Réfugiés de Libye: l'UPM ça eut payé!

Réfugiés de Libye: l'UPM ça eut payé!

Régis Soubrouillard - Marianne
Alors que les réfugiés continuent à affluer par milliers à la frontière tunisienne, l'afflux de migrants en Europe est considéré comme un vrai risque par l'Italie et la France qui tentent tant bien que mal de mobiliser une Union européenne désemparée face à l'ampleur du problème. Aucune décision n'a encore été prise. Paris a tout juste obtenu l'organisation d'un sommet extraordinaire de l'UE le 11 mars.

Théâtre d’un mouvement de contestations et de manifestations sans précédent à l’encontre du régime, alors que l’opposition se rapproche de Tripoli, la Libye n’a jamais été aussi proche du chaos. La ligue libyenne des droits de l'homme avance le chiffre de 6.000 morts dont 3.000 à Tripoli.

Outre la situation diplomatique et politique, la situation économique, la question migratoire apparaît désormais prioritaire.
La situation à la frontière entre la Libye et la Tunisie a atteint un niveau critique après le passage de 70.000 à 75.000 personnes ayant fui les répressions depuis le 20 février.

Une foule venant de Libye s'étendant « sur des kilomètres et des kilomètres à perte de vue » se presse à la frontière tunisienne, a déclaré mercredi une porte-parole du HCR, qui a lancé un nouvel appel pour que des « centaines d'avions soient affrétés » afin d'évacuer les gens.
Environ 40.000 personnes, notamment des Egyptiens, attendent aujourd'hui à la frontière côté libyen, selon le HCR. Des centaines de milliers de personnes devraient suivre. 

Un flux qui ne semble pas près de se tarir. « Un camp de réfugiés est en cours de construction à la frontière entre la Tunisie et la Libye, afin de faire face aux déplacements de population», indique Triangle GH, une ONG lyonnaise arrivée sur place le 2 mars. 

Exemple de la tension qui règne : des gardes-frontières tunisiens ont tiré en l'air mardi pour tenter de contrôler une foule de personnes souhaitant traverser la frontière et ainsi échapper à la violence.

Outre la « bombe humanitaire » que recouvre cet afflux de réfugiés, n’a pas manqué de souligner les millions de dollars en transferts de fonds que supposerait  le retour chez eux de milliers de travailleurs égyptiens en Libye. Sans compter que « les émigrés rentrés au pays risquent de se retrouver au chômage ».

Selon le ministère du Travail égyptien, 1,5 million d’Égyptiens travaillent et vivent en Libye. Ils envoient environ 1,5 milliards de livres égyptiennes (254 millions de dollars) par an au pays. 

Et l’Europe n’est pas épargnée, loin s’en faut. Outre les milliers de migrants tunisiens qui voguent dans les eaux internationales puis échouent en Italie en espérant atteindre la France, le Ministre des affaires européennes Laurent Wauquiez a estimé aujourd'hui que l'afflux de migrants en provenance de Libye était « un vrai risque pour l'Europe qui ne doit pas être sous-estimé », assurant que la France était sur la même position que l'Italie. « La Libye, c'est l'entonnoir de l'Afrique. Des pays comme le Liberia, la Somalie, l'Erythrée ont des flux d'immigration illégale qui passent par la Libye. C'est un vrai risque pour l'Europe qui ne doit pas être sous-estimé. Il faut défendre de façon européenne nos frontières et on ne peut pas accueillir des flux d'immigration illégaux que l'Europe n'est pas capable d'intégrer. Ce dont on parle, ce n'est pas quelques dizaines de milliers d'immigrants illégaux qui pourraient arriver en Europe, c'est potentiellement 200 à 300.000 personnes qui sur l'année pourraient chercher à franchir la Méditerranée en direction de l'Europe », a averti le ministre sur France Info.

Malgré des estimations très divergentes, on estime que la Libye abriterait entre 1,5 et 2 millions de candidats au départ. Véritable risque que le Guide libyen n’a cessé d’alimenter quémandant 5 milliards d’euros à l’UE lors d’une visite en Italie au cours de l’été 2010 pour « stopper » l’immigration clandestine aux frontières de son pays et éviter que l’Europe « ne devienne noire ».

Face à ces nouveaux et soudains flux migratoires, l’UE paraît bien désemparée.

Paris a demandé l'organisation d'un sommet européen pour décider d'une « stratégie commune » face à la crise libyenne et aux menaces qu'elle fait peser en matière d'immigration.

En première ligne, l’Italie demande à ses partenaires européens de l'aider à partager le fardeau de l'accueil des réfugiés. Mais la France et l’Italie ne sont pas l’Europe. Plusieurs des membres de l’UE, notamment l'Allemagne, la Suède et l'Autriche, ont opposé une fin de non-recevoir, estimant qu'il était trop tôt pour évoquer un tel scénario.

Incapables de s’unir et de parler d’une seule voix, comme à chaque crise d’envergure, l’Union européenne montre encore une fois toutes ses limites : chacun ses frontières et pas question de payer pour les autres. Rien que de très normal après tout, les Etats membres sont maîtres de la surveillance de leurs frontières et libres d'accepter ou non des demandeurs d'asile.

L’UE avait bien créée, en 2004, l’agence de gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, répondant au doux nom de Frontex. Outre son patronyme aux sonorités spongieuses, l’arrivée de 5000 boat people tunisiens sur l’ile italienne de Lampedusa a suffi à mettre au jour la fragilité du dispositif européen.  dotée d’un budget de 80 millions d’euros, reste embryonnaire, ne dispose d’aucun moyen propre et doit s’en remettre aux Etats membres pour la logistique.

Incapables de percevoir les signaux d’une révolution, d’échafauder des scénarios anticipatoires, divisée sur les risques d’immigration, mal préparée, l’UE pare donc au plus pressé et ses dirigeants semblent bien en peine. A ce jour, outre des déclarations formelles, dans l’incertitude aucune véritable décision n’a été prise. 

La France a ainsi beau jeu d’affirmer que l’Union pour la Méditerranée, co-présidée par Sarkozy et…Moubarak , était un projet prémonitoire et se justifie pleinement pour aider les nouvelles démocraties arabes, faire face aux vagues d’immigration prévisibles et empêcher une éventuelle recrudescence d’attentats terroristes. Là aussi beaucoup de bonne volonté mais rien à voir avec son projet initial… 

Appuyé par la plupart des autocrates aujourd’hui déboulonnés, l’UPM a fait l’objet de blocages importants au sein de l’Union Européenne. reste à savoir quoi faire de ce nouveau « machin ».