DE LA SIGNIFICATION AU SENS - POUR UNE SÉMIOTIQUE SANS ONTOLOGIE François RASTIER C.N.R.S. (Paru en italien : Dalla significazione al senso : per una semiotica senza ontologia, in Eloquio del senso, a cura di Pierluigi Basso e Lucia Corrain, Costa & Nolan, Milan, 1999, pp. 213-240. Inédit en français.) SOMMAIRE : I. La notion de signification et les trois relations sémiotiques 1. Pour définir la signification 2. Les problématiques 3. Lévolution de la problématique de la valeur 4. Pour lunification des problématiques de la signification II. Linterprétation 1. Représentation et interprétation 2. Trois conceptions de linterprétation III. Le sens 1. Le sens comme phénomène contextuel 2. Le sens comme phénomène textuel 3. Sens et sémiosis 4. Parcours interprétatif et sémiosis 5. Pour une refondation interprétative de la sémiotique IV. La sémantique interprétative et la problématique rhétorique / herméneutique 1. Les inégalités qualitatives 2. Le texte, de la situation à la tradition V. Ontologies et ontogonies 1. Le problème du type 2. Les ontogonies 3. Les modes de révélation Résumé : Bien au-delà des questions terminologiques, la distinction entre signification et sens permet de mettre en relief deux sortes de problématiques sémantiques : la première, de tradition logico-grammaticale, et naturellement hégémonique dans les sciences du langage, est gagée sur le signe ; la seconde, rhétorique et herméneutique, prend pour objet les textes oraux et écrits. Comme elles donnent lieu à des conceptions fort différentes de linterprétation, et que la première a amplement démontré ses limites, il convient, nous semble-t-il, de placer la problématique de la signification sous la rection de celle du sens, conformément au principe que le global détermine le local. Cela conduit à réexaminer lengagement ontologique non-critique des sciences du langage. Le sens est le rêve des insensés. Pascal Quignard, Petits traités, I, xi, p. 217. Deux problématiques nous paraissent dominer la tradition épistémologique des sciences du langage en Occident. Elles correspondent à deux préconceptions du langage : comme moyen de représentation ou comme moyen de communication. En bref, la première définit le sens comme une relation entre le sujet et lobjet, la seconde comme une relation entre sujets. La problématique dominante, de tradition logique et grammaticale, privilégie dans le langage les signes et la syntaxe. Elle les rapporte aux lois de la pensée rationnelle. Elle est centrée sur la cognition, et le cognitivisme constitue son aboutissement contemporain. Lautre problématique, de tradition rhétorique ou herméneutique, prend pour objet les textes et les discours dans leur production et leur interprétation. On peut considérer quelle est centrée sur la communication : la pragmatique (qui a repris certains thèmes de la rhétorique disparue) en a présenté un aperçu fort restreint, déterminé par le positivisme logique qui chez Morris et Carnap a présidé à la naissance de cette discipline. Convenons que la signification est une propriété assignée aux signes, et le sens une propriété des textes. La notion transitoire de contexte peut servir à opposer ces deux problématiques. Si lon approfondit la distinction entre sens et signification, un signe, du moins quand il est isolé, na pas de sens, et un texte na pas de signification. La signification résulte en effet dun processus de décontextualisation, comme on le voit en sémantique lexicale et en terminologie : doù son enjeu ontologique, puisque traditionnellement on caractérise lÊtre par son identité à soi. En revanche, le sens suppose une contextualisation maximale aussi bien par la langue (le contexte, cest tout le texte) que par la situation (qui se définit par une histoire et une culture, au-delà du hic et nunc seul considéré par la pragmatique). Aussi, alors que la signification est traditionnellement présentée comme une relation, le sens peut être représenté comme un parcours. En privilégiant létude du sens, la sémantique interprétative [1] prend pour objet le texte, plutôt que le signe, et définit le sens comme interprétation. Elle peut sarticuler à deux sortes de théories : lherméneutique philosophique et lherméneutique philologique (ou herméneutique matérielle). Ayant à décrire de grandes diversités, elle est naturellement plus proche de la seconde, car là où la première recherche les conditions a priori de toute interprétation, la seconde cherche au contraire à spécifier lincidence des pratiques sociales, et débouche sur une typologie des textes. Si bien entendu létude des signes et celle des textes se complètent, les problématiques logico-grammaticale et rhétorique / herméneutique diffèrent grandement. La première a une grande autorité et une forte unité, car jusquà une date récente grammaire et logique se sont développées ensemble et autour des mêmes catégories (comme les concepts mêmes de catégorie, de prédication, de catégorèmes et syncatégorèmes, etc.). La seconde na guère dunité, et apparemment, tout sépare la rhétorique et lherméneutique. Il est vraisemblable que le voisinage millénaire de la grammaire et de la logique au sein du trivium a fait beaucoup pour leur unité. Ces deux disciplines de base se succédaient au début des cursus scolaires, la rhétorique étant étudiée à la fin, et lherméneutique restant réservée aux docteurs. Quoi quil en soit, la tradition occidentale retient deux façons principales de définir le contenu linguistique : 1. La signification est conçue comme relation entre les plans du signe (signifiant, signifié) ou les corrélats du signe (concept, référent). Même orientée, cette relation reste statique, typée, susceptible dune expression logique. Dans la sémiotique de tradition logico-grammaticale sur laquelle on sappuie alors, linterprétation se définit comme lidentification dune relation de représentation, simple ou complexe. 2. Le sens est défini comme parcours entre les deux plans du texte (contenu et expression), et au sein de chaque plan. Un parcours est un processus dynamique, obéissant à des paramètres variables selon les situations particulières et les pratiques codifiées. Si bien que le sens nest pas donné, mais résulte du parcours interprétatif normé par une pratique. Certes, les concepts de sens et de signification ne sont pas systématiquement distingués, bien quils naient pas la même histoire. Nous verrons que celui de signification est lié à la problématique grammaticale du signe et logique de la dénotation, unies dans le modèle aristotélicien présenté au début du Péri herméneias. En revanche, le concept de sens provient vraisemblablement de lherméneutique antique (notamment de lallégorèse dans les lectures stoïciennes dHomère). Il conduira, dans un contexte nouveau, à la théorie du double sens de lEcriture chez saint Paul, du triple sens chez Origène à la théorie des quatre sens de lÉcriture, telle que la résume Thomas dAquin. Dans lherméneutique réformée, létagement des sens fut transposé en distinguant des types (grammatical, technique) et des moments de linterprétation (comprendre, expliquer, appliquer). Dans la première partie de cette étude, nous entendons montrer comment lon peut passer, si lon peut dire, dune sémantique de la signification à une sémantique du sens, par la médiation dune réflexion sur linterprétation [2]. I. La notion de signification et les trois relations sémiotiques [fleche_gris.gif] 1. Pour définir la signification [fleche_gris.gif] C'est à la logica moderna de la fin du XIIème siècle que nous devons sans doute la notion moderne de signification [3] telle qu'elle s'est perpétuée dans divers contextes théoriques en philosophie du langage puis en grammaire et en linguistique. Il reviendra aux grammairiens philosophes des Lumières de ne plus rapporter l'étude de la signification à la logique, mais à la grammaire, et de la distinguer du sens. Dumarsais affirme :"il est du ressort de la grammaire de faire entendre la véritable signification des mots, et en quel sens ils sont employés dans le discours" (Traité des tropes, I, v). Il sera suivi notamment par Beauzée, dans l'article Sens de lEncyclopédie méthodique.. Dans l'herméneutique allemande des Lumières (de Ernesti à Schleiermacher), une distinction en partie comparable s'établit entre Sinn (signification) et Bedeutung (sens). Dans tous les cas, la signification est définie comme une forme stable, indépendante ou peu dépendante des contextes, alors que le sens varie selon les contextes, et il n'est pas défini relativement à un signe isolé. Dans la tradition logique, la signification reste souvent assimilée à la compréhension (ou intension) du concept signifié par le mot, et opposée à l'extension. La thèse de Frege que la signification détermine la dénotation en témoigne : il est naturel d'associer à un signe [...], outre ce qu'on pourrait appeler sa dénotation (Bedeutung), ce que je voudrais appeler la signification du signe (Sinn), où est contenu le mode de donation de l'objet(1971, p. 103). La sémantique dite intensionnelle contemporaine étudie la signification (Sinn) ainsi définie. Abandonnant la problématique de la dénotation, la sémantique cognitive sest concentrée sur la question des relations entre concepts au sein dune même catégorie (ou classe). Sinspirant des travaux de Rosch en psychologie, elle a adopté le concept de prototype quelle définit tantôt comme exemplaire privilégié ou parangon (par exemple le canari serait le prototype de loiseau), tantôt comme un type abstrait dont les divers membres de la classe seraient des occurrences centrales ou périphériques (le canari serait un exemplaire central de la catégorie oiseau, et lautruche un exemplaire périphérique). Quant au statut des significations, trois problèmes demeurent : la signification relève-t-elle des langues, du langage, ou des contenus mentaux ? Est-elle attachée à l'expression linguistique des concepts, ou indépendante de cette expression ? Comment se relie-t-elle, dans la première hypothèse, au sens, et, dans la seconde, à la dénotation ? En règle générale, pour les auteurs se qui réclament de la sémantique cognitive les significations sont des contenus mentaux à caractère universel, soit par les primitives qui les composent (comme lont prétendu en intelligence artificielle Roger Schank ou Anna Wierzbicka en linguistique), soit par les opérations qui les constituent. 2. Les problématiques [fleche_gris.gif] Que la signification soit définie dans un cadre logique, et distinguée de la dénotation, ou dans un cadre linguistique, et opposée au sens, elle doit être rapportée aux différents paradigmes sémantiques propres à notre tradition. A . La triade : Le paradigme dominant est déterminé par la triade d'origine aristotélicienne Mot / Concept /Chose. Le début du Péri hermêneias toujours controversé et mille fois repris, présente un modèle triadique en opposant clairement la variété des signes vocaux et écrits à l'universalité des états de l'âme et des choses : c'est là le fondement de l'universalisme traditionnel en sémantique. Thomas d'Aquin reformule ainsi cette triade : Les paroles sont les signes des pensées et les pensées des similitudes (similitudines) des choses. D'où il suit que les paroles se réfèrent aux choses désignées moyennant les concepts (Somme théologique, I - ap, 2-13, a1, resp.). La triade scolastique, des grammaires générales à Ogden et Richards (1921) et Lyons (1978), s'est perpétuée diversement jusqu'à nos jours. En philosophie du langage, elle demeure fort vivace. Comme les idées linguistiques dominantes dans les recherches cognitives en proviennent, la triade aristotélicienne sert de cadre conceptuel aux programmes de recherche. Par exemple, Philip Johnson-Laird définit cet objectif général : Les logiciens n'ont fait que relier le langage à des modèles sous diverses formes ; et les psychologues ne l'ont lié qu'à lui-même. Or, ce dont il s'agit réellement, c'est de montrer comment le langage se rapporte au monde par l'intermédiaire de l'esprit (1988, p. 66). B . L indice : L'autre grand paradigme sémantique traditionnel peut être dit indiciaire. Reformulant la théorie rhétorique de l'indice, Aristote définit ainsi le sêméion : Le signe (to sêméion ), entend être une prémisse démonstrative, nécessaire ou probable. La chose, dont l'existence ou la génération entraîne l'existence ou la génération d'une autre chose qui lui est antérieure ou postérieure, c'est ce qui constitue le signe de la génération ou de l'existence (Premiers Analytiques, II, 27 ; 70 a, 71). Cette définition résume un paradigme indiciaire qui s'est poursuivi dans la théorie des signes naturels chez saint Augustin (signa naturalia, cf. notamment De doctrina christiana, II, 1, 2) jusqu'aux grammaires générales (de Port-Royal à Condillac et à Tracy), voire dans la phanéroscopie de Peirce et jusquen philosophie de lesprit. Cependant, les mots et les langues ne sont pour rien dans le paradigme indiciaire ou du moins n'y tiennent pas une place spécifique. C. Référence et inférence : A la triade et à lindice correspondent respectivement deux relations fondamentales, la référence et l'inférence, qui chacune fondent un type de sémantique et un mode dinterprétation. La sémantique de la référence est primordiale pour notre tradition métaphysique, car elle décrit les conditions auxquelles le langage peut dire le vrai. Elle préoccupe notre philosophie depuis le Cratyle jusqu'à Word and Object (Quine) et Les mots et les choses (Foucault). La triade aristotélicienne a été presque unanimement reprise jusqu'à nos jours parce qu'elle constitue un système de visée du référent. De ses deux mouvements, passage du signifiant au concept, et passage du concept au référent, c'est évidemment le second qui a été privilégié, puisque la vérité se définit classiquement comme adaequatio rei et intellectus. L'opération mentale qui établit la référence est bien distincte de l'opération qui établit le renvoi indiciaire et que l'on peut nommer inférence. La référence établit une relation entre deux ordres de réalité, concepts et objets. En revanche, l'inférence relie deux unités relevant du même ordre de réalité : deux objets, pour une conception référentialiste naïve de l'indice, ou deux concepts, selon le point de vue mentaliste. Les relata n'ont cependant pas le même statut, car l'inférence a ceci de commun avec la référence qu'elle est orientée : un relatum est antécédent, l'autre conséquent temporellement, causalement ou de toute autre manière. On dira donc que le premier est le signe de l'autre, comme un nuage est signe de pluie. Cette acception du mot signe demeure fort répandue et s'entend indépendamment du concept de système de signes, donc sans rapport particulier avec les langues. D. La différence : Pour préciser les conditions dune sémantique propre à distinguer les langues particulières, il faut étudier la problématique de la différence. Cest sans doute dans la réflexion sur la synonymie quallait se former la problématique propre à la sémantique linguistique [4]. Bréal, l'initiateur de la sémantique en France se référait à nos pères de l'école de Condillac (1897, p. 255), et les auteurs qui ont retracé dans la synonymique des Lumières l'origine du concept saussurien de valeur . Cette question est centrale pour notre propos : la signification n'est pas (ou pas seulement) constitué par la référence à des choses, ou par l'inférence entre concepts, mais aussi et d'abord par la différence entre des unités linguistiques. Cela donnera lieu à la théorie de la valeur chez Saussure, qui rapportée à la signification, permet de rompre avec l'évidence traditionnelle qu'il existe un niveau conceptuel, autonome à l'égard du niveau linguistique, mais préexistant à ce niveau et prééminent sur lui. Elles imposent une distinction entre signifié et concept [5]. Cette distinction est inévitable si l'on convient du caractère différentiel des unités linguistiques, et notamment du caractère privatif des oppositions qui les définissent, de manière toute négative. Autant dire alors que pour la sémantique différentielle le signifié des langues, purement opératoire et sans contenu éidétique, ne réside pas dans les concepts, et plus généralement qu'il n'est pas constitué de représentations. 3. Lévolution de la problématique de la valeur [fleche_gris.gif] Lévolution à partir de la sémantique saussurienne peut se résumer en quatre étapes principales. 1 - Les sémanticiens du siècle dernier, en étudiant lhistoire sémantique des mots, avaient remarqué que la signification dun mot évolue corrélativement à celle de ses voisins, au sein dune même classe sémantique. Doù la mise en évidence dun principe général, que lon a appelé la loi de répartition. 2 - La définition par Saussure de la signification comme valeur résulte du caractère systématique des langues. Elle transpose de fait le concept de répartition de la diachronie dans la synchronie : elle définit ainsi la signification des mots au sein d'un paradigme synchronique. 3 - Dans une troisième phase, on peut et lon doit définir une valeur en contexte. Par exemple, dans les cas dantanaclase, le même mot est pris successivement dans deux acceptions différentes. On pourrait penser que les valeurs contextuelles ne font que modifier secondairement, par des nuances, la valeur en langue. En fait, la valeur en langue est au contraire surdéterminée par la valeur en contexte, et nimporte quel trait sémantique défini en langue peut être annulé ou virtualisé par le contexte, local voire global. La théorie des sèmes afférents (lauteur, 1987) a été formulée pour rendre compte de ces phénomènes. 4 - Enfin, lon peut définir la valeur comme résultat local dun parcours interprétatif global : par exemple, la mise en rapport de passages parallèles permet, par la diffusion sémantique réciproque à laquelle conduit toute recontextualisation, de susciter de nouvelles valeurs contrastives et de nouveaux régimes de pertinence. Mais alors, même en restant au palier lexical, limite ordinaire des théories de la valeur, on doit reconnaître que lidentification des valeurs à ce palier dépend des structures textuelles. 4. Pour lunification des problématiques de la signification [fleche_gris.gif] Si les théories logiques privilégient la référence, les théories pragmatiques linférence, la sémantique linguistique de tradition structurale privilégie la différence : ce sont des oppositions au sein de classes sémantiques et entre classes sémantiques qui permettent de définir les contenus lexicaux. La sémantique cognitive a reformulé partiellement la problématique de la différence, en introduisant ou en reconnaissant des inégalités quantitatives entre les membres des catégories (ou classes lexicales) et en introduisant des formes de gradualité dans lorganisation des catégories : mais attachée à une ontologie, elle nenvisage cependant pas de définition relationnelle des concepts. La synthèse dont nous avons proposé le principe (cf. 1991, ch. III) consiste à déterminer linférence et la référence par la différence, puis à placer ces problématiques de la signification sous la rection de la problématique du sens, en admettant la détermination, en dernière instance, du global (le texte) sur le local (les signes). Il s'agit alors de traiter, dans le cadre d'une sémantique différentielle, de l'inférence et de la référence. L'inférence est traitée au palier microsémantique par la théorie des sèmes afférents (ceux dont l'actualisation résulte d'une contrainte contextuelle par contraste avec les sèmes inhérents, qui sont hérités par défaut du type par l'occurrence). Les parcours interprétatifs qui optimisent ces contraintes peuvent comprendre toutes sortes d'inférences ( mettent en jeu des connaissances de tous ordres aux paliers de la phrase et du texte). Pour ce qui concerne la référence, la sémantique différentielle en traite dabord en décrivant les contraintes sémantiques sur les représentations. Les images mentales, notamment, sont des corrélats psychiques des signifiés. La question de la référence devient alors celle de la constitution des impressions référentielles, qui appelle une collaboration de la sémantique et de la psychologie. Si lon unifie les problématiques de la référence et de linférence sous celle de la différence, il faut ensuite présenter des propositions pour unifier ces trois problématiques de la signification sous celle du sens. Dès que la problématique de la différence est transposée de lordre paradigmatique à lordre syntagmatique, elle dépasse le problème de la signification et souvre à la question du sens. Au palier microsémantique, la prééminence de la problématique du sens apparaît dans le fait que les sèmes inhérents ne sont actualisés quen fonction de licences ou prescriptions contextuelles, ce qui place en somme la signification sous le contrôle du sens. La problématique de la différence peut aussi jouer un rôle médiateur si on la transpose du paradigme au syntagme, et du mot au texte, de façon à rendre compte de la catégorisation des formes sémantiques. On retrouve en effet au palier du texte les trois relations fondamentales, référence, inférence et différence, mais transposées avec de notables inflexions. a) La référence fait certes difficulté. Pour les textes dits non-fictionnels, on pose dès le palier de la proposition le problème de la vérité ; mais on ne prétend cependant pas quun texte ait une valeur de vérité, à moins quil ne soit idéalement composé que de propositions vraies. Pour les textes fictionnels, le problème du réalisme (au sens non philosophique du terme, tel quil est employé dans la critique littéraire) doit être abordé en fonction de leur mode mimétique et des impressions référentielles quil induit. Lopposition entre fiction et non fiction, tenue pour acquise et utilisée sur le mode de lévidence (par exemple dans la Text Encoding Initiative), nous semble cependant devoir être évitée tant quelle oblitère le problème des modes mimétiques. Et comme nous ne partageons pas ses attendus implicites, nous préférons écarter le problème de la vérité : philologiquement, un texte nest ni vrai ni faux, mais authentique ou non. Le problème de la vérité dépend dautres disciplines (histoire, théologie, etc.), qui le traitent chacune à leur manière. En outre, le problème de la représentation doit céder à celui de limpression référentielle. Tout texte a un mode mimétique [6], défini principalement par le genre dont il relève. Lopposition entre textes fictionnels et non fictionnels ne va aucunement de soi, et sous le rapport de la constitution des impressions référentielles, tout texte peut être considéré comme fictionnel. Il faut cependant spécifier comment les discours qui prétendent à la vérité, quils soient sapientiels, philosophiques ou scientifiques, structurent leur textes de façon à instituer des mimésis spécifiques. b) Linférence a été traitée au palier textuel par les théories instructionnelles du sens (dont la plus connue est la sémantique procédurale) : elles sappuient sur limage des règles informatiques de production (si X, alors Y), et considèrent linterprétation comme un calcul inférentiel [7]. La théorie de la pertinence (Sperber et Wilson) leur a simplement adjoint un principe a priori déconomie cognitive pour les réguler et leur assigner un terme. Les théories instructionnelles de linterprétation issues de ce courant, comme celle de Eco, sont tout à la fois séduisantes et limitées, car le concept dinstruction est beaucoup trop fort, et si linterprétation réglée peut comporter des procédures, elle ne sy réduit pas : le problème reste de les définir, de les requérir, de les hiérarchiser et de les adapter aux objectifs de la pratique en cours. c) Au palier textuel, la problématique de la différence intéresse la catégorisation réciproque des formes sémantiques. Les procédures interprétatives, comme le rapprochement de passages parallèles ou lhomologation, visent à juxtaposer des parties du texte pour sélectionner, par des contextualisations nouvelles ou plus précises, les traits pertinents susceptibles de les caractériser. Larticulation des problématiques de la signification et du sens est une condition nécessaire mais non suffisante pour le remembrement des sciences du langage ; en effet la légitimité de linterprétation dépend du problème de la pertinence : il commande toute identification dunités, et notamment des unités sémantiques. Or il ny a pas de pertinence sémantique en langue : la langue propose une gamme de virtualités, le texte en retient une partie, mais ces virtualités ne sont actualisées en unités linguistiques que dans et par linterprétation. Bref, la pertinence sémantique nest définissable que dans une pratique interprétative. Si le remembrement herméneutique des sciences du langage comporte la tâche de placer la problématique du signe sous la dépendance de la problématique du texte, il faut enfin spécifier le concept de parcours interprétatif : tracer un parcours interprétatif au palier du texte impose de faire coopérer toutes les problématiques sémantiques, dune part pour tenir compte de la diversité sémiotique propre aux langues, dautre part pour spécifier le fonctionnement sémiotique spécifique du texte, qui détermine son mode mimétique. II. Linterprétation [fleche_gris.gif] Prenons garde que le mot interprétation renvoie à des concepts fort différents selon les disciplines et les problématiques du signe et du texte : la problématique logico-grammaticale a produit les conceptions logiques de linterprétation, dites sémantique et syntaxique, bien différentes de celle qui relève de la problématique rhétorique / herméneutique. 1. Représentation et interprétation [fleche_gris.gif] Les modèles de la signification sont principalement fondés sur la relation de représentation (doù les métaphores récurrentes du voile, de la transparence, du miroir) et sur le palier du signe ; alors que les modèles du sens sappuient sur laction dinterprétation, au palier du texte. Aussi, les modèles de la représentation ne conviennent sans doute pas au texte : un texte ne (re)présente pas des choses, ni le monde, mais des formations mimétiques, et au-delà, des conventions sociales et des formes de la doxa. Soit : Unité de base Relation fondamentale Discipline Signe représentation logique, grammaire Phrase représentation sémantique vériconditionnelle interprétation pragmatique Texte interprétation rhétorique/herméneutique On remarque la position ambiguë de la phrase, qui réduite à une ou plusieurs propositions, relève de la problématique logico-grammaticale, mais, considérée comme une période, relève de la problématique rhétorique / herméneutique. 2. Trois conceptions de linterprétation [fleche_gris.gif] Comme la tradition grammaticale na pas produit de conception propre de linterprétation, elle sappuie traditionnellement sur la logique [8]. Plus techniquement, il faut distinguer les deux conceptions logiques de linterprétation : la conception syntaxique et la conception sémantique. (i) La conception syntaxique fait du sens le résultat dune interprétation au sens syntaxique du terme, cest-à-dire dun transcodage. Il faut alors postuler dune part une séparation entre le syntaxique et le sémantique, et dautre part une compatibilité des formats (les formalismes syntaxiques et les formats sémantiques, en général propositionnels, comme la forme logique chomskyenne, sont issus du même paradigme formel). Linterprétation se réduit ainsi à un transcodage du langage naturel dans un langage artificiel ; et lon ne peut sétonner alors que, chez Montague par exemple, la sémantique (intensionnelle) se réduise à un décalque de la syntaxe. (ii) La conception sémantique (de tradition logique) repose sur la relation de représentation entre des symboles logiques et des objets. Cependant, elle noffre aucune garantie linguistique, et ne relève pas de la linguistique, dans la mesure où elle est nécessairement fondée sur une ontologie et qui plus est une ontologie discrète, telle que des objets puissent être représentés par des symboles et des états de choses par des propositions. (iii) Par contraste, la conception rhétorique / herméneutique conduit à une définition non logique de linterprétation : même si elle peut décrire des opérations logiques, elle sappuie non sur la logique, mais sur les sciences sociales, psychologie, sociologie, anthropologie. Fondamentalement, linterprétation est conçue comme un parcours dans un texte ou une performance sémiotique. Cela suppose quatre facteurs ignorés par les conceptions syntaxique et logico-sémantique de linterprétation : (i) un sujet interprète situé, (ii) une pratique sociale, et donc (iii) une action et (iv) une temporalité [9]. III. Le sens [fleche_gris.gif] Lopposition entre signification et sens ne peut suffit pas à conclure à lunité du concept de sens. De manière révélatrice, Dumarsais et Beauzée, à larticle Sens de lEncyclopédie (1765, XV, p. 16) opposent la signification au sens comme le contenu du mot isolé à celui du mot dans le contexte dune expression ou dune phrase ; quant au sens textuel, il est traité dans un autre article, qui suit immédiatement, Sens de lEcriture . On peut voir là pour ainsi dire une allégorie de la séparation entre deux conceptions du sens, grammaticale et herméneutique. Et lon conçoit que nos deux grammairiens aient eu à cur de les séparer soigneusement, conformément au programme des Lumières [10]. 1. Le sens comme phénomène contextuel [fleche_gris.gif] Nous avons vu quen sémantique lexicale, on peut appeler signification le contenu supposé invariant du mot et désigner par sens ses acceptions ou ses emplois en contexte : la signification est alors un type, constitué à partir des sens observés dans le discours, qui ont le statut doccurrences. Pour les théories classiques de la signification, et encore naguère pour certaines théories des prototypes lexicaux, un mot avait une signification propre, constante, ou du moins privilégiée ; et par rapport à elle se définissaient les variations de sens ou acceptions, souvent considérées comme des accidents de cette substance, ou en termes plus modernes des sens périphériques au core-meaning ou au prototype. La signification du mot était gagée sur le paradigme de la référence ; or, il ne peut rendre compte du sens, ni expliquer pourquoi et comment la référence varie avec les contextes, même en postulant que la signification sy trouve déformée. Si lon rapporte les sens lexicaux aux textes où ils sont occurrents, et ces textes aux genres et aux discours dont ils relèvent, on doit reconnaître que les références sont codifiées par les normes qui les gouvernent. En somme, la hiérarchie entre sens et signification pourrait être inversée. Le sens nest pas de la signification déformée par le contexte : la signification ne serait plus un type diversement déformé dans ses occurrences qui constituent les sens, mais du sens normalisé car coupé de son contexte. Le type devient alors une collection daccidents, un résumé conventionnel des occurrences retenues comme pertinentes pour sa définition. Nous verrons en outre plus loin que le rapport (onto)logique entre type et occurrence ne convient sans doute point à la problématique du texte. 2. Le sens comme phénomène textuel [fleche_gris.gif] Une autre opposition intéresse les paliers de la description : on parle alors de la signification dun mot et du sens dun texte. Cette seconde distinction reflète alors la distinction entre les deux problématiques logico-grammaticale et herméneutique / rhétorique. Précisons la question des paliers de description. Bizarrement, la plupart des théories de la signification en restent au signe isolé. Or le signe isolé est un artefact : le signe isolé nest pas observé empiriquement et cest une décision méthodologique disoler un signe. En revanche, les énoncés empiriques sont des textes oraux ou écrits, ou des passages de ces textes. Bien quelle occupe une position intermédiaire entre le signe et le texte, la phrase est traditionnellement conçue à partir du signe et non du texte. La pragmatique a certes essayé de restituer une forme de contextualité, mais la relation de représentation qui définit le sens littéral reste pour elle fondamentale : cest à partir du sens littéral que lon peut en effet inférer le sens dérivé [11]. Plus généralement, lambiguité de la notion de contexte tient au fait que cest une zone dextension, relativement au signe et à la phrase, mais une zone de restriction, relativement au texte. 3. Sens et sémiosis [fleche_gris.gif] Ce point nous engage à redéfinir la sémiosis (relation fondamentale qui unit les deux faces du signe). Dune part, elle doit être rapportée aux deux plans du contenu et de lexpression des textes et des autres performances sémiotiques, et non plus définie comme une relation entre le signifiant et le signifié du signe. Dautre part, elle ne peut être définie par une relation logique simplement formulable, comme linférence dans la tradition intentionnaliste, ou la présupposition réciproque dans la tradition structuraliste. Enfin, le signifiant nen est pas le point de départ, malgré les théories inférentielles ou associationnistes, car il a lui même à être reconnu. En dautres termes, les relations qui établissent le sens vont de signifié en signifié, aussi bien que du signifié vers le signifiant. Aussi, nous définissons la sémiosis à partir du réseau des relations entre signifiés au sein du texte en considérant les signifiants comme des interprétants qui permettent de construire certaines de ces relations. Nous concevons ces relations comme des parcours orientés. On pourrait distinguer sans doute autant de sortes de sémiosis que de sortes de parcours élémentaires, mais il faut souligner que tous les signes linguistiques ne se prêtent pas aux mêmes parcours. Enfin, la sémiosis ne peut être fixée que comme résultat de linterprétation, non comme son départ. Lidentification des signifiants semble un des points dentrée dans le parcours interprétatif, mais elle est précédée par les attentes et présomptions que définissent le contrat propre au genre textuel de la pratique en cours ; aussi semble-t-elle également un point de retour. Redéfinir ainsi la sémiosis la rapporte nécessairement au concept de parcours interprétatif. En dautres termes, le sens nest pas donné par un codage préalable qui associerait strictement un signifiant et un signifié ou une classe de signifiés (car la langue nest pas une nomenclature) : il est produit dans des parcours qui discrétisent et unissent des signifiés entre eux, en passant par des signifiants. Aussi, pour le linguiste-philologue, la signification dun mot se confond avec lhistoire de ses interprétations. Pour le locuteur, elle se confond avec la tradition énonciative et interprétative dans laquelle il le situe, et quil perpétue à sa manière. Mais en aucun cas elle ne se réduit à une relation entre le signe, le concept et la chose, ni même au traditionnel aliquid stat pro aliquo sur lequel on voudrait fonder la sémiotique (cf. Eco, 1992). En somme, les signes sont des interprétations réifiées, plus précisément ces moments des parcours interprétatifs qui apparient des présentations mentales à ces perceptions particulières que lon nomme signaux. 4. Parcours interprétatif et sémiosis [fleche_gris.gif] Venons alors à la question cruciale et souvent omise, bien quelle commande lunification de lherméneutique et de la philologie : comment concevoir lunité des deux plans du langage, mixte jugé intolérable de sensible et dintelligible ? On peut bien entendu proposer une réponse fonctionnelle : le langage a de fait sinon par vocation une fonction médiatrice entre ces deux sphères [12]. Il faut encore que cette conception même fasse droit à lunité des deux plans ce que les théories génératives ne font pas, considérant lexpression comme une couche superficielle ultime. Une conception non dualiste se doit dintégrer signifiants et signifiés dans les mêmes parcours : ils sont discrétisés dailleurs par les mêmes types dopérations [13], et les signifiants ne sont pas plus donnés que les signifiés. Même si elle reste propre à la sémantique qui la produite, la notion de parcours interprétatif permet de rendre compte du lien problématique entre les deux plans du langage. En effet, la sémantique interprétative a maintes fois souligné que lactualisation de traits sémantiques exigeait le passage par ces interprétants que sont selon elle les signifiants (par exemple, la rime est ordinairement lindice dune relation sémantique entre sémèmes). 5. Pour une refondation interprétative de la sémiotique [fleche_gris.gif] Toutes ces propositions convergent vers une refondation herméneutique de la sémantique, et au-delà, de la sémiotique, à partir de thèses qui intéressent le palier du signe et celui du texte. (i) Un signe nest qualifié que par un parcours interprétatif. Par exemple, un signe de ponctuation considéré comme une simple démarcation du signifiant peut être sémantisé en contexte, et fonctionner comme un morphème (un point dexclamation peut signifier brusquerie par exemple). (ii) Aucun signe nest par lui-même référentiel, inférentiel ou différentiel. Ces relations sont privilégiées par diverses théories, mais les parcours interprétatifs effectifs sont plus complexes, et leur analyse ne permet pas de retrouver des relations simplement qualifiables (par exemple, les inférences interprétatives ne sont pas formelles, mais relèvent de ce que Russell nommait linférence animale) ; autant dire que les parcours interprétatifs sont sans doute plus près des processus perceptifs de la reconnaissance de formes que du calcul. (iii) Le texte, ou la performance sémiotique, est lunité fondamentale pour la problématique rhétorico-herméneutique. Il faut cependant se garder de confondre, comme le fait la problématique logico-grammaticale depuis les Stoïciens, de confondre le fondamental et lélémentaire : si par exemple le signe linguistique (morphème) est une unité minimale, elle nest pas pour autant fondamentale. Si pour la problématique rhétorique / herméneutique le texte est lunité fondamentale, lunité linguistique maximale est le corpus de référence. Cette expression appelle deux précisions : a) Le corpus dépend du point de vue qui a présidé à sa constitution (quil sagisse de limites contingentes comme celles dune histoire conversationnelle, ou réfléchies comme un corpus textuel à lintérieur dun genre) [14]. b) La référence sentend ici dans lacception philologique et non dans lacceptions logique , mais la seconde nest en fait quune objectivation de lautre, ce pourquoi nous avons affirmé que lordre herméneutique domine lordre référentiel. On ne réfère jamais quà une doxa, cest-à-dire un ensemble daxiomes normatifs localement établis par le corpus des textes oraux ou écrits faisant autorité dans la pratique en cours. Par exemple, la référence de la Cousine Bette nest pas directement la France louis-philipparde, mais en premier lieu sinon exclusivement La Comédie Humaine, augmentée des romans dEugène Sue que Balzac voulait égaler et dépasser. (iv) Ces formes dincidence se composent, et lon pourrait dire que le sens résulte de mises en relations internes et externes au texte, bref, de la rencontre dun contexte et dun intertexte. La détermination du local par le global sentend en somme de deux façons : par lincidence du texte sur ses parties, par lincidence du corpus sur le texte. On pourrait certes objecter ici que la première sorte dincidence est structurale, en quelque sorte immanente, et la seconde contingente, imposée de lextérieur. Cependant, le texte pointe vers lintertexte, que ce soit en général par les normes de son genre ou en particulier par des mentions ou citations. Le rapport à une extériorité, qui fonde conventionnellement le processus dobjectivation, gageait la signification sur la représentation dune altérité ontologique pleine, celle du monde des objets, et la fondait sur un réel qui nest autre que la doxa des positivistes. Pour la problématique rhétorique / herméneutique, lextérieur du texte est constituée dautres textes et plus généralement dautres performances sémiotiques : si, pour objectiver linterprétation et le sens qui en résulte, le réquisit fondamental dune altérité est maintenu par la référence au corpus, il nimpose plus le recours à une disparate ontologique, ni à un acte de foi qui subordonnerait lapparence des signifiés à lessence des choses. IV. La sémantique interprétative et la problématique rhétorique / herméneutique [fleche_gris.gif] Malgré le regain dintérêt qui entoure les nouvelles rhétoriques et les renouveaux de lherméneutique, nous naurons pas limpudence de prétendre restaurer deux disciplines jugées obsolètes sinon poussiéreuses : nous souhaitons simplement intégrer leurs acquis à une sémantique des textes. Elles ont en effet des mérites divers et complémentaires. 1. Les inégalités qualitatives [fleche_gris.gif] Là où la problématique logico-grammaticale ne peut discerner dans les propositions dun texte que des différences de degré dabstraction (chez van Dijk et Kintsch, par exemple) ou de fonction argumentative (chez Ducrot comme dans lécole de Genève), la question des inégalités qualitatives est au centre des réflexions rhétoriques ou herméneutiques : les moments décisifs, les gestes énonciatifs, les éclaircissements et les énigmatisations, tout cela peut qualifier les formes significatives du texte, mais échappe aux procédures grammaticales de segmentation et danalyse distributionnelle. La problématique logico-grammaticale est dominée par le modèle entité-relation, qui suppose une distinction ontologique référentielle (elle a présidé à lopposition entre catégorématiques et syncatégorématiques, prédicats et arguments, mots lexicaux et connecteurs, nuds et liens des réseaux sémantiques et des graphes conceptuels). Dans la problématique rhétorique / herméneutique, en première approximation, cest lopposition entre formes et fonds sémantiques qui lemporte : les fonds sont des isotopies génériques (et il serait réducteur de résumer le sens textuel à ces seules isotopies, comme le font les théories des sens multiples), et les formes à des molécules sémiques (comme les thèmes ou les acteurs) [15]. Un texte ne se réduit pas à une suite de propositions, car les formes macrosémantiques ont leur propre significativité, par leur déroulement et par les valorisations qui sy attachent. Les parcours interprétatifs doivent en effet reconnaître les mouvements textuels, comme les crescendos, les ruptures, qui correspondent sans doute à ce que lon peut appeler, à la suite de F. Douay, les gestes de lénonciateur. Par ailleurs, des inégalités qualitatives marquent des lieux ou moments remarquables que lon pourrait appeler des points nodaux sémantiques : ils sont définis par leur haut degré de connectivité. Les mieux connus sont aussi les plus faciles à isoler : répliques qui transforment la structure narrative, mots qui connectent plusieurs isotopies génériques. Ce sont généralement les cibles des gestes énonciatifs. Gestes et mouvements, points nodaux et moments critiques, tempo du rythme et phrasé des contours permettent de concevoir le texte comme un cours daction sémiotique, au delà dune concaténation de symboles. Le genre codifie la conduite de cette action, mais ce quon pourrait appeler le ductus particularise un énonciateur, et permettrait de caractériser le style sémantique par des rythmes et des tracés particuliers des contours de formes. Cette conception morphosémantique du texte échappe à latomisme de la tradition grammaticale. Mais surtout, elle permet de déployer le concept de parcours interprétatif. Peu importe ici que la représentation figure des dynamiques sur un espace, ou des rythmes dans le temps. Le problème fondamental de la segmentation se poserait ainsi : cest le rythme qui permet de percevoir lintervalle, et le mouvement qui permet de discrétiser la séquence. Ces concepts intermédiaires permettent de concevoir le rapport du global au local dune façon moins simpliste et moins statique que celle qui unit lélément à lensemble ou même la partie au tout. Laccès du global au local, dans la mémorisation par exemple et toute interprétation suppose une mémorisation est médiatisé par les formes sémantiques. Au demeurant, cette conception morphosémantique peut être modélisée par la théorie des systèmes dynamiques, les fonds sémantiques apparaissant alors comme des suites de points réguliers, et les formes étant discrétisées par leurs points singuliers. 2. Le texte, de la situation à la tradition [fleche_gris.gif] Les liens du texte à lintersubjectivité, à la société et à lhistoire (à deux moments complémentaires : celui de son énonciation et celui de son interprétation) restent en général impensables pour la problématique logico-grammaticale ; ou quand ils sont évoqués, ils ne le sont que de manière restrictive. (i) La situation. La situation a été certes étudiée par la pragmatique : alors que la pragmatique formelle cherchait à paramétrer abstraitement ses facteurs, le courant microsociologique cherchait à la détailler. Mais dans tous les cas, elle en reste au hic et nunc de léchange, confond les personnages et les personnes, aussi bien par la théorie des indexicaux que dans celle des actes de langage, ne distingue pas le temps physique et le temps sémiotique, rabat la persuasion sur largumentation, etc. Par contraste, la rhétorique a su définir les composantes de linteraction (actio et narratio) subordonner largumentation à la persuasion, sappuyer sur les substrats émotifs de linteraction (théories de léthos et du pathos), et penser, par la théorie du kairos, les inégalités qualitatives du temps sémiotique. (ii) La pratique. Toute situation communicative, et la situation dinterprétation notamment, relève dune pratique socialisée, que le genre textuel concrétise, au niveau sémiotique. Doù son lien avec léthique, et le problème de la responsabilité : celle du locuteur ou de lauteur comme de lauditeur ou du lecteur. En deçà du problème éthique, ce quon appelle aujourdhui le réglage de linteraction a été traité, aussi bien en rhétorique quen herméneutique par la théorie de laccommodatio, qui décrit le contrat implicite entre les figures du locuteur ou de lauteur comme de lauditeur ou du lecteur, et pose le problème de la représentation réciproque, dans le texte, de ces instances. Cette question dépasse évidemment le propos de la tradition logico-grammaticale, qui ne peut distinguer, par exemple, la fausseté du mensonge. (iii) La tradition. Chaque pratique est prise dans une tradition, qui permet de la vivre, de la comprendre et de la caractériser par rapport aux occurrences canoniques antérieures. Si bien que le problème de la typicité (typicality) doit être posé selon nous en termes de canonicité. Là encore, la problématique logico-grammaticale reste évasive, alors que les herméneutiques philologique et philosophique ont de longue date élaboré des théories de la transmission et de la tradition. V. Ontologies et ontogonies [fleche_gris.gif] 1. Le problème du type [fleche_gris.gif] On estime ordinairement quinterpréter un signe, cest subsumer son occurrence sous un type, et identifier ainsi sa signification. Cette activité de catégorisation, à la base des recherches contemporaines sur la polysémie (Lakoff, Victorri), joue un rôle fondamental dans la tradition aristotélicienne, au point quon en a fait le modèle de toute cognition, et que lon a édifié sur elle la conception taxinomique de la science (qui reste fort présente dans les sciences du langage). Elle suppose cependant : (i) une ontologie positive des types, fondée selon la métaphysique aristotélicienne sur lessence des choses, si bien que les mots auraient un sens parce que les choses ont un être (comme laffirme Aristote dans sa Métaphysique) ; (ii) une relative transparence des occurrences, de manière que lon puisse rationnellement les subsumer sous des types. Le nominalisme occamien puis lockien, dont le positivisme logique et la philosophie du langage contemporaine sont les héritiers, nont rompu quavec le réalisme des concepts généraux, pour promouvoir un réalisme des concepts individuels. A ce réalisme modéré qui a usurpé le nom de nominalisme, nous opposerions volontiers un nominalisme radical, qui est tout simplement un non-réalisme. a) Les types sont des reconstructions transitoires, selon les objectifs de la pratique en cours, et ne jouissent daucune prééminence ontologique sur les occurrences. b) Lopposition entre type et occurrence est de la plus grande importance pour les sciences du langage, car elle touche le problème de lopposition entre entre langue et parole (au sens saussurien). Lopposition entre sens et signification traduit au plan sémantique cette opposition faussement présentée par la vulgate antisaussurienne comme une antinomie, source inépuisable dapories imaginaires. Le rapport complexe entre type et occurrence, entre signification et sens, reflète en effet la contradiction entre les deux problématiques : la problématique logico-grammaticale qui préside à linstitution du type, et la problématique rhétorique / herméneutique qui préside à linterprétation de ses occurrences. Aussi, lopposition entre type et occurrence doit, dans la problématique rhétorique / herméneutique, le céder à lopposition entre occurrence-source et reprise. Les occurrences-sources peuvent devenir canoniques, et se trouver promues au rang de parangons. Et puisque de fait le changement des contextes rend toute répétition impossible, les reprises modifient et transforment les sources. Le rapport entre occurrences est alors médiatisé par une série de réécritures (et dinterprétations quelles concrétisent). Si bien que le problème de linterprétation ne trouve plus à se poser à propos du rapport atemporel entre type et occurrence, mais mais dans un rapport traditional, qui sexprime dans une temporalité narrative, valuée. Ainsi, un thème littéraire nest pas un type (au sens onto-logique), mais une famille de transformations dont la formule topique énonce les invariants. La textualité elle-même est faite de ces expositions, développements, reprises et variations. 2. Les ontogonies [fleche_gris.gif] Les problématiques du sens et de la signification correspondent à des ontologies différentes. Il semble que le sens comme totalité a un rapport privilégié avec une ontologie du global (le divin, par exemple) : en effet, il suppose un principe unificateur du texte, la divine inspiration de lEcriture, et plus tard le style de lAuteur. Cette totalité se traduit par des principes structuraux, comme les principes patristiques de lacolouthie et de linitiale prégnante. En revanche, la signification a un rapport privilégié avec une ontolologie du local, celle des objets, généralement identifiés à des choses, ce qui anticipe le nominalisme et lapparition dessences singulières. Aussi, et ce dernier propos nindique quune direction de recherche, les problématiques de la signification et du sens supposent deux formes de la mimésis, respectivement : (i) une mimésis passive des objets, supposant une ontologie discrète préétablie, dont le langage serait une représentation, médiate ou non ; (ii) une mimésis active des mondes, qui établit une ontologie, ou plus exactement une impression référentielle à un ou plusieurs mondes (pour une typologie des modes de mimésis textuelle, cf. lauteur, 1992). Les préconceptions propres aux deux problématiques diffèrent évidemment. La première, en décrivant ce quon a appelé le mobilier ontologique du monde, suppose acquis les principes didentité à soi, de non-contradiction et de tiers exclu, qui sont à la base de la tradition parménidienne. Ces principes instituent une isonomie qui se traduit par légalité qualitative des objets. Si bien quen quelque sorte la signification résulte du démembrement du texte en mots, et du monde en objets. La seconde est moins unifiée, et nous ne mentionnerons que son alternative principale. Soit le sens textuel est censé témoigner dune totalité, comme le veut lontologie romantique dont le formalisme russe et le structuralisme ont discrètement hérité [16] : le sens est alors décrit fondamentalement comme une isotopie ou un étagements disotopies, ce qui établit une forme disonomie (qui peut avoir des raisons dogmatiques, comme pour lallégorisme patristique). Soit au contraire, une conception polémique, paradoxale, fait de lEtre une totalisation contradictoire, voire rompt avec le concept de totalité, et alors le sens textuel est conçu comme hétéronomique [17]; doù sans doute le caractère rhapsodique ou fragmentaire dune grande part de la littérature moderne. 3. Les modes de révélation [fleche_gris.gif] Les théories du sens linguistique diffèrent enfin dans la manière dont elles présument, explicitement ou non, du mode de sa révélation. Deux thèses principales saffrontent dans lhistoire occidentale : soit le sens est déjà donné, comme laffirment les religions révélées, soit il est à révéler par lactivité rationnelle des sciences. Mais cette opposition est fausse doublement. Le rationalisme lui-même est révélationnel : la révélation des lois de la raison permet de dacquérir le sens considéré comme reflet dune Encyclopédie ordonnée (voir chez Eco les chiasmes fréquents sur le Livre du Monde et le Monde du Livre par exemple 1992, p. 369). Même si une révélation a eu lieu, elle reste à retrouver ou à élucider (et par exemple le néo-platonisme na cessé de reconstruire Platon) ; il reste donc toujours à construire, soit collectivement, par le magistère dogmatique dune église ou dune école, soit individuellement par leffort du scoliaste, du commentateur ou du croyant. Aussi, contradictoirement en apparence, la problématique la de signification affirme, et celle du sens questionne. Le tradition logico-grammaticale est dogmatique, la tradition herméneutique est critique, notamment par lapport de la philologie. Cest dailleurs de la critique des textes quest issu ce que la pensée des sciences sociales depuis la Renaissance a apporté de meilleur, y compris la critique des dogmes religieux ou scientifiques. *** Bref, les problématiques de la signification et du sens diffèrent pour ce qui concerne le palier principal détude (signe vs texte), la définition de linterprétation (identification de relation vs parcours), la discipline de référence (sémiotique vs sémantique), le mode dacquisition de lobjectivité (positivisme vs constructivisme), lontologie implicite (atomisme vs holisme), le statut gnoséologique (théorétique vs praxéologique) : lapprofondissement de la réflexion sur ces points nous paraît mériter dêtre poursuivie, car elle intéresse le statut de toutes les sciences sociales. NB : La seconde partie de cette étude reprend et précise notre article Sens et signification, Protée, Université Laval, XXV, 1, pp. 7-18 (1998). [fleche_gris.gif] _________________________________________________________________ NOTES [1] Cf. lauteur, 1987. Le statut de la sémantique reste naturellement lobjet dinterrogations et de controverses. [2] Lopposition entre signification et sens a une portée plus générale et peut être étendue à dautres sémiotiques. Ainsi, il semble quelle recoupe la distinction entre liconographie et liconologie proposée par Panofsky (Essais diconologie, 1967, p. 26 sq.). [3] La significatio est une propriété des termes catégorématiques. Selon Guillaume de Sherwood, elle se définit comme la présentation d'une forme à l'intellect. Elle confère au terme son appellatio, c'est-à-dire sa capacité à s'appliquer à des objets. La significatio du terme est en elle-même stable ; cependant, elle est modifiée dans la proposition par diverses suppositiones. La signification est ainsi définie en dehors de tout contexte comme le renvoi à une nature commune, alors que la supposition est une référence en contexte à certains individus compris dans la significatio. Si la distinction entre appellation et supposition ne se maintient pas toujours (par exemple chez Occam), la notion de signification va demeurer, car elle est confortée tour à tour par les diverses formes de référentialisme qui caractérisent notre philosophie du langage. [4] Systématisant pour les dépasser des observations éparses chez Prodicos,Varron, Donat, Servius et, parmi les modernes, chez le père Vavasseur, Scioppius, Henri Étienne, labbé Girard ose écrire dans son Traité de la justesse de la langue française quil ny a point de mots synonymes en aucune langue (1718, p. 28), et ouvre ainsi à nos yeux le paradigme différentiel en sémantique. [5] Hjelmslev la reformule par lopposition entre forme et substance linguistiques. [6] Nous proposons de distinguer trois modes de la textualité : génétique, mimétique, et herméneutique. Ils ne sont pas déterminés par un modèle abstrait du signe dont serait dérivé un modèle de la communication correspondant aux trois pôles de lémetteur, du référent ou du récepteur ; mais par des normes pratiques, au premier rang desquelles le genre, qui contraignent de manière concertée la production et la compréhension du texte, comme la formation des impressions référentielles. [7] La problématique de la psycholinguistique se rattache aussi à ce courant. Les recherches sattachent à la typologie des inférences et à leur enchaînement, dans lhypothèse que la compréhension de texte est affaire de raisonnement. [8] Si lapproche logique du langage a toujours été de règle depuis Aristote, ce siècle aura permis un effort de formalisation, lié à lessor de la logique formelle (Montague). [9] Les théories logico-grammaticales en vue négligent délibérément ces quatre facteurs : cela leur permet dobjectiver le sens pour le réduire à la signification. [10] Après la Révolution, Fontanier substituera au sens spirituel le sens intellectuel. [11] Définie au sein du positivisme logique, la pragmatique met en uvre la problématique logico-grammaticale, comme en témoignent par exemple des théories comme celle de largumentation dans la langue. [12] Cf. lauteur, 1996. [13] Nous avons détaillé par ailleurs, en étudiant les relations sémantiques en contexte, les analogies entre le traitement des contrastes en perception visuelle et auditive et en perception sémantique (cf. 1991, ch. VIII). [14] Hjelmslev voyait dans luvre la plus grande unité linguistique : hardie et pénétrante, cette opinion rappelle cependant la mystique de lindividu qui a présidé à la formation de la stylistique, et fait la part plus belle à lauteur littéraire quà linterprète. [15] Je reprends ici des éléments de mon étude de 1997. [16] Jakobson reconnaissait tardivement avoir emprunté à Novalis son concept de structure. [17] Outre bien sûr les Fragments de LAthenaüm, deux écrits de F. Schlegel pourraient ici servir dexemple : son essai Sur limpossibilité de comprendre, et son roman Lucinde. _________________________________________________________________ BIBLIOGRAPGHIE ARRIVÉ, M. et al., éds [1986] : La grammaire aujourdhui, Paris, Flammarion. AUROUX, S., [1979] : La sémiotique des encyclopédistes, Paris, Payot. BRÉAL, M. [1897] : Essai de sémantique, Paris, Hachette [rééd. Brionne, Gérard Monfort, 1982]. DUMARSAIS, C. C., [1988 (1730)], Traité des tropes, éd. F. Douay-Soublin, Paris, Flammarion. DUMARSAIS, C. C. [1797] : uvres, Paris, Pougin, 7 vol. ECO, U. [1975] :Trattato di semiotica generale, Milan, Bompiani. ECO, U. [1992] : Le signe, Paris, Gallimard. FREGE, G. [1971] : Ecrits logiques et philosophiques, Paris, Seuil (trad. C. Imbert). 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