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En Afghanistan, les satiristes fédèrent un public croissant, suscitant l'ire du pouvoir_1
La satiriste afghane Masouda Khazan Tokhi montre une des caricatures sur laquelle elle travaille chez elle, à Kaboul, le 14 septembre 2015 - Photo de WAKIL KOHSAR - AFP ? 2015 AFPafp logo
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Kaboul (AFP)

Ils rient à la barbe et au nez des chefs de guerre, raillent l'élite et s'amusent des travers de leur société. En Afghanistan, des médias satiriques fédèrent un public croissant, mais suscitent l'ire du pouvoir qui tente de traquer ces humoristes masqués.

Les services secrets afghans ont ainsi arrêté le mois dernier des journalistes soupçonnés d'alimenter le "Kaboul Taxi", une page Facebook satirique qui fait ses choux gras de la corruption et des dysfonctionnements politiques dans ce pays affligé par la guerre.

Ce raid, qui a ironiquement propulsé la popularité de la page, a suscité l'indignation d'internautes réunis sous la bannière "Je suis Kaboul Taxi" et braqué les projecteurs sur une nouvelle génération de satiristes.

Lancée en avril dernier par un Afghan anonyme, la page montre des politiques assis sur la banquette arrière d'un taxi jaune orné du message "la vie est amère et le futur incertain" écrit sur la vitre arrière.

Après de premières parodies sans histoire sur le président Ashraf Ghani et son chef de l'exécutif Abdullah Abdullah, la page s'est attiré les foudres de Hanif Atmar, le puissant conseiller à la Sécurité nationale.

La page montrait M. Atmar avec 27 "enfants" sur le point d'embarquer dans le taxi, une métaphore de son vaste entourage grassement payé et une dénonciation à peine voilée de l'absence de méritocratie dans les nominations gouvernementales.

Les humoristes ont même nommé les membres de son entourage, faisant voir rouge au principal intéressé qui a accusé le "Taxi de Kaboul" de révéler des secrets d'Etat et fait arrêter des journalistes soupçonnés d'être à l'origine de cette page en ascension.

Mais des médias afghans ont défendu ce taxi nommé satire en rappelant que les noms de ces conseillers étaient disponibles sur le portail internet du gouvernement et donc qu'aucun secret d'Etat n'avait été dévoilé.

"Le gouvernement considère la satire comme du terrorisme", pouvait-on lire sur la page du "Kaboul taxi" qui a mystérieusement disparu après la polémique pour réapparaître sans la même verve et sans qu'il puisse être possible de confirmer si les mêmes auteurs étaient aux manettes.

En ligne, la controverse n'a fait qu'accroître la popularité du site originel. "Vous devriez être candidats aux élections", notait un fan sur Facebook. "Le conseil afghan pour la sécurité nationale devrait traquer les kamikazes, pas le chauffeur d'un taxi", ironisait un autre, tandis qu'une vidéo animée postée sur Facebook montrait M. Atmar tenter en vain de mettre la main sur un taxi.

- Chien de garde -

Le boom de la satire politique en Afghanistan, pays gangréné par les attentats, la corruption et le népotisme, s'inscrit dans un mouvement plus large en faveur d'une plus grande transparence de la classe politique.

"Le rôle de la satire en Afghanistan est de mettre la pression sur les personnalités influentes, et en particulier les politiques", explique ainsi le co-fondateur de "Afghan Onion", un site satirique inspiré de "The Onion", la référence en la matière aux Etats-Unis.

"C'est une façon de leur dire: la population vous épie attentivement", ajoute ce satiriste qui sévit aussi en préservant son anonymat, afin de se protéger de possibles menaces ou attaques.

L'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW) a d'ailleurs documenté une hausse de l'intimidation et des attaques contre les médias au cours des deux dernières années en Afghanistan, marquées par le retrait progressif des forces de l'Otan.

Malgré les risques du métier, la satire politique est bien vivante à Kaboul, estime Jalal Noorani, auteur du livre à paraître "L'art de la satire".

"La satire a survécu aux talibans, aux moudjahidines (dans les années 1980, ndlr) et à la guerre civile", explique M. Noorani. "Vous pouvez tenter de restreindre les (libertés des) satiristes, de les emprisonner même, mais vous ne pouvez endiguer le flot de satires", dit-il.

- L'âge d'or de la satire -

La période postérieure à la chute des talibans, au pouvoir de 1996 à 2001, "marque l'âge d'or de la satire avec une nouvelle génération, plus brillante et moins peureuse" que les précédentes, ajoute celui qui avait aussi sévi dans sa jeunesse, à la fin des années 1960.

Pour le co-fondateur de "l'Oignon afghan", créer un site satirique en Afghanistan relève d'un "risque calculé".

Editrice du mensuel satirique "Achar Kharboza", le "melon au vinaigre", Masouda Khazan Tokhi dit, elle, avoir reçu des menaces pour de banales histoires sur les choix vestimentaires des politiques.

Malgré ces menaces, et après avoir publié pendant deux ans son mensuel en dari sans divulguer son nom, elle a finalement décidé le mois dernier de passer de l'ombre à la lumière et de révéler son identité. "Chers amis, vous savez désormais, quant aux ennemis, faites bien attention", a-t-elle écrit dans une sorte de "coming-out" de satiriste.

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