International  |  18 mars 2014

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Poutine a-t-il remporté son bras de fer diplomatique?

Le président russe a signé mardi l'accord rattachant la péninsule de Crimée à la Russie. Dans un discours devant les parlementaires, Vladimir Poutine a défendu son action malgré les nouvelles sanctions occidentales.

Vladimir Poutine

Vladimir Poutine a signé mardi le décret rattachant la Crimée à la Russie. (Reuters)

Deux jours après le plébiscite des habitants de Crimée, la péninsule ukrainienne a été officiellement rattachée à la Russie mardi. La signature de cet accord a été annoncée par le Kremlin dans la foulée d'une allocution de Vladimir Poutine devant les deux chambres du Parlement, les gouverneurs et les membres du gouvernement russe. Dans ce discours, le président a défendu la légitimité de son action en rappelant que "la Crimée était et reste dans le cœur des Russes une partie intégrante de la Russie". Il a au contraire considéré plutôt comme une anomalie le fait que cette région ait été séparée de son pays lors de l'éclatement du bloc soviétique en 1991. Mais après le renversement du pouvoir en Ukraine, "on ne pouvait pas ne pas agir", a-t-il fait valoir.

Vladimir Poutine a surtout été véhément envers les Occidentaux, qu'il a accusés d'avoir "franchi la ligne rouge" et de "s'être comportés de manière irresponsable" en dénonçant le vote de la Crimée. Le président russe a aussi cité les sanctions prises contre son pays. Un nouveau train de mesures a en effet été annoncé comme prévu lundi, dans la foulée du référendum. Les avoirs à l'étranger d'un certain nombre de dirigeants russes et ukrainiens pro-russes sont ainsi gelés et leurs visas restreints. Ils sont 21 sur la liste de l'UE, qui ne concerne toutefois pas des membres du gouvernement russe ni le cercle proche du président Vladimir Poutine.

Des sanctions a minima

Si ces sanctions sont inédites dans l'histoire des relations UE-Russie depuis l'effondrement de l'Union soviétique en 1991, elles restent donc symboliques. "Cette réponse n'est pas très efficace et manque de cohérence entre les Etats-Unis et Union européenne puisque la liste américaine est beaucoup plu sévère", explique pour leJDD.fr Tatiana Kastoueva-Jean, responsable du centre Russie-NEI à l'Ifri. "Pour les Occidentaux, il fallait faire quelque chose sans aller à l'escalade. Cela les ridiculise aux yeux des Russes", ajoute la spécialiste.

D'autres formes de sanctions, notamment commerciales, pourraient avoir bien plus d'impact sur l'économie russe mais sont encore à l'étude. Le président François Hollande a ainsi appelé mardi à "une réponse européenne forte et coordonnée à la nouvelle étape qui vient d'être franchie" lors du sommet européen des 20 et 21 mars. Son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a annulé une visite prévue ce mardi à Moscou et a déclaré que Paris pourrait "envisager" de suspendre la vente de deux Mistral à Moscou, aux termes d'un contrat signé en 2011. "Notre collègue ne sait-il pas combien de postes de travail ont été créés en France grâce à notre partenariat?", lui a répondu le vice-Premier ministre russe visé par les sanctions américaines, Dmitri Rogozine, pour qui "la France commence à trahir la confiance qu'on place en elle comme fournisseur fiable".

"Un tour de force de Poutine parfaitement réussi"

De manière générale,  les sanctions occidentales suscitent "l'ironie et même le sarcasme" en Russie, selon un conseiller du président Poutine, Iouri Ouchakov, cité par les agences de presse russes. "Je pense que ce sont des sanctions très confortables, je n'y vois pour moi aucun problème", a également dit un autre conseiller présidentiel, Vladislav Sourkov, lui-même visé par les sanctions américaines. Sans réponse forte, "le tour de force de Vladimir Poutine est, à court terme, parfaitement réussi", selon Tatiana Kastoueva-Jean. "La Crimée et la ville de Sébastopol sujets de la Fédération russe, le pays a un large accès aux mers chaudes et va même arrêter de payer le stationnement de sa flotte", analyse-t-elle, alors que la rente annuelle pour le Kremlin était de 74 millions d'euros.

En revanche, prévient la spécialiste, "des conséquences à moyen et long terme peuvent aller à l'encontre des intérêts de la Russie" puisqu'en agissant ainsi sur la Crimée, Vladimir Poutine "jette le reste de l'Ukraine dans les bras des Occidentaux". Ce rapprochement a, de fait, déjà commencé depuis l'arrivée au pouvoir de nouvelles autorités à Kiev. L'UE et l'Ukraine pourraient ainsi signer dès cette semaine le volet politique de leur accord d'association, qui avait été abandonné par le président Viktor Ianoukovitch en novembre. La question de l'adhésion du pays à l'Otan se pose également.

Vladimir Poutine, qui bat des records de popularité auprès des Russes, sera-t-il tenté d'accroître son influence en prenant possession de l'Est russophone? "Ne croyez pas ceux qui vous font peur au sujet de la Russie, qui vous disent qu'après la Crimée, vont suivre d'autres régions. Nous ne voulons pas la scission de l'Ukraine, nous n'en avons pas besoin", a répondu le président russe mardi. Pour le politologue russe Alexeï Malachenko cité par l'AFP, Vladimir Poutine "se sent vainqueur et l'Est de l'Ukraine pourrait le conduire à la défaite, il n'y a pas là-bas un soutien de la Russie par 97% de la population, ce serait la guerre civile". Le Kremlin garde de toute façon des moyens de pression économiques sur l'Ukraine, via notamment les prix de son gaz. Kiev peut difficilement tourner totalement le dos Moscou.

mardi 18 mars 2014

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