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Depuis 1945, six erreurs judiciaires en matière criminelle ont été reconnues

Le Monde |

Seulement six cas d'"erreur judiciaire" ont été reconnus par la justice depuis 1945 en matière criminelle. Deux l'ont été après la réforme de 1989, qui a simplifié la procédure en révision. Rida Daalouche, condamné pour coups mortels en 1994 a été acquitté en 1999. Rabah Meradi, condamné pour viol et agression sexuelle en 1993, a vu sa condamnation partiellement annulée.

Avant 1989, deux affaires avaient donné lieu à une révision formelle.

Le 1er février 1955, la cour d'assises du Loiret a acquitté Jean Deshays, condamné à dix ans de travaux forcés. Lors de ce procès en révision, la justice a reconnu son erreur en accordant à l'ancien docker plus de 5millions de francs à titre de réparation. Le 9 décembre 1949, la cour d'assises de Loire-Atlantique l'avait reconnu coupable du meurtre d'un vieillard, tué lors d'un cambriolage, en mai 1948, à La Plaine-sur-Mer (Loire-Atlantique). Jean Deshays avait d'abord reconnu les faits avant de se rétracter. En 1952, une dispute dans un café a mis la police sur la piste des véritables auteurs du meurtre qui ont innocenté Jean Deshays. Surnommé le "bagnard innocent", ce dernier a été libéré après presque quatre ans de détention. La condamnation des meurtriers par la cour d'assises, en 1954, a ouvert la voie à la révision de son procès.

Automutilation, grèves de la faim, tentatives de suicide: pendant quinze ans, Roland Agret, condamné pour complicité d'assassinat, a clamé son innocence et fait de son cas un "combat contre les injustices". Le 25 avril 1985, la cour d'assises du Rhône l'a acquitté. Cet employé de garage avait été condamné à quinze ans de réclusion criminelle, le 28 février 1973, par la cour d'assises du Gard. Les jurés l'avaient reconnu coupable d'avoir commandité le meurtre de deux personnes dont son employeur, le 10novembre 1970, dans le village d'Orthoux (Gard). La décision s'appuyait sur les déclarations des meurtriers qui affirmaient avoir agi sur ordre de Roland Agret. Par la suite, l'un des meurtriers est revenu sur ses accusations. Une première requête en révision a été néanmoins rejetée, en 1976. En 1977, après cinq ans et demi de détention, il a bénéficié d'une libération conditionnelle en raison de son état de santé. Auteur d'un livre retraçant son combat, soutenu par les écrivains Claude Mauriac et Maurice Clavel, il s'est alors employé à obtenir la révision de son procès, allant jusqu'à se trancher deux doigts pour montrer sa détermination. Un an après son acquittement, Roland Agret a obtenu, en 1986, une indemnisation de 250 000 francs. Par la suite, il a créé une association qui lutte contre les erreurs judiciaires.
Deux autres affaires ont fait l'objet d'un "pourvoi dans l'intérêt de la loi" formé par le garde des sceaux, afin de passer outre le refus de la Cour de cassation de réviser.

Le 27 septembre 1969, Jean-Marie Devaux a été acquitté par la cour d'assises de la Côte-d'Or. Le 7février 1963, la cour d'assises du Rhône l'avait condamné à vingt ans de réclusion criminelle pour le meurtre de la fille de son patron, âgée de sept ans, étranglée puis éventrée, à Bron, dans la banlieue lyonnaise. Le commis boucher était passé aux aveux pendant l'instruction avant de se rétracter à l'audience. En prison, il avait continué de clamer son innocence puis tenté de se donner la mort. En 1969, le garde des sceaux, René Capitant, a saisi la Cour de cassation d'un "pourvoi dans l'intérêt de la loi" et Jean-Marie Devaux a obtenu un nouveau procès. Au cours de l'audience, la déposition du père Boyer, l'aumônier auquel il avait confié son désespoir en prison, a fait basculer le procès.

Le 29 juin 1985, la cour d'assises de la Gironde a acquitté Guy Mauvillain, condamné dix ans avant à dix-huit ans de réclusion criminelle par la cour d'assises de Charente-Maritime, pour le meurtre d'une vieille dame qu'il avait toujours nié. L'enquête avait été expéditive: l'arme du crime n'avait jamais été retrouvée et le corps de la victime jamais autopsié. Après deux demandes en révision rejetées, le garde des sceaux, Robert Badinter, est intervenu, en 1981, auprès de la Cour de cassation, en faveur d'un "pourvoi dans l'intérêt de la loi". Au cours du second procès, Guy Mauvillain a été acquitté, appuyé par un comité de soutien qui comptait Yves Montand et Haroun Tazieff. La justice l'a indemnisé à hauteur de 400 000 francs.

Frédéric Chambon et Mathilde Mathieu