Société

Révisions de procès : les onze erreurs judiciaires reconnues... et les autres

Le Monde | • Mis à jour le | Par

Christian Iacono, qui clame son innocence, a été condamné pour des viols répétés sur son petit-fils, entre 1996 et 1999, lorsque l'enfant était âgé de 5 à 8 ans.

A l'issue de son procès en révision devant la cour d'assises du Rhône, Christian Iacono a été acquitté mercredi 25 mars. L'ancien maire de Vence (Alpes-Maritimes) avait été condamné en 2009 pour le viol de son petit-fils durant deux ans à la fin des années 1990. Le jeune homme est revenu sur ses accusations en 2011 et a avoué avoir « inconsciemment menti », influencé par des conflits entre son père et son grand-père. Le 18 février 2014, la cour de révision a annulé la condamnation de l'ancien élu, qui a passé onze mois en prison.

Christian Iacono est ainsi devenu le onzième justiciable réhabilité sous la VRépublique. Jusqu'à présent, les révisions de condamnations ayant abouti à des acquittements restent tout à fait exceptionnelles. En effet, la procédure a longtemps été complexe, avant qu'une loi votée en février 2014 simplifie les procédures de révision pénale. A contrario, plusieurs condamnés célèbres ayant clamé leur innocence n'ont pas pu être innocentés.

Lire l'enquête de M le magazine : « Sur le banc des acquittés »

Dix autres réhabilitations

  • 2014 : Abdelkader Azzimani et Abderrahim El-Jabri
Abdelkader Azzimani, mercredi devant la Cour de révision.

La cour de révision a annulé le 15 mai 2013 la condamnation de deux Marocains à vingt ans de prison pour le meurtre d'un dealer en décembre 1997 à Lunel. En 2011, le revirement d'un témoin et la découverte de traces d'ADN ont orienté la justice sur deux autres suspects, qui ont été condamnés dans cette affaire. Abdelkader Azzimani, 47 ans, et Abderrahim El-Jabri, 46 ans, ont été acquittés à l'issue de leur procès en révision le 3 juillet 2014 devant la cour d'assises du Gard.

>> Lire le compte-rendu : Azzimani et El Jabri réhabilités malgré un ultime rebondissement

  • 2012 : Marc Machin
Marc Machin devant la chambre criminelle de la Cour de cassation siégeant comme Cour de révision le 2 mars 2010 au palais de justice de Paris.

Accusé d'avoir poignardé Marie-Agnès Bedot en 2001 sous le pont de Neuilly, le jeune homme de 19 ans est condamné et incarcéré. En 2008, un SDF avoue le meurtre, et Marc Machin sort de prison. il faudra attendre 2010 pour que la cour de révision annule sa condamnation, et encore deux ans de plus pour qu'il soit réhabilité.

Lire l'enquête (en éditions abonnés) : Marc Machin, épilogue d'un « désastre » judiciaire

  • 2011 : Loïc Sécher
Loïc Sécher au Palais de justice de Paris, le 20 juin 2011.

Fin 2000, une adolescente de 14 ans accuse Loïc Sécher de viols et agressions sexuelles. Il est condamné en 2003 à seize ans de réclusion. Mais en 2008, la jeune femme avoue avoir menti. Après un procès en révision, il est innocenté et obtient près de 800 000 euros de dédommagement.

Lire : Le procès Loïc Sécher ou le troublant mécanisme de l'erreur judiciaire

  • 2002 : Patrick Dils
Patrick Dils à sa sortie de prison le 24 avril 2002.

Accusé d'avoir tué deux enfants à Montigny-les-metz, l'apprenti cuisinier devient, à 19 ans, le plus jeune condamné à perpétuité en 1989. En 1998, la présence sur le lieu du crime du tueur en série Francis Heaulme est prouvée. Il faudra trois recours en révision pour innocenter Patrick Dils. Quand il sort de prison, à 31 ans, il a passé la moitié de sa vie derrière les barreaux.

  • 1999 : Rida Daalouche
Libéré en 1997, Rida Daalouche retrouve sa famille à Marseille.

Ce Tunisien est condamné à quatorze ans de prison pour le meurtre d'un dealer dans un bar de Marseille en 1991. Ses proches parviennent à prouver en 1997 qu'il était en cours de désintoxication au moment des faits. Il est alors libéré puis acquitté en 1999, mais la justice refuse de l'indemniser.

Lire aussi (en édition abonnés) : Rejugé pour meurtre, Rida Daalouche a été acquitté par les assises de l'Hérault

  • 1985 : Guy Mauvillain
Guy Mauvillain, qui a bénéficié d'une suspension de peine, avec sa femme en 1981.

Condamné pour le meurtre d'une vieille dame à dix-huit ans de réclusion en 1975, l'accusé nie. Le procès a été expéditif : pas d'arme retrouvée, pas d'autopsie du corps. Après deux recours refusés, un nouveau procès est ouvert. Soutenu par plusieurs personnalités, dont Haroun Tazieff et Yves Montant, il est acquitté en 1985.

  • 1985 : Roland Agret
Roland Agret en 2011, lors de l'examen de la requête en révision de Dany Leprince.

Condamné à quinze ans de réclusion en 1973 pour l'assassinat d'un garagiste, il ne cesse de clamer son innocence : il se lance dans une grève de la faim, escalade le toit de sa prison et va même jusqu'à se couper deux doigts en protestation. Il obtient la révision de son procès et son acquittement en 1985. Depuis, il a fondé une association, Action justice, destinée à épauler des victimes d'erreurs judiciaires. En 2006, il se tire une balle dans le pied pour réclamer une indemnisation.

  • 1969 : Jean-Marie Deveaux
Jean-Marie Deveaux, à gauche, aux côtés de son avocat lors de son acquittement en 1969.

Ce garçon boucher est condamné à vingt ans de réclusion en 1963 pour l'assassinat de la fille de ses patrons dans la banlieue de Lyon. Il avoue lors de l'instruction, puis se rétracte à l'audience. En prison, il tente de suicider. Il est rejugé après révision et acquitté en 1969.

  • 1955 : Jean Deshays

Ce docker accusé d'avoir assassiné un fermier est condamné à vingt ans de travaux forcés en 1949. Les véritables auteurs du crime sont découverts en 1952 et condamnés en 1954. Le « bagnard innocent » est alors rejugé après révision de son procès.

Des affaires célèbres rejetées par la cour de révision

  • Dany Leprince
Dany Leprince, au Palais de justice de Paris, le 6 avril 2011.

Condamné en 1997 à la perpétuité pour le quadruple meurtre de son frère et de sa famille commis trois ans auparavant à Thorigné-sur-Dué (Sarthe), il clame son innocence et multiplie les recours. Plusieurs éléments nouveaux (notamment la découverte de l'ADN de son épouse sur un couteau) incitent la commission de révision à ordonner la libération de Dany Leprince sous contrôle judiciaire en juillet 2010, en attendant que la cour de révision se prononce. En avril 2011, cette cour prend le contre-pied de la commission et refuse d'annuler la condamnation. Dany Leprince retourne en prison. Une grâce présidentielle lui est refusée. Il est libéré à l'issue de sa peine de sûreté en avril 2012.

Lire l'enquête : L'épais mystère Leprince et Accablant retour en prison pour Dany Leprince

  • Omar Raddad

En 1991, une vieille dame, Ghislaine Marchal, meurt poignardée. L'affaire a été rendue célèbre par les mots écrits en lettres de sang « Omar m'a tuer », qui accuse le jardinier marocain Omar Raddad. Condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle en février 1994, il a été gracié partiellement en 1996 par le président Jacques Chirac et a été libéré en septembre 1998, après sept ans de prison. Mais malgré plusieurs traces d'ADN d'autres individus retrouvées sur les lieux du crime, la cour de révision rejette sa requête en révision.

>> Voir le portolio (réalisé en 2011) :

Condamné à 18 ans de réclusion, Omar Raddad a bénéficié d'une libération conditionnelle le 4 septembre 1998 après une grâce présidentielle partielle de Jacques Chirac.
"Omar m'a tuer" : sous ce titre le réalisateur Roschdy Zem achève un long métrage qui sortira en 2011, inspiré des deux livres : "Omar. La construction d'un coupable", de Jean-Marie Rouart, et "Pourquoi moi ?" d'Omar Raddad. Sami Bouajila, photographié ici, y tient le rôle de Raddad.
Dans le film de Roshdy Zem, Denis Podalydès joue  le rôle de Jean-Marie Rouart, académicien et auteur en 1994 d’une contre-enquête (Omar. La construction d’un coupable).
vue partielle de la villa de Ghislaine Marchal, 65 ans, veuve du créateur de la marque d'accessoires automobile Marchal, qui a été assassinée de plusieurs coups de couteau, le 23 juin, et dont le corps n'a été découvert que le 26 juin dans sa propriété de Mougins.
Le jardinier de Ghislaine Marchal est condamné en 1994 à 18 ans de réclusion criminelle pour un meurtre qu'il a toujours nié.
Omar Raddad est libéré en 1998, après une grâce partielle accordée par Jacques Chirac.
Omar Raddad est défendu par Me Vergès, qui publiera également un livre sur l'affaire.
En 2001, des analyses avaient révélé que l’ADN n’était pas celui de Raddad. En 2002, la Cour de révision décide qu'Omar Raddad ne sera pas rejugé.
L'avocate actuelle de M. Raddad, Me Sylvie Noachovitch, a saisi la chancellerie pour demander
l'ouverture d'une information judiciaire afin de comparer les deux ADN mêlés au
sang de la victime au Fichier national des empreintes génétiques.
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Dans un entretien au Journal du dimanche du 1er août, Omar Raddad réaffirme sa volonté d'être "réhabilité", alors qu'un film sur son histoire est annoncé.

AFP/MEHDI FEDOUACH

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  • Gaston Dominici
Les Dominici à Lurs au début des années 50 : de gauche à droite, Clovis, Gustave et son épouse, puis Gaston Dominici et sa femme.

En août 1952, un couple de Britanniques est retrouvé mort près du village de Lurs (Alpes-de-Haute-Provence). L'enquête se concentre autour du « clan Dominici », une famille de paysans dont les membres s'accusent et s'innocentent tour à tour. Accusé par son fils Gustave, Gaston, 77 ans, est condamné à mort le 28 novembre 1954. Sa peine est commuée en réclusion à perpétuité en 1957, puis le général de Gaulle le gracie. Libéré en 1960, il meurt cinq ans plus tard. Une nouvelle instruction aboutit à un non-lieu en 1956. La famille demande plusieurs fois, en vain, la révision de son procès. L'affaire a notamment inspiré Jean Giono ou Orson Welles et a donné lieu à plusieurs fictions.

  • Raymond Mis et Gabriel Thiennot
Photo prise le 16 décembre 1988 de Raymond Mis et Gabriel Thiennot après avoir été reçus par le garde des sceaux Pierre Arpaillange pour obtenir la révision de leur procès.

Suspectés d'avoir tué un garde-chasse dans l'Indre en 1946, les deux hommes ont avoué, puis se sont rétractés, assurant que leurs aveux avaient été extorqués sous la torture. Ils sont condamnés en 1950 à quinze ans de travaux forcés jusqu'à ce que le président René Coty les gracie en 1954. Depuis, leur comité de soutien réclame leur réhabilitation. Cinq requêtes ont été rejetées entre 1980 et 1997. Thiennot est mort en 2003 et Mis, en 2009. En mars 2013, une sixième requête a été déposée pour annuler les dépositions obtenues sous la torture.

Lire le portrait (en édition abonnés) : Raymond Mis, protagoniste d'un mystère criminel jamais élucidé

  • Guillaume Seznec

Condamné en 1924 pour le meurtre de Pierre Quémeneur, conseiller général du Finistère, Guillaume Seznec ne cesse de clamer son innocence. Condamné au bagne sur l'île du Diable en Guyane, il refuse une grâce présidentielle en 1933, espérant toujours être réhabilité. Après son décès en 1954, sa famille, notamment son petit-fils, poursuit son combat. Treize demandes de réhabilitation sont rejetées. En 2006, la cour de révision rejette sa requête.

>> Voir le portfolio réalisé en 2006 :

Denis Seznec, le petit-fils de Guillaume Seznec, le 14 décembre à sa sortie de la Cour de cassation à Paris.
Guillaume Seznec en 1919.
Pierre Quemeneur, conseiller général du Finistère.
La Royal n°10.
L'inspecteur Pierre Bonny lors de son éviction de la police pour "falsification de preuves" dans l'affaire Stavisky.
Octobre 1924. Ouverture du procès d'assises à Quimper.
Photo datant de 1924 de maître Marcel Kahn et de son client, Guillaume Seznec, lors de son procès qui s'est tenu du 24 octobre au 4 novembre 1924 à Quimper.
Vers 1934. Guillaume Seznec à l'ile Royale. Photo prise clandestinement par un surveillant militaire.
Les douze jurés.
1947. Seznec sur le Colombie, qui le ramène en France après plus de vingt années de bagne.
Décembre 1953. Seznec dans les bras de sa fille Jeanne après son "accident".
Denis Seznec.
Denis Seznec
Le 11 avril 2005, Denis Seznec quitte le Palais de justice de Paris après la décision de la commission de révision des condamnations pénales de transmettre le dossier Seznec à la Cour de révision.
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Retour sur une des énigmes judiciaires les plus troublantes du XXe siècle

La Cour de cassation a rejeté, le 14 décembre, la demande de réhabilitation de Guillaume Seznec, estimant qu'"il n'existe aucun fait nouveau de nature à faire naître un doute sur [sa]culpabilité". "Avec son bandeau sur les yeux, la justice était aveugle. Avec l'affaire Seznec, elle est devenue folle !", s'est exclamé son petit-fils, qui veut saisir la Cour européenne des droits de l'homme - qui n'a pas le pouvoir de réviser l'affaire.

AFP/JACK GUEZ

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