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Scénario macabre dans les mines chinoises

Le Monde | | Par

Des criminels qui assassinent des mineurs de fond pour toucher de l’argent, c’est le scénario du film « Blind shaft », sorti en 2003. C’est aussi celui qu’avaient élaboré trois hommes qui viennent d’être condamnés à la peine capitale.

Dans la province chinoise du Ningxia, trois hommes ont tué cinq mineurs et extorqué  320 000 euros aux gérants des mines. Ils ont été condamnés à mort.

Le noir ténébreux des mines de charbon du nord de la Chine est la source des scénarios les plus sombres. Dans Blind Shaft, sorti sur les écrans en 2003, le réalisateur Li Yang racontait l’histoire d’un tandem criminel à l’imagination débordante. Les deux hommes poussaient des ouvriers pauvres, qu’ils faisaient passer pour des membres de leur famille, à accepter de travailler avec eux au fond des galeries. Puis ils les tuaient, en simulant un accident, avant de se retourner vers les patrons de la mine pour exiger une indemnisation.

Manifestement, ce scénario a fait des émules. Une affaire à la trame similaire vient d’être jugée devant la cour intermédiaire de Shizuishan, dans la province du Ningxia. Trois hommes, Chang Wentao, Zhou Shikao et Qiao Yanbo, ont été condamnés à la peine capitale pour avoir tué cinq mineurs. Et extorqué l’équivalent de 320 000 euros à des gérants de mines, acculés à payer. Deux autres membres du groupe ont été condamnés à mort avec sursis – une sentence n’existe qu’en Chine et qui peut être commuée en perpétuité après plusieurs années de bonne conduite. Et cinq autres personnes ont été sanctionnées, de trois à quinze ans d’emprisonnement, pour complicité.

La bande annonce de « Blind shaft », de Li Yang (2003)

Ce fait divers intervient alors que Pékin affiche sa volonté de réduire le nombre d’accidents du travail. En 2014, les décès enregistrés dans les mines en Chine sont passés pour la première fois sous la barre du millier (931). Une décennie plus tôt, plus de 6 000 morts étaient constatées chaque année. Depuis 2008, l’Etat fait de réels efforts pour prévenir les coups de grisou, d’abord dans la région du Shanxi, connue pour ses gueules noires. Il mène une politique de concentration des petites mines au sein de grandes entités publiques, censées être plus faciles à superviser. Mais en cas d’accident, les dirigeants des mines, sous pression, acceptent plus facilement de signer des chèques pour que ces événements passent inaperçus.

Une histoire qui se répète

Ces meurtres à la « Blind shaft » ne sont pas les premiers. Quatre personnes ont déjà été condamnées pour avoir tué un homme dans une mine illégale de la région de Pékin en 2009 et fait chanter le patron, qui avait préféré prendre la fuite. Trois autres encore ont été accusées, en 2011 au Zhejiang, d’avoir poussé un travailleur dans le puits d’ascenseur d’une houillère pour obtenir une indemnisation. Ils ont toutefois assuré ne pas avoir été inspirés par le film.

Ce 3 juillet, la Haute Cour populaire de la province du Hebei a aussi confirmé en appel la peine de mort décidée par des juges locaux en août 2014 pour cinq meneurs de gang ayant suivi un plan similaire… Ils étaient parvenus à obtenir 250 000 euros, après avoir tué trois hommes. Dans cette affaire, les victimes étaient de jeunes migrants solitaires, trop pauvres pour se marier. Une complice leur faisait miroiter une union, s’ils acceptaient de descendre à la mine. Une sophistication ajoutée au scénario original de Blind Shaft, cette fois.

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