Poivre

 

 

 

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DESCRIPTION

- Description et caractéristiques techniques des épices
- Origine et histoire

Description et caractéristiques techniques des épices

Généralités sur les épices

Le terme "épice" est tiré du nom latin "species" qui désigne les espèces. Ce terme générique a évolué à partir du XIIème siècle. Du fait de la situation géographique de leur culture (zones tropicales et subtropicales) et des difficultés de transport à cette époque, les épices ont été mal connues pendant longtemps voire même totalement inconnues ; ce qui a contribué à faire de ces produits des biens exceptionnels, rares et luxueux, au prix inabordable, réservés à une élite fortunée. Les épices ont été introduites sur le continent européen au Moyen-Âge. Elles étaient très appréciées et très utilisées pour leurs qualités de saveur permettant de couvrir et de redonner du goût à des aliments difficiles à conserver en état de fraîcheur et qui pouvaient se faisander (viande, poisson), voire parfois même, à l'instar du poivre par exemple, d'améliorer leur conservation.

Depuis toujours la distinction entre épices et aromates a été difficile à établir, leur dénomination et leur utilisation variant d'une région à l'autre. C'est grâce aux avancées de la science et en particulier aux analyses chimiques de plus en plus fines, qu'il est devenu possible de les classer d'après des critères rigoureux et de les identifier précisément. Ce travail a été d'autant plus long que les épices et les aromates ne sont pas rattachés à une seule et même famille botanique. Pour simplifier à l'extrême et faire la distinction entre elles, il est possible de dire que les caractéristiques des épices relèvent d'abord du goût et de la saveur et qu'elles sont exclusivement d'origine végétale, alors que les aromates exhalent en priorité un parfum agréable grâce à des essences volatiles beaucoup plus fragiles et que, s'ils sont comme les épices d'origine végétale pour la plupart, on peut aussi en trouver d'origine animale. C'est le cas par exemple du musc utilisé en parfumerie qui est sécrété par une glande abdominale d'un quadrupède asiatique mâle, le chevrotin porte-musc. Si la plupart des plantes entrant dans ces catégories peuvent être classées sans hésitation soit comme épice soit comme aromate, d'autres ont plus de mal à trouver leur place définitive, c'est le cas de l'aneth, de la coriandre ou de l'origan.

Si de nos jours le terme "d'épices" désigne des substances végétales à l'odeur agréable, au goût fort souvent brûlant ou piquant en provenance de la partie aromatique des plantes, il faut savoir que celles utilisées sont différentes d'une espèce à l'autre.

Épice Partie utilisée
Poivre
Baies
Clou de girofle Bourgeons
Cannelle Écorce
Paprika & muscade Fruits
Anis Graines
Sauge Feuilles
Gingembre Rhizome
Curcuma Rhizome

Une liste complète des épices peut être consultée auprès du site internet du "dico des épices".

Le poivre

Source : saveurs du monde

Le poivre est le fruit du poivrier. Du latin "piper", il s'agit d'une plante de la famille des pipéracées (type liane grimpante tropicale) qui croissait, à l'origine, de manière spontanée dans les forêts d'Inde, de Malaisie ou d'Indonésie. C'est aussi depuis l'antiquité, l'une des épices les plus recherchées et les plus utilisées. Produit extrêmement difficile à se procurer jusqu'au XVIIIème siècle, il a longtemps fait l'objet de toutes les convoitises et de tous les excès. Aujourd'hui, seule une variété de baies a le droit à la qualification de poivre, celle du "Piper Nigrum". Il existe d'autres épices que l'on appelle "poivre" dans le langage courant bien qu'elles ne descendent pas du même genre que le "Piper Nigrum", c'est le cas notamment des membres du genre Capsicum (poivre de Cayenne, des poivrons, …), du poivre de la Jamaïque (ou tout-épice) qui provient de l'arbre Pimento Pimenta dioica L. ou du Melegueta (Afromomum melegueta). D'autres, bien

qu'appartenant au même genre que le "Piper Nigrum", ne sont pas effectivement reconnus comme du poivre. C'est le cas du "Piper Longum".

Le poivre se présente sous la forme d'une grappe pendante formée de 20 à 30 petits grains globuleux serrés contre l'axe. Ces grains passent du vert au rouge au fur et à mesure de leur mûrissement. Les différentes sortes de poivre utilisées en cuisine ( vert, noir et blanc) proviennent d'une même plante. Ils sont produits à partir de baies cueillies à différents stades de maturité, puis traitées de façon adéquate pour leur utilisation finale. Le poivre vert est cueilli en début de maturité, puis généralement conservé en saumure, alors que le poivre noir est cueilli à mi-maturité lorsque les baies virent au rouge pour être alors séché. Le poivre blanc, quant à lui, résulte de l'extraction par trempage des grains contenus au cœur des baies.

L'amidon est le principal composant du poivre noir dont il représente environ 35% du poids. Pour le poivre blanc, cette proportion passe à plus de la moitié (dans une étude publiée par la Communauté internationale sur le poivre (IPC), le taux indiqué s'élève à 63,2%). Le poivre contient également une huile essentielle qui représente entre 0,5% et 3,5% du produit. La dernière composante est un alcaloïde puissant : la pipérine, qui est responsable du caractère brûlant du poivre et dont l'occurrence est variable selon les différents types de poivre. Elle est très importante pour le poivre noir et va en diminuant du poivre blanc, au vert (entre 4% et 7%). Le poivre est une baie formée de plusieurs parties entourées d'un péricarpe qui représente environ le quart du poids total du fruit et qui est constitué entre 10% et 15% de fibres pour le poivre noir et 3% à 5% pour le poivre blanc.

En ce qui concerne les substances nutritives contenues dans le poivre, l'IPC propose la composition suivante :

Substance nutritive
Baies noires
Baies Vertes
Calcium
460
270
Phosphore
198
70
Fer
16,8
2,4
Vitamine B1
0,09
0,05
Vitamine B2
0,14
0,04
Vitamine B3
1,4
0,2
Vitamine C

-

1,0
Vitamine A
1800 IU
900 IU

Source : Communauté internationale sur le poivre (IPC), Nutritional Value of Pepper

On a reconnu au poivre, durant des siècles, de très nombreuses vertus (aphrodisiaque, curative, digestive), toutes n'ont pas été démontrées, mais l'on convient aujourd'hui, qu'à dose raisonnable, il stimule l'appétit et facilite la digestion.

Pour de plus amples informations sur les vertus curatives du poivre, consulter la partie "utilisations" de cette fiche.

Origine et histoire

Le poivre est l'épice la plus largement commercialisée et la plus anciennement connue. Les premières traces de l'utilisation des épices remonteraient à la période Néolithique, soit plus de 5000 ans avant notre ère. Au cours de l'époque pharaonique les herbes aromatiques et les épices furent utilisées comme parfum, en offrandes aux dieux, pour embaumer les morts ainsi que dans l'alimentation, les boissons et la pharmacopée traditionnelle. Toutes les plantes nécessaires ne se trouvant pas sur place, il fallut partir à leur recherche et c'est ainsi que commença la longue quête vers les routes des épices. Certains récits mentionnent, dès 2500 avant J.C. plusieurs expéditions maritimes égyptiennes vers des régions produisant ces denrées et c'est vers la fin du VIIème siècle avant notre ère que fut entrepris le creusement d'un canal reliant le Nil à la Mer Rouge, ouvrant une voie plus rapide vers l'Inde et la Chine. Une autre route permettait d'acheminer certains produits en provenance d'Arabie vers des comptoirs commerciaux situés le long de la Côte des épices (Somalie) d'où ils étaient acheminées par le biais de caravanes vers l'Égypte.

De nombreux peuples ont participé à l'acheminement des épices en provenance d'Orient. L'un d'entre eux : les Phéniciens, bons marins et excellents marchands ont assuré leur transport à partir de la Méditerranée et de la mer Rouge. Ce commerce s'est prolongé jusqu'à la chute de leur comptoir de Tyr, passé aux mains d'Alexandre le Grand en 332 avant J.C. Ce même personnage historique est à l'origine de la fondation de la ville d'Alexandrie vers 330 avant J.C., qui devint le principal port de commerce entre les pays occidentaux et les négociants orientaux. Les Grecs participèrent également à ce commerce et découvrirent plusieurs itinéraires vers la côte de Malabar en Inde.

Au Moyen-Âge, le commerce des épices entre l'Orient et l'Occident se raréfie dans un premier temps, puis sous l'influence des Croisades au XIème siècle, les épices sont réintroduites en Europe. Le transport s'effectuant prioritairement par mer une forte concurrence entre Vénitiens et Génois se développa. Cette rivalité prit fin avec la défaite des Génois en 1380. Durant la période qui suivit, l'organisation du négoce permettra le développement de grandes places commerciales, dont les plus importantes seront au XVème siècle : Calicut et Colombo, pour la région de l'Inde, Alexandrie et Constantinople pour le Moyen Orient, Venise et Gênes pour la Méditerranée. Les produits rares prirent alors une telle importance que certains pays n'hésitèrent pas à se lancer à la recherche de nouveaux itinéraires pour se les procurer, ouvrant ainsi la porte aux découvertes des XVème et XVIème siècles. C'est en 1492, pour l'Espagne, que Christophe Colomb prend la mer vers l'ouest dans le but de trouver une nouvelle voie plus rapide vers l'Inde. Pour le Portugal, le prince Henri (dit "le navigateur") dépêcha plusieurs expéditions afin de trouver, lui aussi, une nouvelle route en direction de l'Orient, en longeant, dans un premier temps, les côtes occidentales de l'Afrique. Le navigateur Vasco de Gama parti de Lisbonne le 8 juillet 1497 débarqua sur la côte occidentale de l'Inde à Calicut en mai 1498 et en revint avec quantités d'épices et une autorisation de commercer. En 1519 le navigateur portugais Fernao de Magalhaes dit Magellan s'embarqua dans le but d'atteindre les îles Moluques (Îles grandes productrices d'épices situées dans l'archipel indonésien), en empruntant une route qui lui permit de contourner l'Amérique. Il découvrit un détroit qui porte, encore aujourd'hui, son nom, remonta l'océan Pacifique jusqu'aux Philippines où il trouva la mort. C'est l'un de ces compagnons qui atteindra les Îles tant convoitées en 1521, terminera l'expédition et regagnera l'Espagne, les cales chargées de Clous de girofle. Grâce à cet exploit, les Portugais domineront ce commerce jusqu'à la fin de XVIème siècle.

La fin du XVIème siècle, avec le blocage des ports portugais par les Hollandais, voit le prix du poivre atteindre des sommets. C'est alors que de grands Empires commerciaux voient le jour, comme la Compagnie anglaise des Indes Orientales en 1600 ou la Compagnie hollandaise, deux ans plus tard. Pour la France, une première société est fondée en 1600, la Compagnie de Saint-Malo qui deviendra en 1664, grâce à Colbert, le comptoir français des Indes orientales. Le XVIIIème siècle verra l'extinction de ces grands monopoles, notamment sous l'influence de Pierre Poivre, botaniste français au nom de famille prédestiné, qui, pour le compte de la Compagnie française des Indes réussit à se procurer des plants de muscadier, de giroflier et de poivrier qui furent introduits à l'île de France (Maurice), l'île Bourbon (Réunion) mais aussi dans les Caraïbes et en Guyane. L'Angleterre et les États-Unis en augmentant simultanément leurs productions ne firent qu'accélérer la fin de ces monopoles.

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