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« P'tit Quinquin », grande série

Avec son hilarante première série télé, le réalisateur Bruno Dumont, grand habitué du Festival de Cannes, se révèle un maître de la satire policière.

Le Parisien |

Imaginez un duo d'enquêteurs à l'accent bizarre, lancés aux trousses d'un tueur diabolique dans des paysages désolés, où l'on croise de pauvres hères à moitié consanguins. Vous n'êtes pas devant « True Detective », mais... « P'tit Quinquin », la mini-série comique de Bruno Dumont, qui démarre ce soir à 20 h 45 sur Arte.

Quatre épisodes lunaires où les trognes de « Groland » tenteraient de résoudre une enquête criminelle avec un sens du burlesque à la Jacques Tati. Un attelage aussi acrobatique qu'hilarant, comme la Citroën des gendarmes, qui, sous la conduite du malhabile lieutenant Carpentier, semble transformée en monture indomptable.

Et ce n'est pas la moindre étrangeté dans ce royaume de doux dingues, où le commandant n'arrive pas à marcher droit, le curé célèbre des obsèques entre deux fous rires et le grand-père met le couvert en jetant la vaisselle sur la table. Le tout avec des dialogues à la limite du sous-titrage, tant l'accent ch'ti de la plupart des personnages est à coucher dehors.

Le Quinquin du titre ? Un gamin blond à bec-de-lièvre, Lino Ventura de poche à la langue bien pendue (« ça sert à quoi les vacances si on peut pas rien foutre ? ») et à l'abattage suffisant pour tomber sa voisine jolie comme un coeur. Avec sa bande de copains mal fagotés, Quinquin est à l'affût de tout ce qui se trame dans son village du littoral boulonnais. Notamment l'enquête du commandant Van der Weyden, chargé de comprendre qui peut bien semer des morceaux de corps humain dans des cadavres de vache.

On ne soupçonnait pas chez le réalisateur des rugueux « la Vie de Jésus » et « l'Humanité », doublement récompensé à Cannes, un tel génie comique. Et un tel sens de la parodie. Car c'est lorsqu'il dynamite les codes du polar que son « P'tit Quinquin » délivre ses plus grandes déflagrations. Ces gestes, ces procédures vues mille fois à la télévision et au cinéma, mais qui, ici, déraillent systématiquement. Dégainer un gyrophare parce que l'urgence l'impose, mais en oubliant de l'allumer. Faire une roulade de Ninja ratée dans les graviers pendant une prise d'otage. Ou prononcer des sentences sur les scènes de crime d'un air comminatoire : « On est au coeur du mal, là, Carpentier. » « C'est la bête humaine, mon commandant, la bête humaine. » Qu'il est difficile d'avoir de l'autorité et de l'aplomb, quand on est dans l'approximation permanente.

Racisme, handicap, vieillesse indigne, Bruno Dumont s'amuse de tout avec un culot communicatif, où le grotesque ne vire jamais au gras, et où l'enfance semble le seul territoire préservé de la folie. En chemin, il n'oublie aucune de ses marottes : le fil tendu entre réalisme et poésie, la beauté aride du Nord et, surtout, ces comédiens non professionnels chez qui on n'arrive pas à savoir si les tâtonnements sont calculés ou naturels. A la ville, l'interprète de Van der Weyden est jardinier. Ce soir, il sera l'homme le plus drôle de France.

Le Parisien