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Les accents régionaux, un trésor pour la langue

Souvent moquées, les différentes prononciations, de Lille à Marseille, en passant par Paris, sont précieuses  : elles dynamisent le français. Le dernier opus du chanteur gascon André Minvielle en donne un bel exemple.

Le Monde | • Mis à jour le | Par

Un Vosgien déclare qu’il a perdu son chien. « Il est tatoué ? », demande le flic de permanence. Il répond : « Bien sûr qu’il est à mwé » Social, régional, étranger ou bizarre, sonore ou en voie de disparition, l’accent résiste. L’accent, c’est l’accent de l’autre. Susceptibilité, distance, domination, tout s’en mêle pour qu’il se manifeste. Plus ce que Freud appelle joliment « le narcissisme de la petite différence ».

L’accent est toujours mal entendu. Moqué. Aujourd’hui encore, comme hier, les normopathes de l’assimilation rêvent de l’éliminer. Cauchemar d’une France à langue unique, « sans accent » de Marseille, de Toulouse, chti, arabe, « afrrrricain » ou du Béarn (comme plus ou moins le mien, métissé d’accent de Bayonne – on nous appelle les « charnegous », les hybrides).

« Le “ r”, on le roule en occitan ; on le grasseye dans le peuple de Paris ; on l’aspire en Afrique ; on le latéralise à Sciences Po », commente Bernard Cerquiglini, linguiste

Depuis qu’un grammairien anglais du nom de Jehan Palsgrave (1480-1554), auteur de L’Eclaircissement de la langue française (1530), a décrété qu’en Touraine se parlait le français le plus pur, son improuvable mantra s’est propagé dans tout le pays. Il sert de basse continue à la glottophobie, concept forgé par le sociolinguiste Philippe Blanchet (Discriminations : combattre la glottophobie, Textuel, 2016) qu’il définit ainsi : « Le mépris, la haine, l’agression, le rejet, l’exclusion de personnes ;...