Terrorisme : les Etats-Unis demandent l’aide de la Silicon Valley pour détecter la radicalisation

Le Monde | • Mis à jour le | Par

Depuis plusieurs mois, le gouvernement américain veut convaincre les entreprises de la Silicon Valley de contribuer davantage à la lutte contre le terrorisme.

Pour tenter de rétablir un dialogue passablement écorné ces derniers mois et accentuer la pression sur ce sujet, l’administration Obama a, vendredi 8 janvier, dépêché dans la Silicon Valley tous ses plus hauts cadres de la sécurité nationale.

Le directeur de cabinet de Barack Obama, le directeur du FBI, de la NSA, le chef du renseignement ou encore le procureur général, entre autres, ont participé à une réunion inédite avec des cadres de Facebook, Google, Apple ou encore LinkedIn. Le lieu de la réunion – San Jose, à quelques encablures seulement des sièges californiens de ces entreprises – ressemblait presque à un geste de bonne volonté de la part de la Maison Blanche.

Détection de la radicalisation

L’ordre du jour, que se sont procuré plusieurs médias dont le Guardian, fait la part belle à la contre-propagande et à la lutte contre la radicalisation. Les participants à la réunion ont donc planché sur la manière de « rendre plus difficile l’utilisation d’Internet par les terroristes pour recruter, radicaliser ou mobiliser des individus », sur les moyens de « contrecarrer l’embrigadement violent et à identifier les signes de recrutement » ainsi que sur les « techniques pour détecter et mesurer la radicalisation ».

Selon le Guardian, les participants ont par exemple cherché à savoir si le mécanisme de Facebook permettant de détecter les tentatives de suicide pouvait être appliqué à la radicalisation djihadiste.

L’épineuse question du chiffrement des données des utilisateurs, sur laquelle se sont publiquement affrontés administration et entreprises ces derniers mois, a bien été abordée dans cette réunion au sommet. Selon le Washington Post, le patron du FBI aurait même fait de l’inscription du sujet à l’ordre du jour une condition de sa venue. Mais les hauts fonctionnaires américains ont décidé de ne pas en faire, officiellement, un sujet central, à rebours de leur stratégie de ces derniers mois.

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Sans attendre l’issue de la réunion, qui avait davantage pour vocation de renouer le dialogue que d’aboutir à des solutions concrètes, la Maison Blanche a annoncé l’établissement d’une cellule anti-djihadiste, chapeauté par les ministères de la justice et de la sécurité intérieure, mais aussi d’une mission menée par le ministère des affaires étrangères se concentrant sur le contre-discours face à la propagande djihadiste.

Les rares chefs d’entreprise présents ayant accepté de s’exprimer, souvent sous couvert d’anonymat, sont ressortis satisfaits de la réunion. Matthew Prince, président de CloudFlare s’est ainsi dit « agréablement surpris du ton de la conversation ».

Un dialogue renoué mais fragile

Sur le terrorisme, le dialogue semble donc se renouer entre le gouvernement et les grandes entreprises. Depuis plusieurs mois, le ton était monté entre chefs d’entreprises et fonctionnaires autour de la question du chiffrement des données.

Plusieurs entreprises ont renforcé, après les révélations d’Edward Snowden sur la surveillance américaine, les dispositifs de protection des données de leurs utilisateurs, notamment le chiffrement. Les autorités les ont accusées à de nombreuses reprises de compliquer le travail des enquêteurs travaillant sur des affaires terroristes ou criminelles, les empêchant d’accéder à des informations cruciales. Un reproche que l’on commence à entendre en France.

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De nombreuses voix, dans l’administration, voulaient que les autorités puissent accéder, quoi qu’il arrive, aux données des utilisateurs. Un tel mécanisme ne peut exister que s’il contourne la protection, cryptographique, appliquée à ces données : une hypothèse contre laquelle les entreprises sont vent-debout, rappelant que cet affaiblissement des normes de protection serait préjudiciable à la sécurité des données de tous leurs utilisateurs, et par ricochet, à la confiance de leurs clients, et donc leur chiffre d’affaire à l’étranger.

Cette hypothèse d’une porte-dérobée semblait avoir été définitivement écartée par la Maison Blanche en octobre. Pourtant, dans la foulée des attentats de Paris, Saint-Denis et San Bernardino, le directeur du FBI avait à nouveau demandé à pouvoir lire en dernier ressort toutes les données, même chiffrées. Dans son discours tenu juste après les attaques de San Bernardino, Barack Obama y faisait encore allusion : il fallait, selon lui, « rendre plus difficile pour les terroristes d’utiliser la technologie pour échapper à la justice ». La réunion tenue vendredi n’a certainement pas permis de solder cette délicate question.

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