La Macédoine est inondée par un flux permanent de réfugiés. Et elle s’inquiète de voir 100 000 ou 200 000 nouveaux réfugiés affluer vers ses frontières. Mais l’Europe et les pays de l’élite militaire mondiale s’intéressent-ils vraiment à cette situation alarmante ? Veulent-ils savoir si nous ne sommes pas arrivés au bout de nos moyens, chargés malgré nous de la tâche énorme d’abriter 170 000 réfugiés kosovars ? Ces mêmes pays, dont les dirigeants ne daignent même pas mentionner le nom de notre pays*, n’appliquent-ils pas deux poids deux mesures ? Ne nous demandent-ils pas de respecter à la lettre les droits des réfugiés, ce qui n’a pas été le cas dans d’autres crises ailleurs dans le monde ? Et, pour tout salaire de cette solidarité, pendant tout le temps de cette opération vaste et coûteuse qu’est l’accueil des réfugiés, que reçoit la Macédoine ?
Elle reçoit des promesses et des assurances ; elle subit une campagne médiatique antimacédonienne jamais vue, menée simultanément dans le monde entier ; elle reçoit aussi des leçons et des jugements à la pelle… Elle obtient une place dans une certaine salle d’attente n° 3 pour un dénommé statut spécial d’entrée à l’OTAN et à l’UE (on ne sait quand) ; et elle se voit envahie par des groupes de guérilla et leurs dépôts d’armes, qui représentent une menace pour la sécurité du pays.
Personne ne demande à la Macédoine – dont on exige qu’elle édifie des camps et encore des camps sans que ses comptes soient crédités d’un seul dollar – comment elle fera lorsque son budget sera épuisé ; personne ne lui demande comment les autorités pourront alors verser les aides sociales (cette centaine de marks de misère qui est octroyée à 58 000 familles) ni si son économie est proche de la faillite, alors que des dizaines et dizaines de milliers de chômeurs viennent s’ajouter à la liste des 300 000 actuels. Ces jours-ci, certains citoyens macédoniens démunis ont même dit qu’ils enviaient aux réfugiés leurs rations alimentaires !
Pour comble, le haut-commissaire de l’ONU pour les réfugiés, Mme Sadako Ogata, qui a déjà causé un dommage irréparable à la Macédoine en affirmant que ceux qui reçoivent de l’aide humanitaire doivent rester sur place, dans la région, revient à la charge aujourd’hui avec de nouvelles perles : d’après elle, les réfugiés devraient être déplacés des régions frontalières pour cause d’insécurité en cas d’offensive terrestre de l’OTAN contre la Yougoslavie. Et nous, citoyens macédoniens, sommes-nous un peuple qui peut être exposé au danger sans que personne ne s’en soucie au cas ou cette intervention aurait lieu ? Le Macédonien qui est assis sur la bombe que constituent les réfugiés ou sur la bombe de la situation économique est inquiet pour son sort et pour celui de son pays.
La Macédoine se voit obligée, selon une certaine rhétorique, d’accueillir les flux de réfugiés qui ne cessent d’arriver par les grandes routes et par les petits chemins, avec ou sans papiers, alors qu’une petite partie d’entre eux seulement est accueillie dans le reste du monde. Si nous voulions nous préserver, nous devrions mettre fin à cela. La Macédoine peut-elle dire non ? Quelle est l’attitude actuelle de ses amis à son égard ? En cette époque d’épreuves, c’est peut-être là que se trouve la réponse fatidique.

* La Macédoine a été admise à l’ONU sous le nom provisoire de Fyrom (Former Yougoslavian Republic of Macedonia) ou Arym (ancienne république yougoslave de Macédoine).

Fidanka Tanaskova