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Un «tir de sommation» qui aurait mal tourné, selon les autorités bulgares. C’est néanmoins la première fois qu’un réfugié trouve ainsi la mort depuis le début de la crise humanitaire à laquelle est confrontée l’UE. Ce drame est symboliquement survenu au moment même où se terminait, à Bruxelles, un sommet consacré aux réfugiés, le second en trois semaines. Les Européens, fidèles à leurs habitudes, se sont laissés surprendre par une crise pourtant annoncée, le conflit syrien vieux de cinq ans ayant déjà fait fuir 12 millions de personnes (dont 4 millions à l’extérieur de la Syrie). Dans la panique, les Vingt-Huit cherchent la formule qui leur permettra à la fois de respecter leurs valeurs fondamentales en donnant asile à ceux qui y ont droit tout en limitant le nombre d’arrivées, pour cause d’opinions publiques rétives. «Ni isolement complet ni ouverture complète», a résumé Angela Merkel, la chancelière allemande, à l’issue du Conseil européen. Etat des lieux des solutions envisagées, jeudi soir, par des chefs d’Etat et de gouvernement au pied du mur. Empêcher les réfugiés d’arriver dans l’Union La solution idéale pour les responsables européens est que les réfugiés, comme ils le font depuis cinq ans, et comme le font 95 % des réfugiés dans le monde, restent près de leur pays d’origine. Même si c’est déjà le cas en réalité : 96 % des Syriens ayant quitté leur pays se trouvent en Turquie, au Liban, en Jordanie, etc. L’Europe, elle, n’aurait vocation qu’à «accueillir seulement ceux qui sont dans une détresse telle qu’ils n’ont pas d’autre choix que de venir chez nous», a expliqué François Hollande. Cette stratégie implique une coopération des pays tiers et en particulier de la Turquie, une grande partie des réfugiés syriens, mais aussi afghans et irakiens, qui représentent l’essentiel du flux actuel, se trouvant ou partant en Turquie. Mais voilà : «Recep Tayyip Erdogan, le président turc, a flairé l’aubaine, surtout à quinze jours d’élections législatives qui s’annoncent difficiles pour lui», analyse un diplomate français. En clair, il a fixé un prix élevé à sa coopération. Ainsi, Ankara exige une accélération de ses négociations d’adhésion à l’Union, celles-ci s’enlisant depuis dix ans. Erdogan espère que les Européens se montreront moins regardants sur les dérives de son régime : «On ne sait pas s’il est sérieux ou s’il tente de séduire la partie pro-européenne de l’électorat», commente, dubitatif, un diplomate européen. Surtout, Erdogan demande la suppression rapide des visas de court séjour (moins de trois mois), une promesse qui lui a été faite en 2012 à condition que la Turquie remplisse 64 conditions, parmi lesquelles la signature d’un accord de réadmission des étrangers refoulés de l’UE. Des conditions qu’il n’est pas question d’abandonner : «Il ne faudrait pas qu’au prétexte de vouloir que la Turquie nous aide à retenir des réfugiés qui sont dans son pays, il y ait un mouvement de libéralisation dans n’importe quelles conditions», a martelé le chef de l’Etat français. Les Vingt-Huit ont donc simplement convenu de faire le point au printemps 2016 pour voir si la Turquie avait enfin fait ses devoirs, c’est-à-dire endigué le flux de réfugiés, avant de lui faire la moindre concession sur les visas. Aider les pays tiers qui accueillent réfugiés et immigrés Les Vingt-Huit ont reconnu que la demande d’assistance financière turque était justifiée, l’accueil de deux millions de réfugiés lui ayant déjà coûté entre 6 et 7 milliards d’euros : «Nous sommes prêts à partager le fardeau avec la Turquie», a dit Angela Merkel. L’Union a déjà trouvé un milliard d’euros dans le budget européen et il est question de tripler la mise sans que l’on sache comment pour l’instant. L’effort des Européens ne s’arrêtera pas à la Turquie. Alors que l’Union a déjà budgété 9,2 milliards d’euros en 2015 et 2016 pour gérer la crise des réfugiés, les Etats ont promis de verser des contributions au Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) de l’ONU (500 millions d’euros promis) ainsi qu’au fonds régional pour la Syrie (500 millions). De même, ils ont promis d’abonder un fonds pour l’Afrique (1,8 milliard) afin de fixer les immigrés économiques sur place. Pour l’instant, les Vingt-Huit ne se précipitent pas pour signer des chèques : seules l’Allemagne et l’Italie ont, par exemple, abondé le fonds pour la Syrie… La France, elle, brille par sa pingrerie. Mieux contrôler les frontières extérieures La crise des réfugiés a montré qu’un pays seul ne pouvait assurer le contrôle des frontières extérieures de l’Union. Certes, la Hongrie a annoncé qu’elle devait fermer sa frontière avec la Croatie vendredi à minuit, un mois après avoir pris la même mesure à sa frontière serbe, mais l’érection du mur hongrois renvoie simplement le problème ailleurs. Pour empêcher le rétablissement des frontières intérieures qui ne résoudrait rien non plus (construire un mur autour de la France est impossible), il faut donc mutualiser leur contrôle. L’idée est de créer un «corps de gardes-frontières et de gardes-côtes européens», comme l’ont déjà proposé à plusieurs reprises la Commission, mais aussi Helmut Kohl et François Mitterrand en leur temps. La France a suggéré, le 8 octobre, de procéder en deux temps afin de ménager la susceptibilité des Etats attachés à leurs prérogatives : d’abord, détacher du personnel auprès de Frontex. L’agence européenne de surveillance des frontières le mettra ensuite à disposition de l’Etat qui est dépassé par un afflux brutal. Dans un second temps, Frontex disposera d’une autorité pleine et entière pour surveiller les frontières extérieures de l’espace Schengen. Autrement dit, on passerait de l’appui à la substitution. Une proposition qui n’est pas encore actée. Créer un droit d’asile européen Le problème, comme l’a souligné Merkel, est que la reconnaissance du statut de réfugié est variable d’un pays à l’autre, chacun ayant sa propre interprétation de la Convention de Genève. Les Vingt-Huit ont admis qu’il fallait mettre en place un droit d’asile uniforme, comme le propose depuis longtemps la Commission. Les sommets n’ont pas fini de se succéder. LES SYRIENS FUIENT DAVANTAGE LE RÉGIME QUE L'ÉTAT ISLAMIQUE La preuve que les Syriens s’exilent surtout pour échapper aux raids de Bachar al-Assad que pour fuir l’Etat islamique a été apportée par les premiers résultats d’une étude de l’Organisation internationale des migrations du 31 juillet, auxquels Libération a eu accès. Depuis 2011, ce sont les régions d’Alep (Nord) et de la ceinture de Damas qui comptent le plus d’habitants s’étant exilés : 1,4 million dans la première (soit 20 % de la population actuelle) et 980 000 (plus de 48 %) dans la seconde. Ces régions, ainsi que celle d’Idlib (Nord-Est), sont aussi celles où les frappes aériennes et les largages de barils d’explosifs par l’armée syrienne ont été les plus meurtriers. Plus de 7 300 civils ont été tués par des bombardements à Alep et près de 3 200 dans la région de Damas, d’après l’ONG Center for Documentation of Violations in Syria. A l’inverse, les fiefs de l’EI à Raqqa (Nord) et Deir el-Zor (Est) ont vu 75 000 de leurs habitants (soit 3 % de la population estimée) fuir à l’étranger. Dans ces deux provinces, près de 1 400 civils ont péri lors de frappes aériennes, principalement menées par la coalition. Ces chiffres comportent des biais : il est plus facile de rejoindre la Turquie pour les habitants d’Alep que pour ceux des régions sous la mainmise de l’EI. Plus éloignées de la frontière, elles sont surtout davantage contrôlées, les jihadistes exigeant des justifications de la part des civils (par exemple le besoin de soins médicaux), avant de les laisser partir. Mais les données disponibles appuient un fait que ni les ONG ni l’ONU ne mettent en doute : «Il est incontestable que la vaste majorité des réfugiés syriens fuit les bombardements du régime. L’EI est aussi responsable de départs, mais absolument pas dans les mêmes proportions. Et vu la violence actuelle des frappes aériennes, il faut s’attendre à ce que les Syriens continuent à s’exiler», affirme un diplomate de l’ONU. Jean Quatremer Correspondant à Bruxelles Après cet article Une seconde photo de Billy the Kid authentifiée partager tweeter Envoyer xiti IFRAME: http://cstatic.weborama.fr/iframe/customers/premium.html?idEditeur=1084 &idSite=26