Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 06h44 06.07.2015 à 06h55 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » Le 26 septembre 2015Le Monde festivalDebat " La femme est l avenir du monde arabe", de gauche a droite: Christophe Ayad, Mona Eltahawy et Kamel Daoud La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 06h44 06.07.2015 à 06h55 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsLe Prix littéraire du Monde - 3e édition - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique La programmation prometteuse de Stéphane Lissner Benjamin Millepied, dans les pas de ses maîtres « Battlefield », le nouveau « Mahabharata » de Peter Brooktous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Peter Brook distille l’essence de son théâtre Amputé, Nicolas Huchet a fabriqué sa propre main bionique La programmation prometteuse de Stéphane Lissnertous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsLe Prix littéraire du Monde - 3e édition - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Le Monde Festival, saison 2 La programmation prometteuse de Stéphane Lissner Benjamin Millepied, dans les pas de ses maîtrestous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsLe Prix littéraire du Monde - 3e édition - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Réinventer l’Etat face à l’accélération numérique Christine Angot : « Il n’y a pas de vérité hors de la littérature » Pinault-Arnault : duel aux enchèrestous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsLe Prix littéraire du Monde - 3e édition - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Réinventer l’Etat face à l’accélération numérique Christine Angot : « Il n’y a pas de vérité hors de la littérature » Pinault-Arnault : duel aux enchèrestous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsLe Prix littéraire du Monde - 3e édition - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Réinventer l’Etat face à l’accélération numérique Christine Angot : « Il n’y a pas de vérité hors de la littérature » Pinault-Arnault : duel aux enchèrestous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsLe Prix littéraire du Monde - 3e édition - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Réinventer l’Etat face à l’accélération numérique Christine Angot : « Il n’y a pas de vérité hors de la littérature » Pinault-Arnault : duel aux enchèrestous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsLe Prix littéraire du Monde - 3e édition - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Réinventer l’Etat face à l’accélération numérique Christine Angot : « Il n’y a pas de vérité hors de la littérature » Pinault-Arnault : duel aux enchèrestous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Amputé, Nicolas Huchet a fabriqué sa propre main bionique La programmation prometteuse de Stéphane Lissner Benjamin Millepied, dans les pas de ses maîtrestous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Peter Brook distille l’essence de son théâtre Amputé, Nicolas Huchet a fabriqué sa propre main bionique La programmation prometteuse de Stéphane Lissnertous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Jordi Savall, gambiste engagé Peter Brook distille l’essence de son théâtre Amputé, Nicolas Huchet a fabriqué sa propre main bioniquetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsLe Prix littéraire du Monde - 3e édition - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Réinventer l’Etat face à l’accélération numérique Christine Angot : « Il n’y a pas de vérité hors de la littérature » Pinault-Arnault : duel aux enchèrestous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Peter Brook distille l’essence de son théâtre Amputé, Nicolas Huchet a fabriqué sa propre main bionique La programmation prometteuse de Stéphane Lissnertous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsLe Prix littéraire du Monde - 3e édition - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Le Monde Festival, saison 2 La programmation prometteuse de Stéphane Lissner Benjamin Millepied, dans les pas de ses maîtrestous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Peter Brook distille l’essence de son théâtre Amputé, Nicolas Huchet a fabriqué sa propre main bionique La programmation prometteuse de Stéphane Lissnertous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Peter Brook distille l’essence de son théâtre Amputé, Nicolas Huchet a fabriqué sa propre main bionique La programmation prometteuse de Stéphane Lissnertous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Peter Brook distille l’essence de son théâtre Amputé, Nicolas Huchet a fabriqué sa propre main bionique La programmation prometteuse de Stéphane Lissnertous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Jordi Savall, gambiste engagé Peter Brook distille l’essence de son théâtre Amputé, Nicolas Huchet a fabriqué sa propre main bioniquetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsLe Prix littéraire du Monde - 3e édition - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique La programmation prometteuse de Stéphane Lissner Benjamin Millepied, dans les pas de ses maîtres « Battlefield », le nouveau « Mahabharata » de Peter Brooktous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsLe Prix littéraire du Monde - 3e édition - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique La programmation prometteuse de Stéphane Lissner Benjamin Millepied, dans les pas de ses maîtres « Battlefield », le nouveau « Mahabharata » de Peter Brooktous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Peter Brook distille l’essence de son théâtre Amputé, Nicolas Huchet a fabriqué sa propre main bionique La programmation prometteuse de Stéphane Lissnertous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Monde Festival : 18 000 personnes pour « changer le monde » Varoufakis face à Cohn-Bendit : « Il faut donner de la souveraineté au Parlement européen » La femme, avenir du monde arabetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsPrix littéraire du « Monde » 2015 - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Amputé, Nicolas Huchet a fabriqué sa propre main bionique La programmation prometteuse de Stéphane Lissner Benjamin Millepied, dans les pas de ses maîtrestous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsLe Prix littéraire du Monde - 3e édition - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Réinventer l’Etat face à l’accélération numérique Christine Angot : « Il n’y a pas de vérité hors de la littérature » Pinault-Arnault : duel aux enchèrestous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsLe Prix littéraire du Monde - 3e édition - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Réinventer l’Etat face à l’accélération numérique Christine Angot : « Il n’y a pas de vérité hors de la littérature » Pinault-Arnault : duel aux enchèrestous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services s... Julien Neuville Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Pinault-Arnault : duel aux enchères Oasis-Blur : combat popL’Himalaya de la hainetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique « Rien sur Rawicz » Bal d’imposteurs au pôle Nord Joan Crawford et Bette Davis : les vipères d’Hollywoodtous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique « Rien sur Rawicz » Bal d’imposteurs au pôle Nord Joan Crawford et Bette Davis : les vipères d’Hollywoodtous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Oasis-Blur : combat popL’Himalaya de la haine Seattle récolte les fruits de la marijuanatous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique « Rien sur Rawicz » Bal d’imposteurs au pôle Nord Joan Crawford et Bette Davis : les vipères d’Hollywoodtous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsLe Prix littéraire du Monde - 3e édition - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Réinventer l’Etat face à l’accélération numérique Christine Angot : « Il n’y a pas de vérité hors de la littérature » Pinault-Arnault : duel aux enchèrestous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitterLe monde événementsLe Prix littéraire du Monde - 3e édition - du 09 au 09 Septembre 2015 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Christine Angot : « Il n’y a pas de vérité hors de la littérature » Pinault-Arnault : duel aux enchères Oasis-Blur : combat poptous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Christine Angot : « Il n’y a pas de vérité hors de la littérature » Pinault-Arnault : duel aux enchères Oasis-Blur : combat poptous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique L’Afrique au cœur du grand théâtre du monde Chen Guangbiao, le mégalo Huang Nubo, le « marchand lettré »tous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Huang Nubo, le « marchand lettré » To be ort not to be... Shakespeare L’Espace vide, ou la quadrature du cercletous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique L’Afrique au cœur du grand théâtre du monde Chen Guangbiao, le mégalo Huang Nubo, le « marchand lettré »tous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Virginie Despentes, la fureur dans le sexe Adèle Haenel, actrice tout-terrain Adrienne Charmet-Alix, au-delà de l’écrantous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Huang Nubo, le « marchand lettré » To be ort not to be... Shakespeare L’Espace vide, ou la quadrature du cercletous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique « Rien sur Rawicz » Bal d’imposteurs au pôle Nord Joan Crawford et Bette Davis : les vipères d’Hollywoodtous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Oasis-Blur : combat popL’Himalaya de la haine Seattle récolte les fruits de la marijuanatous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Pinault-Arnault : duel aux enchères Oasis-Blur : combat popL’Himalaya de la hainetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Virginie Despentes, la fureur dans le sexe Adèle Haenel, actrice tout-terrain Adrienne Charmet-Alix, au-delà de l’écrantous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Pinault-Arnault : duel aux enchères Oasis-Blur : combat popL’Himalaya de la hainetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique L’Afrique au cœur du grand théâtre du monde Chen Guangbiao, le mégalo Huang Nubo, le « marchand lettré »tous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Oasis-Blur : combat popL’Himalaya de la haine Seattle récolte les fruits de la marijuanatous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique « Rien sur Rawicz » Bal d’imposteurs au pôle Nord Joan Crawford et Bette Davis : les vipères d’Hollywoodtous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Oasis-Blur : combat popL’Himalaya de la haine Seattle récolte les fruits de la marijuanatous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Pinault-Arnault : duel aux enchères Oasis-Blur : combat popL’Himalaya de la hainetous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique « Rien sur Rawicz » Bal d’imposteurs au pôle Nord Joan Crawford et Bette Davis : les vipères d’Hollywoodtous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique « Rien sur Rawicz » Bal d’imposteurs au pôle Nord Joan Crawford et Bette Davis : les vipères d’Hollywoodtous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique « Rien sur Rawicz » Bal d’imposteurs au pôle Nord Joan Crawford et Bette Davis : les vipères d’Hollywoodtous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Christine Angot : « Il n’y a pas de vérité hors de la littérature » Pinault-Arnault : duel aux enchères Oasis-Blur : combat poptous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique « Rien sur Rawicz » Bal d’imposteurs au pôle Nord Joan Crawford et Bette Davis : les vipères d’Hollywoodtous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Virginie Despentes, la fureur dans le sexe Adèle Haenel, actrice tout-terrain Adrienne Charmet-Alix, au-delà de l’écrantous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique L’Afrique au cœur du grand théâtre du monde Chen Guangbiao, le mégalo Huang Nubo, le « marchand lettré »tous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Adèle Haenel, actrice tout-terrain Adrienne Charmet-Alix, au-delà de l’écranXavier Duportet, le défricheur interactiftous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Adèle Haenel, actrice tout-terrain Adrienne Charmet-Alix, au-delà de l’écranXavier Duportet, le défricheur interactiftous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Yoann Bourgeois, l’art du point de suspension Martin Reynaud, l’avocat fiévreuxFabio Quartararo, un motard sans permistous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli 15.07.2015 à 06h44 • Mis à jour le17.07.2015 à 17h57 | Raphaëlle Leyris Plus d’un demi-siècle de silence, et soudain, quel raffut ! Annoncé depuis cinq mois, le deuxième roman d’Harper Lee a été mis en vente le 14 juillet dans sa version originale, cinquante-cinq ans après Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, dont les admirateurs s’étaient résolus à admettre qu’il serait l’unique livre de l’auteure, aujourd’hui âgée de 89 ans. En février, Harper Collins avait fait savoir qu’un inédit avait été retrouvé et qu’il serait publié avec l’accord d’Harper Lee. Go Set a Watchman était présenté comme la matrice et comme la suite de Ne tirez pas… Ayant été écrit avant celui-ci, en 1957, il racontait des événements postérieurs ; son éditeur avait convaincu l’écrivaine de le réécrire en le centrant sur l’enfance de l’héroïne.Lire aussi :Après cinquante-cinq ans de silence, Harper Lee publie son second romanLa publication de Go Set a Watchman a été orchestrée comme un événement planétaire, avec ses 2 millions d’exemplaires imprimés, disponibles dans 70 pays, ses préventes record sur Amazon, lesquelles n’ont pas empêché des scènes de frénésie et de communion aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Irlande. Des librairies ouvrant à minuit, le 14 juillet, envahies de clients voulant acquérir en premier leur exemplaire ; des marathons de lecture débutant sitôt l’ouvrage en vente…Questions autour des conditions de la publicationC’est qu’ils sont rares, les auteurs entourés par une légende à la mesure de celle d’Harper Lee. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, prix Pulitzer 1961, s’est vendu en anglais à quelque 30 millions d’exemplaires, et a été traduit en 40 langues (et adapté au cinéma par Robert Mulligan, avec Gregory Peck). Aux Etats-Unis, il est le roman le plus étudié dans les lycées, et le plus cité, avec la Bible, parmi les ouvrages susceptibles de changer une vie… Chaque année, 30 000 personnes se rendent à Monroeville (Alabama), où est née et vit Harper Lee, pour voir le lieu qui lui a inspiré le village de Maycomb, rendu inoubliable par le récit de la jeune Scout Finch. Son père, Atticus, avocat humaniste dans le Sud raciste des années 1930, défend un homme noir accusé du viol d’une femme blanche ; il est le personnage central de Ne tirez pas…, qui explore la question des rapports de classes et de races, celle du courage, de la transmission, de l’éveil à l’injustice.Dès le week-end, les journaux ont vendu la mèche : dans Go…, on découvre un Atticus Finch très différent du héros autrefois révéré par sa fille et par tant de lecteurs. Agée de 26 ans, la jeune femme, vivant désormais à New York, lui rend visite à Maycomb. Ce séjour est l’occasion d’un dessillement : Atticus, septuagénaire, tient des propos racistes et confie avoir assisté à une réunion du Klu Klux Klan. Une révélation dans laquelle le Daily Mail voit « ce qui peut se faire de pire en matière de scandale littéraire », et dont tous les critiques soulignent à quel point elle est « perturbante ». Mais si le Guardian, qui a consacré au livre un supplément de 16 pages, juge que cette lecture apporte une complexité bienvenue, le New York Times estime que « les personnages déversent des discours de haine » au fil d’une « narration pénible » – « sinueuse », dit le Los Angeles Times, selon lequel le texte montre bien « les promesses » de l’auteure, mais « s’écroule ».Derrière ces critiques mitigées pointent les questions autour des conditions de la publication. En février, l’avocate d’Harper Lee, Tonja B. Carter, affirmait avoir découvert le tapuscrit accroché à celui de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur durant l’été 2014. Le 11 juillet, elle a livré une autre version dans une tribune au Wall Street Journal, où elle explique avoir vu ces pages pour la première fois en 2011, quand un expert vint estimer le prix du manuscrit de Ne tirez pas…, et qu’il trouva au coffre un texte inconnu, dont il ne fut plus question avant que le souvenir n’en revienne à Mme Carter en 2014.Le New York Times souligne les revirements de l’avocate et les contradictions apportées par d’autres témoins. Quant à son allusion à un éventuel autre inédit encore au coffre, elle est accueillie avec suspicion par toute la presse, qui note la concomitance entre le choix de publier Go… et le décès, en novembre 2014, d’Alice Lee, sœur et avocate de l’écrivaine veillant sur ses intérêts depuis toujours… Mais si Harper Lee est âgée, sourde et vit recluse, des proches s’élèvent contre l’idée qu’elle aurait été abusée. Pour se faire une idée en français de la qualité du texte, il faudra attendre le 7 octobre, et sa parution chez Grasset, sous le titre Va et poste une sentinelle, dans une traduction de Pierre Demarty.Raphaëlle LeyrisJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 13.07.2015 à 11h24 | Gaïdz Minassian Voilà une biographie de Mustafa Kemal dit « Atatürk », le père de tous les Turcs, qui ne fera pas plaisir à ses héritiers à Ankara et à ses thuriféraires européens. L’ouvrage de l’historien Fabrice Monnier, spécialiste de l’empire ottoman, propose un portrait sans concession de Mustafa Kemal (1881-1938), le héros de la bataille des Dardanelles en 1915. Sans concession, mais non sans une certaine admiration pour le père de la Turquie moderne, qui a transformé ce vieil Empire ottoman dépecé par les Européens au lendemain de la première guerre mondiale, en une jeune République occidentalisée et laïque, le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique.En France, le gazi (le victorieux) jouit d’une forte réputation auprès de certains milieux intellectuels qui voient en lui l’artisan d’une Turquie orientée vers le progrès, le jacobinisme, les valeurs républicaines, l’Europe et la mise à l’écart de l’islam dans la société. Fabrice Monnier ne nie pas cet héritage des Lumières propre au père de la nation turque. Mais, il sort des sentiers battus d’une histoire officielle turque qui n’a pas vu chez ce « loup gris » – expression éponyme de l’actuel mouvement d’extrême droite turque qui revendique son héritage – le dictateur et l’oppresseur qui sommeillaient en lui. Un personnage pétri de contradictionsTenant compte des travaux les plus récents sur « Atatürk », Fabrice Monnier procède à une histoire critique, grâce à une réévaluation de ce personnage énigmatique hors du commun en restituant sa part d’ombre et la dimension tyrannique de son pouvoir. Chef adulé pour avoir sauvé la nation turque du naufrage, Mustafa Kemal était pétri de contradictions, tantôt ouvert et plein d’empathie avec son entourage, tantôt impitoyable et froid avec son prochain.A lire cette nouvelle biographie, qui s’inscrit dans l’historiographie dissidente de la République turque, Mustafa Kemal passe pour un intouchable, un homme de la démesure dont les frasques successives ont rythmé le règne à Ankara, nouvelle capitale qu’il préfère à Istanbul, trop marquée par l’ancien régime. Il a combattu le califat, la monarchie et l’obscurantisme religieux, tout en se comportant comme un nouveau sultan à la tête de la République et du nationalisme turc. Anecdotes croustillantesFabrice Monnier réussit à retracer l’œuvre magistrale et la complexité d’un homme qui buvait une demi-bouteille de raki par jour tout en étant président, puis « guide » de la République en construction. Rempli d’anecdotes croustillantes et inédites , ce récit biographique a le mérite de la cohérence et de l’unité. Toutes les phases de la vie de ce leader charismatique, de son enfance mouvementée à sa mort en 1938, sont revisitées à la lumière d’une narration fidèle à l’histoire, très loin des clichés et de toutes les entreprises de falsifications du passé turco-ottoman.Les passages sur Kemal et la création d’une bourgeoisie turque, née sur les spoliations des biens grecs et arméniens, et sur les liens étroits noués entre Kemal et Hitler servent à mieux comprendre combien il est illusoire de vouloir changer l’identité d’un peuple par la force, même celle des lois.Atatürk, naissance de la Turquie moderne, Fabrice Monnier, CNRS Editions, 346 pages, 22,50 euros.Lire aussi :Recep Tayyip Erdogan se rêve en « sultan »Gaïdz MinassianJournaliste au MondeSuivreAller sur la page de ce journaliste 10.07.2015 à 06h47 Jean Birnbaum Les vacances s’annoncent à peine mais, sur la route de la rentrée littéraire, c’est déjà le grand chassé-croisé estival. D’un côté, les livres de l’année écoulée. Salvayre, Gauz, Salter, Roudinesco, Carrère, Volodine, Bosc, Ismard, Zenatti, Ellroy, Donner, Selasi, Rolin, ­Adichie… impossible de citer tous les auteurs qui ont marqué l’équipe du « Monde des livres », et dont les ouvrages sont maintenant en chemin vers nos bibliothèques personnelles, toujours prêts à être relus.Lire aussi :Livres. Nos coups de cœur pour l’étéD’un autre côté, des livres à paraître cet automne et qui affluent quotidiennement au journal par dizaines. Moment d’excitation partagée : cartons en cascade, grand déballage, vol plané des prières d’insérer flottant dans les airs avant d’atterrir sur tel ou tel bureau…Au cœur de cet affairement, néanmoins, un certain ­ordre s’ébauche peu à peu sur nos étagères. En bonne place se trouvent les livres que nous avons déjà pu lire. Certains d’entre eux se sont même installés dans la première sélection du Prix littéraire du Monde, qui sera ­ décerné le 9 septembre :Un amour impossible, de Christine Angot (Flammarion);La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet (Grasset);Ce cœur changeant, d’Agnès Desarthe (L'Olivier);Quand le diable sortit de la salle de bain, de Sophie Divry (Notabilia);Boussole, de Mathias Enard (Actes Sud);Les Prépondérants, d’Hédi Kaddour (Gallimard);Sauve qui peut la vie, de Nicole Lapierre (Seuil);La Carte des Mendelssohn, de Diane Meur (Sabine Wespieser);Comme Ulysse, de Lise Charles (POL);D'après une histoire vraie, de Delphine de Vigan (JC Lattès). « J’avais commencé à midi, et il était bien minuit avant que j’aie entrepris les dernières caisses », écrivait le philosophe Walter Benjamin (1892-1940) dans un texte enthousiasmant intitulé Je déballe ma bibliothèque, qui reparaît en poche (Rivages poche, « Petite bibliothèque », 224 p., 9 €). Evoquant quelques-uns de ses livres préférés (un Balzac, des textes pour enfants), il célébrait les joies du classement. Ma bibliothèque n’est pas encore dressée, disait-il, je ne peux pas encore « marcher le long de ses rangées pour les passer en revue, accompagné d’auditeurs amis ». On en est là. Et on a hâte de vous retrouver pour passer en revue ces livres avec vous, chers lecteurs amis. Rendez-vous le 20 août.D’ici là, et dès la semaine prochaine, retrouvez deux pages « Livres » chaque jeudi (daté vendredi) dans la formule estivale du quotidien.Jean BirnbaumJournaliste au Monde, responsable du "Monde des Livres"SuivreAller sur la page de ce journalisteSuivre ce journaliste sur twitter 09.07.2015 à 06h50 • Mis à jour le09.07.2015 à 09h59 | Edouard Launet La Revue des deux mondes fête cet été ses 186 ans, ce qui en fait sans doute la plus vieille revue européenne encore en activité. Ce journal du conservatisme éclairé se flatte d’avoir poursuivi une trajectoire « à distance des adhésions idéologiques dont les bilans désastreux parlent pour eux-mêmes ».Fondée en 1829, célèbre pour avoir accueilli des textes de Sand, Chateaubriand, Nerval, Dumas et autres grandes plumes du temps où elle était le rendez-vous littéraire du pays, la revue fut progressiste à ses débuts, soutenant la monarchie libérale de Louis-Philippe. Elle s’est raidie dès la révolution de 1848, puis n’a cessé d’évoluer vers « des positions politiques de plus en plus conservatrices sur le fond et modérées sur la forme qui la conduiront, par exemple, à une réserve plus que prudente pendant l’affaire Dreyfus, tout comme à se prononcer contre la guerre d’Espagne en 1936 », a naguère analysé Olivier Corpet, fondateur de La ­Revue des revues. Elle compte désormais moins de 5 000 abonnés, contre 40 000 juste avant la Grande Guerre.Pessimisme prophétique et réactionnaireDepuis cinq mois – depuis, exactement, que Valérie Toranian, ancienne directrice du magazine Elle, en a repris les rênes – la revue modérée a pris un drôle de tournant, servant à ses lecteurs des plats particulièrement relevés avec des interventions ou interviews d’Eric Zemmour, Michel Onfray, Michel Houellebecq, Régis Debray : c’est un festin du pessimisme prophétique et réactionnaire. Les couvertures agressives et la mise en scène des dossiers ne font pas dans la dentelle, ­tirant la revue vers la polémique à l’arme lourde. Le virage inquiète plusieurs ­contributeurs : ils y voient une rupture avec le ­patrimoine génétique de la revue.Il est vrai que sont désormais aux commandes deux anciens patrons de la presse magazine. Deux, oui, car Franz-Olivier Giesbert, ancien directeur du Point, compagnon à la ville de Valérie Toranian et ami du propriétaire de la revue Marc ­Ladreit de Lacharrière, a fait irruption en mars au comité de rédaction de façon specta­culaire puisque, aux dires de témoins ­effarés, ce fut pour FOG l’occasion d’une grande bouffée d’anti-intellectualisme ponctuée par ce mot d’ordre : « Il faut arrêter d’en­culer les mouches. » ­Lancée dans l’un des lieux les plus policés du débat ­intellectuel français, la phrase a fait sensation.Quelques attaques ad hominem (le grand islamologue Christian Jambet qualifié de « musulman fanatique » et l’éditeur Bernard ­Condominas de « censeur ») ont contribué à alourdir le climat. Deux membres du ­comité de rédaction se sont inquiétés de cette radicalisation au point de démissionner  : Bernard Condominas et l’écrivaine Edith de la ­Héronnière.Michel Crépu, qui a dirigé la revue pendant quinze ans avant de partir au début de l’année s’occuper de la gallimardienne NRF, craint ainsi que la Revue des deux mondes ne se transforme en « produit de marketing intellectuel ». Pour lui, le fond du problème est celui de la transmission : « La revue de la bourgeoisie ­cultivée française, dont le lecteur modèle était le proustien baron de Norpoix, ­semble avoir été abandonnée par les ­petits-enfants de Norpoix. »Le prophète ZemmourRupture ? Valérie Toranian s’en défend : « Nous voulons refaire de la revue un acteur pertinent et visible du débat d’idées, en phase avec son époque. Or il se trouve que les gens qui ont de l’audience aujourd’hui sont des pessimistes. » Quel degré d’adhésion avec les idées de ces plumes tonitruantes ? Dans le numéro de juin, Franz-Olivier Giesbert laissait poindre une sympathie, écrivant à la suite de l’interview d’Eric Zemmour : « Contrairement à Sartre, Barthes, Badiou, Althusser, il n’a jamais fait l’éloge d’une tyrannie sanguinaire, d’un système totalitaire, des camps de concentration ou de rééducation. » Et l’auteur du Suicide français a pour FOG cette qualité de ne pas être un « intellectuel »,mais un « prophète rongé par un pessimisme compulsif ».C’est d’ailleurs dans cette logique, semble-t-il, que la revue consacre son dossier de juillet-août aux écrivains prophètes avec, au premier rang, Michel Houellebecq. ­Valérie Toranian écrit : « Qu’il s’agisse de l’avenir du monde, de la littérature, des arts, de la technologie, des psychotropes ou de la ­société de consommation, les pensées ­visionnaires de ces auteurs, fruits de leurs doutes et de leurs angoisses, sont un remède à l’engourdissement politique et ­intellectuel. »Peut-être est-ce là la nouvelle idée-force : combattre la vacuité de l’époque par une angoisse radicale et bruyante. Plutôt les prophètes noirs que les penseurs encombrés de nuances. Mais alors, que va-t-il rester de cette ­Revue des deux mondes dans laquelle le narrateur d’A la recherche du temps perdu rêvait d’écrire ?Edouard Launet 08.07.2015 à 17h26 • Mis à jour le10.07.2015 à 17h25 | Pascale Krémer //sas_manager.render(21484); ADVERT_AD(['50270/464684', 21484, '', 'pave_milieu', '']); //sas_manager.render(21483); ADVERT_AD(['50270/464684', 21483, '', 'pave_haut', '']);les derniers articles de la thématique Yoann Bourgeois, l’art du point de suspension Martin Reynaud, l’avocat fiévreuxFabio Quartararo, un motard sans permistous les articles de la thématique En 2013-2014, l’association qu’il a fondée, Lire c’est partir, a vendu 2,2 millions de livres jeunesse à 0,80 € pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie : il édite, imprime puis distribue lui-même dans le circuit scolaire.Vincent Safrat n’a pas le temps de pénétrer dans l’établissement qu’une petite voix l’interpelle. « Vous êtes Lire c’est partir ? » Balle au pied, un gamin faisait le guet derrière les grilles de la cour de récré. Ecole élémentaire Jean-Zay, au milieu des cités, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). C’est ici, entre platanes et tracés de marelles, que l’éditeur installe sa librairie éphémère, en cet après-midi de la fin d’année scolaire.Il extrait d’une camionnette des piles et des piles de caisses qu’il pose sur un diable puis roule, châteaux branlants, jusqu’à son étalage de fortune, avant de les déballer une à une. « Les livres ! Les livres ! » Les enfants s’impatientent. Volettent en essaims autour de lui. Les enseignants doivent faire la police. « Ouste ! On ne va pas mettre des barrières, quand même ! » Houspiller des écoliers trop pressés de lire… La scène paraît irréelle. Vincent Safrat, l’éditeur low cost qui ne connaît pas la crise, mais bien ceux qui la subissent, exerce cette étonnante magie.Lors de l’année scolaire 2013-2014, le quinquagénaire a vendu 2,2 millions de livres jeunesse. Le tour de passe-passe ? Leur prix dérisoire : 80 centimes d’euro pièce. Vincent Safrat a inventé sa propre économie, éditant, imprimant puis distribuant lui-même dans le circuit scolaire. « J’entends dire que c’est dur de faire lire les enfants, qu’ils sont “tout-numérique”, rapporte-t-il. Mais moi, je les vois se jeter sur les bouquins ! Je vis dans un monde de Bisounours. Les gens les plus pauvres peuvent acheter des livres à leurs enfants, qui ont envie de lire. »Il se rêve écrivainIl y a de la candeur chez ce personnage hors du temps, haut en taille et en couleur, qu’on dirait sorti d’un roman. Fantaisie, optimisme et inconscience mêlés. Il lui fallait ce reste d’enfance pour se lancer dans une telle entreprise, lui le rejeton des classes moyennes pavillonnaires de l’Essonne, l’élève médiocre qui ne lisait pas plus loin que Pif Gadget et n’a jamais gratifié de sa présence le préfabriqué de la bibliothèque municipale.Il saute la case baccalauréat, trime de petits en minuscules boulots jusqu’à la révélation : un classique abrégé, L’Education sentimentale, de Flaubert, prenant la poussière sur une étagère. Un an après l’arrêt du lycée, voilà qu’il le lit, en ressort ébahi, au point de plonger dans la littérature du XIXe siècle, ses luttes des classes, ses bourgeois ventripotents. Il se rêve écrivain. Mais convient vite du fait que Flaubert avait plus à dire que lui. Alors ce sera « un truc autour du livre ». Puisqu’il a grandi à 500 mètres de la Grande-Borne, à Grigny (Essonne), et traîné son sac à dos dans les favelas péruviennes, puisque le livre lui a « ouvert les possibles et permis de s’imaginer un futur », il donnera la même chance aux autres. « Lutter contre la misère avec le livre comme moyen d’émancipation. »Le projet est ambitieux. Le démarrage plus modeste. Les mini-livres imprimés maison qu’il tente d’écouler en librairie sont plus souvent volés qu’achetés. Lui vient alors l’idée de récupérer le pilon, ces tonnes d’invendus revenant des librairies et destinées à la destruction. Il sauvera et donnera au porte-à-porte, en Robin des Bois de la lecture pour tous. L’association Lire c’est partir est fondée en 1992 et, pendant un temps, les éditeurs jeunesse se laissent convaincre. Puis ils se lassent du quémandeur de stocks qui leur raconte ses tournées à vélo dans les cités, les portes qui s’ouvrent toujours pour les livres « parce qu’on ne considère pas les gens comme des idiots ».Modèle économique à bas coûtAlors il décide, en 1998, d’éditer lui-même pour vendre à prix coûtant. Le gros imprimeur auquel il s’adresse, Brodard et Taupin, a le bon goût de ne pas demander au RMIste d’acompte pour sa première commande de vingt titres. 400 000 exemplaires à écouler en quatre mois, s’il veut payer à temps. « J’ai passé cinq jours par semaine dans ma camionnette, sur les routes, contacté les inspecteurs de l’Education nationale, la Ligue de l’enseignement, les écoles, les associations de parents d’élèves, les coopératives scolaires… Et je n’ai eu que deux semaines de retard de paiement. »Un circuit de cours de récré, de squares et de salles communales est établi, qui ne cesse de grandir depuis. Il a désormais cinq camionnettes pour sillonner banlieues et campagnes, treize employés et même un salaire (de 1 600 euros mensuels). Depuis 1998, plus de 400 titres ont été publiés, livres de poche ou albums. Quelques classiques tombés dans le domaine public mais, surtout, des auteurs jeunesse qu’on lit aussi sous d’autres bannières éditoriales (Philippe Barbeau, Gudule, Thierry Laval, Roger Judenne…). Bref, « des livres comme les autres », tient-il à défendre. Pas de la sous-littérature pailletée d’hypermarché.Clés de son modèle économique à bas coût, les quantités imprimées et l’absence d’intermédiaires (acheteurs, libraires). Faire imprimer un petit livre de ­poche ou un album souple coûte 25 centimes en moyenne. Auteurs et illustrateurs sont payés au forfait, 1 500 euros à chaque tirage – de 50 000 exemplaires en moyenne, soit dix fois plus que la ­normale. Ce qui n’empêche pas Vincent ­Safrat de crouler sous les manuscrits. Comme sous les sollicitations d’écoles. A 80 centimes l’ouvrage, elles peuvent s’offrir des séries pour les lectures suivies.Car dans les quartiers défavorisés, les coopératives de classes, alimentées par les dons des familles, ont souvent du mal à suivre… Posséder un livre, le ramener chez soi, c’est pouvoir le lire, le relire, le prêter aux copains, « mais beaucoup de familles n’en ont que très peu, témoigne Dominique Favre, institutrice de cours préparatoire à l’école Jean-Zay. En zone d’éducation prioritaire, on sent que les foyers s’appau­vrissent ». Qu’ils considèrent, aussi, la librairie et la bibliothèque, même quasi gratuite, comme d’impressionnants temples de la culture.« Charismatique et entrepreneur efficace »Les élèves des huit classes de l’école approchent tour à tour des tréteaux, piécettes en main. Le temps des hésitations, du premier achat de livre pour certains. Les enseignants doivent guider : « Lis donc ce qui est écrit derrière, pour choisir. » On entend des « J’ai 1,60, je peux en prendre deux ou trois ? », des « Je reviens, j’ai une autre pièce au fond de mon cartable ! » Tous « consomment » sur place, assis à même le bitume rouge ou en brochettes sur les bancs. Les professeurs, qui peinent tant d’habitude à leur faire lire trois lignes, savourent.Les ventes de Lire c’est partir augmentent de 100 000 exemplaires chaque année. Drôle de businessman, Vincent Safrat ne parle pas de bénéfices mais d’« argent en trop ». 200 000 euros durant l’année scolaire 2013-2014. « Un jour, il est venu me voir, l’air désemparé, raconte le romancier Alexandre Jardin, qui l’a intégré dans son mouvement Bleu Blanc ­Zèbre de soutien aux acteurs de changement. Il lui arrivait un désastre. Il faisait du profit ! Je n’ai jamais vu un type aussi profondément passionné par l’édition et désintéressé par l’argent. » La solution trouvée ? Offrir des spectacles théâtraux et des week-ends au vert à ces mêmes enfants dépourvus de livres… Et acheter un petit château, sur une île de l’Essonne. « Il s’y est réservé deux pièces, poursuit Alexandre Jardin. Du coup, il passe son temps entre deux chagrins d’amour parce que ses copines ne supportent pas les hordes de gosses… C’est un personnage invraisemblable ! Il fait le boulot du ministère de la culture sans rien demander, avec une capacité à passer outre les blocages en ­raisonnant autrement. »Un décroissant par nature, qui n’aime rien de ce qui s’achète et « sort des ­conventions, insiste Guillaume Bapst, fondateur de l’ANDES, réseau d’épiceries solidaires dans lesquelles les livres à moins de 1 euro sont proposés. Il n’est ni dans le calcul ni dans le concept. Il combat la ­culture élitiste. » « Un allumé ! Atypique, charismatique et entrepreneur efficace, selon Philippe Moscarola, de la Ligue de l’enseignement de Savoie, qui a monté un prix des écoliers lecteurs d’ouvrages Lire c’est partir. Mais les bibliothécaires le regardent de travers parce qu’ils sont dans la religion des métiers du livre, et qu’il bouscule un peu le circuit. »Prix symboliquesLibraires et éditeurs font contre mauvaise fortune bon cœur. Difficile de dénigrer un chevalier des Arts et des Lettres (sous Frédéric Mitterrand) et une initiative qui met des livres entre les mains des enfants. « C’est tellement compliqué de les attraper, aujourd’hui, que tous les moyens sont bons. S’ils prennent le virus de la lecture, ce sera bénéfique pour tout le monde », espère Guillaume Husson, du Syndicat de la librairie française.A pousser le questionnement, on perçoit néanmoins quelque agacement. « S’il peut entrer dans les écoles, c’est facile », soupire-t-il. Perçue, grâce aux prix symboliques pratiqués, comme une œuvre sociale davantage que comme une maison d’édition, Lire c’est partir a en effet pénétré un univers scolaire d’habitude fermé au commerce. Aux yeux des nombreux inspecteurs de l’Education nationale qui l’ont soutenu dès ses débuts, Vincent ­Safrat n’a rien d’un suppôt du capitalisme.Hélène Wadowski, présidente du groupe jeunesse au Syndicat national de l’édition, regrette, pour sa part, que l’on « évince les libraires qui ont du mal à vivre ». Que l’on évoque « le prix comme frein à l’achat ». « Un livre jeunesse vaut 7 euros en moyenne. Ce n’est rien par rapport à ce que les familles achètent pour les enfants, même en temps de crise. Le véritable frein, c’est de ne pas savoir combien on peut rigoler en lisant. »Roger Judenne, conseiller pédagogique à la retraite, a publié une dizaine d’ouvrages chez Lire c’est partir – et bien d’autres chez Nathan, Flammarion ou Rageot. Son best-seller, Mon père est un gangster, atteint les 300 000 exemplaires vendus. Avec le système Safrat, il n’a pas fait fortune. « Chaque fois que je passe en voiture devant le stade de France, je me dis que mon livre a été lu par trois ou quatre fois le nombre de spectateurs qu’il peut contenir. » Voilà qui suffit à son bonheur. Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.  Pascale Krémer 07.07.2015 à 06h59 Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli Audrey Fournier La tension monte d’un cran entre Airbnb, la plate-forme de location saisonnière entre particuliers, et sa ville natale, San Francisco (Californie), à quelques heures d’une audition au cours de laquelle devrait être présentée, mardi 7 octobre, une proposition d’encadrement de ce type d’activités. Le board of supervisors (organe législatif de la ville de San Francisco) se penchera sur un texte présenté par des acteurs locaux, qui listera plusieurs points permettant de réguler l’activité du site dans la Bay Area (région de Sant Francisco) et de mettre fin à un conflit larvé qui oppose la start-up aux autorités locales. Le texte propose :une légalisation – encadrée – de la location saisonnière entre particuliers, reconnaissant ainsi la  légalité non seulement d’Airbnb mais des plateformes proposant des services similaires... Julien Neuville Dans son nouvel écrin, le musée d'art contemporain accueille une exposition sur la mondialisation. Comme un écho à cette cité cosmopolite et agitée. Pour s'en échapper, rendez-vous, le temps d'une nuit, au milieu de la baie de Biscayne. Le Standard Spa Avec le développement intense du centre-ville historique et les éternels travaux de rénovation de Miami Beach, ce n'est pas le bruit et l'agitation qui manquent. Trouver le calme est devenu tâche complexe, à moins de s'isoler au Standard Spa, situé sur Belle Isle - une des minuscules îles de la baie de Biscayne. Construit en V, l'hôtel renferme un long et paisible jardin tropical, qui s'ouvre sur une superbe piscine (ouverte 24 h/24). Le soir, on dîne à la terrasse du Lido, où le chef Mark Zeitouni propose une cuisine méditerranéenne parfaitement au point, avant de regagner sa chambre avec baignoire sur la terrasse. Le Pérez Art Museum Il fallait au Miami Art Museum une nouvelle maison. Sa collection ne cessait de s'étoffer et ne pouvait pas être exposée dans de bonnes conditions. Le cabinet d'architectes Herzog et de Meuron s'est chargé du projet et a livré un superbe bâtiment sur le front de mer, baigné de soleil et agrémenté d'une terrasse en bois avec vue imprenable sur la baie. À l'intérieur, et jusqu'en août 2015, l'exposition "Global Positionning Systems" met en scène les plus belles pièces du musée, ainsi que des prêts, sur le thème de la globalisation. Ville cosmopolite, au carrefour de l'Amérique centrale, du Sud et du Nord, Miami est l'endroit idéal pour aborder ce sujet. Après "Americana", premier cycle d'exposition qui évoquait la violence corporelle et la consommation, le PAMM confirme son désir louable de présenter ses oeuvres d'art dans un contexte politique, historique et social. Dans quelques mois seront également achevés le Musée de sciences naturelles et le parc public adjacents, faisant de ce petit coin de Miami le carrefour culturel de la ville. Standard Spa Miami Beach, 40 Island Avenue, Miami Beach, FL33139. A partir de 200 $ environ (150 €). www.standardhotels.com/spa-miami-beachPérez Art Museum Miami (PAMM), 1103 Biscayne Boulevard, Miami, FL 33132. Ouvert de 10 h à 18 h du mardi au dimanche, jusqu'à 21 h le jeudi. Entrée adulte : 12 $ (9 €). Enfants et seniors : 8 $ (6 €). www.pamm.orgJulien NeuvilleJournaliste au Monde Lisa Vignoli La 10e édition des Promenades photographiques, dans le Loir-et-Cher, rend hommage à l'oeil des femmes. Une déambulation bucolique entre cèdres centenaires, hortensias et images contemporaines. " On a juste un peu dérangé les amoureux qui roucoulaient", s'amuse Odile Andrieu en dépassant le jeune couple lové sur un banc du parc du château. A moins que la fondatrice du festival des Promenades photographiques de Vendôme ne les ait tout simplement occupés... Car, au lieu de seulement contempler la vue plongeante sur les bras du Loir - ses nénuphars et ses petites maisons bien rangées avec barques à disposition -, les tourtereaux et autres visiteurs se délectent aussi désormais, dans ce jardin en hauteur, de clichés bien loin d'une carte postale sépia du Loir-et-Cher. On peut voir, en levant les yeux, les vestiges de cette ancienne collégiale du château de Vendôme où s'étire, jusqu'au 21 septembre, une exposition de photographies contemporaines. Chaque année, depuis dix ans - dont huit dans cet espace vert de 11 000 mètres carrés aux vingt et une variétés d'hortensias et au cèdre du xixe siècle (qu'elle se verrait bien utiliser comme cimaise) -, Odile Andrieu organise une déambulation en couleur. "Nous avons fait l'ouverture avec des photos de Jean Baudrillard", se souvient la directrice du festival. A l'époque, le sociologue et philosophe français s'étonne lui-même de l'affluence des visiteurs : "Pourquoi les gens se déplacent-ils pour venir voir mes photos ?" Aujourd'hui, Vendôme, ses 900 clichés répartis en 20 expositions dans 8 lieux différents de la ville, attire près de 300 000 visiteurs en moyenne chaque année. Dans ce charmant parc avec vue, les murs de l'ancienne église en pierre accueillent les photos du désert de Mojave de Guillaume Rivière ou celles du périple de 700 kilomètres de Compostelle de Jean-François Bérubé.Mais le coeur de l'exposition se trouve plus bas, à quelques minutes à pied. En quittant les amoureux, on longe la rampe d'accès jusqu'au cloître de Vendôme, où sont réunis les "Instants très simples" et tout aussi touchants de Claude Batho - photographe et mère de l'ex-ministre Delphine Batho -, qui a immortalisé son quotidien en noir et blanc avant de le quitter. Même émotion au manège Rochambeau. Dans les écuries réaménagées avec goût, qui rappellent les ateliers des Rencontres internationales de la photographie à Arles, Dolorès Marat tient son rang d'invitée d'honneur après les photographes William Klein et Sebastiao Salgado. Une poésie diffuse que l'on retrouve dans les autoportraits en couleur de la Française Claire Laude.femme photographe est une photographe comme un autre", exposition aux 10es Promenades photographiques de Vendôme (Loir-et-Cher). Renseignements au 02-54-72-02-47. Jusqu'au 21 septembre. www.promenadesphotographiques.comLisa Vignoli