Peur de l'immigration, de la dette, du chômage, volonté de changement et haine envers Hillary Clinton... Un florilège de témoignages d'électeurs de Donald Trump, glanés par les rédactions de Radio France durant l'élection présidentielle américaine, que vient de remporter le candidat républicain.
Pendant toute la campagne présidentielle américaine, divers envoyés spéciaux des rédactions de France Culture, et plus largement de Radio France, sont allés à la rencontre des électeurs dans et à l'extérieur des meetings. Ici, un florilège de réactions d'électeurs de Donald Trump.
L'ancien SDF, et l'afro-américain déçu par Obama
"J'aime les durs, qui peuvent rendre le pays meilleur. Je ne veux pas ces libéraux qui pensent qu'il faut être bisounours. Il faut des couilles, ce pays a besoin de couilles, excusez mon langage, mais je pense que ce pays doit être réparé. Il tombe en morceaux."
Pour Les Matins du 10 novembre 2016, Roman Bornstein s'est rendu au QG de Donald Trump, quelques heures après l'officialisation des résultats, en bas de la Trump Tower et au bout de la nuit électorale. Il y a rencontré un ancien SDF de 40 ans, aujourd'hui barman : "Regardez cet immeuble, c'est un chef d'oeuvre artistique. Il faut des gens pour le construire, pour le faire fonctionner. Vous allez me dire que ce ne sont pas des boulots ? Ils travaillent tous pour Trump ! (...) Les hommes d'affaires savent, les gens qui travaillent dur savent ce qui est bon pour l'Amérique." Mais aussi un afro-américain, habituellement électeur démocrate, croisé alors qu'il brandissait une pancarte "Vote Trump" : "Pourquoi est ce qu'Obama n'a pas aidé les pauvres plutôt que de sauver les banques et les grandes entreprises avec de l'argent ? Je le rends responsable, j'ai perdu mon boulot, j'ai perdu ma maison, j'ai dû recommencer à zéro à cause des démocrates pendant 8 ans au pouvoir."
Le retraité de Pennsylvanie, taraudé par la dette du pays et qui "déteste Hillary"
"Comme il dit dans ses meetings, il voudrait assainir le marigot de Washington. Il y a trop de corruption là-bas. Donald Trump n'était pas mon premier choix, mais (...) Hillary est 100% maléfique"
Pour le Magazine de la rédaction du 4 novembre, la journaliste Valérie Crova avait rencontré Paul, un retraité qui avait planté une pancarte "Trump" sur sa pelouse, à Philadelphie. Il confiait à son micro que son choix républicain était surtout motivé par ses appréhensions face à la dette des Etats-Unis : "Je pense que le principal problème est le fait que notre gouvernement a 20 000 milliards de dettes. Et avec l'administration Obama, ça a doublé, de 10 000 milliards jusqu'à atteindre 20 000 milliards. Nous avons plus de dettes fédérales que nous avons eues durant les 240 premières années de ce pays. J'ai douze petits-enfants, et il me semble impensable de leur transmettre une dette de 20 000 milliards de dollars." Et le retraité de souligner que ce choix était un choix par défaut : "Je n'aime peut-être pas Donald Trump, mais je déteste vraiment Hillary Clinton. Je pense qu'elle nous apportera plus de dépenses, qui créent du déficit, des dépenses irresponsables."
#USA2016 Dans cette banlieue aisée de Philadelphie en Pennsylvanie ils sont rares à afficher leur soutien à #DonaldTrump. pic.twitter.com/2pEx3tyOQh
— Valerie Crova (@valeriecrova) November 1, 2016
Pennsylvanie toujours... ceux qui veulent "ramener l'industrie" aux Etats-Unis
"C'est un Américain qui veut aider les Américains. (...) Il faut remettre les gens au boulot, il faut ramener les industries aux Etats-Unis. Il avait raison de dire ça. Les aciéries, toutes ces entreprises, elles vont au Mexique, au Canada, je ne sais où... Elles partent du pays, parce qu'ils réglementent tout ça. Ils disent : 'Vous ne pouvez pas polluer, vous ne pouvez plus faire de l'acier' (...) Mais on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs. Et ce NAFTA, cet accord commercial... c'est ridicule." Un boulanger de Minersville
Pour ce même reportage, Valérie Crova avait aussi rencontré un petit groupe de femmes qui commentaient, à la sortie d'un meeting de Trump, sa défense de l'emploi industriel en Pennsylvanie : "Pour les travailleurs de la sidérurgie, les mineurs, tout ça... ça pesait lourd en Pennsylvanie. C'est notre histoire vous savez, c'est l'âme de notre Etat."
À la sortie de ce meeting, une femme exprimait aussi son inquiétude concernant la réforme du système de santé par Obama : "Ce qui m'a vraiment parlé personnellement, c'est cette histoire d'Obamacare, parce que l'Obamacare a profondément affecté ma famille. Aujourd'hui, mon mari et moi, on va voir de combien notre assurance santé va augmenter, et on s'attend au pire. (...) Les familles américaines souffrent, nous souffrons, et Hillary ne comprend pas ça, pas du tout."
Valérie Crova s'était également rendue à Minersville, à 2 heures de Philadelphie. Parmi sa population, en constante diminution (4300 habitants), plus de 15% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté.
Au Texas, le républicain qui veut du "cash", et le fils d'immigré qui vote blanc
"Il dit les choses comme elles sont et ça, ça fait peur aux gens, parce que toute leur vie ils ont entendu des politiciens leur dire ce qu'ils voulaient entendre, que ce soit vrai ou non."
Le Texas, terre du clan Bush, qui pèse lourd dans la balance avec ses 38 grands électeurs, passe pour l'Etat le plus républicain des Etats-Unis malgré une population blanche vieillissante et de nombreux électeurs immigrés, et notamment hispaniques... Annabelle Grelier et Jean-Marie Porcher étaient allés sur place prendre la température électorale le 3 novembre et avaient commencé par rencontrer Jack, militant républicain.
Témoignage aussi de Témo Muniz, fils d'un Mexicain entré illégalement aux Etats-Unis, qui a pourtant tout d'un vrai Texan : fièrement conservateur, il est président pour le Texas des républicains hispaniques. Mais, choqué par les propos de Trump sur les immigrés, Témo Muniz confiait vouloir voter... blanc : "[Trump] ne peut pas ignorer qu'il a besoin de main-d'oeuvre, qu'il a dû recruter beaucoup d'étrangers pour construire ses immeubles, ses hôtels..."
En Floride, le natif qui craint l'immigration, et le couple d'anciens immigrés qui a peur du "communisme"
"Il y a une immigration illégale qui est en hausse. Tous les pays dans le monde ont renforcé leurs lois, nous sommes le seul pays à ne pas l'avoir vraiment fait."
En Floride, les latino-américains représentent 18% de l’électorat, leur voix étaient donc déterminantes. Si la Floride n'était pas tombée dans l'escarcelle de Trump, qui lui a rapporté 29 grands électeurs, le candidat républicain aurait hypothéqué ses chances de victoire.
Le 2 novembre, la journaliste Géraldine Hallot était allée là-bas tendre son micro aux électeurs de Trump. À Nelson Diaz d'abord, chef des républicains dans le Comté de Miami Dade, qui affirmait ne voir aucun racisme dans le vote républicain. Puis à un vieux couple d'exilés cubains, Mercedes et Orlando : "On a voté pour Donald Trump, parce qu'on vient d'un pays communiste et on ne veut pas retrouver le communisme ici".
"Donald Trump promet de construire un mur à la frontière mexicaine ; ça fait hurler les immigrés mexicains, mais pas ceux qui sont arrivés de longue date sur le sol américain." Géraldine Hallot
Les femmes qui détestent Hillary Clinton
"Je suis tellement anti-Hillary. Elle est juste une escroquerie absolue."
Pendant sa campagne, la candidate démocrate a cherché à cibler l'électorat féminin, les électrices étant plus nombreuses que les électeurs. Combat facilité par le fait que c'est Trump lui-même, par ses propos sexistes et agressifs, qui a mis la cause des femmes au centre du débat. Une partie de l'électorat féminin républicain s'est ainsi détourné de Donald Trump : "Dans les enquêtes d'opinion, le fossé du genre n'a jamais été aussi important : plus de 20 points d'écart en faveur d'Hillary Clinton", expliquait Frédéric Carbonne, correspondant de Radio France aux Etats-Unis, le 31 octobre. Mais, "pour les femmes que l'on interroge dans les meetings de Donald Trump, le principal moteur reste bien la détestation de la candidate démocrate". Une frange de l'électorat féminin minoritaire, mais déterminé... qui n'hésite pas à vouer Hillary Clinton au supplice de la baignoire (comme en témoigne le t-shirt de cette militante, ci-dessous) :
Ça commence à aller loin les tee-shirts anti Hillary Clinton aux meetings de Donald Trump. pic.twitter.com/1Eq6hi9Kbu
— Frédéric Carbonne (@FCarbonne) August 25, 2016
Celui qui n'a jamais voté, et le démocrate déçu
"Vous savez aujourd'hui, une famille de clandestins qui entre dans ce pays, par exemple une femme, son mari et leurs trois enfants, eh bien on leur donne 240 $ par mois. Et tout ça c'est payé par qui ? Par moi !"
Parmi la foule que Trump est parvenu à rassembler pendant sa campagne, représentative de l'Amérique blanche, Craig, qui n'avait jamais voté : "Trump s'attaque à des problèmes qui me tiennent vraiment à cœur, comme protéger nos frontières de tous ces clandestins qui essayent de rentrer dans notre pays." La journaliste Gaele Joly l'a rencontré le 15 mars 2016 dans un meeting, alors que cinq grand Etats étaient appelés aux urnes (Ohio, Missouri, Caroline du Nord, Illinois et Floride). Le jeune homme était tellement fan de Trump, qu'il expliquait lui avoir composé une chanson.
Trump supporter à #Cleveland pic.twitter.com/P4JzQDv8pV
— Gaele Joly (@joelgaly) March 12, 2016
Mais dans ces meetings de Trump, la journaliste avait également rencontré toute une frange démocrate déçue de Barack Obama, comme Tim : "J'ai voté pour Obama en 2008, mais plus maintenant. Il n'a rien fait pour nous. (...) Donald Trump est différent, il n'a rien d'un politicien, c'est un homme d'affaires."
"Donald Trump ratisse large, il séduit autant les électeurs du Sud profond, très conservateurs, que ceux du Nord, les ouvriers qui craignent les effets de la mondialisation." Gaele Joly
A 10 ans, la campagne présidentielle ne s'embarrasse pas de nuances. pic.twitter.com/WNJFt6NE9B
— Frédéric Carbonne (@FCarbonne) August 2, 2016