
Un an après les attaques terroristes perpétrées à Paris qui ont fait 130 morts, la menace terroriste n’a pas disparu. L’interview de Manuel Valls dimanche à la BBC apporte une preuve de plus. Lors de celle-ci, le Premier ministre a déclaré que l’état d’urgence devrait être prolongé en janvier 2017, au moins jusqu’à l’élection présidentielle. Ce régime d’exception en vigueur depuis le soir du 13 novembre 2015 a déjà été reconduit fin juillet après l’attentat de Nice, pour six mois. Cette prolongation devait en particulier permettre de sécuriser deux événements sportifs majeurs : l’Euro de football 2016 et le Tour de France cycliste.
Et compte tenu des événements que la France vivra dans les prochains mois, le gouvernement a décidé de jouer la carte de la prudence, comme l’a rappelé Manuel Valls : « Il est difficile aujourd’hui de mettre fin à l’état d’urgence. D’autant plus que nous allons nous engager dans une campagne présidentielle dans quelques semaines avec des meetings, avec des réunions publiques. Donc il faut aussi protéger notre démocratie », a-t-il indiqué dimanche.
De nombreux attentats déjoués
Difficile pour autant de déterminer avec précision qu’elle est l’ampleur de la menace terroriste en France. Une chose est sûre : les Français sont très inquiets. Dans un sondage* Ifop publié en septembre, 97 % des Français estimaient ainsi que la menace terroriste était « élevée » ou « très élevée ». D’autant que l’attentat de Nice qui a fait 86 morts est très présent dans les esprits et qu’en septembre dernier un attentat a été déjoué après la découverte de bonbonnes de gaz à Paris.
La France est en état d’urgence et en guerre à l’extérieur. Baisser la garde n’aurait aucun sens. #NSDéfense https://t.co/JtfjLkx3yb
— Nicolas Sarkozy (@NicolasSarkozy) November 11, 2016
Et si l’on scrute les déclarations des responsables politiques ces derniers mois, il y a de quoi s’inquiéter. Quelques jours après l’attentat déjoué à Paris début septembre, Manuel Valls avait d’ailleurs été très clair : « Aujourd’hui, la menace est maximale, et nous sommes une cible, chacun l’a compris. Cette semaine, au moins deux attentats ont été déjoués. » Avant d’aller plus loin : « Tous les jours, les services de renseignement, la police, la gendarmerie, tous les jours, déjouent des attentats, démantèlent des filières irako-syriennes ». Des propos confortés par François Hollande qui a évoqué des tentatives d’attentat dans son discours consacré à « la démocratie face au terrorisme », prononcé en septembre. « Et quand elles sont déjouées, nous n’en disons rien », a-t-il indiqué. En juillet, un rapport de la commission d’enquête parlementaire sur la lutte contre le terrorisme faisait déjà état d’ une dizaine de projets attentats déjoués en France depuis un an et qui visaient notamment un centre commercial, une salle de spectacle ou une centrale nucléaire.
Les experts restent alarmistes
Plusieurs experts du terrorisme soulignent aussi la persistance du risque terroriste dans l’Hexagone. C’est le cas de Jean-Louis Bruguière, l’ancien magistrat spécialisé dans l’antiterrorisme de 1981 à 2007. Dans une tribune diffusée vendredi sur le site du Huffington Post, il affirme que « la menace terroriste est toujours aussi élevée qu’au soir du 13 novembre 2015 ». Selon lui, « les périodes électorales sont toujours en démocratie des périodes de fragilité réelle ou ressentie par nos adversaires qui cherchent à en tirer un avantage opérationnel ».
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Et pour lui,la perte de terrain de Daesh en Irak et en Syrie ne signifie pas la fin de la menace terroriste en France. « L’organisation se reconstituera sous une autre forme avec d’autres chefs et probablement une autre appellation de circonstance », prévient-il. « Le risque d’attentats majeurs ou d’actions terroristes ponctuelles en Europe et aux Etats-Unis est d’autant plus à redouter qu’ Al Baghdadi cherchera à accentuer la pression sur ses adversaires par des attaques terroristes sur leur sol », poursuit-il. « Dans ce contexte, le retour en masse des djihadistes européens vers leur pays d’origine est un risque mesuré aujourd’hui par les services de sécurité européens », estime Jean-Louis Bruguière.
Des loups solitaires redoutés
Un avis pessimiste partagé aussi par Marc Trévidic, l’ancien juge antiterroriste : « Ce que je crains, c’est qu’il y ait des attaques pendant la présidentielle en France. Je vois mal comment on éviterait des attentats, parce qu’ils vont profiter de cette situation chez nous, qui provoquerait des répercussions énormes. Les candidats n’hésiteraient alors pas à aller devant tous les médias pour faire de la surenchère sur les mesures à prendre contre les terroristes… », indique-t-il dans une interview ce lundi accordé au Dauphiné. Comme Jean-Louis Bruguière, il évoque surtout le danger représenté par les djihadistes français de retour dans notre pays : « À partir du moment où 2 000 ou 3 000 Français, sans compter les Belges, ont quitté la France avec la haine de leur pays au cœur, j’ai du mal à ne pas voir là une menace majeure. Le problème n’est pas seulement le nombre de jeunes qui sont partis, mais celui de leurs réseaux et soutiens dans les banlieues », souligne-t-il.
Et ce que semblent redouter plus que tout les experts du sujet, ce sont moins les attaques terroristes fomentées par des réseaux structurés que par des personnes isolées. « On sait que le groupe Etat islamique voudrait faire une nouvelle démonstration de force avec une attaque coordonnée, mais véritablement, l’attaque la plus prégnante en France c’est l’attaque d’individus, d’une à trois personnes, isolés. Une attaque simple avec une arme de poing, s’ils arrivent à s’en doter, ou des couteaux », a ainsi déclaré sur France inter, vendredi, un vice-président de la section antiterroriste du parquet de Paris. Ce qui implique un travail de fourmis pour les policiers afin de repérer les terroristes avant leur passage à l’acte…
*Le sondage Ifop, réalisé du 12 au 14 septembre auprès d’un échantillon de 1 011 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus pour les quotidiens Midi Libre et La Dépêche du Midi.
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