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Félonies dans les coulisses du pouvoir

Le Monde | • Mis à jour le | Par

Kad Merad (Philippe Rickwaert).

Même si les producteurs indiquent que « toute ressemblance avec des faits ou des personnages existants est fortuite », personne ne sera dupe. La nouvelle série « Baron noir » (8 x 52 minutes), que tourne actuellement le réalisateur Ziad Doueiri pour Canal+, est une plongée sans concessions dans les coulisses de la politique française, inspirée par de nombreuses affaires pas très ragoûtantes qui, depuis des années, secouent les grands partis de droite et de gauche. Chacun y reconnaîtra, ici ou là, les hommes et femmes politiques qui, au lieu d’alimenter le débat d’idées, défraient à rythme régulier la chronique judiciaire.

En matière de scandales, corruption, rivalités personnelles et trahisons, on aurait pu s’attendre à ce que les auteurs de la série puisent leur inspiration du côté des Hauts-de-Seine ou de la Côte d’Azur. Mais c’est dans le Nord, terre militante et de tradition socialiste qui glisse doucement dans les bras du Front national, qu’ils ont choisi d’installer leur intrigue et leurs personnages.

Une histoire qui raconte de manière ultraréaliste l’épopée politique du député et maire de Dunkerque, Philippe Rickwaert (Kad Merad), un ancien ouvrier ayant saisi l’ascenseur social à travers la politique, qui, lors de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle, est sacrifié par son mentor Francis Laugier (Niels Arestrup), le candidat victorieux de la gauche.

Porté par une soif de vengeance implacable, Rickwaert va s’allier avec Amélie Dorendeu (Anna Mouglalis), porte-parole et conseillère de son ennemi. Comme toujours en politique, la fin justifiera les moyens, même s’il faut aller braconner sur les routes du grand banditisme et se rendre dans les arrière-cours de quelques flics ripoux.

Ne pas surfer sur le populisme

Tournée à Paris et dans la région Nord, cette histoire a été puisée aux meilleures sources par les deux auteurs, Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon, qui se sont rencontrés en 2007 sur un projet de série politique pour Canal+, « La Présidentielle », finalement abandonnée par la chaîne. Ils se sont retrouvés ensuite pour travailler ensemble sur des séries ou des projets à dimension politique comme le film 16 ans ou presque, une satire de la gauche morale, ou « Les Lascars ».

Ex-militant du Parti socialiste dans l’Essonne, fief politique de Julien Dray et de Malek Boutih qui y ont fondé la Gauche socialiste avec Jean-Luc Mélenchon dans les années 1980, Eric Benzekri a participé à de nombreuses campagnes électorales avant d’être la « plume politique » de quelques députés. Pendant des années, il a vu de près les ambitions, les trahisons, le cynisme, le machiavélisme des baronnies pour « tuer » un rival et les magouilles qui permettent de financer les courants politiques. Pourtant, pas question pour les auteurs, qui disent « aimer passionnément la politique », de surfer sur le populisme ambiant.

La série, qui arrive après « Les Hommes de l’ombre », racontant comment les communicants fabriquent une candidate à l’élection présidentielle (diffusée en 2012 sur France 2), a été imaginée comme un contrechamp au cynisme de « House of Cards » et à l’idéalisme de « The West Wing » (« A la Maison Blanche »), les deux séries à succès sur la vie politique américaine. « Même si “Baron noir” décortique la déliquescence du système, nous avons glissé beaucoup de notes optimistes en montrant que si le mal se nichait dans le bien, l’inverse était aussi possible », avance Jean-Baptiste Delafon. « Baron noir se confronte surtout au réel », insiste Eric Benzekri, qui confie avoir pris comme modèle « Les Soprano », la très réaliste série américaine qui raconte par le menu la vie d’un clan mafieux à New York… « Au cours de mes nombreuses années de militantisme, j’ai pu observer de près que les courants politiques se structurent quasiment comme des gangs », pointe-t-il.

« Le rôle m’a tout de suite excité », assure Kad Merad qui se déclare pourtant « apolitique ». « Dans la vie, je me laisse séduire plus par les personnes que par les idées », poursuit-il en citant François Hollande« un homme proche, simple et normal » –, qui l’avait invité lors d’un voyage officiel en Algérie en 2012. « Bien sûr, les affaires ne servent pas la politique mais, aujourd’hui, c’est surtout la menace du Front national qui me fait flipper », dit-il, en souhaitant que cette série fasse « réfléchir » les Français.

L’acteur devrait le vérifier au cours de l’année 2016 lorsque Canal+ diffusera la série, juste quelques mois avant la véritable élection présidentielle.