Il est l'outsider heureux de la primaire socialiste. Sa défense de la démondialisation a séduit 17% des sympathisants de gauche, ravissant ainsi la troisième place aux autres candidats, dont la grande perdante du scrutin, Ségolène Royal. EurActiv.fr vous propose de retrouver l'essentiel de son projet, présenté lors d'un meeting à Paris.

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Documents officiels
Parti socialiste
Projet pour 2012
Positions
Des idées et des rêves
Programme d'Arnaud Montebourg
Arnaud Montebourg ne porte plus sa robe d'avocat mais il ne perd jamais une occasion de faire un plaidoyer. Alors que l’idée de « décroissance » a essaimé dans les rangs de la gauche écologiste, le député de Saône-et-Loire préfère défendre le concept plus récent de « démondialisation », dont l’Europe pourrait être le pivot.
A peine sortie de la crise financière de 2008, l’Union européenne s’est enlisée dans une crise de la dette dont elle ne voit pas le bout. Un contexte douloureux mais qui aurait ses avantages. Pour le candidat à la primaire socialiste, « la crise permet enfin de réviser les principes moraux et intellectuels » sur lesquels le système économique est assis. « La mondialisation est une œuvre, une pensée politique, pas un fait », a-t-il lancé à un public acquis à sa cause, venu l’écouter débattre mardi 30 août aux côtés de Jean-Pierre Chevènement et d’économistes, dont le très "démondialiste" Jacques Sapir.
Perdre l'euro, c'est perdre l'Europe
Mais tous ne convergent pas tout à fait sur les remèdes à apporter. Si le discours d'Arnaud Montebourg séduit l’extrême gauche, friande de la « mise sous tutelle des banques » qu’il propose, le candidat ne se risque pas à saborder la monnaie unique. « Si nous perdons l’euro, nous perdons l’Europe », clame-t-il, défendant la « monétisation de la dette à la hauteur de ce qu’ont fait les Etats-Unis ».
En 2009, le programme de rachat de bons du trésor par la Fed a atteint 1500 milliards de dollars, soit 10 fois plus que la BCE, partie à la rescousse des pays surendettés depuis mai 2010. A plus long terme, « renationaliser la dette » constituerait selon lui un rempart contre la spéculation, car « les ménages n'ont pas peur de ce que dit Standard and Poor's » pour souscrire aux emprunts d'Etat.
A l’aise dans ses habits de prophète pessimiste, Jacques Sapir semble en revanche moins attaché à préserver la monnaie unique et prédit avec certitude « l’éclatement de la zone euro d’ici fin 2011 au premier semestre 2012 ». Une solution presque enviable selon lui, puisque le retour aux devises nationales serait une phase transitoire avant l’établissement d’une coordination monétaire. Déjà expérimentée en Europe, celle-ci avait pourtant été abandonnée en 1993 en raison de son incapacité à stabiliser les taux de change.
"Pimprenelle et Nicolas"
Pour guérir de ses maux, l’Europe doit se résoudre à embrasser le « protectionnisme européen » et oublier le « juste échange », une chimère tout juste bonne pour « Pimprenelle et Nicolas », ironise Arnaud Montebourg. L'Europe serait donc bien naïve de croire qu'elle peut négocier des normes sociales et environnementales dans les relations commerciales avec les pays tiers.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, Nicolas Sarkozy ira en Allemagne défendre le projet, « Mme Merkel dira non et Henri Weber fera une éternelle tribune pour dire pourquoi la social-démocratie a encore un avenir ! », se gausse le député.
Peu préoccupé par la faisabilité concrète de son projet, Arnaud Montebourg n'hésite pas à prôner la remise en cause de la libre circulation des marchandises en Europe, appelant à des « actions unilatérales » des Etats membres comme de l’UE sur les produits extra-européens. Ne craint-il pas de s’attirer les foudres commerciales des pays visés, Chine en tête ? « Vous savez, le cognac, le roquefort, les Airbus se vendent et se vendront toujours ». Une pirouette qui laisse songeur vu le chemin à parcourir pour convaincre les pays de l'UE du bien fondé de la "démondialisation".
Réactions
Le Putsch (non vérifié), le 06/09/2011
Nous avons grand ouvert les vannes du commerce international sur le postulat naïf que chaque pays se spécialiserait dans ce en quoi il est le plus performant. Ce faisant, nous avons mis en concurrence des ouvriers français, productifs et payés en conséquence, et des paysans migrants chinois, prêts à accepter un salaire de misère, même par rapport à leur productivité réelle.
Les salaires représentent une part toujours plus faible de la valeur ajoutée des biens de plus en plus techniquement avancés dont la production est délocalisée dans les pays en développement. L'assemblage en Chine ne représente même pas 10% de la valeur d'un iPhone. Pourtant, comme nous avons donné aux entreprises la possibilité de chercher à gagner un maximum, y compris là-dessus, et bien elles le font. Elles ne redistribuent leurs gains ni aux consommateurs ni aux salariés : aux Etats-Unis par exemple, les entreprises se sont emparées de 88% des gains réels en revenus depuis la récession, contre 1% pour les salariés ! ( http://www.businessinsider.com/corporations-captured-almost-all-income-g... )
Les délocalisations ne sont pas une question de compétitivité mais de recherche absolue de profits. Nous pouvons donc prendre une décision politique, à savoir assumer le fait qu'elles ne pourront plus désormais rogner autant, au nom de la considération qu'elles doivent avoir pour le reste de la société, sans laquelle elles ne trouveraient pas de consommateurs.
Il faut entamer un mouvement de relocalisation en Europe des industries délocalisées par une politique efficace de tarifs douaniers, appliqués à l'ensemble des biens franchissant les frontières communautaires. Nous sommes 500 millions en Europe, et réalisons déjà, actuellement, entre 60 et 70% de notre commerce à l'intérieur de l'Union. (ce chiffre augmentant encore si l'on exclut les "parasites" comme le Royaume-Uni)
Le protectionnisme et la relocalisation industrielle sont un projet de société, qui prendront autant voir plus de temps à établir qu'il n'en a fallu pour démanteler les frontières commerciales, qui jusqu'à l'ère industrielle étaient pourtant la règle et non l'exception. Il faut l'engager avant que l'Allemagne ne soit la dernière puissance industrielle en Europe, et que celle-ci vienne effectivement, une fois ses concurrents français, italiens, suédois... abattus, réclamer à cors et à cris un protectionnisme qui ne sera que la validation de son monopole industriel sur le continent.
Sur le plan de la faisabilité :
- un traité comme celui de l'OMC n'est pas un absolu : si l'on veut en changer les termes, on négocie. Il existe des forces croissantes en Chine qui veulent une transition d'une économie d'exportations à une économie de marché intérieur. Les seuls vrais opposants à une réforme sont les Etats-Unis (cf. leur catastrophique balance commerciale) et dans une moindre mesure le "parasite" européen qu'est le Royaume-Uni.
- il existe déjà des instruments européens (notamment la procédure de sauvegarde), qui ne sont quasiment jamais utilisés, à part lorsque la France veut protéger ses agriculteurs. Nous devons changer de culture (et de commissaire au commerce extérieur) ; faire entrer le protectionnisme dans le débat public pourra y contribuer, et Montebourg joue là un rôle indéniable.
- nous pouvons enfin utiliser les règles de l'OMC, qui permettent notamment le protectionnisme environnemental (avec un flou sur la question de savoir si l'on ne juge que le produit ou son mode de production, ce qui certes change tout), et éventuellement les instrumentaliser dans un but économique. Cela requiert là aussi un changement de culture, mais si nous avons une union douanière, ce n'est pas que pour baisser les tarifs. Et si nous sommes condamnés par l'organisme de règlement des différends de l'OMC, et si les Ricains augmentent les taxes sur le roquefort ? Et alors ! Nous sommes 500 millions de riches Européens, c'est assez pour nos vaches / nos avions / nos centrales nucléaires, non ?
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