#next ? (BUTTON) Libération Libération * Connexion * Abonnement * Èvénements * France * Planète * Futurs * Idées * Culture / Next * Le journal du jour * Le direct * Radio * Six Plus * Désintox * Photo * Le P'tit Libé * Portrait * Vidéo * Sports * Voyages * Blogs * FAQ * La rédaction * Contact * Publicité * Données personnelles * CGV * Crédits * Facebook * Twitter Vladimir Poutine, le 28 septembre, aux Nations unies. Vladimir Poutine, le 28 septembre, aux Nations unies. Photo John Moore. AFP Analyse La Russie redistribue les rôles en Syrie Par Marc Semo , Jean-Pierre Perrin , Luc Mathieu et Veronika Dorman, (correspondante à Moscou) — 28 septembre 2015 à 21:36 Profitant de la confusion occidentale, Moscou se rend incontournable et conforte Bachar al-Assad. Le grand jeu a commencé pour une solution politique de la guerre en Syrie à l’Assemblée générale des Nations unies, à New York, marquée par le fracassant retour de la Russie qui veut désormais être en première ligne dans la lutte contre l’Etat islamique. Affaibli par les sanctions économiques punissant son agression en Ukraine et l’annexion de la Crimée, isolé diplomatiquement il y a encore quelques mois, Vladimir Poutine devient incontournable. Il propose «une plateforme élargie pour une action collective contre les terroristes» en y intégrant le régime. Lundi, il rencontrait Barack Obama pour la première fois depuis deux ans. Les deux sont conscients de l’urgence de mettre fin à un conflit qui a fait 240 000 morts et 8 millions de réfugiés ou déplacés. Moscou et Téhéran veulent imposer Bachar Al-Assad comme rempart contre l’Etat islamique. Les Occidentaux se sont résignés à ce que son départ ne soit plus un préalable à la mise en œuvre d’une transition. Frappe française en Syrie Poutine sort de son isolement et se place au centre du jeu Isolé depuis plus d’un an à cause de la crise ukrainienne, enfermé dans un étau de sanctions politiques et économiques, boudé par les leaders occidentaux, Vladimir Poutine revient en force : à New York, il s’entretient avec le président Barack Obama, qui l’évitait un peu ces derniers temps, tout en échappant aux questions trop désagréables sur l’Ukraine, puisque ce n’est plus la question. C’est le conflit syrien qui est à l’ordre du jour, et le président russe en est désormais une pièce pivot. Poutine était d’autant plus attendu à l’Assemblée générale de l’ONU que la Russie a réussi à se replacer au cœur de l’échiquier syrien en quelques semaines à peine, en renforçant ostensiblement sa présence militaire en Syrie. En envoyant hommes et matériel pour soutenir le régime de Bachar al-Assad, la Russie, dont on continue de s’interroger sur les véritables objectifs à long terme dans la région, a clairement revendiqué une place centrale dans la résolution du conflit syrien, et rappelé qu’elle comptait bien rester un acteur incontournable de tout dossier international. Samedi, Moscou confirmait la création à Bagdad d’un «centre de coordination» pour lutter contre l’Etat islamique, regroupant la Russie, l’Iran, l’Irak et la Syrie. Poutine a aussi proposé au Conseil de sécurité une résolution soutenant une «large coalition antiterroriste» contre l’EI, semblable à «celle contre Hitler» lors de la Seconde Guerre mondiale», a-t-il lancé à la tribune de l’Assemblé générale de l’ONU lundi. Prise de court par l’offensive diplomatique russe, la Maison Blanche affirme qu’il serait «irresponsable» de ne pas tenter la carte du dialogue avec le chef du Kremlin, et revendique avec ce dernier une approche pragmatique, au cas par cas. La Russie est bien devenue incontournable, mais c’est notamment parce qu’elle est parvenue à compliquer la situation, note le quotidien Vedomosti. Le déploiement accru d’armes et d’hommes dans les zones contrôlées par l’armée syrienne nécessite une plus grande coordination entre ceux qui combattent l’Etat islamique. Dans le même temps, le rôle que peut jouer Moscou aussi bien dans la lutte contre l’EI que dans la résolution du conflit syrien reste incertain, et rien ne permet d’affirmer que la Russie ait une vision plus précise que les Occidentaux sur le sujet, notent les experts. Mais Poutine semble avoir réussi au moins un tour de force : faire fléchir les chancelleries occidentales au sujet d’Al-Assad, qui commence à apparaître comme un moindre mal. S’il parvient à imposer son plan de coalition élargie en renforçant Al-Assad au passage, c’est-à-dire «faire céder Washington», Poutine remportera l’une de ces victoires qui remplissent d’orgueil les Russes. Toutefois, et même si le taux de soutien de la politique du Kremlin en Syrie est calqué sur la cote de popularité de son chef, on continue de craindre en Russie qu’un engagement autre qu’«humanitaire» n’ouvre la voie à un deuxième Afghanistan. Obama contraint de composer U.S. President Barack Obama addresses attendees during the 70th session of the United Nations General Assembly at the U.N. Headquarters in New York, September 28, 2015. REUTERS/Mike Segar Le président américain avait promis il y a un an «d’affaiblir et détruire» l’Etat islamique en lançant une coalition d’une soixantaine d’Etats, dont dix-huit participent d’une manière ou d’une autre aux opérations aériennes, même si, jusqu’ici, 95 % des frappes ont été menées par l’US Air Force. Cette stratégie, faute notamment de partenaires fiables au sol, a néanmoins montré toutes ses limites, permettant au plus de contenir l’Etat islamique, qui prospère dans le chaos. Conscient de l’impasse, Barack Obama mise sur une solution politique : «Nous sommes prêts à travailler avec tous les pays, y compris la Russie et l’Iran, pour résoudre le conflit», a-t-il lancé hier, tout en rappelant qu’«après tant de sang versé et de carnages, il ne peut y avoir un retour au statu quo d’avant la guerre». Dans les mots tout au moins, cela signifie que pour Washington, comme pour Paris, Bachar al-Assad ne doit pas pouvoir à terme rester au pouvoir. Le président américain a dans son intervention dénoncé «un tyran qui massacre des enfants» et critiqué ceux qui, comme la Russie, le soutiennent, parce l’alternative serait «pire». Mais il accepte le dialogue, soulignant qu’il serait «irresponsable» de ne pas tenter cette carte, tout en s’interrogeant sur les véritables intentions russes. «Nous observons les actes et pas seulement les mots ; sur l’Ukraine, les actes ont rarement suivi les mots, mais sur le dossier du nucléaire iranien, la Russie a tenu ses engagements et joué un rôle constructif», déclare Ben Rhodes, un des proches conseillers d’Obama. Mais nombreux sont ceux, notamment dans le camp républicain, qui s’inquiètent. «Les Russes ont profité du vide créé par la politique d’Obama pour remettre pied en Syrie et au Moyen-Orient et devenir un interlocuteur privilégié», souligne John Bolton, ancien ambassadeur de George W. Bush à l’ONU et «faucon» notoire, inquiet de «la volonté russe de redevenir une grande puissance mondiale». (Photo Mike Segar. Reuters) Hollande frappe avant d’entrer French President Francois Hollande addresses the United Nations Sustainable Development Summit at the United Nations General Assembly in New York September 27, 2015. AFP PHOTO / TIMOTHY A. CLARY La première frappe aérienne française dimanche en Syrie contre un camp d’entraînement de l’EI à Deir el-Zor a concrétisé le tournant de Paris, qui considère le groupe jihadiste aussi dangereux que le régime d’Al-Assad, refusant tout ce qui pourrait renforcer le second. Avec cette initiative à la veille de l’ouverture de l’Assemblée générale de l’ONU, Paris veut revenir au centre du jeu diplomatique.«La France discute avec tous et ne veut écarter personne», souligne l’Elysée. Pour autant, «ce n’est pas parce qu’il y a un groupe terroriste [l’Etat islamique] qui lui-même massacre, tue, viole et détruit des patrimoines essentiels de l’humanité qu’il y aurait pour autant une sorte de pardon, d’amnistie pour le régime qui a créé cette situation […] Non», a martelé le président français à la tribune de l’ONU lundi. La transition politique en Syrie doit aboutir à «un gouvernement de transition doté des pleins pouvoirs incluant des membres du gouvernement actuel et de l’opposition […] Voila la base, utilisons-la, avançons», a lancé Hollande, déplorant que «certains pays veuillent incorporer Bachar al-Assad dans ce processus». La marge de manœuvre est étroite car le Kremlin veut en effet maintenir le dictateur syrien en fonction. «La Russie est autant une partie du problème que de la solution», souligne-t-on à Paris. En marge du débat, le Président a également annoncé qu’il allait discuter avec ses partenaires de la création d’une zone d’exclusion aérienne qui pourrait se situer dans le nord de la Syrie. Cette décision pourrait figurer dans une résolution du Conseil de sécurité. (Photo Timothy A. Clary. AFP) Rohani soutient Damas sans faiblir Hassan Rouhani, President of Iran, speaks the United Nations Sustainable Development Summit at the United Nations General Assembly in New York on September 26, 2015. AFP PHOTO / TIMOTHY A. CLARY La Syrie fut l’allié des jours difficiles du régime iranien. Lors de la guerre Irak-Iran (1980-88), quand le monde arabe soutenait et finançait l’Irak de Saddam Hussein, le régime syrien est toujours resté fidèle à celui de Téhéran. Une alliance stratégique qui pouvait sembler contre-nature : Damas comme Bagdad étaient dirigés par des branches (rivales) du parti Baas, mais se craignaient mutuellement. A présent, c’est au tour du régime iranien de venir à la rescousse d’un Bachar al-Assad aux abois et dont il est, avec la Russie, le plus ferme soutien. La présence de l’Etat islamique (EI) en Syrie sert de justification. «Si on retire le gouvernement syrien de l’équation, les terroristes entreront dans Damas», a prédit le président iranien Hassan Rohani à New York. «Si nous voulons réussir à combattre le terrorisme, a-t-il ajouté, le gouvernement à Damas ne peut pas être affaibli, il doit être capable de continuer la lutte, rester en place.» Il est vrai que l’EI représente une certaine menace pour Téhéran : selon le chercheur irakien Isham Hachemi, l’Iran, dans ses provinces à majorité sunnite, compte désormais trois groupes affiliés à l’EI. Mais la véritable raison du soutien de l’Iran à Assad est ailleurs : la Syrie est le pivot et relais du soutien militaire des Gardiens de la révolution au Hezbollah libanais, permettant à Téhéran d’accéder à la Méditerranée et d’être, indirectement, à la frontière israélienne. La défaite d’Al-Assad aurait donc un coût stratégique terrible. Quid de son remplacement ? «Cette insistance sur un changement dans le gouvernement syrien comme priorité numéro 1 avant la lutte [antijihadistes] n’a plus beaucoup de soutien, même en Occident», a répondu Rohani. Cela vaut réponse. (Photo Timothy A. Clary. AFP) Le roi Salmane sur deux tableaux A picture provided by the Saudi Press Agency (SPA), on July 12, 2015 shows King Salman bin Abdulaziz Al Saud launching five projects within the Third Saudi expansion for the Grand Mosque in Makkah, including expansion building, squares, tunnels, services building and the first ring road. The Grand Mosque accommodates more than 1,600,000 worshipers with 78 gates at the ground floor surrounding the expansion building. AFP PHOTO / HO / SPA = RESTRICTED TO EDITORIAL USE - MANDATORY CREDIT "AFP PHOTO / HO / SPA Depuis le début de la guerre en Syrie, la position de Riyad n’a pas varié : Bachar al-Assad, allié de l’Iran, doit partir et sa participation à une éventuelle transition politique est exclue. L’Arabie Saoudite se bat également contre l’EI en participant à la coalition internationale menée par les Etats-Unis en Irak. Pour autant, comme la plupart des pays arabes, il est très peu probable qu’elle aille plus loin et déploie des troupes sur le sol syrien pour lutter contre les jihadistes. Depuis mars, elle est déjà engagée au Yémen où son armée et ses alliés arabes du Golfe bombardent massivement les villes sous le contrôle des rebelles chiites houthis. Des soldats des deux pays sont également déployés sur le terrain. En Syrie, les Saoudiens tentent d’influer sur le cours de la guerre avant tout en finançant des groupes rebelles. Depuis 2011, ils ont soutenu des dizaines de groupes, aussi bien modérés que salafistes. Ils ont en revanche pris garde à ne pas armer le Front al-Nusra, la branche syrienne d’Al-Qaeda. L’Arabie Saoudite est une cible officielle d’Al-Qaeda qui a mené une campagne d’attentats meurtriers entre 2003 et 2007. Le soutien aux rebelles syriens a aussi ravivé les tensions avec le Qatar et dans une moindre mesure, avec la Turquie, qui ont privilégié les groupes liés aux Frères musulmans. Le mouvement a été classé comme «terroriste» par l’Arabie Saoudite l’an dernier, aux côtés du Front al-Nusra et de l’EI. Depuis, le nouveau roi Salmane a beaucoup assoupli sa position à l’égard des Frères. (Photo Spa. AFP) Marc Semo , Jean-Pierre Perrin , Luc Mathieu , Veronika Dorman (correspondante à Moscou) Après cet article Le président François Hollande s'adresse à l'assemblée de l'ONU à New-York, le 28 septembre 2015 Syrie : «On ne peut pas faire travailler ensemble les victimes et le bourreau» affirme François Hollande partager tweeter Envoyer xiti IFRAME: http://cstatic.weborama.fr/iframe/customers/premium.html?idEditeur=1084 &idSite=26