LA SEMANTIQUE : DE LENONCIATION AU SENS COMMUN Eléments pour une pragmatique topique Deuxième partie : POUR UNE HISTOIRE DU CONCEPT DE SENS COMMUN -- La centralité, en philosophie, de la question du sens commun ne doit pas nous laisser croire à sa simplicité, non plus qu'à son univocité -- (2). Par ailleurs, l'autre aspect de la question fait du sens commun (sensus communis ) un analogue, voire un synonyme de la notion de -- Sous l'apparente simplicité de notre actuelle notion de sens commun (sens commun, rationalité commune, opinion) se dissimule une thématique méconnue dont la dénomination (sensations communes), bien -- Admettre l'existence de deux notions de sens commun (SC 1 et SC 2) aux dénotations distinctes, ne doit pas dispenser de procéder à la restitution des lignes de pensées aux termes desquelles nous hériterions d'un concept linguistique de sens commun, partiellement défini, c'est-à-dire dont l'élucidation reposerait sur l'occultation -- L'enjeu spécifique de ce repérage se confond jusqu'à un certain point avec l'analyse du mouvement théorique par lequel la question du sens commun coïncide, peu à peu, avec une thématisation progressive qui en -- répondre à la question de la légitimité d'un usage rétrospectif (anachronique) du concept de sens commun, qui caractérise a priori un certain type de rapport entre la philosophie et l'opinion, alors que -- Y répondre par la restitution de lignes de pensée qui conduisent tacitement d'une notion initiale du sens commun à une notion seconde, peut-être dérivée mais nullement secondaire, c'est par la même rendre -- La saisie des temps forts de sa constitution fait apparaître ce dernier comme paradigmatique de la problématisation du sens commun, et, de proche en proche, à partir du tournant linguistique de la philosophie, comme un lieu de constitution du sens commun en objet de la réflexion philosophico-linguistique. Dans cette dernière perspective, l'inventaire des figures du sens commun ne tend pas seulement à illustrer le statut de ses modes de traitement successifs (terminologiques et autres), mais également à rendre compte du fait qu'à la faveur d'un glissement de sens, la question du sens commun s'est transformée en réflexion sur les lieux (topoï) communs constitutifs de tout discours. 2. Dimensions du sens commun dans la philosophie classique [fleche_gris.gif] -- Pour arbitraire qu'il soit, ce critère n'en est pas moins commode. La notion de sens commun sera étudiée dans les limites de ce corpus : - une première fois dans toute la littéralité de son extension, mais en un sens que l'actualité philosophique n'a guère retenu (Koine aisthesis, le problème des sensibles communs); -- d'opinion et de croyance (appréciation négative), ou, non moins fréquemment, celle de "bon sens". 2.1. Sens commun et sensibles communs : Aristote et le débat classique [fleche_gris.gif] -- Dans le traité De l'âme [2] Aristote désigne par le concept de koine aisthesis une faculté sensitive qui se superpose aux cinq sens. Mais la koine aisthesis (distincte de la koine ennoïa des stoïciens, qui -- "J'appelle sensible propre celui qui ne peut être perçu par un autre sens et qui ne laisse aucune possibilité d'erreur : tels pour la vue la couleur, pour l'ouïe le son, pour le goût la saveur.( ...) Les sensibles de ce genre sont appelés "propres" à chaque sens, les "sensibles communs" sont le mouvement, le repos, le nombre, la figure, la grandeur, car les sensibles de cette sorte ne sont propres à aucun sens mais communs à tous."(II, 6-418a). Aristote prend bien soin de dissiper une interprétation abusive : le sens commun "perçoit les sensibles communs" mais il ne constitue en aucun cas "un sixième sens". On dirait aujourd'hui, que le sens commun relève d'une opération de synthèse des différentes perception. Selon les termes d'Aristote, "le sens commun rend la sensation consciente", il "juge des sensibles et unifie la connaissance"(Ibid.). Au Moyen -- théorie des facultés. La question du support physiologique de la faculté psychologique du sens commun rapportera tantôt celle-ci au "coeur", tantôt au "cerveau". Descartes, héritier en cela d'une double tradition -aristotélicienne et scolastique- en logeant le sens commun dans une partie vile du cerveau (la glande pinéale), contribuera à disqualifier l'usage philosophique initial de ce concept. Il prendra le parti de l'âme et de l'esprit contre celui du corps et des sens trompeurs. Le dualisme qu'il préconise dans les Méditations métaphysiques, et, préalablement dans les Règles pour la direction de l'esprit, tendra à connoter d'une valeur péjorative le sens commun, désigné comme la source de l'opinion, ennemie des idées claires et distinctes. Dans l'évolution sémantique du terme "sens commun", ce qu'il est convenu d'appeler "le moment cartésien" de la philosophie -- connaissance et des diverses recherches sur l'entendement humain, la question du sens commun n'en finira pas de hanter le débat philosophique, au-delà de Descartes, à travers la critique du dualisme -- que problématique liée au statut de la perception dans le système de Leibniz. Pour autant, les philosophies du sens commun (à commencer par celle de T.Reid) jusqu'aux reprises les plus récentes du problème, quelles que soient leurs options, resteront tributaires d'un concept de sens commun irrémédiablement marqué du sceau de la polémique à laquelle ils jugeront bon de le soustraire ou dans laquelle il -- 2.2. Le sens commun comme rationalité commune : l'épreuve du discours philosophique [fleche_gris.gif] Un rapide survol du statut du sens commun dans la philosophie classique fait apparaître (outre le problème terminologique déjà -- 2.2.1. Indices d'une récusation du sens commun dans le discours philosophique [fleche_gris.gif] La question de la légitimité de la notion de sens commun se pose d'autant plus dans ce moment de l'enquête qu'il en est -- B. Sens commun, opinion et bon sens : Descartes -- Mais Descartes distingue nettement entre le sens commun (concept directement hérité de la scolastique néo-aristotélicienne) et le bon sens dont il fait l'apologie (non sans ironie) : "Le bon sens est la chose au monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux mêmes qui sont les plus -- la puissance de bien juger, et distinguer le vrai d'avec le faux, qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes." [7] -- fonder la certitude du cogito, impose à ces deux concepts une répartition, dans le cadre du dualisme corps (sens commun)/esprit (bon sens). Consécutivement à une dépréciation des sens, le concept de sens commun jusque-là lié à une» problématique psychophysiologique de la -- D. Identification du sens commun et du bon sens : Voltaire -- nouvelle, étrangère aux seules préoccupations de la théorie de la connaissance, la lutte contre le sens commun. Son point de vue vaut d'être rappelé, parce qu'il tend à assimiler, à des fins de dépréciation, dans un jugement sans appel, deux notions que Descartes avait nettement distinguées. Identifiant bon sens et sens commun, Voltaire écrit : -- se passe au fond du coeur de tous les hommes, sensus communis signifiant chez les Romains non seulement sens commun, mais humanité, sensibilité.. Comme nous ne valons pas les Romains, ce mot ne dit chez nous que la moitié de ce qu'il disait chez eux. Il ne signifie que le bon sens, raison grossière, raison commencée, première notion des choses ordinaires, état moyen entre la stupidité et l'esprit. "Cet homme n'a pas le sens commun" est une grosse injure. "Cet homme a le sens commun" est une injure aussi, cela veut dire qu'il n'est pas tout à fait stupide, et qu'il -- Puis afin de dissiper toute confusion possible entre "bon sens/sens commun" et "raison", l'auteur ajoute : "Mais d'où vient cette expression sens commun, si ce n'est des sens ? Les hommes quand ils inventèrent ce mot, faisaient l'aveu que rien n'entrait dans l'âme que par les sens; autrement auraient-ils employé le mot sens pour signifier le raisonnement commun? On dit quelquefois "le sens commun est fort rare"; que signifie cette phrase ? Que dans plusieurs hommes la raison commencée est -- E. Sens commun et philosophie: Hegel -- philosophie spéculative, un exemple des plus violents de la réfutation philosophique du sens commun. -- limitation est construite. Cette contradiction est justement celle que le sens commun trouvera toujours dans la philosophie, le sens commun met l'Absolu exactement au même rang que le fini et il étend à l'Absolu les exigences formulées à l'égard du fini (...). Bref, il est très maladroit (...) de discuter sur le ton du sens commun le plus trivial. M. Krug explique qu' "aucune fausse honte -- pas". Mais on n'a justement pas cette alternative ou bien de feindre ou bien de répandre du sens commun sur la philosophie." [13] -- fait, en outre, grief à son adversaire d'avoir enfreint les limites du bon sens, qui sans se confondre avec l'opinion vulgaire, anime justement l'esprit philosophique : -- de principes idéaux matériels () par toutes ces dispositions, il a de nouveau retiré à la chose du sens commun une partie de la popularité et de l'intelligibilité qu'elle possède en soi et pour -- d'une attitude négative du discours philosophique à l'égard des évidences communes, l'usage du concept de sens commun s'avère aussi illégitime (comme tel, il n'est jamais mobilisé par les philosophes) -- philosophie classique, quel que soit sa désignation terminologique, la critique du sens commun est toujours tacitement rapportée à des énoncés, c'est-à-dire à des formes d'argumentation. De ce fait même, la mise en cause incidente (implicite ou explicite) des topiques (supposés ou posés) du sens commun, représente le motif fondateur d'une manière de philosopher historiquement première [15] . 2.2.2. Indices d'une valorisation du sens commun dans le discours philosophique [fleche_gris.gif] La détermination a posteriori d'une notion de sens commun érigée en synonyme d'opinion ou de bon sens, permet de discerner chez certains auteurs une attitude positive à l'égard de la rationalité commune. Pour autant, la même référence tacite à l'opinion tend à montrer que c'est toujours au sens commun en tant que discours ou schème discursif possible que les philosophes font allusion lorsqu'ils en sont les -- S'il est donc une philosophie aristotélicienne du sens commun, elle suppose un savoir des lieux de chaque genre de discours qui ne -- B. Kant et l'idée de sens commun Kant admet, en termes explicites et positifs une "idée du sens commun" comme norme idéale dans les jugements de goût. Au 18è siècle, la théorie des sens et des impressions (de l'esthétique, au sens premier) est comprise par D. Hume en termes de validité de l'expérience -- (...). Ainsi les sens communs, dont je donne ici comme exemple mon jugement de goût, et qui me fait accorder à ce dernier une validité exemplaire, n'est-il qu'une pure et simple norme idéale (...). Cette norme indéterminée d'un sens commun est effectivement présupposée par nous, c'est ce que prouve notre prétention à -- d'être humain - a donc lhonneur blessant de se voir attribuer le nom de sens commun (sensus communis ), en sorte qu'on entend par le qualificatif commun (non seulement dans notre langue qui, en -- mérite ou un privilège. Or, sous l'expression de sensus communis, il faut entendre l'idée d'un sens commun à tous, c'est-à-dire l'idée d'une faculté de juger qui dans sa réflexion tient compte, -- Dans cette réflexion nouvelle sur le sens commun, élevée ici à une nouvelle dignité philosophique, se trouve une référence marquée à la -- 3. Mutations du sens commun [fleche_gris.gif] 3.1. Le tournant linguistique de la philosophie : thématisations du sens commun [fleche_gris.gif] 3.1.1. Prémisses et motifs d'une philosophie du sens commun [fleche_gris.gif] -- C'est en France qu'apparaît, au 18è siècle, une philosophie du sens commun d'inspiration anti-cartésienne. Elle est le fait d'hommes -- Lamennais (ce dernier soutenant que le christianisme est la religion du sens commun). Dans son traité, C. Buffier donne du sens commun la définition suivante : "J'entends ici par le sens commun la disposition que la nature a mise dans tous les hommes ou manifestement dans la plupart d'entre eux, -- raison, un jugement commun et uniforme, sur des objets différents du sens intime de leur propre perception ; jugement qui n'est la connaissance d'aucun principe antérieur (..). -- Mais cette première formulation d'une philosophie du sens commun répondait à un projet théologique et apologétique. L'École écossaise reprendra avec éclat le projet d'une philosophie du sens commun, mais avec de toutes autres orientations. En réaction au scepticisme de Hume -- et J. Beatie, oppose à ces philosophes les propositions et les jugements du sens commun. Toute l'entreprise de T. Reid relève d'un programme de refondation de la théorie de la connaissance à partir de -- La revalorisation de la perception immédiate, attribuée d'Aristote à Descartes à l'existence d'un "sens commun", se trouve chez Reid à l'origine d'une classification psychologique des facultés. Dans cette perspective, le projet de fonder les sciences sur des principes premiers et intuitifs (après avoir nettement distingué entre le sens commun et le préjugé) conduit Reid à thématiser positivement la relation du sens commun et du langage ordinaire [22]. B. G.-E. M.oore : les truismes du sens commun et l'analyse du langage La reprise, par G.-E. Moore, au début du 20è siècle, de la philosophie du sens commun, prolonge dans l'esprit de la philosophie analytique la critique des formulations plus récentes du scepticisme, du solipsisme -- Contre les excès de l'idéalisme [24] , A Défense of Common Sens affirme avec force la validité des jugements du sens commun : l'existence du monde extérieur, l'existence d'autres esprits etc., -- entièrement vraie dans ses grandes lignes la "conception du monde qu'offre le sens commun" (...) Il y a bien sûr un nombre prodigieux d'autres éléments de la conception du monde propre au sens commun, qui, pour peu que les premiers soient vrais, sont eux aussi très certainement vrais : par exemple qu'ont vécu à la -- Du point de vue philosophique, l'affirmation de la validité des propositions du sens commun a pour objet d'invalider les philosophies qui les tiendraient pour inconnaissables, entièrement fausses, ou -- contexte une double valeur : une valeur de critère (une philosophie ne peut aller sérieusement contre le sens commun), et, partant, une valeur polémique (il est bon de rappeler ces évidences quand elles sont bafouées) [25] : "Mais traiter par le mépris les croyances du sens commun que j'ai mentionnées est certainement le comble de l'absurdité." Du point de vue méthodologique, le problème du sens commun, tel qu'il se présente au philosophe, ne se pose ni en termes de vérité (ses propositions sont connues pour vraies même si elles ne se laissent pas aisément prouver), ni de sens (les jugements du sens commun sont compris de tous), mais en termes d'analyse de sa signification. Avec G.-E. Moore, le sens commun ne trouve pas seulement l'un de ses défenseurs; il devient objet de l'analyse philosophique, et ses jugements explicitement examinés comme des éléments constitutifs du langage ordinaire. En ce sens, l'analyse philosophique du sens commun n'a pas peu contribué à en préciser le concept : nous sommes ici loin d'une théorie des facultés qui ferait du sens commun une qualité de l'entendement (un sens commun à tous), ou l'analogue d'un quelconque code gnomique [26]. -- Destutt de Tracy à Marx, en marge de la philosophie française puis anglo-saxonne, dite du sens commun, a contribué à enrichir indirectement cette problématique philosophico-linguistique. -- thématisera explicitement cette intuition de Marx dans la perspective d'une réflexion sur le sens commun. 3.2. Les métamorphoses du sens commun : sens commun et critiques du représentationalisme [fleche_gris.gif] -- Par le biais de l'analyse philosophique, G.-E. Moore pose le sens commun comme une particularité du langage ordinaire. Mais contrairement à Moore, pour lequel les énoncés du sens commun relèvent de la connaissance, Wittgenstein lui oppose qu'ils en constituent des -- A notre sens, ce désaccord ne marque pas qu'une parenthèse dans la discussion philosophique du sens commun. Cette polémique, sans aller jusqu'à une critique explicite des croyances du sens commun en matière de langage n'a pas peu contribué à situer le problème de la -- Il convient d'établir un relation plus étroite entre la critique que Wittgenstein adresse à Moore au sujet du statut des énoncés du sens commun [33] et la réflexion développée par ailleurs. -- L'exposition de ces vues, sans doute très nouvelles, s'arrête à notre sens chez Wittgenstein à la lisière d'un véritable changement de paradigme : même si la mise en chemin est certaine, la critique du -- point de vue logiciste. L'affirmation y est érigée en critère pour juger de l'opposition phrase valide/non sens. La conjonction de ces deux thèses doit être dénoncée comme origine de "l'illusion -- A notre sens, l'émergence du paradigme pragmatique ouvre la voie à la possibilité d'une analyse linguistique du sens commun. 3.2.3. Gramsci, lecteur de Marx : idéologie, sens commun, langage commun [fleche_gris.gif] -- implicitement un concept d'idéologie (défini en terme de croyance) aux données du sens commun : « On trouve souvent dans Marx une allusion au sens commun et à la fermeté de ses croyances, mais il s'agit d'une référence non pas à -- marxiste de l'idéologie comme un appel à la nécessité d'un "nouveau sens commun" : "Dans ces références est au contraire contenue implicitement l'affirmation de la nécessité de nouvelles croyances populaires, c'est-à-dire, ici un nouveau sens commun, et, par conséquent, d'une nouvelle culture et d'une nouvelle philosophie qui prennent -- Pourtant, deux types de définition du sens commun émaillent cette oeuvre fragmentaire : une définition historique (le catholicisme est une dimension structurante du sens commun) et une définition théorique : "Dans la réalité, religion et sens commun, eux non plus ne coïncident pas, mais la religion est un élément, entre autres éléments dispersés, du sens commun. Du reste "sens commun" est un nom collectif, comme "religion" : il n'existe pas qu'un seul sens commun, car il est lui aussi un produit et un devenir historique. (...) La religion et le sens commun ne peuvent constituer un ordre intellectuel parce qu'ils ne peuvent se réduire à une unité, à une -- () Le problème de la religion entendu non au sens confessionnel, mais au sens laïque d'une unité de foi entre une conception du monde et une norme de conduite conforme à cette conception : mais pourquoi -- transitions; l'articulation des concepts reste implicite. L'identification de l'idéologie et du sens commun assigne pour objectif et pour but à la philosophie de la praxis la critique de -- critique elle- même s'enracine, en tant qu'argumentation de rupture, dans une dimension constitutive du sens commun qui n'est autre que le bon sens : "La philosophie est la critique et le dépassement de la religion et du bon sens, et en ce sens elle coïncide avec le "bon sens" qui s'oppose au sens commun. (p.137) () C'est là le noyau sain du sens commun, ce que justement on pourrait appeler "bon sens" et qui mérite d'être développé et rendu unitaire et cohérent (p. 140) ( ) Toutefois, le point de départ doit toujours être le sens commun qui est la philosophie spontanée de la multitude qu'il s'agit de -- Cette reprise d'une opposition notionnelle classique (sens commun/bon sens) est explicitement thématisée, en terme de réalité discursive [40] . Gramsci développe une conception sociolinguistique du sens commun qui constitue, dans le champ marxiste, une variante de la -- des idéologies particulières). Gramsci explicite cette intuition en établissant le caractère éminemment idéologique du sens commun. -- pages qui précèdent que d'un premier survol- de l'histoire du concept de sens commun, fait apparaître deux modes d'intelligibilité, l'un et l'autre accessible à la schématisation. La première compréhension qui -- Thomas d'Aquin ("sensus communis") Descartes (sens commun/bon sens) Spinoza (connaissance du premier genre) -- C.Buffier T. Reid (philosophie du sens commun) Destutt de Tracy (Idéologie) -- Marx (Idéologie) Gramsci (Idéologie/sens commun) Moore /Wittgenstein (sens commun) Austin (langage ordinaire/sens commun) Perelman (sens commun/argumentation} Greimas/Rastier (sens commun/perception) Ducrot/Anscombre (argumentation/topoï) -- Fig. Le sens commun : de la philosophie aux sciences du langage -- -avant même que d'être rigoureusement définie- fait référence. Deux dimensions de sens occupent l'extension de ce concept. Le sens commun se recompose d'une dimension épistémologique (la rationalité commune -- Sens commun -- Fig.3 : Dimensions du sens commun Il convient à présent d'esquisser les grandes lignes d'une théorie du sens commun, telles qu'elles se laissent déduire d'une part de cette intelligibilité philosophique, d'autre part de l'évolution de la -- [3] "La philosophie peut se définir contre le sens commun (...) On peut encore philosopher avec le sens commun." ( Encyclopaedia Universalis, art. « Sens Commun ») -- [8] Descartes avait pris soin de distinguer le "bon sens" du "sens commun", notion d'origine scolastique désignant la fonction de l'esprit par laquelle nous avons conscience de nos sensations et qui opère la synthèse des données des différents sens. Il logeait, visiblement aussi à des fins polémiques, cette faculté dans le cerveau." P. Soulez, Encyclopédie Philosophique. (Art. "Bon sens"). Mentionnons, pour mémoire, un passage de la Règle XII :"(...) il faut se représenter que, quand le sens externe est mis en mouvement par un objet, la figure qu'il reçoit est transportée à une autre partie du corps appelée sens commun (...)", Descartes, Règles pour la direction de l'esprit, p. 77. -- [11] Voltaire, Dictionnaire philosophique, Art. « Sens commun », p.388. -- [12] lbid. A la même époque, dans un ouvrage qui lui a été attribué (Le bon Sens ou les idées naturelles opposées ara idées surnaturelles, 1772) d'Holbach fait de la notion de bon sens un usage polémique à des fins de critique sociale, politique et religieuse. [13] Hegel, Comment le sens commun comprend la philosophie, pp. 47 et 50-51. -- [19] Kant, Ibid., §40. "Le goût est une sorte de "sensus communis"." A noter aussi la distinction maintenue par Kant entre sens commun et bon sens, dans un autre passage de la Critique da la faculté de juger (1790) : "Or un tel principe ne saurait être considéré que comme un sens commun, lequel est essentiellement différent du bon sens que l'on appelle aussi parfois le sens commun (sensus communis) car ce dernier ne porte pas de jugement d'après le sentiment, mais toujours d'après -- principes représentés de façon obscure". "(§?0. "La condition de nécessité à laquelle prétend un jugement de goût est l'idée d'un sens commun"). La réhabilitation philosophique du sens commun prend le contre-pied de la distinction cartésienne. Inversement, Kant dévalorise le bon sens dépositaire de pseudo-concepts. On trouve également dans la Critique de la raison pure (1781) une première référence positive au sens commun. Mais pour faire contrepoids, il est intéressant de rapporter que dans un texte plus tardif - Théorie et -- que ce soit juste en théorie, mais en pratique cela ne vaut rien" (1793). S'agit-il alors de 'sen prendre au "bon sens", cette pseudo-raison que l'on nomme aussi "sens commun", identifié à ce dernier, par Voltaire, à la même époque ? -- [20] C. Buffier, Op. Cit ., Chap. V : "Du genre des premières vérités qui se tirent de la règle du sens commun", p. 19. Parmi les premières vérités du sens commun, C. Buffier mentionne un jugement tel que "Il y a d'autres êtres et d'autres hommes que moi au monde". -- [23] La philosophie du sens commun prend pour cible l'idéalisme néo-hégélien de Bradley. [24] Contrairement à son statut philosophique chez Hegel, le sens commun est ici en position de force. [25] Cf. F. Jacques, "Sens commun, lieu commun, sens communiqué", 1986. [26] " (...)deux confusions sont à éviter, Moore ne fait pas du sens commun une source spécifique de connaissance, une sorte de sens interne, intuitif, universel. Il y a surtout pour lui des propositions que le sens commun tient pour vraies. D'autre part, il ne donne pas non plus une définition sociolinguistique du sens commun comme ensemble de croyances partagées dans une communauté culturelle." F. -- (1804), III (1805), N-V (1815). En tant que terme générique, l'idéologie est "la science des moyens de connaître", mais, au sens strict, "l'idéologie proprement dite" est définie comme "la science -- [28] Les dictionnaires de langue restituent assez fidèlement les différents glissements de sens qui ont affecté l'évolution de ce terme. Littré fait état d'une acception proche de celle de Destutt de -- considérées en elles-mêmes, c'est-àdire comme phénomènes de l'esprit humain; (2). En un sens plus restreint, science qui traite de la formation des idées, puis système philosophique d'après lequel la -- qui est de l'école de Condillac. / En général, métaphysicien. (2). En un sens défavorable. Rêveur philosophique et politique". (Littré, T.3, p. 3084, éd. 1862-1872). Enfin, il faut signaler ici l'importance et -- des sources d'inspiration du Thésaurus de Roget, et qu'il convient de situer dans la perspective des recherches sur l'idéologie au sens premier. On sait l'influence que les idées de Condillac ont exercé sur -- reprend le terme, il lui donne, dès ses oeuvres de jeunesse, un tout autre sens. L'idéologie est alors "le système des idées, des représentations" qui dominent l'esprit d'un homme ou d'un groupe -- [37] Ce topique est aussi celui de la philosophie linguistique du sens commun. Signalons ici l'intérêt, pour une lexicographie fondée sur des -- existent, plus que dans d'autres littératures nationales, des études sur le sens commun (...)", par opposition à la réfutation des "éléments acritiques du sens commun". [41] La conception gramscienne de l'idéologie - partiellement définie comme réalité discursive inscrite dans le sens commun- se situe en rupture avec la théorie du reflet qui caractérise, en matière de -- l'intérieur duquel se déploie l'esquisse d'une théorie linguistique du sens commun. _________________________________________________________________