Après les États asservis aux idéologies, dont on a vu les effets dévastateurs au XXe siècle, viendraient ainsi les États organisateurs, donc neutres et relativistes, laissant aux individus le droit de poursuivre les finalités qu’ils désirent ; ils ne sont chargés que d’administrer. L’idée serait que l’Etat ne peut, dans un monde -- -- En son interprétation la plus noble, cette théorie « espère » que les individus s’assembleront pour poursuivre un bien commun ; elle abdique simplement la possibilité pour le politique en tant qu’autorité publique de porter un tel projet. Elle rabaisse ainsi le politique à un -- -- simple rôle de régulateur, se refusant à incarner quoique ce soit. Le politique ne construit plus rien, mais apparie les divers intérêts individuels. -- -- Or cette théorie est une idéologie. Elle précipite elle-même, de manière proactive, une vision anthropologique de la société qui n’est plus conçue que comme un assemblement d’individus poursuivant des intérêts qui s’entrechoquent et qu’il s’agirait simplement de concilier, en aucun cas de faire travailler ensemble – ce qu’on -- -- s’appuyant sur le penchant naturel de l’homme au repli sur soi, identifié par Tocqueville. C’est en abdiquant toute finalité extérieure à l’individu que le politique accouche de l’homme individualiste. Ce faisant, cette idéologie limite l’ambition de nos sociétés qui ne doivent plus qu’éviter de faire le mal – plutôt que de chercher à faire -- -- le bien. Et regarde avec méfiance tout corps intermédiaire qui ose prétendre promouvoir quoique ce soit d’autre que l’intérêt des individus, que ce corps soit écoles, familles, Églises, ou syndicats. Tous ces affreux déterminismes qui nous aliènent. -- -- C’est d’autant plus vrai que l’économisme ambiant favorise cet individualisme. D’une part, il déconstruit l’homme et le réduit à son seul intérêt, comme si la poursuite de ce dernier était une loi naturelle nécessaire qui le détermine (ne pas agir en fonction de son -- -- seul intérêt, comme si la poursuite de ce dernier était une loi naturelle nécessaire qui le détermine (ne pas agir en fonction de son intérêt individuel est ainsi marqué du sceau de « l’irrationnel », exit donc l’altruisme ou la gratuité) ; d’autre part, posant le vide de l’existence et le règne de la matière, il fait de la jouissance de -- -- l’existence et le règne de la matière, il fait de la jouissance de cette dernière et du confort hédoniste le seul horizon de vie des individus, leur promettant – au moins – la satisfaction de « se faire plaisir » tant que leur vie sur terre le leur permet, et enrichissant, là aussi, quelques « élus » eux-mêmes soumis à la même folie. La raison -- -- là aussi, quelques « élus » eux-mêmes soumis à la même folie. La raison n’est alors plus que celle de l’intérêt économique cherchant à maximiser son avantage. Ne plus concevoir que l’individu et que ses intérêts est par ailleurs rendu possible par l’utopie économiste qui veut faire du monde un village global de paix et de tolérance, et qui -- -- voit comme source de progrès linéaire non plus la dialectique des classes mais la dialectique schumpéterienne – essentiellement individualiste – pour la croissance infinie. Comme l’explique Natacha Polony, « L’économisme, cette idéologie de réduction des différents champs de l’action humaine à leur dimension économique, n’est donc rien -- -- champs de l’action humaine à leur dimension économique, n’est donc rien d’autre qu’un totalitarisme d’autant plus efficace qu’il repose sur le consentement des individus. Qui serait contre la prospérité ? Qui serait contre la liberté ? ». -- -- Alors, lorsque la seule valeur commune qui nous rassemble n’est que la poursuite de nos intérêts individuels, comment faire nation ? Quelle cohésion possible ? Quelle solidarité possible ? Comment voir la politique sociale autrement que comme une spoliation de la propriété -- -- cohésion possible ? Quelle solidarité possible ? Comment voir la politique sociale autrement que comme une spoliation de la propriété individuelle ? Quels projets sont proposés aux Français ? Quel sens à notre vie ensemble ? Comment redonner goût au débat public ? Réparer le vélo qui tombe en miette, d’accord ; continuer à pédaler pour éviter