Présidentielle 2012

L'humour qualifié pour le second tour

Le Monde | • Mis à jour le | Par

POUR LES HUMORISTES AUSSI, la campagne touche à sa fin. nombre d'entre eux, et pas des moindres, feront du 6 mai leur soirée électorale, face au public. dans des théâtres transformés en QG improvisés, Christophe Alévêque, stéphane Guillon, Marc Jolivet ou didier Porte font salle comble depuis plusieurs mois. Passée de mode dans les années 1980 et 1990, longtemps jugée ringarde, la satire politique retrouve des accents militants et son succès d'autrefois. Nicolas Sarkozy, par ses excès et ses faux pas en tout genre, a stimulé autant l'imagination que les zygomatiques. Résultat, on se croirait presque en 1981, année où Coluche s'exclamait : "Jusqu'à présent, la France est coupée en deux. Avec moi, elle sera pliée en quatre !"

A l'époque, Guy Bedos tenait meeting à Bobino et jurait qu'il n'en sortirait que lorsque Valéry Giscard d'Estaing quitterait sa fonction. Son ultime représentation eut lieu le soir du 10 mai, avec jonchées de roses et admirateurs en liesse. Stéphane Guillon, qui se présente comme son fils spirituel, a intitulé son spectacle donné à l'Olympia jusqu'au soir du deuxième tour En mai 2012, Stéphane Guillon s'en va aussi. Une allusion à l'actuel président jugée trop explicite par la RATP qui a refusé de placarder ses affiches dans le métro.

Au Théâtre du Rond-Point, Christophe Alévêque privilégie, lui, la caricature outrancière. Super Rebelle débarque sur scène sous une pluie de confettis et de bulletins de vote cependant que des complices distribuent des billets de 500 euros à l'effigie du président qualifié de "Zébulon". "Ce que je vais faire ? Tout comme eux, mais en pire." Super Rebelle, c'est un super-héros populiste qui entend siphonner des voix à l'extrême droite.

Au soir du 6 mai, un écran affichera sur scène les résultats en direct. Même réactivité à chaud chez Marc Jolivet. L'"écolo désabusé" donne du lustre, salle Gaveau, à la tradition des chansonniers en proposant deux spectacles différents Premier tour et Second tour coécrits avec des plumes de bords politiques opposés : le patron de L'Express, Christophe Barbier, le psychanalyste Gérard Miller et le communicant Claude Posternak. Un vrai gouvernement d'unité nationale. "C'est une façon de résister à l'emprise capitaliste de cette crise", explique l'humoriste qui fut, en 1986, candidat malheureux à la mairie du Ve arrondissement, à Paris.

AU CONTRAIRE DU PROCHAIN PRÉSIDENT ÉLU, promis à quelques semaines d'état de grâce, ces humoristes redoutent d'éprouver une déprime passagère au lendemain du deuxième tour. "Cinq ans que la droite nous offre un tel spectacle, mélange de gaffes, d'excès, de dérapages, d'affaires, écrivait récemment Stéphane Guillon dans Libération. Nous avons bénéficié d'une telle matière pour rire et faire rire... Alors, soudain, j'ai peur de me retrouver sans rien, désœuvré, démuni." Pas de quoi s'inquiéter.