RDC: verdict allégé en appel pour deux accusés dans l'affaire Chebeya La justice congolaise a allégé jeudi en appel le verdict rendu en première instance contre deux policiers condamnés à mort et à perpétuité pour l'assassinat du défenseur des droits de l'homme Floribert Chebeya et de son chauffeur Fidèle Bazana en juin 2010 à Kinshasa. Les parties civiles ont immédiatement dénoncé une "banalisation du crime d?État" et annoncé leur intention de se pourvoir en cassation. La Haute Cour militaire de la République démocratique du Congo a condamné à 15 ans de réclusion criminelle le colonel Daniel Mukalay, condamné à mort en 2011, et a acquitté le capitaine Michel Mwila, qui avait été condamné à la perpétuité en première instance. Elle a confirmé l'acquittement de trois autres accusés alors que le ministère public avait requis la prison à vie pour les cinq policiers jugés, rejoignant la demande des parties civiles, opposées à la peine de mort. Fondateur de l'ONG la Voix des sans-voix pour les droits de l'homme (VSV), devenu au fil des ans très critique vis-à-vis du président Joseph Kabila - au pouvoir depuis 2001 - Chebeya a été retrouvé mort dans sa voiture le 2 juin 2010 en périphérie de Kinshasa. La veille au soir, il s'était rendu au siège de la police après avoir été convoqué pour y rencontrer son chef, le général John Numbi. Son chauffeur avait disparu après l'avoir déposé à ce rendez-vous. La justice a conclu en première instance qu'il avait été assassiné, tout comme Chebeya. Jeudi, la Haute Cour a maintenu la qualification d'assassinats pour ce double meurtre mais a accordé, sans les motiver, des "circonstances atténuantes" au colonel Mukalay, qu'elle a qualifié de "coauteur" des meurtres alors que l'officier avait été reconnu comme l'orchestrateur de ces crimes en première instance. - 'Mascarade' - "C'est une banalisation du crime d'État", a déclaré à la presse Me Richard Bondo, coordonnateur du collectif des avocats des parties civiles, dénonçant "un arrêt incompréhensible, innommable". Mercredi, Me Bondo avait estimé que le procès ne s'était pas bien déroulé" et qu'il laissait "des zones d'ombres" et un "goût d'inachevé". Les parties civiles, avait-il ajouté, regrettent qu'en dépit de tous leurs efforts le général Numbi, en qui elles voient le "suspect numéro un", n'ait "même pas comparu" en appel. Suspendu de la tête de la police peu après l'assassinat de Chebeya, le général Numbi - qui a été démis en décembre 2013 et n'exerce plus aucune fonction officielle - a toujours nié avoir fixé un rendez-vous à Chebeya au siège de la police. Trois autres policiers condamnés à mort en première instance avaient commencé à être jugés en appel, par contumace, en 2012, jusqu'à ce que la Cour décide, en avril, de suspendre les poursuites afin de "gagner du temps". L'un d'eux, le major Paul Mwilambwe, contre qui une procédure est ouverte à Dakar au Sénégal dans le cadre de l'affaire Chebeya, a mis en cause le général Numbi dans la fin tragique du militant. Mais les parties civiles ne sont jamais parvenues à convaincre la Cour de recueillir ce témoignage. Adelaïde Chebeya, s?ur de Chebeya, a qualifié de "mascarade" l'arrêt de la Haute Cour. Mais "on s'y attendait", a-t-elle ajouté. "C'est une honte [pour] notre justice [?] qui vient de prouver que [l'assassinat de Chebeya] est un crime d?État", a déclaré à l'AFP Dolly Ibefo, directeur exécutif de la VSV. Interrogé par la presse, Me Bokata Ikundaka, avocat du colonel Mukalay, a parlé pour sa part de "mini-satisfaction" pour son client, faisant part de sa "frustration" de ne pas connaître les raisons ayant poussé la Cour à lui accorder les circonstances atténuantes. Militant connu et respecté, Chebeya avait eu droit à des obsèques nationales. Sa mort a été à l'origine d'une brouille diplomatique entre la RDC et Paris en 2012 après que le président français François Hollande lui eut rendu un hommage posthume lors du sommet de la Francophonie à Kinshasa. L'enquête ayant précédé le jugement de 2011 avait été jugée bâclée par les parties civiles, des organisations de défense des droits de l'homme et plusieurs chancelleries occidentales. Selon Me Bondo, les parties civiles espèrent s'appuyer sur la procédure visant le major Mwilambwe à Dakar pour "faire rebondir l'affaire" Chebeya au niveau international.