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En Afghanistan, les satiristes fédèrent un public croissant, suscitant l'ire
du pouvoir



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En Afghanistan, les satiristes fédèrent un public croissant, suscitant
l'ire du pouvoir_1
La satiriste afghane Masouda Khazan Tokhi montre une des caricatures
sur laquelle elle travaille chez elle, à Kaboul, le 14 septembre 2015 -
Photo de WAKIL KOHSAR - AFP ? 2015 AFP afp logo


Ils rient à la barbe et au nez des chefs de guerre, raillent l'élite et
s'amusent des travers de leur société. En Afghanistan, des médias
satiriques fédèrent un public croissant, mais suscitent l'ire du
pouvoir qui tente de traquer ces humoristes masqués.

Les services secrets afghans ont ainsi arrêté le mois dernier des
journalistes soupçonnés d'alimenter le "Kaboul Taxi", une page Facebook
satirique qui fait ses choux gras de la corruption et des
dysfonctionnements politiques dans ce pays affligé par la guerre.



suscité l'indignation d'internautes réunis sous la bannière "Je suis
Kaboul Taxi" et braqué les projecteurs sur une nouvelle génération de
satiristes.

Lancée en avril dernier par un Afghan anonyme, la page montre des


d'être à l'origine de cette page en ascension.

Mais des médias afghans ont défendu ce taxi nommé satire en rappelant
que les noms de ces conseillers étaient disponibles sur le portail
internet du gouvernement et donc qu'aucun secret d'Etat n'avait été
dévoilé.

"Le gouvernement considère la satire comme du terrorisme", pouvait-on
lire sur la page du "Kaboul taxi" qui a mystérieusement disparu après
la polémique pour réapparaître sans la même verve et sans qu'il puisse


- Chien de garde -

Le boom de la satire politique en Afghanistan, pays gangréné par les
attentats, la corruption et le népotisme, s'inscrit dans un mouvement
plus large en faveur d'une plus grande transparence de la classe
politique.

"Le rôle de la satire en Afghanistan est de mettre la pression sur les
personnalités influentes, et en particulier les politiques", explique
ainsi le co-fondateur de "Afghan Onion", un site satirique inspiré de
"The Onion", la référence en la matière aux Etats-Unis.

"C'est une façon de leur dire: la population vous épie attentivement",
ajoute ce satiriste qui sévit aussi en préservant son anonymat, afin de
se protéger de possibles menaces ou attaques.



Afghanistan, marquées par le retrait progressif des forces de l'Otan.

Malgré les risques du métier, la satire politique est bien vivante à
Kaboul, estime Jalal Noorani, auteur du livre à paraître "L'art de la
satire".

"La satire a survécu aux talibans, aux moudjahidines (dans les années
1980, ndlr) et à la guerre civile", explique M. Noorani. "Vous pouvez
tenter de restreindre les (libertés des) satiristes, de les emprisonner
même, mais vous ne pouvez endiguer le flot de satires", dit-il.

- L'âge d'or de la satire -

La période postérieure à la chute des talibans, au pouvoir de 1996 à
2001, "marque l'âge d'or de la satire avec une nouvelle génération,
plus brillante et moins peureuse" que les précédentes, ajoute celui qui
avait aussi sévi dans sa jeunesse, à la fin des années 1960.

Pour le co-fondateur de "l'Oignon afghan", créer un site satirique en
Afghanistan relève d'un "risque calculé".

Editrice du mensuel satirique "Achar Kharboza", le "melon au vinaigre",
Masouda Khazan Tokhi dit, elle, avoir reçu des menaces pour de banales
histoires sur les choix vestimentaires des politiques.


dernier de passer de l'ombre à la lumière et de révéler son identité.
"Chers amis, vous savez désormais, quant aux ennemis, faites bien
attention", a-t-elle écrit dans une sorte de "coming-out" de satiriste.
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