6- 7: [7]16-2003, Rythme de la prose 8- 9:Le rythme de la prose 10- -- 21- Mots clés : 22: [17]Prose, [18]Rythme, [19]Sémantique, [20]Sémiotique, [21]Style 23- -- 25- 26: 1 Comme chacun sait, le rythme est partout : dans la vie quotidienne 27- (en tant qu'expérience), comme dans les discours savants (en tant que -- 29- celui-ci sensible à défaut de toujours le rendre intelligible. La 30: récurrence de cette perception et de cette mention, rythme elle-même 31- nos tentatives de rapprochement du mouvement et du temps pour permettre -- 37- instable (2000, t. 1, p. 147), « qu'y a-t-il au juste de commun entre 38: les trois expressions suivantes : un rythme ternaire, un rythme 39: cardiaque, un rythme syncopé ? ». Filons-nous une métaphore ? mais 40- laquelle, au juste ? N'avons-nous pas plutôt trois référents bien 41- distincts, trois objets perceptibles par leurs qualités rythmiques, que 42: nous assimilons à une superstructure cognitive qui serait ce rythme 43- magique. Car la superposition des emplois lexicaux ne saurait passer 44: pour une syncrèse acceptable : « rythme ternaire désigne a priori une 45- pure structure formelle, à laquelle seule une périodicité potentielle 46: conférerait a posteriori une temporalité ; rythme cardiaque désigne au 47- contraire a priori un simple cycle de battements, se répétant à 48- intervalles réguliers, auquel seule une structure de pensée a 49: posteriori conférerait une intelligibilité ; quant au rythme syncopé, 50- il renvoie à la dimension fondamentale du mouvement, qui s'oppose à -- 54- chose ? 55: * [23]1 Voir les « 100 définitions du rythme » réunies par (...) 56- 57- 2 De la même façon, et dans le domaine de la langue, ce que nous 58: appelons rythme en poésie versifiée classique correspond-il au rythme 59: de la prose ? La prose, d'ailleurs, a-t-elle un rythme ? Une réponse 60- catégorique n'est pas possible sans quelques mises au point générales, -- 66- 67: 4 On a la (bonne) habitude de commencer toute réflexion sur le rythme 68- par la définition de Platon : « ... cet ordre du mouvement a reçu le 69: nom de rythme »[24]2. L'organisation du mouvement rythmé (et rythmique) 70- s'opère formellement grâce à l'existence de « relais de même nature » -- 82- expérience. En fait, il apparaît très vite que le principal problème à 83: résoudre est celui d'un métalangage : comment dire le rythme comme 84- configuration temporelle organisée ? -- 90- métaphorisation presque indispensable pour suggérer un contenu 91: sémantique à l'idée de rythme, sans pour autant cacher ses réticences 92- devant les dérives imprécises que semblable conceptualisation par 93- l'image ne pouvait qu'entraîner. Objet d'une évidente présence en 94: musique bien sûr, mais aussi en poésie versifiée, le rythme se perçoit 95- -- à défaut de se définir -- comme une « alternance de marques (temps -- 98- découpage, par intervalles, du son sur fond de silence. Cette 99: conception peut conduire à oublier que le rythme est fondamentalement 100- un mouvement, et non un compte, un pointage, oubli entériné par la -- 102- strophe) en privilégiant le schéma sur le discours, et qui rend 103: l'analyse du rythme de la prose presque toujours caduque[28]4. C'est 104- pourquoi, approfondissant l'approche de Benveniste, Henri Meschonnic 105: (1982, pp. 69-70) nous a appris à penser le rythme comme « une 106- structure », « un niveau », qui est l'organisation même du sens dans le 107: discours[29]5. Le rythme découvre le sens de l'énoncé, et, partant, la 108- trace du sujet de/dans cet énoncé[30]6. De sorte que c'est toute une 109- critique du signe linguistique que la reconnaissance de la notion de 110: rythme implique par elle-même : le rythme, comme organisation du 111- continu dans le langage (Goux, 1999), met en évidence la structure -- 115- construisant les formes mêmes de toute communication -- peut se ramener 116: à la formule de Benveniste dans son travail sur le rythme pour proposer 117- la reconnaissance d'autres paradigmes fondateurs que ceux du signe : le -- 125- * [34]5 On prendra garde à ne pas confondre système (ensemble (...) 126: * [35]6 « Si le sens est une activité du sujet, si le rythme (...) 127- * [36]7 « Le sémiotique (le signe) doit être RECONNU ; le (...) -- 130- 6 Compte tenu de ces précautions méthodologiques, on entendra par 131: rythme, dans une précision de la définition platonicienne, 132- « l'organisation du mouvement de la parole par un sujet » (Dessons & -- 139- 140: 7 Tout d'abord, parce que le rythme, on l'a vu, implique la présence 141- concrète et active du silence comme superstructure sensible. Or, comme -- 152- 153: 8 Autre problème théorique posé par l'idée même d'un rythme non 154- mesurable en unités métriques de convention, la gestion de la prise en 155- charge du temps impliqué -- par opposition au temps représenté dans le 156: discours parlé. Et si le rythme, autre aspect du silence, n'était qu'un 157- réseau vide, n'existant seulement que dans son application à la densité -- 162- 9 Troisième et dernier problème ici envisagé, comment analyser le 163: rythme d'une langue dans un matériau non esthétisé, sans une 164- linguistique de la voix, qui ne soit pas une poétique du discours ? Sur -- 167- l'on veut vraiment pouvoir obtenir une réponse à la question, et non 168: rester sur des positions de principes. Le rythme de/dans la langue 169- n'existe que par une mise en voix, qui implique une présence au monde à 170- partir de laquelle certains réseaux sémiotiques peuvent se déployer. 171: C'est là la différence majeure avec la perception d'un rythme temporel, 172: qui est un rythme historique, non articulé en unités auditives : rythme 173: des événements, rythme des saisons, etc. 174- 175- 10 Compte tenu de ces trois difficultés d'intellection, on a choisi, 176: dans le présent volume, d'envisager le rythme comme une « grille 177- d'orientation et de densification » du discours (Ceriani, 1988, p. 37), 178- en un mot comme une aspectualisation du programme discursif, parfois 179: présenté dans sa variante narrative. Ainsi, le rythme de base, le 180: rythme fondateur de toute énonciation, peut être conçu comme structure 181- « de contrôle responsable de la dynamique à la fois temporelle et -- 185- 11 On a donc choisi de partir du phénomène rythmique, dans sa 186: concrétude, par opposition à l'abstraction du rythme comme concept 187- immanent. Jean-Paul Goux ouvre le volume, en scientifique et en 188- écrivain, pour insister sur l'importance d'une syntaxe très large dans 189: la perception et l'appréhension du rythme dans la prose narrative, un 190: rythme qui est d'abord « allure », allant dans la continuité -- trace 191- de voix, et marque de style. Puis, trois étapes complémentaires -- 193- 194: 12 -- Dans sa dimension linguistique, le rythme est un régulateur 195- perceptif, qui peut jouer un rôle unique dans l'activité de contrainte -- 197- et tout le dispositif de modélisation du système accentuel français ; 198: la métrique s'oppose au rythme, et ce ailleurs que dans l'opposition 199- esthétique prose vs poésie. Sabine Pétillon, pour sa part, se penche -- 202- retorses ; son support de réalisation privilégiée est l'unité phrase, 203: que le rythme contribue à définir, voire à inventer. Il est clair que 204: le rythme structure les possibilités de production et de réception de 205- n'importe quel message. -- 207- 13 -- Cinq études consacrées à la poétique, non des textes, mais du 208: matériau langagier choisi, envisagent ensuite le rythme, non plus comme 209- une structure à proprement parler, mais comme un dispositif -- 227- clivage est une erreur totale, en particulier, donc, en ce qui concerne 228: le rythme[38]9 : refusant la reconnaissance négative de la prose, il 229: retrouve le prosaïsme dans le rythme de certains vers. Enfin, Philippe 230- Jousset propose une phénoménologie de la prose comme objet de 231: connaissance, dans le monde et sur le monde : il écoute le rythme des 232- configurations narratives ou poétiques pour se demander comment parle -- 236- 14 -- Deux dernières études privilégient la dimension stylistique du 237: phénomène physique. Le rythme est alors envisagé comme stratégie de 238- caractérisation, plus ou moins maîtrisée, dosage aspectuel et -- 245- prose, la voix qui est un autre aspect, sinon l'aspect même, du style. 246: Impossible de réaliser un volume sur le rythme de la parole et de la 247- phrase, ou du texte, sans une étude sur le théâtre[40]10 : Arnaud -- 256- 16 C'est à la somme de Pierre Sauvanet (2000, t. 2, p. 179) que l'on 257: empruntera le mot de la fin. « Ce que permet une pensée du rythme, 258- c'est peut-être ceci : à partir d'un point d'ancrage local, passer au 259: global sans tomber dans le total. Le rythme n'est pas tout, tout n'est 260: pas rythme, mais les phénomènes de rythmicité offrent une perspective 261: globalisante, à travers le schème et le concept de rythme comme 262- différentiel et comme mixte (structure, périodicité, mouvement) ». 263- Peut-être faudrait-il donc préférer le terme de rythmique à celui de 264: rythme -- comme on oppose le musical à la musique. Le rythme est 265- d'abord et exclusivement la propriété abstraite de ce qui est -- 267- pan-rythmique pour tenter de penser, non le tout, mais les différents 268: aspects du rythme dans chacun de ses phénomènes. Avec le rythme, la 269- pensée ne vise donc pas un objet identique à soi : tout juste peut-elle 270- prétendre à fournir un canevas conceptuel, à mieux fixer le sens des 271: mots que nous employons quand nous disons `rythme' » (Sauvanet, ibid.). 272- 273- 17 Épreuve de liberté intellectuelle, comme on parle d' «épreuve de 274: résistance », mais risque également, l'idée de rythme peut nous 275- permettre de nous dégager du fétichisme du signe et du sens à -- 279- 280: ABRAHAM, Nicolas [1972] : « Le temps, le rythme et l'inconscient », 281- Revue française de psychanalyse, Paris, vol. XXXVI. -- 289- 290: DELAS, Daniel [1991] : « Silence et rythme », RITM, Nanterre, n° 1, pp. 291- 11-20. -- 294- 295: DESSONS, Gérard, & MESCHONNIC, Henri [1998] : Traité du rythme. Des 296- vers et des proses, Paris, Dunod. -- 302- 303: MESCHONNIC, Henri [1982] : Critique du rythme. Anthropologie historique 304- du langage, Lagrasse, Verdier. -- 309- SAUVANET, Pierre [1996] : « À quelles conditions un discours 310: philosophique sur le rythme est-il possible ? (réponse à Henri 311- Meschonnic) », in P. Sauvanet & J.-J. Wunenburger (éd.), Rythmes et -- 313- 314: SAUVANET, Pierre [2000] : Le Rythme et la raison (tome 1 : 315- Rythmologiques, tome 2 : Rythmanalyses), Paris, Kimé. -- 328- 329: [42]1 Voir les « 100 définitions du rythme » réunies par P. Sauvanet 330- dans sa somme philosophique (2000, t. 1, pp. 230-245), qui vont de 331: définitions épistémologiques (Aristoxène de Tarente : « Le rythme 332- apparaît lorsque la division des temps prend un ordre déterminé ») à 333: des intuitions plus lapidaires (Pablo Casals : « Le rythme, c'est le 334- retard »). De ce bel ensemble, on distinguera l'analyse de Diderot 335: (Salon de 1767) : « Qu'est-ce donc que le rythme ? me demandez-vous. 336- C'est un choix particulier d'expressions, c'est une certaine -- 353- op. cit., p. 32. L'idée vient des Formalistes russes en fait ; voir 354: l'article décisif de O. Brik, « Rythme et syntaxe », ou les remarques 355- de B. Eikhenbaum, in Tzv. Todorov (1965). -- 359- une discussion des propositions de Meschonnic, voir Sauvanet (1996). 360: [47]6 « Si le sens est une activité du sujet, si le rythme est une 361: organisation du sens dans le discours, le rythme est nécessairement une 362- organisation ou configuration du sujet dans son discours », H. -- 381- 382: Éric Bordas, « Le rythme de la prose », Semen, 16, Rythme de la prose, 383- 2003, [En ligne], mis en ligne le 1 mai 2007. -- 433- * [66]16-2003 434: Rythme de la prose 435- * [67]15-2002