Un livre d'images sur le Marais qui fait rêver

Un paysan du Marais breton qui saute allègrement par-dessus un étier avec sa perche, sa « ningle ». Une brave Maraîchine, imperturbable, en équilibre instable sur une planche de bois qui franchit un fossé pour rejoindre sa bourrine. Un pêcheur d'anguilles qui inspecte son piège d'osier, les images du passé surgissent à chaque page. Jean Challet, avec son antique appareil noir et blanc, a figé à jamais la mémoire maraîchine en photos, comme René Bazin l'avait fait avant lui, avec sa plume, dans « La Terre qui meurt ».

Avec ce recueil, « Mémoire en images, Le Marais nord vendéen, photographies de Jean Challet », on est face à une stupéfiante plongée dans le souvenir - finalement pas si loin mais déjà mythique - des dernières années (on est entre 1952 et 1965) de ce que fut la fin d'un monde aujourd'hui pratiquement disparu.

Jean Challet, 77 ans, c'est le témoin idéal de ce temps retrouvé, l'artiste, le collecteur de mémoire sonore, le photographe de talent. Tombé amoureux fou de la poésie rude et bucolique des Maraîchins d'antan, auprès de son ami le peintre Gaston Dolbeau, il s'extasie devant ce patrimoine fugace et touchant. Vite, il va le fixer sur la pellicule, en mille clichés divers et précieux.

Qui entraîna l'autre à entrer au groupe folklorique du « Bouquet d'Ajoncs », à Bois-de-Céné ? Nul ne sait. Toujours est-il qu'ils ont passé le flambeau à Emmanuel Vrignaud, 32 ans, musicien professionnel du groupe de musique traditionnelle « Arbadétorne », et fils de parents danseurs du « Bouquet d'Ajoncs ». Fasciné par ces phots, il est le passeur de la troisième génération : « En 2010, Je suis allé trouver Jean Challet, dans sa retraite près de Paris et lui ai demandé si nous pouvions, avec Gilles Perraudeau, faire un livre de photos à partir de sa collection personnelle. Il a accepté ».

« C'est bien de savoir DL;d'où on vient »

Restait à mettre en forme ce trésor photographique. Les éditions Alan Sutton, à Saint-Cyr-sur-Loire (37), se montrent d'emblée intéressées : « » Nous avons numérisé les mille photos, et nous en avons extrait un tiers pour constituer la trame du livre », confie Emmanuel Vrignaud.

Impossible de ne pas être touché, loin de tout « folklorisme » facile, devant la justesse d'observation et la science de la lumière de Jean Challet. Cette Maraîchine en blouse à pois, sur fond de ciel menaçant, qui tient un mouton, toute sa fortune en laine, est une allégorie rude et puissante, qui vise à l'universel : « Il y a un côté facétieux, chez Jean Challet, il sait montrer la drôlerie des situations. Mais pas seulement. Il a un oeil authentique. » Et un oeil fait pour durer : « C'est un vrai témoignage sur le Marais. Anciens et jeunes s'y retrouvent. C'est bien de savoir d'où on vient et qui on est. »