Les djihadistes se vengent des "repentis" qui parlent à la justice

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Les partisans du djihad diffusent sur le Web des images qui accablent plusieurs ex-djihadistes jugés actuellement en Belgique. Un message à destination de ceux qui seraient tentés de revenir du djihad. 

Les djihadistes se vengent des "repentis" qui parlent à la justice

(Photo d'illustration) Les djihadistes se vengent des "repentis" en diffusant des images compromettantes.

AFP/Bulent Kilic

Vengeance sur la place publique. Des djihadistes diffusent sur Internet des informations sur des ex-camarades jugés à Bruxelles parce qu'ils ont parlé à la justice. Objectif: voire les peines de ces "traîtres" alourdies, rapporte La Libre Belgique. Plus qu'une simple revanche, l'opération vise à verrouiller l'emprise des djihadistes sur leurs petits soldats venus d'Europe. Explications.  

Enfoncer ceux qui se présentent comme repentis

Elias Taketloune est l'une des victimes de cette campagne. Cet homme de 23 ans s'est rendu en Syrie de novembre 2012 à mai 2013 (époque à laquelle sa femme a accouché de leur premier enfant). A son retour en Belgique, il s'est rendu à la police de lui-même et a affirmé qu'il avait seulement, au cours de son séjour, travaillé comme aide humanitaire. 

La ligne de défense du jeune homme, jugé à Bruxelles dans un groupe de 46 personnes pour appartenance à une "organisation terroriste", est aujourd'hui fragilisée. Les djihadistes ont en effet diffusé récemment vidéos qui attesteraient de son implication dans la guerre sainte. On le voit notamment crier "nous luttons pour la cause d'Allah" et porter un kalachnikov. 

"Je ne suis pas surpris de voir une telle tentative d'intimidation", explique à L'Express Martin Pradel, avocat de plusieurs Français revenus de Syrie qui font l'objet de poursuites judiciaires. "En fait, cela s'adresse plus à ceux qui sont encore sur place qu'à ceux qui sont rentrés, analyse-t-il. Ces groupes djihadistes leurs disent: si vous rentrez, vous allez être condamnés à des peines très très lourdes. On leur parle de Guantanamo, on évoque un possible usage de la torture en France." 

Il s'agit en fait d'une nouvelle preuve de l'expertise des djihadistes en matière de communication. Or, tout n'est pas à prendre pour argent comptant, estime-t-il. "Il faut savoir que ceux qui arrivent en Syrie sont maintenus dans une sorte de contrainte. On leur demande de s'exprimer, de se prendre en photo. Ce sont des éléments à charge, mais tout est à prendre avec des pincettes, rien n'est neutre." Bref, ce qu'on voit sur leur profil Facebook ne reflète pas forcément leur état d'esprit

Faire croire que les ponts sont définitivement coupés

Y a-t-il une vie après le djihad? Peut-on réinsérer ces jeunes revenus de Syrie, une fois leur peine de prison purgée? Martin Pradel accompagne plusieurs familles confrontées au problème. Il lui arrive d'entrer en contact avec des jeunes qui hésitent à revenir en France. "Je leur explique qu'il y a des conventions internationales, qu'ils ont le droit à un procès équitable, qu'ils pourront dire leur vérité. Contrairement aux terroristes, nous avons des procédures." 

Pour l'avocat, les groupes terroristes ont tout à gagner à voir les tentatives de réinsertion échouer. Paradoxalement, ils espèrent donc les peines les plus fortes possibles contre les ex-soldats d'Allah. "Ils espèrent pouvoir montrer qu'une fois partis, les ponts sont coupés pour toujours. Cela dissuaderait ceux qui mettent en doute leur engagement de rentrer". 

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Martin Pradel ne nie pas pour autant la complexité du problème. "La réinsertion est une vraie question qui se pose à nous". Il note cependant, pour avoir été en contact avec différents djihadistes revenus de Syrie, que tous n'ont pas le même profil. "Certains disent qu'on les a forcés, d'autres disent qu'ils ont agi de leur propre chef, mais regrettent leurs actes et d'autres, plus rares, les revendiquent." Autant de cas particulier qui appellent donc, selon lui des réponses individuelles. 

Point de vue partagé par les avocats des ex-djihadistes jugés en Belgique. "Les preuves doivent prévaloir sur le contexte ambiant", a récemment déclaré au Vif John Maes, qui défend l'un d'eux.