Michel Fourniret, un tueur jamais inquiété PORTRAIT – Qui est l’homme qui comparaît devant le tribunal de Charleville-Mézières, à partir du 27 mars, pour sept meurtres et autant de viols ou tentatives de viol… Michel Fourniret a écrit au président de la chambre de l'instruction de Reims pour dire son souhait d'être entendu dans trois affaires de disparition ou de meurtre de jeunes filles, dont celle d'Estelle Mouzin, a-t-on appris mardi auprès de l'avocat des parents de l'enfant. Michel Fourniret a écrit au président de la chambre de l'instruction de Reims pour dire son souhait d'être entendu dans trois affaires de disparition ou de meurtre de jeunes filles, dont celle d'Estelle Mouzin, a-t-on appris mardi auprès de l'avocat des parents de l'enfant. - Fred Dufour AFP Avant d’être l’une des pires figures présumée des tueurs en série français, Michel Fourniret a d’abord été un délinquant sexuel sans envergure. >> Pour tout comprendre de l'affaire, cliquez ici. Doté d’un physique aussi banal que sec, il aurait été traumatisé de découvrir que sa première femme, épousée dans les années 60, n’était pas vierge. Par rancœur affirme-t-il, il s’attaque à plusieurs jeunes femmes en région parisienne, entre 1977 et 1983. Avec une constante: si ses victimes lui résistent, il s’enfuit. Besoin de reconnaissance sociale Son arrestation, en 1984, pour attouchements et viols mettra fin à son mariage avec Nicole C., dessinatrice industrielle comme lui, avec laquelle il a eu trois enfants. En 1987, Michel Fourniret est condamné à sept ans de prison, dont deux avec sursis, et trois ans de mise à l’épreuve. Il quittera Fleury-Mérogis le 22 octobre 1987 pour «conduite exemplaire». Car le prisonnier modèle sait faire bonne figure. D’un bon niveau intellectuel, ce travailleur acharné titulaire d’un CAP d’ajusteur n’aura de cesse de tendre vers la reconnaissance sociale. «Comme pour se laver de son milieu originel», très modeste, note le psychiatre Serge Bornstein en 1986 (1). Car Michel Fourniret aime se croire supérieur. Il multiplie les références à Dostoïevski et à Kipling, s’exprime dans un français alambiqué, s’imagine «vivre en aventurier». Après son CAP, il continue de se former par correspondance et devient fraiseur sur bois puis dessinateur industriel. Un savoir-faire reconnu par ses employeurs qui gardent le souvenir d’un homme colérique mais travailleur. La rencontre avec Monique Olivier 1987 est un tournant: les années de prison l’ont endurci et lui ont donné l’occasion de mûrir d’autres plans. Michel Fourniret parvient toujours à donner l’illusion d’un homme sans histoire. En prison, il rencontre Monique Olivier, avec laquelle il entretient une correspondance depuis Fleury-Mérogis. Il lui écrit ouvertement son obsession pour la virginité et demande son soutien à demi-mot. Elle acquiesce. Leur «chasse aux vierges» commence deux mois après sa sortie de prison. Désormais, chaque agression sexuelle s’achèvera par un meurtre, pour éviter les témoins. Au moins sept jeunes filles seront enlevées, parfois violées puis tuées par le couple, avant l’arrestation de Michel Fourniret en juin 2003. En attendant, le couple coule des jours paisibles à Floing (Ardennes) où il a élu domicile, en décembre 1988. L’homme aux petites lunettes arrondies est discret dans le village. Il semble vivre de petits travaux de maçonnerie au noir tandis que sa femme reste cloîtrée chez elle pour s’occuper de leurs fils, né en septembre. Un couple de reclus qui n’éveille aucun soupçon. Leur vie modeste, rythmée par les petits boulots, est bouleversée par le vol par le magot du célèbre gang des Postiches que Michel Fourniret dérobe en 1988. Avec l’argent tiré des lingots, il achète le château de Sautou, à Donchery dans les Ardennes, un petit manoir du XIXe isolé et entouré par la forêt, où deux de ses victimes seront enterrées. Recherché par Jean-Pierre Hellegouarch, un ancien compagnon de cellule qui lui a révélé l’existence du magot, Michel Fourniret fuit le domaine et s’installe en Belgique, où il sera finalement confondu, le 26 juin 2003. La fin de la chasse Mis en examen pour au moins neuf meurtres, Michel Fourniret aime jouer au chat et à la souris avec la police et la justice. Ainsi, il ne reconnaît au départ que les meurtres les plus anciens, pensant bénéficier d’une prescription. Il n’avouera finalement que huit meurtres, pour lesquels il comparaît à partir de jeudi, sept jeunes filles et Farida Hamiche, femme de Jean-Pierre Hellegouarch à qui il a dérobé l’argent du gang des Postiches. «Il ne dit pas tout, affirme Me Didier Seban, avocat de la famille Desramault. Lors de précédentes auditions, il a déclaré avoir tué 2 à 3 victimes par an depuis sa libération de prison, en 1987. Il y a donc des dizaines de victimes potentielles inconnues.» En filigrane, l’affaire Estelle Mouzin. Michel Fourniret, aujourd'hui âgé de 62 ans, assure n’avoir joué aucun rôle dans la disparition de la fillette joue avec les nerfs de la famille. «Rien ne permet de le relier à sa disparition, mais rien ne permet de l’écarter non plus», souligne Me Seban. Une façon de garder le contrôle pour celui qui a renvoyé ses avocats et assurera sa défense seul. S’il décide de se présenter à l’audience. (1) «Le pacte des Fourniret», Ed. Hachette Littératures, 2008