L'hindi et l'ourdou (l'hindoustani)

Table des matières

Le hindi

Généralités
Histoire de la langue
Situation juridique
Morphologie et syntaxe
L'écriture — les symboles
L'écriture — agencement

L'ourdou


Le hindi

Le hindi est numériquement la troisième langue du monde après le mandarin et l'anglais : il est parlé dans le nord de l'Inde, autour du bassin du Gange et dans certaines régions dans le sud, là où résident des communautés musulmanes ourdophones, comme Haïdarâbâd. Le terme hindi désigne la langue écrite en caractères nâgarî dans laquelle domine le vocabulaire dérivé du sanscrit ou emprunté à cette langue littéraire.

À peu près 40% de la population de l'Union indienne, peuplée de près d'un milliard d'habitants, parle le hindi, langue indo-aryenne, appartenant à la plus vaste des familles des langues indo-européennes. D'après les recensements de 1981, 265 millions de locuteurs déclarent le hindi comme leur langue maternelle; à ce chiffre, on doit ajouter tous les locuteurs qui utilisent le hindi dans la vie courante et les locuteurs de la langue ourdoue très proche.

S'il est vrai que l'on peut se débrouiller avec l'anglais en Inde, il ne faut pas se bercer d'illusions : un très faible pourcentage d'Indiens sont réellement anglophones, et il est de votre avantage de connaître le hindi. Cela plaira beaucoup à vos interlocuteurs.


Situation juridique

La constitution de 1950 a fait du hindi la langue officielle de l'Union indienne, associée à l'anglais. Dans cinq États (Uttar Pradech, Madhya Pradech, Himachal Pradech, Bihar, Rajasthan) et deux territoires (Haryana et Delhi), le hindi est la langue officielle à part entière.

Paradoxalement, aujourd'hui, le facteur principal de diffusion du hindi dans les États partiellement hindiphone ou non hindiphone n'est ni la scolarisation, ni les instituts supportés par le Commissariat à la langue hindi, mais bien plutôt le cinéma commercial hindi extrême populaire en Inde.


Histoire de la langue

La plus ancienne langue connue en Inde du groupe indo-européen est le védique, que parlaient les Aryens nomades vers 2 000 avant J.-C. Les différentes langues dites prâkrit se sont formées au contact des substrats linguistiques. De ces langues sont issus le pali, et, par la suite, les langues modernes de l'Inde.

Le sanscrit est une construction artificielle, œuvre de linguistes et grammairiens qui ont cherché à constituer une langue parfaite capable d'une grande expressivité et de subtilité. Le sanscrit (parfait, civilisé) s'oppose au prâkrit (dénué d'apprêt, usuel, populaire). Le terme de sanscrit classique, le véhicule littéraire des classes supérieures brahmanes, correspond à la langue et à sa littérature du IVe siècle avant J.-C., date de sa codification précise et détaillée par le linguiste de génie Pânini) jusqu'aux XIIe et XIIIe siècles de notre ère.

Le sanscrit est ainsi devenu une langue de culture – c'est le sens actuel que prend le mot sanscrit en hindi moderne – sans qu'il fut jamais réellement une langue populaire. Les grands textes de langues vulgaires ont été traduits en sanscrit, ce qui a contribué à unifier les grandes langues de l'Inde.

Du point de vue linguistique, le hindi est une langue indo-aryenne appartenant au groupe occidental des dialectes parlés dans les vallées de l'Indus et du Gange, et en Inde centrale. Sa forme moderne dérive du dialecte sirhindî ou bângarou parlé dans la région de Mirat et de Delhi. Les envahisseurs musulmans, Turcs et Afghans (XI-XIIIe siècles) appelèrent cette langue simplement hindui : langue du Hind ou des Hindous par opposant au turc et au farsi.

Le hindi devint progressivement entre le XIIIe et le XXe siècle la grande langue commune de l'Union indienne. Le hindi – qui n'était au départ qu'une langue vernaculaire, privée de toute littérature – ne s'est imposé qu'avec grande difficulté. Il devait en effet lutter contre deux grandes langues de cultures locales du nord de l'Inde : le braj à l'ouest et l'avadhî à l'est. Langues classiques par excellence, puisque toute la littérature hindi avant le XIXe siècle est composée dans l'une ou l'autre de ces formes plus anciennes du hindi.

Le développement de l'hindi est intimement lié à l'histoire du pays. En effet, le hindi s'est distingué de l'ourdou, parlé à la fois au Pakistan et en Inde, en devenant langue officielle et nationale de l'Inde. Au XIXe siècle, on ne parlait que d'hindoustani en se référant à la langue commune qui allait donner naissance, à la suite de tensions de plus en plus fortes entre les communautés musulmane et hindouiste, à l'ourdou et à l'hindi respectivement. Voir ourdou, divergences linguistiques avec l'hindi pour plus de détails.


Morphologie et syntaxe

L'hindi ne connaît pas d'article. Deux genres existent : le masculin et le féminin. Une terminaison typique masculin est , par exemple larka garçon. Les mots féminins se terminent habituellement par , ou -iyâ, exemple : larkî fille. Les noms sanscrits conservent leur genre d'origine.

La déclinaison hindi comporte deux cas : le direct (nominatif) et l'oblique ainsi que deux nombres : le singulier et le pluriel. Le génitif est exprimé par le biais d'une postposition (le lien) kâ, kî, kê selon le genre et le nombre des objets possédés. Le lien suit la forme oblique du possédant : larke kî pustak le livre du garçon.

L'adjectif épithète se place devant le nom. Les adjectifs sont invariables, sauf ceux qui se terminent en .

L'hindi possède un système verbal extrêmement subtil et puissant. Les temps des verbes se divisent en deux modes : le mode fini et le mode non fini. Parmi les modes non finis, on trouve : l'infinitif, le gérondif, les participes présent (imperfectif), passé (perfectif) et conjonctif. Les temps suivants sont du mode fini : l'impératif, le subjonctif, le futur, le présent actualisé, l'imparfait, l'imparfait actualisé, le passé simple, le passé composé, le plus-que-parfait, l'irréel. Des auxiliaires existent pour désigner des aspects secondaires du verbe : le fréquentatif avoir l'habitude de, le duratif ne pas arrêter de, le duratif-progressif devient de plus en plus, l'inceptif se mettre à, le terminatif avoir déjà. L'hindi connaît également la voix passive.

L'ordre des syntagmes dans la phrase : Sujet Objet Verbe.

Une particularité curieuse de l'hindi : il n'existe pas de système évident de formation des nombres de 10 à 99 à partir des chiffres de 1 à 10 : il faut à toute fin utile les apprendre tous par cœur.


L'écriture dévanâgarî

Les symboles

L'écriture appelée nâgarî (littéralement urbaine) ou dévanâgarî (divin Nâgarî) s'écrit de gauche à droite, elle est basée sur un système phonologique.

L'ordre traditionnel des caractères dans les écritures de la péninsule indienne est principalement basé sur la phonétique articulatoire, telle que développée par les anciens pandits pour le sanscrit. Le tableau ci-dessous reprend les voyelles primaires, celles que la grammaire sanscrite traite comme des voyelles simples. Le tableau représente chaque voyelle dans sa forme indépendante ou initiale, puis par la forme diacritique, dépendante ou postconsonantique (également appelée matra) illustrée avec la consonne ka k. Les valeurs entre crochets correspondent à la prononciation en Alphabet phonétique international (API).

voyelles primaires

Ensuite viennent les voyelles secondaires qui, en sanscrit, représentent les diphtongues historiques. Une nouvelle fois, il en existe des longues et des brèves. Cependant, ce qui à l'origine se prononçait aï âï (ici transcrits à la française pour des raisons de lisibilité sur tous les fureteurs) et aou et âou se prononce maintenant respectivement é [eː] [aːi̯] et o [oː] aou [aːu̯]. On retrouve à nouveau dans le tableau ci-dessous les formes initiales et diacritiques.

voyelles secondaires




Dans l'ordre traditionnel sanscrit des lettres, deux diacritiques suivent les lettres voyelles secondaires; ils ne se retrouvent qu'à la suite de voyelles. L'usage veut qu'on les représente combinés avec a. Il servent à représenter la nasalisation. L'anounâsika ou candrabindou (lune-point) est placé au-dessus de la voyelle nasalisée. Si la voyelle dépendante (matra) est placée au-dessus de la ligne de tête, il ne reste plus alors de place que pour le bindou (le point): . Le point se met toujours à droite de la matra.

Il existe un autre diacritique pouvant servir pour marquer la nasalisation : l'anousvâra. Lorsque qu'une consonne nasale constitue le premier élément d'une ligature elle est toujours suivie d'une consonne de la même série phonétique (dite homorganique). En nâgarî, elle peut se noter de deux façons différentes : soit dans sa forme conjointe, ou bien avec un avec un point en chef (l'anousvâra) . Comparez [ʌŋgʌ ] membre du corps écrit sans ou avec anousvâra :

Le visarga : ressemble au deux-points du français, il peut apparaître à la fin (ou plus rarement à l'intérieur) d'un mot emprunté au sanscrit. Lorsqu'il apparaît en fin de mot, il représente un léger soupir, plus techniquement une fricative glottale voisée [ɦ].




Puis viennent les occlusives.

occlusives




Enfin, les constrictives, les sonores et les sifflantes sourdes, une nouvelle fois disposées de l'arrière de la cavité buccale à la partie antérieure.

constrictives




Les sons empruntés au persan, emprunts, se caractérisent par un point sous la lettre nâgarî (voir noukta). Les lettres empruntées ne sont pas classées selon leurs propriétés phonologiques mais selon leur apparence graphique. C'est pourquoi dans l'ordre lexicographique, les lettres à point suivent les lettres sans point qui leur correspondent. La raison de cette apparent manque d'orthogonalité est à rechercher dans la postériorité de ces emprunts par rapport à la fixation du classement des sons indigènes.




Agencement des symboles

Une voyelle courte a est considérée implicite pour chaque symbole de consonne. Ainsi, à moins que ces lettres ne soient modifiées par d'autres symboles attachés, ka représente ka et pa représente pa. Chaque consonne est représentée par un symbole consonantique de base. Toutes les consonnes faisant partie d'une suite partagent une même ligne de tête horizontale à laquelle elles sont toutes suspendues. Les voyelles autres que a quand elles suivent une consonne, doivent être écrites sous la forme d'un diacritique (matra). Certaines de celles-ci se trouvent écrites sur la consonne associée, d'autres sous, certaines à droite, à gauche et enfin quelques-unes en une combinaison de positions. Ainsi le diacritique pour â est-il a, comme dans paa .

Une voyelle qui ne suit pas une consonne - qu'elle soit initiale ou qu'elle suive une autre voyelle, ne s'écrit pas sous la forme d'une diacritique, mais bien sous la forme d'une voyelle indépendante (voir ci-dessus).

Une consonne non suivie d'une voyelle – typiquement à la fin d'un mot – s'écrit avec un petit trait souscrit, le virama. Le virama sert à tuer la voyelle par défaut (v. dévoyellement). Pour donner un exemple concret, un symbole final doit-il être lu  pa, mais avec le diacritique virama, il correspond à p.

Enfin, les consonnes peuvent se présenter en groupe, particulièrement en sanscrit et dans les mots que la langue moderne a empruntés au sanscrit. Il peut s'agir de suite de deux ou trois consonnes initiales ou médianes. On utilise alors une forme conjointe de ces consonnes pour bien indiquer que seule la dernière de ces consonnes est suivie d'une voyelle.

Exemples de consonnes conjointes : [kʂ ;] ksa (forme hindi) ou . Dans l'exemple suivant, tka on peut reconnaître les composants de base (t + k) : , de même dans le cas de kka : .

formes conjointes



L'ourdou

L'ourdou tire son nom du mot turc ordu qui signifie armée, camp militaire. Ce nom a donné horde en français. Langue de la cour et de l'armée impériale moghole, l'ourdou s'est développé en grande partie dans le sillage des invasions musulmanes en Inde.

L'ourdou est la langue nationale du Pakistan et l'une des quatorze langues de l'État indien. Le nombre de locuteurs, difficilement estimable en raison de l'interpénétration avec l'hindi, peut être évalué à plus de cent millions.




L'écriture ourdoue

L'écriture ourdoue se distingue de l'écriture et de la prononciation arabes par de nombreux traits hérités du farsi, parmi ceux-ci :
  1. prononciation persane des lettres suivantes :
    1. ذ, ظ et ض → [z];
    2. ث et ص → [s];
    3. ط → [t];
    4. ح → [h];
    5. و → [v];  
    6. ا et ع → [ʔ] ou [∅].
  2. lettres persanes supplémentaires : پ [p], گ [g], چ [tʃ], ژ [ʒ]

Les phonèmes rétroflexes se distinguent des lettres correspondantes non-rétroflexes par un petit ط en chef (ط). Ainsi t rétroflexe s'écrit-il ٹ.

Toutes les voyelles nasalisées phonémiques sont écrites ں (ن sans point) en position finale. Dans les autres positions elles s'écrivent ن.

Le [e] final s'écrit habituellement ‍ے, le [i] final s'écrit ‍ی.




Divergences linguistiques avec le hindi

La partition des Indes britanniques, survenue en 1947, a contribué à faire de l' hindi et de l'ourdou deux langues séparées, alors qu'elles ne l'étaient auparavant que par la graphie – le hindi utilisant l'écriture nâgarî et le ourdou l'écriture arabe – et le vocabulaire spécialisé. Les différences entre les langues ne sont pas d'ordre syntaxique ou morphologique mais bien plutôt d'ordre culturel. Elles reflètent des divergences religieuses et politiques, dans la mesure où l'ourdou est associé à l'origine à l'Islam et le hindi à l'hindouisme.

Depuis la partition, les différences ont tendance à s'accuser, surtout au niveau de la création néologique. L'hindi tend de plus en plus à avoir recours au sanscrit pour former de nouveaux mots. D'un autre côté, l'ourdou aurait tendance à se purifier et emprunte largement au persan. Ce fond persan, lui-même largement bardé d'emprunts à l'arabe, est resté très longtemps productif en hindoustani sous la domination moghole et britannique. Aujourd'hui encore, il existe toute une kyrielle de doublets en hindi, un mot sera d'origine sanscrite et l'autre d'origine arabo-persane. En général, le hindi utilisera le terme sanscrit quand le registre de langue s'élève.

Pour prendre un exemple concret, le livre se dit soit kitâb (origine arabe), soit poustak (origine sanscrite). Le premier est beaucoup plus courant, mais on parlera toujours de la bibliothèque en disant poustakâlaï.





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