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Justice ou vengeance Avant de commencer ma planche j’ai d’abord cherché la définition de ces deux mots : JUSTICE est un principe moral qui fonde le droit de chacun. Il tire son origine du mot latin JUS qui veux dire DROIT. Il a plusieurs acceptions : dans le sens moral, c’est une vertu, un idéal. En droit, on l’utilise pour désigner un ensemble d’institutions qui portent le nom de cours, tribunaux ou conseils, endroits où l’o rend la justice. Historiquement, PLATON soutient que le cosmos ou son harmonie parfaite représente pour la justice humaine un modèle. La justice consiste à respecter l’harmonie des êtres, que chaque individu occupe dans la cité la fonction pour laquelle il est fait. CICERON estime que la justice est quelque chose d’éternel qui gouverne le monde entier, montrant ce qu’il est sage de prescrire ou d’interdire C’est par ce qu’il est doué de raison que l’être humain peut discerner le juste de l’injuste. Après que l’on a pensé que la justice relevait du divin, au 18e siècle KANT pense que le juste est ce qui justifié devant le tribunal de la raison. J. J. ROUSSEAU dénonce le faux contrat social, qui sous prétexte de protéger les biens de chacun, livre au bon vouloir des possédants, ceux qui n’ont rien. Au 19e siècle, MARX estime que la justice n’est en fait que la manifestation du droit le plus fort. Pour lui la justice ne sera réalisée que dans une société sans classe. La vengeance est le dédommagement moral de l’offensé par la punition de l’offenseur. « La vengeance est douce à tous les cœurs offensés » a dit Marivaux. « L’enivrante jouissance de la vengeance satisfaite » relate BALZAC « Va, cours, vole et nous venge » dit CORNEILLE. La vengeance est un acte d’attaque d'un premier acteur contre un second, motivée par une action antérieure du second, perçue comme négative (concurrence ou agression) par le premier. Il peut s'agir de personnes, de personnes morales, de groupes familiaux ou ethniques, d'institutions, notamment pour le second acteur. Ce comportement n'est pas exclusivement humain, mais c’est chez eux que la vengeance est la plus fréquente. On connaît notamment ces éléphants de cirque qui attaquent leur dresseur qui les maltraite. En décembre 2000, le journal saoudien Al Riyadh a rapporté qu'un groupe de babouins hamadryas s'étaient embusqués sur le bord de la route pendant trois jours afin de lapider un automobiliste, qui avait précédemment écrasé un des membres du groupe de singes. La justice est-elle un acte de vengeance ? Pour éviter qu'on ne perde trop de temps, je rappelle : 1) que la vengeance consiste à « se faire justice soi-même », c'est-à-dire à se dédommager (souvent avec violence) en punissant une personne qui nous a fait offense. L'idée est quand même qu'on ne passe pas, lors d'une vengeance, par les voies légales (tribunaux etc.), soit qu'ils n'existent pas, soit qu'on les juge incompétents, laxistes, stupides...etc. 2) que « la justice » désigne d'abord le « ministère de la justice », c'est-à-dire justement les tribunaux, les juges, les greffiers...et on voit tout de suite où ça pose problème. Qu'elle désigne ensuite le droit « positif » en tant qu'ensemble de règles légales applicables dans un pays donné à un moment donné (pas seulement le droit pénal, mais aussi le code de la route, le droit de la famille, le droit des contrats, le droit administratif, le droit de la nationalité...). Ces règles décident les droits et les obligations de chaque citoyen. Dans une troisième acception, la « justice » désigne le critère par lequel, muni des lois d'un côté et des faits de l'espèce de l'autre, le juge rend sa décision. Dans ce sens, la justice dépasse les seules questions juridiques et touche à l'ensemble des problèmes moraux, voire esthétiques (on peut « juger » la valeur d'une œuvre d'art par rapport aux autres). Enfin, la « justice » peut désigner cette vertu particulière qui fait que quelqu'un juge « bien » (proche de l'équité et de l'impartialité). 3) que d'ordinaire on distingue la justice « commutative » (à chacun la même chose) de la justice « distributive » (à chacun selon ses besoins). Quand il s'agit de partager un gâteau, on peut couper en parts régulière et en donner une à chaque convive. On peut aussi décider de découper le gâteau en fonction de l'appétit, des besoins nutritionnels et de la gourmandise de chaque personne autour de la table. On confond souvent justice et vengeance (comme lorsqu'on utilise l'expression contradictoire : « se faire justice soi-même »). Mais il est plus difficile d'être animé par l'esprit de justice que par l'esprit de vengeance. La vengeance, réaction spontanée à une affaire personnelle. On dit parfois que la vengeance est un plat qui se mange froid, parce qu'on peut remettre à plus tard son accomplissement dans un but d'efficacité. Cependant, le recours à la vengeance est fondamentalement spontané : l'individu qui se croit victime d'un tort cède au désir immédiat de faire en contrepartie du tort à l'individu jugé responsable. Il s'agit d'une logique passionnelle, pour une affaire principalement personnelle. Punir les malfaiteurs est généralement futile. La plupart des mécréants, indépendamment de leur cruauté, se voient comme des victimes et leur punition imméritée. Et ceux qui acceptent comme méritée n'a pas besoin d'être punis. Pourquoi Salomon voulut que le secret du crime et de la punition restât concentre parmi les maçons... Pour répondre à ce questionnement, j’ai choisi volontairement la version raconté par Gérard de Nerval dans son ouvrage « Voyage en Orient », car c’est celle qui me permet en premier lieux de valider cette notion de justice de classe. En effet quel intérêt Salomon avait-il à garder secret le crime et la punition dans le cercle des initiés ? Plantons les décors : Salomon était un joueur invétéré. Il dilapidait l'argent du royaume en dépensant sans compter - celui qu'il n'avait pas. Il se trouvait donc à la merci d'Hiram de Tyr. Lorsque ce dernier lui demanda de commencer à rembourser sa dette, Salomon, ne pouvant pas le faire. Il dut pour cela lui donner 20 villages d'Israël en paiement. Cet acte de haute trahison qui aurait dû le faire mettre immédiatement à mort fut étouffé avec la complicité des lévites qu'il avait « achetés » contre des privilèges exceptionnels. Ils touchaient 10% sur tous les revenus des fidèles, sur les récoltes, sur les élevages de bétail, etc. Pour avoir encore plus d'argent, ils créèrent même une seconde dîme qui taxait les pèlerins sur les sommes qu'ils dépensaient durant leur séjour à Jérusalem. Grâce au salaire que leur versa Salomon, les lévites furent les premiers fonctionnaires au monde ! Salomon devait donc une fortune au roi de Tyr qui lui avait avancé des sommes colossales pour bâtir le temple de Jérusalem. Temple qui servit à Salomon pour s’emparer du pouvoir politique et religieux détenu jusqu’alors par les chefs des douze tribus. Dans cette allégorie, On peu se demander ce que faisait Hiram dans ce petit temple qui n'était qu’une pâle copie, en plus pauvre, d'un modeste temple égyptien bâti par Ramsès III. Une autre légende Maçonnique fait intervenir la Reine de Saba qui porte sa préférence sur l’architecte Hiram et rend fou de colère et de jalousie le roi Salomon. Dans ce contexte, il paraît vraisemblable que ce soit Salomon qui, par jalousie et pour se débarrasser d’un rival gênant, aurait envoyé les trois mauvais Compagnons pour tuer le Maître. On comprend mieux, Le fait accompli, pourquoi Salomon se serait trouvé dans l'obligation de faire chercher les meurtriers d'Hiram. Tout simplement parce que Hiram l'architecte n'était pas juif et qu'il était l'envoyé spécial du roi Hiram de Tyr. En effet, ayant des comptes à rendre au roi Hiram de Tyr, Salomon devait protéger la vie de tous les Tyriens qui valaient infiniment plus aux yeux du roi Hiram que les nomades miséreux des tribus d'Israël. En vertu de cette responsabilité morale et politique, Salomon ne pouvait pas faire autrement que de faire rechercher les meurtriers d'Hiram. Comme il semblerait fort vraisemblable qu'il fut le commanditaire de ce crime, il ne fallait surtout pas que les criminels fussent retrouvés ou capturés vivants. Salomon choisit lui-même les membres du commando (les 9 élus secrets) pour qu'ils éliminent ces trois hommes de main et ne les ramènent en aucun cas vivants. Les invraisemblances des légendes maçonniques étonnent par leurs récits et en voici deux exemples anachroniques qui valident cette notion de justice de classe. Mais ce qui est en fait le plus anachronique ce sont les interrogations que soulèvent ce récit dans la recherche de la vérité. Car l’important ce n’est pas l’Histoire. Mais pourquoi l’histoire est construite ainsi et, surtout comment traverser cette histoire pour en sortir plus évolué. La liberté initiatique ne peut se concevoir que dans la justice. Il convient cependant pour le comprendre de développer ce concept, si difficile à appréhender. Dans la tradition classique occidentale, la justice apparaît comme une disposition intérieure, une vertu morale, qui tend à rendre l’homme parfait. Elle est supérieure à toutes les autres vertus, et Platon la considère plus élevée que la sagesse, le courage et la tempérance. Cette justice là, pousse l’individu à réaliser autour de lui un ordre juste : Le Rituel initiatique fait sienne cette conception ; et le Maître Elu y adhère. Si la justice revient, au contraire, au seul fait de juger, le Maître Elu fait en effet partie des juges autoproclamés et expéditifs. A partir de quel fondement s’arroge-t-il le droit de juger le mauvais compagnon ? Comment peut-il punir sans même entendre l’accusé en sa défense ? Comment se permet-il de juger seul en se prétendant infaillible ? La thèse du rituel, consistant à vouloir venger la mort de maître Hiram, peut apparaître ici comme antimaçonnique. Elle est à l'opposé de toutes les vertus. Elle viole la Loi mosaïque à laquelle devait impérativement obéir Salomon. La vengeance est bestiale, démoniaque, indigne. Comment un maçon qui s'est engagé « à élever des temples à la vertu et à creuser des tombeaux pour les vices », pourrait-il se comporter ainsi ? Comment un aspirant à l'initiation qui doit découvrir ce que sont la Beauté, la Force et la Sagesse pourrait-il se comporter en champion de la violence, en bête fauve ? Si le Maître Elu répond à ces questions il est perdu car il s’éloigne de son véritable travail. Il faut comprendre que l’allégorie n’existe que pour notre justice intérieure. C’est seulement dans cet espace que nous pouvons dire qu’il s’agit d’une justice de classe, de notre propre justice. Car au plus profond de nous même le secret du crime et la punition reste une affaire personnelle, une instruction que notre liberté de conscience donne à l’intellect pour tuer ego. Ainsi l’Elu des neuf remonte effectivement à la source de son fonctionnement. Il se défie de ses désirs d’idéologie qui le conduisent à s’évader d’un monde auquel il appartient et avec lequel il va apprendre à vivre, tout en accédant au monde immédiatement supérieur. Sur le trajet qui va d’une facette extérieure comme lui suggère le Rituel, il se mobilise sous la houlette d’un étranger et s’oriente délibérément vers le centre, vers sa caverne, là ou est le secret de son existence. Le désir de se libérer de l’emprise de l’ego, l’espoir qu’il est possible, d’une certaine manière de se retourner contre les puissances du corps ténébreux pour éveiller un corps de lumière, font que neuf maîtres en nous, neuf personnages désespérés prêts à s’évader, se divisent, se séparent de notre conscience pour atteindre, après un éprouvant parcours, le lieu secret, le centre de fonctionnement où se noue mystérieusement notre esclavage mental. Le chemin maintenant est aussi difficile à comprendre qu’à décrire. Le mental est devenu esprit, esprit du cœur parce qu’il comprend par effusion, par étreinte, par amour. Alors que l'ego lui n’écoute pas la raison du mental, il agit suivant ses pulsions et ses habitudes et refuse toute transformation. Il va falloir la fougue, l’impatience, l’exigence démesurée d’une partie de nous-mêmes pour triompher dans l’absolue. En pénétrant dans notre caverne, à la lumière vacillante de notre faible conscience qui brûle comme la mèche d’une fragile lampe à huile se lève le bras armé pour commettre l’acte meurtrier. Par ce coup de poignard porté à l’agitation du mental, nous nous trouvons à cet instant au seuil d’une nouvelle étape de fonctionnement de notre centre intellectuel. Passée la crainte de l’acte de justice, nous devons constater que notre mental jusque là enfoui sous les décombres du savoir accumulés au cours de notre vie, doit s’éveiller lentement à une conscience spirituelle qui doit nous permettre de mieux comprendre le sens de notre recherche et de la vie quotidienne. Je ne peux pas m’empêcher à ce propos de vous citer l’expérience de Notre Frère Alain Pozarnik relatée dans « La voûte Sacrée » tant elle est riche en enseignements : « Chacun d’entre nous doit devenir neuf pour décapiter la moindre velléité de nos émotions, de nos certitudes, de nos amours ou de nos respects. Ce qui nous semble ordinaire ou extraordinaire doit être décapité, ce qui nous semble gentil ou méchant doit être décapité, ce qui nous semble idiot ou intelligent doit être décapité, ce qui est réussite ou échec doit être décapité, tout, absolument tout, doit être décapité. Nous devons arrêter de croire quoi que ce soit… » « Nos questions sur le chemin de la sagesse, notre interrogation sur notre conduite, nos sentiments, nos passions, nos arbitrages, même notre fraternité et notre recherche, tout ce qui est, tout ce qui fait partie de nous aujourd’hui doit être décapité. Pour devenir radicalement nouveau, nous devons radicalement décapiter tout l’ancien, il n’y a rien à trier, à sauvegarder ou à préserver. C’est dur à entendre, c’est encore plus dur à réaliser et pourtant, pas une idée, pas un personnage, pas une habitude ne doit survivre dans l’immense action d’une vengeance créative. Car l’homme ordinaire, l’assassin de l’Etre doit être décapité… » Voilà pourquoi, Mes FF\ E\, le secret du crime et la punition doit rester concentrer parmi les Initiés, car chacun d’entre nous accompli sa propre justice pour se transformer réellement et pour pouvoir affronter sereinement la justice des Hommes et parfois celle des Francs-Maçons. M\ C\ |
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