Quelle frontière entre vie de salarié 2.0 et vie privée 2.0 ?

Plus que jamais, à l’heure de l’entreprise 2.0, la question de la distinction entre vie privée et vie professionnelle se pose. Autant le salarié 1.0 n’avait besoin que de distinguer son adresse e-mail perso de son adresse e-mail pro, autant le salarié 2.0 collectionne les comptes en ligne et les identités numériques tant au niveau de sa vie privée que de sa vie professionnelle. Alors comment faire pour séparer celle-ci de celle-là ? Comment faire le tri entre ma vie numérique privée et ma vie numérique pro ?

Notez que le débat n’est pas « faut-il dissocier sa vie privée de sa vie perso ? » (je laisse Jean-Luc Delarue en discuter) et que je pars du postulat que le salarié 2.0 a besoin en tant qu’être humain de séparer ces deux pans de sa vie. Alors comment peut-il s’en sortir dans le contexte du web 2.0 ?

Le web en effet, et plus particulièrement le web 2.0, nous pousse à créer de multiples comptes en lignes, de multiples identités. A tel point que certains parlent de dividu et non plus d’individu, une tendance sociétale largement boostée par les nouvelles technologies.

  • Mon profil Facebook est d’abord un réseau social qui touche au domaine privé mais on retrouve dans mes « friends » des collègues de travail, des clients, des prestataires, des relations de travail…  (et certains disent même que Facebook peut être utilisé comme une plateforme de travail).
  • MSN me permet d’échanger avec mes collaborateurs mais c’était avant tout un outil de communication avec mes amis.
  • Mon compte Delicious me permet de bookmarker tous les sites/articles qui peuvent me servir dans mon travail, mais j’y bookmark également des sites pour mon intérêt personnel. Est-ce un compte privé ou professionnel ?
  • Mon compte Flickr qui héberge les schémas que je dessine pour ce blog est-il ma propriété ou celle de mon agence ?
  • Mon compte google qui me donne accès aux statistiques Google Analytics des sites de mon agence m’appartient-il vraiment ? ou est-il la propriété de mon agence au même titre que mon adresse e-mail pro ?
  • (…)

On pourrait penser que le lifestreaming (agrégation de ses contributions en ligne, de ses identités en un seul endroit, un seul flux) aiderait le salarié 2.0 à y voir plus clair. Mais je crois qu’au contraire cela contribue à la confusion, à l’inextricable imbroglio de ses dividus.

Je n’ai pas de solution à ce malaise ambiant, à ce bain de mélasse dans lequel nous nous vautrons avec délectation.

Bon j’arrête ici ce billet car je me sens largement dépassé par un débat qui empreinte à la philosophie, à la sociologie et à la psychanalyse. Bonne soirée.

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11 commentaires pour “Quelle frontière entre vie de salarié 2.0 et vie privée 2.0 ?”

  1. le 28 novembre 2008 à 11:16
    Sophie Gironi a dit :

    J’avais écrit, il y a plus d’un an, un article au sujet de la ‘finesse’ de la frontière entre la vie perso et la vie pro (http://sbarbanera.blogspot.com/2007/04/joignabilit.html), en partant d’une réflexion plutôt liée à la joignabilité et au fait qu’on ne fait pas que bosser au bureau et pas que glander à la maison.
    Les outils 2.0 sont également très symboliques de ce ‘mélange des genres’ et quand j’essaie de sensibiliser mes élèves à l’importance de leur réputation en ligne, par la sauvegarde de leur image, par une attention toute particulière portée à ce qu’ils mettent en ligne, même à titre perso, qui pourrait leur nuire professionnellement. En tant que salariée, à l’inverse, je mêle allégrement toutes mes identités numériques, les utilisant tout à la fois pour ma vie professionnelle et ma vie privée, bien consciente qu’à moins de publier sous un pseudo, toutes les informations se recoupent un jour. Reste ensuite à maîtriser le message et façonner l’image, pour que, pro ou perso, elle ne puisse jamais nous nuire.

  2. le 28 novembre 2008 à 22:25
    BlogOPhil a dit :

    Je rejoins Sophie sur la finesse de cette limite et sur la nécessaire obligation que l’on a lorsque l’on avance à visage découvert sur le Net de « contrôler » son image.

    Ce n’est pas un hasard si je répond avec un pseudo. Pour beaucoup d’employeur resté bloqué à l’époque du Web 1, un employé qui blogge est assimilé à quelqu’un qui potentiellement le fait pendant ces heures de boulot et perd son temps. On ne cherche pas à savoir si cela peut-être valorisé, si cela apporte une plus-value à l’entreprise si cela permet à l’individu de se sentir mieux dans sa peau et donc d’être plus performant au boulot. Pourtant parfois ce peut-être le cas.

    L’entreprise 2.0 a malheureusement encore un long chemin à faire…

  3. le 29 novembre 2008 à 13:14
    Fabrice a dit :

    Effectivement, le sujet n’est pas facile à trancher, même si on peut segmenter certaines choses : le profil Facebook peut être géré finement pour ne pas permettre aux collègues de voir une part trop importante de la sphère privée, par exemple.
    Perso, j’utilise effectivement un pseudo quand je ne souhaite pas nécessairement être spécifiquement identifié par Google…
    Je fais aussi très régulièrement une recherche sur mon nom, pour voir ce que ça donne.
    Mais je blogue beaucoup à titre perso sur des sujets qui intéressent mes collègues et employeurs, ce qui m’amène plusieurs fois par semaine à envoyer des liens vers mon blog afin de répondre à leurs questions, par exemple. Il y a donc clairement un mix entre privé et pro, d’autant que mes expériences pro alimentent mes réflexions perso et réciproquement !
    Pour ne plus se poser de question sur ce sujet, probablement faut-il s’en tenir aux emails et se déconnecter de tout le reste…? Mais c’est un vrai choix personnel.

  4. le 30 novembre 2008 à 17:43
    Fabrice (un autre) a dit :

    La frontière devient de plus en plus floue, et il n’est pas impossible qu’au moment ou les digital natives arrivent sur le marché du travail (d’ici 10 ans), cela ne renverse pas radicalement les rapports employeurs employés (et balaie les syndicats au passage).

    J’ai vu récemment les prémisses de cela chez Publicis Consultants, où un tout jeune salarié (Palpitt) a introduit de façon assez subtile des méthodes de travail qu’une armée de consultant n’auraient pas réussit à imposer (et auxquelles ils n’auraient jamais pensé du reste)… C’est assez impressionnant.

  5. le 1 décembre 2008 à 0:26
    Revue de presse eco-numerique : semaine 48 | Développez votre Economie Numérique a dit :

    [...] Quelle frontière entre vie de salarié 2.0 et vie privée 2.0 ? [...]

  6. le 1 décembre 2008 à 23:05
    Laurent ASSOUAD a dit :

    @Sophie Sage conseil que de contrôler toute sa vie numérique privée ou pro pour qu’elle ne nuise pas à sa carrière. C’est d’ailleurs ce que je fais moi-même. Mais même si toutes mes contributions sont « contrôlées », je suis incapable de discerner celles qui se réclament de ma vie privée de celles qui se réclament de ma vie pro. Ce commentaire, écrit depuis chez moi, à 22h, fait-il parti de mon travail de manager d’une web-agency ?

    @BlogOPhil Il y a effectivement une grosse évangélisation à faire pour valoriser le web 2.0 aux yeux des grands patrons. On y travaille, on y travaille :-)

    @Fabrice (first one) Je suis d’accord avec toi mais un salarié qui n’utilise plus que les e-mails est un salarié 1.0. C’est dommage de revenir en arrière à cause de cette nécessité de vie privée.

    @ Fabrice (the other one) Une révolution à venir sans aucun doute mais les digital natives vont avoir encore plus de mal que nous à faire cette distinction Pro/privée… déjà qu’ils ne distinguent plus virtuel/réel

  7. le 2 décembre 2008 à 17:47
    Sophie a dit :

    @Laurent… Comment le savoir ?
    Pour moi, il n’y a pas de frontière, au niveau de nos métiers. Elle est plus simple à trouver pour un manutentionnaire qui travaille à la chaine (quoi que…) mais dès qu’on touche à la production de ‘jus de cerveau’ et au management, pas moyen de vraiment dissocier, d’autant qu’à ces postes, nous sommes autant payés pour ce que nous ‘faisons’ que pour ce que nous ‘sommes’.

  8. le 3 décembre 2008 à 23:32
    Laurent ASSOUAD a dit :

    @Sophie. Bien d’accord avec vous. Mais j’insiste sur la nécessité de discerner privé et pro. Sans rentrer dans le débat, une seule question : Si je suis amener à changer de fonction (chgt d’entreprise ou chgt de poste), quelles sont de mes « traces » numériques celles que je lèguerai à mon successeur ?

  9. le 5 décembre 2008 à 23:38
    Gérer sa vie privée sur Facebook | So... what ?!?! Blonde outside, geek inside a dit :

    [...] De cette façon, il vous sera possible de gérer quasi chirurgicalement la part de votre vie privée que vous laissez voir à vos contacts Facebook, ce qui reste primordial aujourd’hui, à l’heure où vie professionnelle et vie personnelle se mêlent allégrement en ligne ! [...]

  10. le 13 décembre 2008 à 11:40
    Vincent a dit :

    Beaucoup d’entreprises n’en sont même pas là : les accès à Facebook, MSN et mails persos sont bloqués par la DSI. Le problème se règle de lui-même…

    De mon côté je blogge « masqué » ce qui permet de ne pas avoir de surprises.

  11. le 13 février 2009 à 23:35
    Carnet de route d’un directeur de création interactive » Blog Archive » Déontologie professionnelle sur les médias sociaux a dit :

    [...] la frontière entre vie privée et vie professionnelle est tellement floue que, quelques soient les clauses des contrats, il sera toujours très difficile pour le salarié [...]

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