de l’organisation, Frauke Petry, bien décidée à maintenir la question des migrants en tête des thèmes qui seront évoqués pendant la campagne électorale. «Quand l’Etat allemand va-t-il enfin riposter ? Quand va-t-il enfin cesser toute cette mièvrerie ? se demande son bras droit, Marcus Pretzell, sur Twitter. Tous ces morts, ce sont les morts de Merkel !» «Les responsables de tels attentats, ce sont les prédicateurs de haine. Nous n’avons pas besoin de davantage de prédicateurs haineux», rétorque le Vert Cem Özdemir.

    Expulsions Engagée dans une surenchère avec l’AfD à droite de l’Union chrétienne-démocrate (CDU, le parti de Merkel), l’Union chrétienne-sociale bavaroise (CSU) tient un discours à peu près similaire à celui des populistes. «Nous devons nous confronter à la question des risques qui émanent de ce nombre considérable de réfugiés que nous avons acceptés dans le pays», estime le ministre de l’Intérieur de la Bavière, Joachim Herrmann. Sous pression, Angela Merkel avait poursuivi début décembre, lors du congrès de son parti à Essen, un virage à droite sur la question des réfugiés. La chancelière continue de refuser le quota symbolique de 200 000 réfugiés par an que veut lui imposer la CSU, mais excelle à faire jouer l’applaudimètre en martelant qu’«une situation comme celle de l’été 2015 ne peut et ne doit pas se reproduire».

    De fait, son discours a considérablement évolué en un an. Elle qui ne cessait de répéter «nous y arriverons» après «l’ouverture» des frontières insiste désormais sur la nécessité pour les réfugiés de s’intégrer. Au fil des mois, la législation s’est durcie pour eux. La semaine dernière, un premier charter transportant des personnes expulsées collectivement a décollé de Francfort pour Kaboul (Afghanistan), avec 34 réfugiés à bord.

    L’Allemagne, connue pour sa politique d’asile généreuse, avait jusqu’ici toujours renoncé à expulser les personnes originaires d’une région en crise. Mais les choses ont changé avec l’arrivée en 2015 de 900 000 réfugiés et la percée de l’AfD aux régionales de 2016. Depuis des mois, le gouvernement multiplie les appels aux Länder, les incitant à expulser les personnes déboutées du droit d’asile, notamment les Afghans. Début octobre, l’Union européenne signait un accord avec Kaboul prévoyant un renforcement de l’aide humanitaire au pays, en échange d’une politique plus active de rapatriement de ses ressortissants. Le gouvernement afghan s’est notamment engagé à établir sous quatre semaines les papiers nécessaires aux expulsions.

    Dans le cadre de ces négociations, l’Allemagne s’est dite prête à allouer à l’Afghanistan 1,7 milliard de dollars supplémentaires (plus de 1,6 milliard d’euros) d’ici 2020. A condition que «Kaboul coopère sur la question des migrations», a précisé Frank-Walter Steinmeier. «Nous voulons qu’en Afghanistan, les gens comprennent qu’ils doivent rester chez eux. Restez chez vous ! Ou nous vous ramènerons directement d’Europe chez vous !» avertissait déjà en novembre 2015 le ministre de l’Intérieur, Thomas de Maizière. Les ressortissants de ce pays constituent le deuxième groupe (120 000 personnes) parmi les réfugiés ayant déposé une demande d’asile en Allemagne entre janvier et novembre 2016, derrière les Syriens (256 000 personnes) et devant les Irakiens (90 000 personnes). Plusieurs dizaines de milliers d’Afghans déboutés sont en attente d’expulsion.

    Sécuritaire Ces renvois s’inscrivent dans un durcissement général de la politique d’asile. La semaine précédente, l’Allemagne expulsait de façon très médiatique Taoufik M., un Marocain au casier judiciaire chargé, actif dans la région de Düsseldorf, qu’une des victimes des agressions sexuelles de la Saint-Sylvestre avait reconnu comme étant l’un de ses agresseurs. L’Allemagne cherchait depuis des années à obtenir le départ de cet homme, finalement rendu possible après la signature au printemps, avec les pays du Maghreb, d’un accord similaire à celui signé par l’UE avec l’Afghanistan.

    Même pour les Syriens, l’Allemagne devient une terre d’asile moins accueillante. Entre janvier et juin, près de 9 000 d’entre eux n’ont obtenu qu’un statut subsidiaire de protection, renouvelable d’année en année, qui interdit le regroupement familial. Alors qu’en 2015, les personnes venant de ce pays avaient presque toutes obtenu le statut de réfugié. Luise Amtsberg, porte-parole des Verts au Bundestag, parle de «motivation politique», à neuf mois des élections. Soucieux de rassurer une opinion très sensible, les ministres de l’Intérieur des Länder ont annoncé mardi un renforcement du dispositif sécuritaire autour des gares, des aéroports et pour les matchs de foot, les concerts ou les fêtes de la Saint-Sylvestre.

    Nathalie Versieux correspondante à Berlin
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