Jouons, voulez-vous ? Je vous parle de moi, et vous devinerez qui je suis. Un indice ? Je partage avec Montaigne, le sceptique, un vocable enté dans les mémoires, et qui porte nos titres de gloire. D’autres indices ? Eh bien voici : mon ancêtre est Anglais, il est apparu en 1823, entre Birmingham et Northampton. Comme ses semblables à l’époque, il était complètement rond, toute la journée, et même toutes les nuits.
Vous me trouvez gonflée de vous révéler ce détail, moi, l’agnate choisie pour des tâches de haut vol ou des biscouettes imprévues ? Vous avez raison. Laissez-moi vous en révéler davantage : grâce aux verrats, aux truies qui se sont laissé faire, jamais il n’a manqué d’air ! Et moi, son épigone ové, l’hoir bizarre de la famille des turgescents, j’aime également qu’on me donne du vent !
Vous m’avez déjà identifiée ? Bravo ! Oui, je suis la bechigue – nom occitan de la vessie qui, n’étant plus investie de quelque miction que ce soit, s’est survécu en s’emplissant d’air et se couvrant de cuir – ; aujourd’hui je suis en synthétique.
Rompant avec la sphère de mon ancêtre, l’ovale s’est emparé de moi et je me suis laissé adopter par les joueurs d’Albion en mille huit cent soixante-dix-sept. Et depuis, je parcours la planète !
Vous dire quelles sont mes délices lorsque quelque deuxième ligne me plaque contre sa poitrine est impossible ! Vous faire partager ma félicité quand les demis de mêlée se sont plu à me faire passer du cal de leurs mains expertes au but convoité ressortit à l’indicible ; et lorsque, d’un coup de pied de volée, sans être maso, quelque François Da Ros m’a envoyée dans les pagelles, je suis au septième ciel !
Mon bonheur devrait être total : mes essais comblent mes thuriféraires, ceux de Montaigne comblent les siens, mais hélas, bien trop courte fut son existence pour qu’il y inscrivît l’article qui dit toute ma vie : « rugby » !
Jean-Joseph Julaud
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