Homme/robot. Le trouble au rendez-vous

Marine Cygler
Jeudi, 21 Juillet, 2016
Humanité Dimanche
Aiko Chihira, hôtesse hyperréaliste en kimono et peau de silicone, parle anglais, japonais et la langue des signes.
Aiko Chihira, hôtesse hyperréaliste en kimono et peau de silicone, parle anglais, japonais et la langue des signes.
Photo : Reuters

Aujourd’hui, les robots sont cantonnés à une ou deux tâches ménagères. Demain, ils seront capables d’interagir avec l’homme. Avec un peu de science, les relations deviendront de plus en plus fines. Encore faut-il que nous acceptions ces automates.

Vous déménagez. Besoin d’un coup de main ? Un jour, un robot pourrait vous aider à porter une commode imposante. Mais soulever un meuble lourd à deux n’est pas une tâche si simple. Elle exige de comprendre l’intention de l’autre et d’adapter sa force. Si les humains l’exécutent de façon tout à fait naturelle, notamment grâce au regard, c’est une tâche très difficile pour un robot. Voici un des nombreux défis que doivent relever les chercheurs pour que les robots entrent vraiment dans notre quotidien. Aujourd’hui, la robotique industrielle est le fer de lance de la recherche dans le domaine. Les robots font des mouvements répétitifs avec un haut degré de précision mais ne sont pas capables de contrôler leurs efforts et, surtout, personne ne peut les toucher. S’ils sont capables de détecter la présence des mains, c’est avant tout pour éviter le contact. Du côté de la maison, ces engins font plus office de gadgets, même s’ils sont bien utiles : on trouve, par exemple, des robots aspirateurs et des tondeuses robots. Loin du compagnon idéal.

Cela dit, certains pays ont déjà franchi l’étape supérieure avec des recrues automatisées pour des tâches necessitant des contacts avec les humains. En Belgique, une première en Europe : deux humanoïdes Pepper, 1, 20 m de plastique blanc, avec de grands yeux qu’on pourrait qualifier d’expressifs, ont intégré des équipes médicales en juin. Leur rôle : accueillir et orienter les patients de deux hôpitaux, le CHR Citadelle de Liège et l’AZ Damiaan ­d’Ostende. Celui-ci utilise déjà, depuis 2013, le robot Nao, de la société Aldebaran, en pédiatrie et en gériatrie. Doué de facultés émotionnelles, Nao rassure les enfants, qui doivent se faire opérer et leur fait passer le temps, tandis qu’il dirige les exercices de gymnastique et propose des entraînements cognitifs aux plus âgés. Nao est la représentation même de l’humanoïde. Il faut dire que, depuis 2006, date de sa « naissance », il ne cesse de parcourir le monde pour faire des démonstrations de ses prouesses : il parle, danse, fait du football… Au cours de l’année 2015, il a fait office de démonstrateur lors d’une expérience pilote dans différents magasins Darty de l’Hexagone.

japon, labo d’innovations

Au Japon, pays pionnier dont la population a soif de nouveauté et de futurisme, Nao et ses congénères ont conquis l’espace public. Aucune surprise à les voir officier en tant qu’hôtes d’accueil et de serveurs dans les hôtels, les supermarchés ou encore les restaurants. Dans le Henn-na Hotel, « l’hôtel bizarre », hormis le changement de draps et le système de surveillance, la gestion de l’établissement est entièrement l’affaire de robots : la conciergerie est tenue par une humanoïde troublante d’humanité jusqu’au clignement de cils, l’enregistrement se fait auprès d’un dinosaure qui monte aussi les bagages dans les chambres. Toujours au pays du Soleil-Levant, les particuliers vont commencer à s’équiper également car, au-delà de l’aspect ludique, les besoins d’aide pour une population vieillissante sont de plus en plus difficiles à satisfaire. Encore un peu de science dans ces machines et nous les verrons comme de précieux alliés.

 

  • Le point de vue de Serena Ivaldi, chercheuse dans l'équipe Larsen de l'Inra :

HD. Pourquoi étudier l’interaction homme-robot côté humains ?

Serena Ivaldi. Dans cette relation, il y a deux acteurs. Il faut, d’une part, que le robot puisse comprendre ce que la personne veut. Il faut, d’autre part, que nous comprenions ce que le robot est en train de faire. De plus en plus d’études sont menées pour documenter comment les gens interagissent avec les robots afin de construire des machines compréhensibles y compris par les non-experts. Ce sont des travaux à la frontière entre robotique et psychologie. La plateforme de recherches humanoïdes iCub, bardée de capteurs (microphone, caméra, capteur de force...), a pour but de discriminer les signaux critiques pour que la communication puisse se faire.

HD. Peut-on prédire la réaction d’une personne face à un robot ?

S. I. Dans nos expériences avec des volontaires non experts, on observe une palette large de réactions, même si les gens sont surtout curieux. Certains s’inquiètent que la machine puisse prendre le dessus ; d’autres développent des interactions fluides. On se rend compte que cette réaction dépend de notre personnalité. Les gens plutôt extravertis dans la vie le sont aussi face aux robots. Ils leur parlent plus que les personnes moins sociables. Ceux qui ont une attitude négative vis-à-vis du robot ont tendance à éviter son regard. C’est amusant de voir qu’on attribue aux robots l’intelligence d’un homme.

HD. Est-il préférable que le robot ressemble à un homme ?

S. I. Cela dépend. Les personnes ont tendance à anthropomorphiser les machines. Dans les années 1970, le chercheur japonais Masahiro Mori a formulé le modèle de la Vallée dérangeante (Uncanny Valley), qui permet de prédire la réaction émotionnelle face à un robot. Plus il s’approche de la forme humanoïde, plus le robot est accepté. Mais quand la ressemblance devient très importante, la réaction est perturbée : le robot nous ressemble tellement qu’il nous dérange et qu’on le rejette.

dans votre quotidien du 3 Janvier 2017
Dans votre hebdomadaire
Du 22 Décembre au 28 Décembre 2016

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