Le tueur en série présumé Michel Fourniret est brutalement revenu sur sa décision de s'exprimer sur les faits, vendredi aux assises des Ardennes, ce qui a entraîné un bref boycott "symbolique" du procès par les familles des victimes.
Le tueur en série présumé Michel Fourniret est brutalement revenu sur sa décision de s'exprimer sur les faits, vendredi aux assises des Ardennes, ce qui a entraîné un bref boycott "symbolique" du procès par les familles des victimes. - Francois Nascimbeni AFP

A Charleville-Mézières, Bastien Bonnefous

Le tueur en série présumé a continué vendredi matin à s'exprimer sur cinq autres meurtres, devant la cour d'assises de Charleville-Mézières. De nombreux experts ont également été entendus. Sur place, «20 Minutes» vous a fait vivre cette journée en direct.

17h30.
L'audience reprend avec l'audition de l'experte psychologue Corinne Prouvost. Elle confirme le "souci de toute puissance" amplifié par "la jouissance de faire souffrir l'autre" chez Michel Fourniret.

17h.
La cour suspend l'audience pour une pause d'une trentaine de minutes.

16h35.
L'expert Jean-Luc Ploye raconte que durant un entretien, alors qu'il regardait les mains très larges de Michel Fourniret, le tueur lui avait dit : "vous savez que je peux vous étrangler avec ces mains". Francis Nachbar, l'avocat général, lui demande alors : "et vous avez eu peur?". Réponse : "Oui, malgré 25 ans de métier, j'ai eu peur, et Michel Fourniret l'a bien senti, c'est ça le pire".

16h15.
L'avocat Paul Lombard revient à la charge. "Quelle trace vous allez laisser?", demande-t-il à Michel Fourniret. L'accusé se lève et pour quelques secondes, sort de son silence. "Je ne crois pas, maître, que l'importance de ce procès soit cette question-là, le sort de l'accusé… le sort du coupable. Ce qui est important, c'est les familles", lâche-t-il. "Alors, répondez pour ces familles!", réplique Me Lombard. "Je n'ai pas pris une décision à la légère et je m'y tiens", assène Fourniret. Qui retombe dans le silence. Depuis deux mois, on a le sentiment d'avoir vécu cette scène des dizaines de fois déjà.

16h05.
"Alors, on parle trop de lui?", plaisante le président de la cour Gilles Latapie, qui interpelle aussitôt Michel Fourniret. "Si je pouvais parler, je le ferais, monsieur le président", répond sans surprise le tueur en série. "Dans ce cas-là, asseyez-vous et taisez-vous", réplique le président.

16h.
Le psychologue Jean-Luc Ploye répète avec des mots différents le diagnostic de son confrère Philippe Herbelot. "Michel Fourniret est un pervers narcissique. Dans la typologie des pervers, c'est le summum. On ne peut pas faire pire". Il rappelle qu'en entretien, Michel Fourniret lui avait dit que les familles de victimes devraient le remercier, "parce qu'en tuant leurs enfants, il a écourté leurs souffrances".

15h05.
L'expert estime que l'on devient Michel Fourniret. "Si le modèle paternel n'avait pas été aussi pathétique, Michel Fourniret n'aurait peut-être pas été Michel Fourniret", explique-t-il, précisant que "si son père avait été un modèle non discrédité par la mère et par l'alcool, Michel Fourniret aurait pu être un type bien, même si un peu rigide". Un peu plus tôt, il avait amusé ou inquiété la cour, c'est selon, en déclarant qu'"un destin possible pour Fourniret aurait pu être curé ou militaire, c'est-à-dire quelque chose qui l'aurait tenu, un milieu qui aurait contenu ses pulsions narcissiques".

14h45.
Philippe Herbelot évoque la période de dix années, entre 1990 et 2000, durant laquelle aucun crime connu n'est reproché à ce jour à Fourniret. L'expert ne croit pas à une pause criminelle du tueur en série. "Mon hypothèse est qu'il y aurait eu d'autres crimes pendant cette période; ou des crimes ratés aux yeux de Fourniret, ou des crimes encore plus horribles que ceux qui sont connus, et qu'il n'assume pas". Dans cet ordre d'idée, le psychologue ajoute que "Monique Olivier cache des choses" liées à cette décennie sans crimes recensés.

14h15.
L'expert affirme que "Michel Fourniret n'est pas curable". "Il aura toujours envie de se montrer plus fort que les autres", estime-t-il. Il revient sur l'incident de ce matin : "son narcissisme est toujours actif, on l'a vu ce matin, il ne supporte pas qu'un autre soit plus fort que lui". L'expert estime également que "la cour s'est fait berner par Michel Fourniret" quand il a promis de parler. "Il a dit à la cour ce qu'il disait à ses victimes. Il forçait ses victimes à lui dire "demandez moi poliment de vous faire l'amour". De la même manière, il a dit à la cour : "demandez moi poliment de parler".

14h05.
Concernant Monique Olivier, l'expert estime qu'elle est "sa première victime, mais elle, elle est consentante". Il en parle comme de la "muse" de Fourniret qui lui permet d'assouvir "ses pulsions narcissiques" et "sa mégalomanie". "Elle est son faire-valoir, son miroir en quelque sorte."

14h.
Philippe Herbelot estime que le mythe de la virginité, avancé par Fourniret pour expliquer ses crimes, est "du pipeau, de la foutaise". "La motivation de Michel Fourniret n'est pas sexuelle, c'est le sentiment de toute-puissance narcissique vis-à-vis des victimes, de leurs familles, et plus globalement de toute la société".

13h50.
L'expert explique que pour Fourniret, "il y a deux types de femmes : la Vierge Marie d'un côté, et les autres, qu'il considère comme des putains". Il estime que "dès l'adolescence, le sujet Fourniret est posé, avec d'un côté un fonctionnement narcissique, être toujours le plus fort, être toujours celui qui agresse; et un fonctionnement obsessionnel, qui explique son goût de la manipulation, de la tromperie, de la dissimulation, du contrôle".

13h45.
La cour écoute la déposition du psychologue Philippe Herbelot, qui a examiné Michel Fourniret en prison. Il raconte notamment que lors de leurs entretiens, le tueur en série lui avait déclaré : "je sais que je suis différent de la norme, mais c'est la norme qui n'est pas normale".

13H35.
Audience décidément mouvementée aujourd'hui. Alors que le procès a repris devant la cour, les familles de victimes convoquent la presse dans le hall du tribunal pour annoncer qu'elles quittent les débats durant une demie-heure, en réaction au nouveau mutisme de Michel Fourniret. "C'est une mesure symbolique. Puisqu'il a choisi de ne plus parler, ce n'est pas la peine qu'on soit là, explique Jean-Pierre Laville. Toutes les familles ont donc décidé de quitter le procès un certain temps. C'est un choix unanime". Jean-Pierre Leroy, le père de Fabienne Leroy, ajoute que "le seul responsable de cette situation, c'est Fourniret, personne d'autre".

13h30. Reprise de l'audience.
Le président Latapie rejette l'incidence soulevée par la défense de Monique Olivier contre Jean-Luc Ploye, un des experts censés déposer cet après-midi. Ce psychologue avait donné une interview à la radio avant le procès, outrepassant ses droits selon la défense. La cour décide finalement qu'il pourra déposer.

11h35.
Michel Fourniret refusant toujours de parler, le président Latapie lève l'audience pour ce matin. Reprise prévue à 13h15.

11h30. Marie-Jeanne Laville s'emporte face à Fourniret.
"Vous jouez une comédie vis-à-vis des familles. La vérité, c'est que vous avez décidé de vous taire par peur de trop en dire", lui lance-t-elle.

11h25. Jean-Pierre Laville, père d'Isabelle, prend le relais.
"Monsieur Fourniret, vous avez promis à votre fille de parler. Vous avez perdu deux enfants, est-ce qu'aujourd'hui, vous êtes prêt à perdre un troisième enfant? Vous lui avez promis de parler!". "Je vous ai entendu, monsieur", dit simplement Fourniret.

11h20. La mère de Mananya Thumpong, une des victimes de Fourniret, lui demande de parler.
"Madame, je souhaitais un dialogue avec les familles, avec vous. J'ai pris une position, je suis revenu dessus, je le regrette profondément. Les avocats n'ont pas d'importance, les familles si, libre cours à vos insultes que je mérite, mais je ne répondrais plus à vos questions", déclare Fourniret.

11h05.
La plupart des avocats des parties civiles s'adressent un à un à Fourniret pour le faire parler, certains sur le ton de la menace, d'autres sur celui de l'émotion. En vain à chaque fois.

11h.
C'est au tour de Monique Olivier de se taire. Pressée de questions par Paul Lombard sur les lettres qu'elle envoyait à Fourniret en prison alors qu'il lui décrivait leur futur pacte criminel, elle répète plusieurs fois : "j'ai déjà répondu à ces questions, ce n'est pas mon tour de parler". "Le silence est contagieux madame", réplique Lombard, qui "tend une perche à Fourniret". "Monsieur, si Monique Olivier n'avait pas fait la toilette intime d'Elisabeth Brichet, n'auriez-vous pas un crime de moins sur la conscience?". Fourniret refuse toujours de répondre. "Vous avez tort, vraiment vous avez tort, monsieur", regrette Lombard, citant Baudelaire : "je ne suis pas arrivé à signer le silence".

10h55.
Paul Lombard, avocat de la famille d'Elisabeth Brichet, s'adresse à Fourniret, face à face. "C'est un homme comme vous qui s'adresse à un autre homme qui est sorti ô combien des normes, et qui lui dit : "retournez dans la communauté"". Fourniret ne bronche pas.

10h50.
L'avocat Gérard Chemla exhorte longuement Fourniret à parler. "Chemla, j'entends, je sais parfois écouter, même si Me Lombard (avocat de la partie civile, star du barreau) dont j'ai admiré la première intervention hier, me le demandait, je n'aurais pas eu d'autre choix que d'interrompre le processus", lui répond Fourniret. Chemla reprend : "comme d'habitude, vous jouez avec nous, on est le yoyo au bout de votre main".

10h45.
L'audience reprend. Le président Gilles Latapie s'adresse à Michel Fourniret : "monsieur Fourniret, d'autres familles attendent, on ne va pas se mettre à jouer, je ne vais pas vous supplier. Alors, vous allez vous arrêter au milieu du guet?". Fourniret se lève : "oui, je m'arrête au milieu du guet". Bruits dans la salle.

10h25. Le président suspend l'audience pour que Fourniret réfléchisse à sa décision de se taire.

10h20. Fourniret retourne dans sa coquille.
Nouveau coup de théâtre au procès. L'avocat général, Francis Nachbar, revient sur les insultes de Michel Fourniret envers Didier Seban, et les lui reproche. Vexé, Fourniret répond : "je vous garantis l'absence de tout écart de langage, j'ai voulu reprendre la parole, j'ai toutes les raisons de le regretter donc je reprends ma parole". Fourniret s'assoit, croise les bras, et ne répond plus aux questions, comme durant les premières semaines du procès.

10h10.
Encore un autre souvenir de Fourniret contre son épouse. "Au lendemain de l'enlèvement d'Elisabeth Brichet (en décembre 1989), j'ai dû lui raconter le déroulement du fiasco, elle a eu cette réflexion, ce jaillissement verbal : "Tu ne devrais pas leur parler"", raconte Fourniret. Monique Olivier a une moue d'incompréhension. Fourniret précise, s'adressant à son épouse : "quand la personne est en face de vous, une personne dont on entend la voix, qui me parlait, c'est un autre monde, c'est un être humain… les fantasmes nés à 100 mètres de distance n'existaient plus. Je t'ai parlé de ça, et avec le même détachement que si tu mâchais du chewing-gum, tu me l'as dit : "tu ne devrais pas leur parler". Monique Olivier nie de nouveau. "Je crois que je vais m'écrouler de stupéfaction", réplique Fourniret.

10h05.
Après cet incident d'audience, Michel Fourniret continue ses révélations contre Monique Olivier. Il affirme qu'elle lui aurait dit en voyant Jeanne-Marie Desramault : "c'est facile à embarquer". Dans le même temps, il ajoute que la jeune femme "n'a été victime d'aucune action de Monique". Chaud et froid en permanence. Interrogée, Monique Olivier nie tout. "J'ai pas dit c'est facile à embarquer, je ne l'ai pas regardé étrangler."

10h.
"Est-il possible de réagir?", demande Michel Fourniret à la fin de la prise de parole de Didier Seban. Le tueur en série commence alors à s'embarquer dans un comparatif entre les plaques d'immatriculation belges et françaises. Didier Seban l'interrompt : "vous vous moquez des familles, Michel Fourniret". L'accusé tonne : "écoutez Seban, c'est pas une loque émotive comme moi qui va se laisser impressionner par une petite merde d'avocat! Je suis en train de parler de l'essentiel."

9H40. Début d'audience mouvementé.
Didier Seban, avocat de la famille de Jeanne-Marie Desramault, 21 ans, assassinée le 18 mars 1989, prend la parole. Pendant de longues minutes, il va raconter son calvaire. Comment Michel Fourniret et Monique Olivier ont séduit cette jeune femme très croyante, en se faisant passer pour un couple modèle avec un enfant sous de faux prénoms, Paul et Pierrette. A deux reprises, le couple a rencontré Jeanne-Marie pour la mettre en confiance. Puis le 18 mars 1989, invitée chez eux à Floing, "la mise à mort est lancée". "Un couple avec enfant, qui pourrait penser que la mort est au bout du chemin?", déclare Didier Seban. Jeanne-Marie mourra étranglée par Fourniret, sous les yeux de Monique Olivier qui lui a entouré les jambes de sparadrap.

9h30. Début prévu de l'audience.
Hier matin, Michel Fourniret est revenu sur ses deux premiers meurtres présumés, ceux d'Isabelle Laville et de Fabienne Leroy, parfois de manière provocatrice. Ce matin, il doit poursuivre ses confessions à la cour, en évoquant les assassinats de Jeanne-Marie Desramault, Elisabeth Brichet, Natacha Denais, Céline Saison, et Manyana Thumpong. Audience éprouvante pour les familles en perspective.