Vladimir Poutine tient sa revanche. Bousculé par la chute de Viktor Ianoukovitch à Kiev le 22 février, le président russe s'est refait une santé diplomatique à l'issue du référendum en Crimée. Car le plébiscite des habitants – 96,6 % ont voté en faveur du rattachement avec Moscou – lui permet de prendre l'avantage dans le bras de fer sans précédent depuis la guerre froide que se livrent la Russie et les Occidentaux. Et ce ne sont pas les sanctions prises par ces derniers qui vont le faire vaciller.

L'UE a en effet adopté lundi des restrictions de visas et un gel des avoirs à l'encontre de 21 responsables ukrainiens et russes. Barack Obama, lui, a gelé les avoirs aux Etats-Unis de 11 dirigeants, notamment Viktor Ianoukovitch. Des réactions immédiates au verdict des urnes, mais qui traduisent l'étroite marge de manœuvre dont disposent les Occidentaux. "On les voit difficilement pouvoir s'opposer au plan de rattachement, si ce n'est en engageant une action militaire qui n'aurait pas vraiment de légitimité", nous explique Alexandra Goujon. Selon cette maître de conférences à l'université de Bourgogne et spécialiste de l'Ukraine, "Vladimir Poutine, dont le référendum en Crimée légitime la politique depuis le début de la crise, est engagé dans un processus qui ne lui permet pas de reculer."

"Tout paraît envisageable"

Le président russe ne compte en effet pas s'arrêter en si bon chemin. Après avoir sorti le chéquier – Moscou a accordé lundi une aide de 295 millions d'euros à la Crimée -, la Douma doit voter vendredi en faveur de son inclusion à la Fédération de Russie. Lundi, Vladimir Poutine a signé un décret reconnaissant l'indépendance de cette péninsule séparatiste, avant dernière étape qui permet à la Russie d'étendre son territoire, pour la première fois depuis 1945. Nostalgique, Vladimir Poutine ? "Il y a cette volonté de rétablir la grandeur de la Russie. Le post-soviétisme na pas duré suffisamment longtemps pour changer un certain nombre de mentalités", estime Alexandra Goujon. Un comble pour la jeunesse ukrainienne, sous le choc après avoir retrouvé le parfum d'une époque qu'elle pensait être révolue. Et le maître du Kremlin aurait encore quelques surprises à leur réserver. Car après son emprise sur la Crimée, Moscou lorgnerait sur l'Est de l'Ukraine.

"La Russie instrumentalise la situation avec la présence de civils mais aussi des militaires, dont certains sont présents dans des villages proches de la frontière, assure Alexandra Goujon. On ne connaît pas la stratégie de Poutine, mais tout paraît envisageable. On parle même de Kiev." Un scénario qui effraie les Ukrainiens autant qu'il attise la ferveur nationaliste des Russes. Le taux de popularité de Vladimir Poutine, qui s'exprime mardi au Parlement sur la situation en Crimée, a atteint ces jours-ci 69 % d'opinions favorables. Un record depuis son retour au pouvoir en 2012.