Calais : Des associations demandent l'ouverture d'un camp de réfugiés

Henri Le Roux
Mardi, 5 Août, 2014
Humanite.fr

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Photo : Philippe Huguen/AFP
Un homme dans un camp de migrants à Calais, en mai 2014.
Philippe Huguen/AFP

Une nouvelle rixe a éclaté lundi soir à Calais entre une centaine de migrants qui tentent désespérément de rejoindre l’Angleterre. Alors qu’ils sont de plus en plus nombreux à fuir leur pays d’origine, les expulsions de camps accentuent le stress et les tensions.

Dans la nuit de dimanche à lundi, treize personnes avaient déjà été légèrement blessées dans la zone industrielle des Dunes, à Calais, près du camp installé à proximité de l'usine Tioxide. Lundi soir, après la distribution des repas par les associations, de nouveaux affrontements dans la zone portuaire ont fait une cinquantaine de blessés, dont un grave.

Sur son blog Passeurs d’hospitalité, Philippe Wanesson résume la situation : « Contrairement à ce qui a été parfois écrit, il ne s’agit de rixes entre communautés (Érythréens contre Soudanais), mais entre groupes qui traditionnellement n’interfèrent pas, parce que passant à des endroits différents (le tunnel et le port). (...) Devenus trop nombreux, l’un des groupes tente de faire sa place sur le lieu de passage de l’autre, lui même trop nombreux par rapport aux possibilités de passage. »

Un camp de réfugiés sous l’égide de l’ONU

Pour la docteure Martine Devries, référente médicale de Médecins du monde à Calais, la situation est grave : « Depuis dix ans, les conditions sont indignes, mais là c’est pire que jamais. Plusieurs centaines de personnes vivent dans plusieurs camps dans les dunes. Ces personnes n’ont pas d’hébergement, voire pas d’abri et n'ont qu'un seul repas par jour. Ce sont principalement des hommes, mais il y a aussi des jeunes femmes, dont certaines sont enceintes, et des enfants en bas âge. Il y a un réel problème de santé publique. Dans les dunes, il n’y a pas d’eau. Le seul point d’eau était une bouche à incendie, mais elle a été coupée mercredi dernier. Les gens n’ont rien à boire. Ils transportent des bouteilles et des jerricans d’eau et se lavent dans les eaux rejetées par l’usine Tioxide, qui est classée « Seveso ».

Plusieurs associations demandent l’ouverture d’un véritable camp de réfugiés où les migrants seraient pris en charge par les autorités compétentes. « Quand vous avez plus de 1 000 personnes qui errent dans la ville, les conditions sont réunies pour que l’ONU ouvre un camp de réfugiés », assure Christian Salomé, président de l’Auberge des migrants. « Cela permettrait de faire diminuer le stress, en leur permettant d’avoir plus de nourriture et un accès à l’eau, pour pouvoir simplement boire et se laver. »

Plus de guerres, plus de migrants

La pression s'est intensifiée ces derniers mois dans le port de Calais. Selon les chiffres officiels, près de 7 500 clandestins, majoritairement africains, ont été interpellés depuis le début de l'année alors qu'ils tentaient d'embarquer pour la Grande-Bretagne, dont la procédure d'asile est plus souple qu'en France.

Les associations et la préfecture s’accordent au moins sur un point : il y a une augmentation significative du nombre de migrants à Calais. 1 200 à 1 300 migrants, venus principalement de l'est de l'Afrique, d'Afghanistan, de Syrie et de Libye, se trouveraient actuellement dans la cité portuaire. « L’année dernière, à la même époque, on distribuait 220 repas par jour. Vendredi dernier, nous en avons distribué 800 », constate Christian Salomé.

Révolutions arabes, guerres au Soudan, en Syrie, en Irak, en Palestine... « Beaucoup de gens sont « soufflés » vers l’Europe à cause des guerres », explique Maël Galisson, coordinateur de la Plateforme de services aux migrants (PSM). « L’Afghanistan, par exemple, est en guerre depuis la fin des années 70, c’est un pays qui ne connaît pas la paix. Il y a aussi l’Erythrée, qu’Amnesty international considère comme « la Corée du Nord de l’Afrique ».  En Libye, c’est le chaos total depuis la chute de Kadhafi : les plages sont contrôlées par différentes tribus, certaines monnayent le départ des bateaux pour se financer. »

Selon Christian Salomé, cette augmentation tient surtout aux migrants originaires d’Erythrée, du Soudan et d’Ethiopie : « Beaucoup d’entre eux travaillaient en Libye. Aujourd’hui, il y a moins de travail, ce qui pousse ces personnes à venir en Europe. » La mort du dirigeant libyen a mis fin aux accords migratoires avec les pays européens. Elle a aussi bouleversé toute la vie sociale d’un pays qui accueillait lui-même une importante immigration.

Autre maillon de la chaîne, suite au drame de Lampedusa, et devant le refus des autres nations européennes de partager « le poids de l’immigration », l’Italie ne fiche plus systématiquement les migrants débarquant sur son sol. Ce qui leur donne le droit de déposer une demande d’asile dans d’autres pays.

« Les évacuations attisent les tensions »

L’un des principaux moyens pour passer en Angleterre est de se cacher dans les camions qui transitent par le port de Calais. « Il n’y a pas de place pour tout le monde, explique Christian Salomé. On se bat pour avoir sa place, d’autant qu’on ne sait pas si on pourra rester un jour de plus en France. »

Dans la région de Calais, les autorités françaises expulsent inlassablement les camps de fortune installés par les migrants. Le campement de l’usine Tioxide fait lui aussi l’objet d'une décision de justice ordonnant son évacuation, tout comme le plus grand camp de migrants de la ville, établi depuis le 12 juillet sur un ancien site de recyclage de métaux.

Pour Maël Galisson, « les évacuations à dates rapprochées attisent les tensions ». Informés d’une expulsion, et donc de la destruction des quelques couvertures et vêtements qui leur permettent de survivre, les migrants seraient ainsi poussés à tenter le passage coûte que coûte. « Depuis trois semaines, dès qu’il y a un ralentissement des camions, il y a des tentatives de passage dans n’importe quelle condition. Donc plus de risques, plus de monnayage d’accès, plus de tensions. »

Christian Salomé le confirme : « Ils n’ont plus rien à perdre. Avant, ils attendaient la nuit pour ne pas être vus, maintenant ils le font en plein jour. Ce matin, à Calais, on a vu des migrants essayer devant les CRS, devant la police… Vraiment, ils sont désespérés. »

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