Fragments sur le sens -- À quoi bon ces objets tout en mots, beaux ou laids qu'importe à la fin, si leur sens peu à peu s'égoutte, s'ils meurent exsangues dans mes mains, dans les tiennes, lecteur, nos mains cruelles qui toujours -- Réflexions de quelqu’un qui se veut – correction : aimerait être – à la fois linguiste et écrivain, un producteur de sens (on verra combien il est difficile de ne pas l’être) qui voudrait savoir un petit peu ce -- Fragments sur le sens. La première partie du titre – fragments – est innocente. La deuxième – le sens – l’est nettement moins. Wittgenstein nous met en garde contre le pouvoir de suggestion que détient tout -- référer, et de référer à quelque chose de précis, d’éminemment... définissable. Or, s’il tombe sous le sens que tout mot peut être défini (peut faire l’objet du travail lexicographique qui consiste à -- répugnait certes pas au système – en témoigne à suffisance le Tractatus – et qui s’est penchée longuement, très longuement, sur le problème du sens, a renoncé à systématiser et a choisi de noter, sans plus – voilà de quoi me -- 2. Définir le sens -- +++ Une investigation du sens doit-elle prendre en charge toutes les acceptions du mot sens ? Si on rend compte de ce qu’est le sens d’un énoncé, doit-on montrer comment l’explication donnée convient également au « sens de la vie », etc. ? Je crois que la réponse doit être négative. On peut, si on -- les acceptions, mais on ne le doit pas. La raison en est que les extensions de sens sont elles-mêmes de nature extrêmement diverse et objet d’investigation. Il n’est nullement certain qu’on puisse établir une système -- seul un tel système permettrait d’assurer qu’on ne peut se lancer dans une explication de ce qu’est le sens d’un énoncé sans, dans le même mouvement, rendre compte du « sens de la vie ». On en est bien loin. +++ Pour aborder quelques instants tout de même le problème existentiel par nature du sens de la vie, en ce dimanche de Pentecôte 2005, jour de glossolalies, même si ce n’est pas dans le cadre d’un éclaircissement sémantique, on pourrait proposer, qu’au lieu de chercher un sens à la vie, à l’Histoire, etc. – quête qui ne peut s’avérer que vaine, comme le souligne Clément Rosset (Rosset 1977a) – nous nous attachions à donner, à instaurer ce sens. Il n’y aurait donc pas quête, mais don, basé sur une décision de don. Un premier essai de définition du sens La tâche de définition du sens est particulièrement ardue et délicate, et ne peut être confiée – si elle peut l’être ici – qu’à la totalité de ces -- s’y essayer dès à présent, ne fût-ce que pour déblayer le terrain. Commençons comme ceci : le sens d’un énoncé, c’est l’éventail des interprétations de cet énoncé. -- ces interprétations ; l’attribution d’interprétation n’étant jamais close, le sens resterait perpétuellement hors d’atteinte ; enfin, la plupart des interprétations ne laissent pas de trace, et nous ne les connaissons pas. -- Arrêtons-nous un instant. Nous nous sommes résolument placés du côté de la réception. Le sens n’est pas immanent, il ne naît que par la grâce d’une interprétation, -- a) Une interprétation (résultat d’une opération d’interprétation) n’est-elle pas une manifestation du sens plutôt que le sens lui-même ? En d’autres termes, ne peut-il pas y avoir deux interprétations équivalentes, manifestations d’un même sens ? On pense au dialogue entre Alice et le Lièvre de Mars : -- énoncés et relancera donc tout le processus, car ce ou ces énoncés devront être interprétés pour avoir accès au sens (cf. 0). Passons à l’étape suivante. Qu’est-ce qu’une interprétation d’un énoncé ? -- même polysémie régulière que le mot interprétation lui-même. Prenons le premier dans le sens de ‘processus’ et le second dans l’acception ‘résultat de’. Nous pouvons dès lors considérer la partie entre crochets comme le mécanisme conduisant au dégagement du sens approprié. Notons tout de suite que le degré zéro de la modification est la simple -- la place qu’il y occupe[2]. Le sens est donc mental, même si sa description ne peut se faire qu’en langue si on veut la rendre accessible à l’examen. -- a) On ne peut distinguer dans l’interprétation ce qui est posé de ce qui est inféré, qu’il s’agisse d’inférences dues aux postulats de sens (il est veuf à sa femme est morte) ou d’inférences qui sont individuelles au récepteur -- Sans savoir et croyances préalables, pas de compréhension, pas de construction du sens. Comprendre, c’est intégrer. Une première objection pourrait se formuler comme suit : le sens est précisément l’information dérivable de l’énoncé et non son interprétation. -- Il n’y a donc pas d’énoncé hors contexte lors de l’interprétation, l’attribution de sens. Si le contexte n’est pas donné, il est créé (cf. le cas extrême des ‘poèmes trouvés’ dont je traite à la fin de 0). Il est -- représentation-univers. On ne trouvera donc pas d’énoncé dépourvu de sens. Tout énoncé sera toujours passible d’une interprétation, même s’il ne permet pas la création d’images -- Ce qui manque le plus clairement à notre premier essai de définition du sens, c’est une prise en compte de son caractère partagé. Les interprétations peuvent aller dans toutes les directions, et se perdre totalement en cours de route. Une interprétation donnée appartient à un individu, alors que le sens quant à lui est nécessairement partagé, car il doit être communiqué pour accéder à l’existence. -- Nous reviendrons dans ces fragments sur diverses propositions de définition du sens, mais il est opportun de se pencher dès à présent sur la tentative de définition du sens de Gilles Deleuze (dans Deleuze 1969) dans la mesure où elle a connu un indéniable retentissement. Logique du sens est un ouvrage suggestif, mais dans la définition du concept même de sens il est loin d’atteindre au niveau de rigueur qui permettrait de l’utiliser comme base pour des recherches ultérieures. Commençons par les définitions du sens que l’on trouve dans le chapitre (que Deleuze appelle ‘série’) consacré à la proposition (dans son acception logique) : le sens, c’est l’exprimé de la proposition[4], cet incorporel à la surface des choses, entité complexe irréductible, événement pur qui insiste ou subsiste dans la proposition. (de la proposition, p.30) Deux surprises dans cet essai de caractérisation du sens, chacune d’elles conduisant à un doute sur le bien-fondé de cette caractérisation : a) Deleuze parle de l’exprimé et non de l’exprimable. Le sens serait dès lors réalisation plutôt que potentialité. b) Le sens serait un événement. Mais ces deux doutes sont vite dissipés. On lit en effet, quelques pages plus loin : Inséparablement le sens est l’exprimable ou l’exprimé de la proposition, et l’attribut de l’état de choses. (p.34) -- en rend la mention inutile. Contentons-nous de noter que Deleuze réinstaure ici la potentialité du sens. Qu’en est-il du sens comme événement ? On lit, à la même page : C’est en ce sens qu’il (=le sens, AM) est « événement » : à condition de ne pas confondre l’événement avec son effectuation spatio-temporelle dans un -- Je ne puis parler pour les philosophes, mais je ne sache pas qu’un linguiste puisse faire grand-chose des intuitions de Deleuze sur le sens. Le linguiste sera d’autant plus méfiant à l’égard de ces définitions qui se permettent de -- Un deuxième essai de définition du sens On sait qu’il n’y a pas lieu de s’émouvoir du fait que le mot orthographe ait une orthographe, que le mot mot soit un mot, ou encore que le mot sens ait un sens. Rechercher le sens du mot sens n’est pas une entreprise vouée dès le départ à l’échec ; cela semble au contraire une activité lexicographique tout à fait normale, et on serait bien surpris de trouver un dictionnaire qui renonce à définir le mot sens au motif de l’inévitable circularité de l’opération. Le problème se trouve ailleurs : dans l’incapacité où nous sommes de distinguer le sens d’une description du sens alors qu’au même moment nous en ressentons la nécessité. On dira d’une définition d’un item qu’elle donne le sens de cet item, ou d’une acception de cet item si ce dernier est polysémique. On ne dira pas de cette définition qu’elle est le sens, car on veut distinguer le sens d’un mot de ce qui n’en est que la caractérisation, la description, à savoir sa définition. Mais on sait aussi qu’on n’approchera ce sens que par le biais d’une description de ce sens, comme on le fait pour tous les autres items. Ainsi le sens recule en se cachant toujours derrière sa description. Il ne reste qu’une chose à faire, et c’est d’adopter une stratégie qui a ses -- On part donc d’une double observation : d’une part que toute définition qu’on pourrait donner du sens serait insatisfaisante en ce qu’elle ne ferait que nous offrir une description du sens, et non le sens lui-même ; et d’autre part qu’on n’arrivera jamais à cerner le sens par autre chose que des caractérisations ou descriptions, ce qui est le lot de tout élément porteur de sens dans la langue. On définira donc le sens comme suit : cette chose (la seule) qui ne se distingue pas de sa définition. -- la formulation de cette proposition. Et ainsi de suite. On veut donc distinguer le sens d’un item de la formulation de ce sens, c’est-à-dire de la définition qu’on donne de l’item. On voudra donc distinguer le sens du mot sens de la définition qu’on en donne. Mais le sens n’est atteignable que par le biais d’une description du sens. Je peux toucher la vache, ressentir de l’amour, nier la proposition : je ne peux que reformuler le sens, en rendre une nouvelle caractérisation, une nouvelle définition, occuper une nouvelle position de repli. -- qu’elle soit, y compris la présente. La présence du mot définition dans la définition du sens est nécessaire ; il ne s’agit pas de n’importe quelle caractérisation ou description, mais de la définition même, d’un essai de -- l’univers conceptuel auquel ils appartiennent ; ce n’est donc pas une définition. Le sens pourrait se distinguer d’une caractérisation non essentielle, d’une simple description, précisément car celle-ci ne vise pas -- dans l’univers des concepts, elle n’est plus opérationnellement distincte du sens lui-même, auquel on ne pourra accéder que par le biais de la définition, et qu’on ne pourra séparer d’elle, même si l’on sait pertinemment bien que la chose doit se distinguer de sa définition, tout autant dans le cas du sens que dans le cas de la vache. Qu’une telle démarche tautologique ne soit pas tout à fait insensée, -- p.200) La question du sens. Compare : « Cette phrase a un sens. » « Lequel ? » « Cette suite de mots est une phrase. » « Laquelle ? » -- peut faire que répéter la phrase. De même, selon Wittgenstein, pour donner le sens du premier énoncé, on ne peut que proposer une explication qui ne s’en distingue pas. On retrouve cette idée au §560 (p.213 de la traduction -- understood. Il paraît tentant de réserver cette approche tautologique au seul sens, et de poser cette aporie au cœur même de notre caractérisation du sens. -- Si toutes les langues sont des chiffres, que chiffrent-elles? Une seule réponse possible, je crois: le sens. Pascal a bien compris qu'il ne peut y avoir de langue du sens; dès que le sens se fait langue, il se chiffre; mais les langues sont déchiffrables, car elles chiffrent toutes la même chose, à savoir le sens, qui pour Pascal est universel, car la pensée même l'est (c'est ce qui sous-tend tout l'effort port-royaliste d'élaboration d'une -- blanche. Pour pouvoir récupérer l'invariant de sens, il faut évidemment que la traduction d'un énoncé x en langue L en un énoncé x' en langue L' soit telle -- deux). Par exemple, les paires snow is white/ la neige est blanche et the snow is white / la neige est blanche ont toutes deux un invariant de sens, mais ces deux invariants ne sont certes pas identiques; je ne peux avoir the -- que nous posons à sa déchiffrabilité. Le sens n'est donc pas une langue, mais la clé des langues, qui nous assure qu'aucune langue (humaine) ne pourra nous résister, rester indéchiffrable à jamais. En retournant la perspective, on arrive à la conclusion que la meilleure façon d'étudier le sens est d'étudier ce que les langues ont en commun, ce qui les rend traduisibles l'une dans l'autre. Non-sens et contresens, agrammaticalité et asémanticité Que veut dire « Cela n’a pas de sens » ? Veut-on dire par là que l’énoncé incriminé ne peut recevoir aucune interprétation ? Comment le pourrait-on, -- un univers-représentation rationnel. Et cette rationalité est rendue indispensable par le caractère nécessairement partagé du sens. Il faut pouvoir reconstruire le sens en se basant sur des procédures reconnues et partagées. Un énoncé que l’on déclare dépourvu de sens est un énoncé qui ne trouve pas sa place dans une combinatoire[5]. Il peut s’agir de trois types de -- Peut-on envisager de tracer formellement une ligne de démarcation entre les pôles, das Unsinnige (non-sens) d’une part et das Widersinnige (contresens) d’autre part ? -- Les non-sens qui présentent un danger réel pour le maintien de la langue à l’intérieur des limites de la rationalité ne sont ni le carré rond et ses -- voit que ce qui peut être éminemment vrai – non pas de la vérité qu’on découvre, mais de celle qu’on instaure – c’est la fiction (au sens large), qui est par nature représentation. Elle est vraie à un premier niveau si -- sans passer par la langue, ce qui est manifestement absurde). On pourrait encore évoquer bon nombre de non-sens plus ou moins pernicieux, selon le degré de facilité à les débusquer. Je propose aux enseignants du -- +++ Wittgenstein dit très bien que le sens de l’univers, s’il en a un, doit se trouver en dehors de l’univers (Tractatus, 6.41). De même l’explication -- Sur le besoin de sens -- est certain que l’homme a horreur du vide sémantique. Nous ne supportons pas d’être confrontés à quelque chose qui n’a pas de sens. Aussi bien sommes-nous prêts à insuffler du sens à tout énoncé, aussi récalcitrant fût-il à première vue. Ce don de sens perpétuel de la part du lecteur aide fameusement la littérature. Eco : « ... un texte est un mécanisme paresseux (ou économique) qui vit sur la plus-value de sens qui y est introduite par le destinataire » (Eco 1985:63). Gracq : « L’esprit fabrique du cohérent à -- On ne peut exclure de la langue un énoncé qui fait sens, quel qu’en soit le degré de déviance à tout autre niveau, syntaxique par exemple. Cette déviance est toujours redressée pour que le sens puisse se faire jour (ou être tout bonnement insufflé de l’extérieur, comme par exemple dans les -- contre, un énoncé morphologiquement et syntaxiquement parfait et qui ne ferait pas sens, serait, je crois, rejeté de la langue sans hésitation. Je suis obligé d’ajouter le « je crois » car il m’est impossible de fournir un exemple, et ce précisément à cause de cette volonté inébranlable que nous avons à donner du sens. +++ Dire que l’univers et l’homme n’ont aucun sens, que tout est absurde, témoigne néanmoins d’une recherche de sens qui confirme la position esquissée ici. Pour découvrir que quelque chose n’a pas de sens, il faut avoir cherché ce sens, parfois bien longuement. +++ Pourquoi tant d’écrits sur le silence ? C’est qu’on ne peut se taire sans vouloir donner un sens à son silence... De même, que de littérature pour dire que la littérature est impossible ! On ne peut se résigner à se taire, même si on est convaincu que la parole ne porte pas de sens. -- refléter le monde, mais de permettre à l’homme de se l’approprier en lui donnant sens. Ce faisant, elle ouvre un espace de liberté dans lequel on peut se perdre. -- +++ Notre besoin de faire sens apparaît clairement dans notre réaction face à une tautologie. Nous ne disons jamais : c’est une tautologie, ça n’apporte -- plus de force qu’une forme édulcorée de l’expression qui la gomme[10]. En effet, la contradiction sera de toute façon réinterprétée afin que le sens ne se détruise pas en se construisant. La forme édulcorée ne nécessitera pas -- qu’il ne mange pas ce que tout le monde mange (du pain) et qu’il ‘ne boit pas’ dans le sens que nous venons de décrire. Notez que Luc gomme la contradiction (verset 33), mais maintient l’apparente tautologie (verset -- Sur les manipulations du sens La transformation d’un support du sens (par exemple une langue source) en un autre support (par exemple une langue cible) ne peut s’accomplir sans que nous n’ayons l’impression que le sens a été compris. Certes, dans les cas les plus élémentaires on peut soupçonner qu’un algorithme a été mis en œuvre qui ne nécessite pas le passage par le sens. Par exemple, pour ce qui est de la traduction de -- c’est-à-dire une représentation qui soit suffisamment précise pour capter tout le sens qui doit passer d’une langue à l’autre, de telle sorte que l’opération de traduction puisse être la conjonction de deux opérations -- mais je ne pourrai toujours pas m’empêcher de croire qu’il ‘sait’ ce qu’il manie, et qu’il le sait parce qu’il comprend le sens de la représentation interlangue qu’il calcule pour analyser et générer la langue naturelle. Si -- compréhension, mais je m’estime capable d’établir s’il y a oui ou non compréhension ‘au sens commun’. Toutefois, le traducteur dont nous venons de parler n’a pas le moindre atome -- signifient ni plus ni moins que les précédentes, le verbe signifier n’ayant pas de sens pour lui. Il produit alors pour la phrase d’exemple la représentation interlangue suivante : -- ‘comprend’. Seul comprend le créateur de l’interlangue et le concepteur du programme tout entier, qui définit un invariant de sens entre les deux langues et les manipulations de symboles qui assurent le calcul de -- persuadant que d’un point de vue pratique ce sont les manipulations du support du sens qui nous intéressent, et non le sens lui-même. En traduction, nous n’avons qu’à le faire passer, pourrait-on dire. Pour -- Sur la centralité du sens en langue -- qu’est-ce qui nous fait croire qu’il s’agit d’un texte ? la récurrence comptera beaucoup, ici). Nous n’hésitons pas à lui attribuer un sens (il en a bien sûr peut-être plusieurs), car il ne serait pas texte s’il n’avait pas de sens. De même, ce texte a au moins un auteur, donc aussi au moins un lecteur qui lui donne ou lui a donné un sens. Il n’y a pas grand-chose d’autre que l’on puisse dire avec certitude. C’est que le sens et l’intention de sens sont définitoires pour le texte. Aucune caractéristique formelle ne l’est. -- signification unique et parfaitement littérale. Seul le signe vache peut contribuer à véhiculer un sens, lui seul peut s’insérer dans un énoncé, entrer en relation avec d’autres signes. Le dessin de la vache représente -- que nous appelons vache. Ce n’est pas la référence qui est constitutive du signe, mais son aptitude à faire sens avec les autres signes, à les délimiter et à être délimité par eux. -- véritable gribouillis), je pourrai dire de ce gribouillis qu’il n’a pas de sens. J’entendrai par là qu’il ne représente rien, et on pourra sans peine m’accorder ce point – mon gribouillis ne sera ni représentation, ni a -- modéliser en trois dimensions. Si je persiste à dire que mon dessin n’a pas de sens, on peut continuer à m’accorder ce point, mais en ajoutant à présent qu’il est possible de l’interpréter de diverses manières, qui m’ont -- +++ La musique au contraire ne permet que le premier type de dessin, ce qui lui confère une ouverture maximale, une capacité d’accueil au sens qu’on viendra y déposer, qui sera extérieur à elle et qui sera ce qu’on voudra -- l’autre. La musique n’est que ce précieux vaisseau – toute sa puissance d’évocation provient de son vide initial de sens. -- +++ Il y a bien sûr des textes de fantaisie (anglais nonsense). Mais ils ne sont pas caractérisés par une absence de sens, bien plutôt par une plus grande ouverture au sens, une invitation à faire sens (Lewis Carroll, Edward Lear, les fatrasies). -- extraordinaire du lipogramme de Perec, La Disparition (écrit sans la lettre e, comme on le sait). Nous courons au sens. Le reste doit forcer notre attention. Le sens est construit -- Wittgenstein nous invite-t-il, dans The Blue and Brown Books, à nous pencher sur l’explication du sens, plutôt que directement sur le sens lui-même. Austin nous invite à réfléchir au sens de, plutôt qu’au sens employé absolument. +++ Qu’est-ce que le sens ? La réponse nous échappera toujours, pour les mêmes raisons de clôture qui frappent tout ce qui touche à la langue. Une caractérisation du sens qui ne sera pas en langue (référence au réel, pointeur vers une réalité extra-linguistique) sera toujours trop extérieure, -- ‘différance’. Je pourrai toujours me poser la question de la signification des différents éléments de ma définition, et du sens qu’ils véhiculent quand on les considère comme formant un énoncé. Retour à la case départ. On ne peut pas définir le sens, on ne peut que tourner autour (traduction, paraphrase, construction d’une métalangue). Pour approcher le sens, on est contraint de générer du sens. +++ Ce n’est pas parce que le sens est impossible à définir qu’il faut renoncer à le décrire. Une telle description n’est pas inutile, en effet. Du -- langue à une autre (traduction automatique, traduction assistée). Il n’y pas lieu d’attendre une définition du sens pour commencer à le manipuler. De même, il n’y pas lieu d’attendre une compréhension en profondeur, qualitativement comparable à celle de l’humain, pour mettre sur pied des systèmes automatiques qui manipulent le sens. +++ « Le sens d’une phrase, c’est ses conditions de vérité, ce qui permettrait d’établir si elle est vraie. » On peut éprouver beaucoup de -- +++ La sémantique vériconditionnelle est mise à mal par l’existence et interprétabilité du simple énoncé suivant : « Cet énoncé a un sens ». En effet, on remarquera qu’il admet une lecture sui-référentielle, une lecture dans laquelle le syntagme ‘cet énoncé’ renvoie à l’énoncé même dont il est le sujet grammatical[15]. Or, pour atteindre le sens de ‘Cet énoncé a un sens’ la théorie vériconditionnelle du sens nous invite à spécifier les conditions qui le rendraient vrai, nous invite donc à regarder ‘au dehors’. Mais de telles conditions ne peuvent être spécifiées sans perdre la lecture sui-référentielle. Pour établir que ‘Cet énoncé a un sens’ est vrai, et ‘Cet énoncé n’a pas de sens’ est faux (dans leurs lectures sui-référentielles), il suffit de savoir qu’ils appartiennent à la langue. On notera que ce n’est -- de confrontation avec une représentation du monde, c’est-à-dire adéquation ou inadéquation d’un sens et d’un monde. -- les lexèmes[17], mais non pour les énoncés. En effet, si le sens, c’est l’usage, alors c’est tout simplement la distribution ; non pas ce qui rend compte de la distribution, mais la -- mais à leurs constituants. Le sens d’un énoncé ne peut pas être les conditions d’usage de cet énoncé, sauf pour les formules stéréotypées (même si celles-ci sont beaucoup plus -- (n’ont pas été proférés ou écrits), et sont néanmoins directement interprétables (créativité de la langue au sens chomskyen). On serait bien plutôt prêt à dire que c’est le sens qui fonde l’usage, pas le contraire. +++ Le sens d’un énoncé ne peut pas non plus trouver sa place en opposition avec celui des autres énoncés possibles, puisque ces derniers sont en nombre infini. Des techniques d’approche (Wittgenstein, de Saussure) qui conviennent à la signification n’ont pas de prise sur le sens. Pour un énoncé x, non encore émis par qui que ce soit, si sa signification -- que signification=conditions d’usage, mais si, pour déterminer ces conditions, je dois partir de dispositions, etc. dictées par le sens de l’énoncé en question, je n’ai fait aucun progrès, je n’ai à ma disposition -- +++ Le sens du sens. On n’est pas ici au second degré, si on veut tout simplement parler de la signification du mot sens (cf. l’orthographe du mot orthographe, Wittgenstein, PU, §121). On n’aura pas le sens du sens en ouvrant le dictionnaire au mot sens, on n’aura que les acceptions du mot sens. On ne consulte pas le dictionnaire pour trouver la solution à nos problèmes scientifiques ou philosophiques. Ce qui ne veut pas dire qu’on -- pas inventer mais découvrir. +++ Le sens est une construction théorique, un artefact, nulle part observable directement. Il y a grand danger à le réifier. On ne réifie pas un processus. Le sens est certes le résultat d’un processus d’interprétation, mais on n’a pas accès à -- abstraction au départ des énoncés qu’elle est censée pouvoir constituer. On distinguera donc sens et signification (cf. Ducrot 1984, Chapitre III et la distinction parallèle meaning et sense, notamment chez Culler 1981:50). Le -- utiliser dans l’interprétation (on consulte le dictionnaire pour obtenir la signification d’un mot, afin de pouvoir interpréter un énoncé), mais le sens n’est pas une concaténation de significations ni non plus des significations prises dans un réseau de relations. Les significations sont secondes par rapport au sens : on ne construit pas le sens sur base des significations, mais l’inverse. C’est ce que dit très bien François Rastier : « La hiérarchie entre sens et signification doit être inversée. Le sens n’est pas de la signification déformée par le contexte. (...) apparaît (...) comme un artefact de l’ontologie, appuyée sur la lexicographie, alors même que les sens varient sans limite, confirmant l’intuition que toute occurrence est unique » (in Rastier et al. 1994:35). +++ Nous n’utilisons pas les significations pour construire le sens, excepté dans une situation très particulière, celle où nous consultons le -- malgré tout ils fassent l’effort de retenir la définition verbatim. Ils ont dû construire le sens de l’énoncé, et rien ne nous dit qu’ils ont pour cela utilisé la définition de la même façon. D’ailleurs comment auraient-ils pu -- la même façon, ce qui veut dire qu’ils aient donné la même signification à chacun des éléments de la définition, et construit le sens de la définition de la même manière. C’est beaucoup demander. -- En général, bien sûr, on apprend la signification de l’item nouveau en la dérivant du sens construit, en s’aidant des indications fournies par l’énoncé et le contexte d’énonciation. Certains énoncés sont nettement plus -- +++ Le sens n’est que partiellement déterminé (il n’est que licensed, autorisé) par la forme linguistique. Le travail de construction du sens (l’interprétation) peut faire jouer absolument tout, tout le savoir -- +++ D’un côté, la signification et le verbe signifier, les acceptions, le dictionnaire, l’extension et l’intension avec s. De l’autre, le sens (avec la notion pertinente de direction), la lexie vouloir dire, l’intention avec -- non. Wittgenstein souligne à juste titre que vouloir_dire n’a de sens que dans un système signifiant, un langage, une langue. En tant qu’individu, je n’ai pas -- 1) a=vouloir dire ; b= vouloir+dire : Il ne veut pas révéler le sens qu’il attribue à ses propres paroles 2) a= vouloir dire ; b= vouloir_dire : Il ne veut pas révéler le sens véhiculé par ses paroles dans la langue qu’il utilise (par exemple, une langue que nous ne connaissons pas) -- Il y a bien des situations où une image – au sens large : toute représentation graphique – vaut cent phrases, mais l’inverse est vrai -- La langue ne peut se permettre de charrier des images mentales : beaucoup trop précises et trop lourdes, une surcharge inacceptable. Le sens n’est pas une image mentale, le sens est de la langue. Ce qu’il y a derrière un mot, ce sont d’autres mots. Julien Gracq dit cela beaucoup mieux que moi : -- Où situer le sens ? -- +++ L’interprétation est l’attribution d’un sens à un énoncé. La phrase n’a pas un ou des sens qui existeraient indépendamment des interprétations de l’énoncé ou des énoncés qu’elle véhicule. +++ ‘Cette phrase a deux sens’ : raccourci dangereux. La phrase en question est sans doute la représentation écrite de deux énoncés distincts, qui -- qu’il met en jeu, mais un masque, une persona. Dès lors, l’énoncé n’est pas agrammatical non plus dans le sens wittgensteinien, c’est-à-dire qu’il s’insère dans un jeu de langue où il reçoit une interprétation non -- que l’on sait (l’attribution d’un savoir inconscient repose sur une extension de sens, pas une application du sens de base) 2) on sait ce que l’on sait de manière immédiate : le savoir affleure à la -- Ce n’est pas parce qu’un énoncé est syntaxiquement correct et a l’air innocent (en ce sens qu’on ne serait pas étonné de le trouver en dehors des travaux des linguistes et philosophes) qu’il est susceptible de recevoir une -- +++ Je donne un sens à l’énoncé que je prononce ou que j’écris en jouant le rôle de l’interlocuteur ou du lecteur[20]. Je ne peux pas me tenir -- +++ Le sens naît au moment où le lecteur ou l’interlocuteur le construit. Il n’est pas préexistant, prêt à être absorbé ou simplement reconnu. +++ Le sens résulte d’un vouloir dire et comprendre, c’est comprendre aussi l’intention qui a prévalu à la composition du discours. Le français et l’anglais expriment bien dans vouloir dire et dans mean ce lien indissociable entre sens et intention. +++ Tout texte a une orientation, un mouvement dans une direction (un sens...), qui détermine puissamment l’interprétation qui en est donnée. De là notre incapacité à percevoir de soi-disant ambiguïtés avant qu’on nous -- existants, et en prenant en compte des composantes négligées dans le calcul du sens (stratégies discursives, connaissance du monde, etc.). L’ambiguïté pour la machine résulte à la fois de la polysémie des items -- c) le locuteur a des intentions ; il oriente sa contribution au discours dans un certain sens, sens qui garantit une cohérence à ses dires (dans les cas non pathologiques de communication). Le récepteur construit le sens en recherchant cette cohérence, en évitant autant que faire se peut tout non -- Ils offrent suffisamment de souplesse pour faire face à des situations où ils semblent tirer le texte dans des sens opposés. Mais ils sont néanmoins hiérarchisés ; c’est le vouloir dire attribué au locuteur qui prime, suivi -- expériences langagières (en entrée et en sortie), et tirer de l’observable exactement les mêmes conclusions quant à l’inobservable (le sens) : ce n’est possible que si les deux individus n’en font qu’un ! -- si on tente de le déterminer, on se heurte au problème de la description du sens. On ne peut approcher le sens qu’en créant un sens plus ou moins approché, au moyen de la paraphrase, par exemple. -- 3. Sens et référence -- « Le sens n’est pas fermé sur lui-même – vous ne pouvez pas nier qu’il sert à relier la langue et le monde ! » -- et notamment de la référence, mais seulement de le juger, par manque de point de vue extérieur. Il n’y pas de sens à parler de la vérité – ou du plus ou moins de vérité – du rapport langue-monde. -- désigne, donc réfère à, un élément indiscutable du réel, et que cette relation est le fondement du sens. Remarquez qu’une table est un objet, quelque chose de construit, de mobile – je peux la déplacer, la brûler, etc. -- fondamental. Pour référer, je donne ce que j’estime être assez d’informations pour que l’interlocuteur puisse calculer un sens qui va rendre la référence possible, la référence étant le lien entre le sens et un morceau de réel, découpé selon les pointillés qu’impose la langue. -- existent ou non dans le monde extérieur au discours. Mais je ne peux suivre Victorri et Fuchs quand ils posent que « le sens d’un énoncé-occurrence est la scène verbale qu’il construit ou les modifications qu’il apporte à la -- locuteur est partie intégrante. L’intension (avec s), c’est-à-dire le sens dans le jargon des logiciens, est ce qui doit permettre le calcul de l’extension, c’est-à-dire la référence, -- nous portons au référable et qui fait qu’il se détache de l’arrière-plan et s’offre à nous. Il est certain qu’une qualité telle que la motilité (sens aristotélicien de fo'ra) contribue à la possibilité d’individuation, de -- Il n’y a pas de fin à ce processus de réinterprétation, qui se met en branle dès que le sens qu’il produit est meilleur que le sens qu’on peut produire sans y faire appel. -- Veut-on faire du calcul de la valeur de vérité un critère pour déterminer le sens de l’énoncé, et poser que le sens réside tout entier dans les conditions de vérité de l’énoncé ? Soit, mais ce critère n’a rien -- La dispute concerne-t-elle la langue ou la chose, l’acte de référence ou la nature du référé ? La question est dépourvue de sens — on peut dire qu’on s’entend sur la chose, mais non sur les mots ; ou au contraire sur les mots, -- d’existence, les énoncés sont parfaitement grammaticaux, même s’ils ne sont pas nécessairement très sensés : l) Une licorne peut très bien ne pas exister et néanmoins manger vos -- Serions-nous prêts à affirmer que dans ce nouvel énoncé Dieu existe, seul le ‘sens’ de Dieu a changé, et que nous avons toujours la même charge sémantique pour le prédicat exister ? -- s’estompe dès que l’on quitte l’univers spatio-temporel. On ne possède un sens clair du prédicat d’existence que si on le limite à cet univers (les chevaux existent ; les licornes n’existent pas ; il existe des chevaux, il -- mais encore toutes les propriétés, relations, symboles, opérateurs, etc. dont elle fait usage. Il n’y a aucun sens à ne mesurer qu’une dimension et à la féliciter de sa diète ontologique alors que les ‘réductions’ auxquelles -- désignent des classes. De plus, les noms propres ne devraient pas poser de problème majeur à une étude du sens, puisqu’ils ne semblent pas présenter une polysémie aussi aiguë que les noms communs[31]. -- disponibilité, etc., etc. Toutes ces informations sont intrinsèquement liées à la valeur de l’eau dans notre culture (valeur au sens de 0). Considérez un élément du relief tel que la Montagne Sainte-Victoire. Grosso -- 4. Sens et lexique/grammaire Comment cerner le sens ? -- plutôt une norme, basée sur des observations qui ne concernent jamais directement le sens, car ce dernier n’est pas observable. Même les énoncés métalinguistiques les plus nets (x veut dire y / je donnerai à x la définition suivante : ...) ne donnent pas du sens, mais de la langue. -- stylistique, sans doute, et rien de plus. Mais il n’est pas exclu que la lexie vienne à acquérir un sens propre, distinct de celui de montrer. Je n’ai pas pu observer que ce soit déjà le cas. -- description d’une signification reçue. On croira ainsi avoir accompli un grand pas en avant alors qu’on aura fait qu’offusquer le sens commun. Où répertorier le sens ? -- d’interprétation qu’un ballon rouge, c’est un groupe nominal standard. On calcule le sens de oie blanche au départ des acceptions pertinentes de oie et de blanche, qu’on combine selon des règles de composition du sens ; on a dès lors une interprétation compositionnelle. Oie blanche qui reçoit -- Tout cela semble très raisonnable, jusqu’au moment où on exige de voir ces règles de composition du sens. Quelle est la règle de composition qui unit un objet au verbe transitif qui le régit ? On est bien incapable de la -- lexème sous une acception donnée. Une telle décomposition sémique n’est pas supérieure aux postulats de sens (meaning postulates). Rastier a raison de souligner que le sens est une structure et non un inventaire de traits et que donc l’énumération de sèmes ne permet pas de -- « Oüy, c'est à dire que vous voulez que ie substituë la definition à la place du definy, cela ne change iamais le sens du discours, ie le veux bien ». -- par métaphore ou métonymie, le lecteur est généralement disposé à en accepter la nécessité, le cas échéant. Il lui arrivera de préférer un sens éloigné au sens répertorié, s'il peut atteindre ce sens via les voies familières de la métonymie ou de la métaphore, se disant que ces mécanismes d'extension du sens sont implicitement permis par la pratique lexicographique (tout ce qui se cache derrière le Par ext. des -- qu'après coup, c'est-à-dire à l'issue du processus interprétatif. La propriété du sens de se laisser 'négocier' en contexte assure la possibilité de créativité lexicale. Une nouvelle lexie s'établit parce que -- b ) L'anatomie attribue deux bras à l'homme. B. a ) Le mot flèche a deux sens. b ) La lexicographie attribue deux sens au mot flèche. On conviendra que A.a est central, tout comme B.b. La lexicographie est -- J’entends par là celles que l’on construit pour expliquer le sens et/ou l’usage des mots aux enfants, ou aux étrangers qui s’efforcent de parler -- D’une manière plus générale, il faut se garder de croire que le concept de littéralité va nous aider beaucoup dans notre exploration du sens. Pourquoi un sens est-il littéral et un autre pas ? Il n’est pas possible de dissocier la langue de ses emplois, y compris bien sûr l’emploi métalinguistique, -- l’on n’a pas le sentiment qu’on ait vraiment besoin d’aide lexicale. Or, si le contresens nous met en alerte, le faux sens ne nous arrête pas nécessairement. -- Catégories syntaxiques et sens -- caractère nominal, je repousse au second rang la facette ‘adjectif’ et la facette ‘verbe’ de ce même sens : Nom : confiance -- (« qui fait confiance ») on trouve fiable (« à qui on peut faire confiance »). On sent bien qu’il y a un substrat de sens qui est partagé, mais on ne sait pas le cerner, et, a fortiori, le décrire. -- Le sens littéral : un sens construit ? On peut être tenté de croire que le sens littéral, non figuré, non métaphorique, est un sens plus immédiat, plus simple, plus fondamental, le fondement précisément, la base de toute extension de l’interprétation. Mais il faut alors que ce sens affleure, qu’on puisse démontrer qu’il a fallu passer par lui pour atteindre les extensions qui constituent des interprétations supplémentaires, même si dans certains cas ces dernières arriveront à s’imposer et à repousser à l’arrière-plan le sens littéral dont elles se seront servi comme tremplin. Si ce n’est pas le cas, si le sens littéral n’est pas disponible à la conscience du locuteur, il ne peut s’agir que d’un artefact dont on ne pourra mesurer la pertinence que dans le cadre de l’évaluation de la théorie du sens dans son ensemble. On ne peut pas faire comme si le simple fait de baptiser cette construction ‘sens littéral’ lui donnait le statut d’un élément observable, qui devait constituer le point de départ de l’analyse. -- Mais ce soi-disant sens littéral censé exprimer le sens premier de l’énoncé n’est tout simplement pas exprimable par l’énoncé en question. On n’imagine -- On pourrait faire des observations similaires à propos des autres exemples donnés par Recanati pour illustrer le sens ‘littéral’. Contrairement à ce qu’avance Recanati, I’ve had breakfast ou J’ai déjeuné ne peuvent pas servir à véhiculer un sens littéral qui serait celui d’un énoncé tel que ‘Il m’est déjà arrivé de déjeuner dans ma vie’. -- b) as-tu vu la Tour Eiffel, comme ils l’ont asticotée, affublée, etc. À tout le moins on conviendra que le sens littéral n’est opposable à un sens figuré que s’il fournit une interprétation licite de l’énoncé. On conviendra -- nécessite une explication pour qu’elle puisse se réinstaurer. Ici aussi le sens littéral n’est qu’un produit de l’analyse lexicologique et ne jouit d’aucune légitimité qui lui viendrait de la qualification de ‘littéral’. Peut-on parler de sens littéral à propos d’un énoncé qui n’en a pas d’autre, pas de sens figuré, métaphorique, etc. ? Il ne me le semble pas. Le sens littéral s’entend en opposition à des ‘extensions’ qui vont ‘au-delà’ de ce sens, perçu comme ‘premier’. Dans cette perspective, La somme des angles d’un triangle est égale à 180°. n’aurait pas de sens littéral. Considérez un autre exemple de Recanati, le ET qui marque une séquence et -- Le sens littéral d’une expression linguistique, nous dit encore Recanati (2004:81), c’est pour le sémanticien celui qui s’instaure sur base même des -- sont pas un donné ; la langue ne se préface pas des conventions qui en régissent l’usage. Le sens littéral est inévitablement une construction théorique – on en fera relever ce qu’exige la théorie qu’on propose. -- Le sens 'littéral' : l’affaire du lexique, pas du discours L'opposition sens littéral / sens figuré est affaire de dictionnaire, et l'erreur consiste à vouloir l'utiliser dans l'interprétation des énoncés. -- item sont reliées entre elles. Le lexicographe utilisera alors le concept d'extension de sens, qui peut se faire selon diverses voies, notamment métonymiques et métaphoriques. Dans le cas d'extension métaphorique, il sera possible de parler d'un sens littéral (la flèche en tant qu'objet matériel) et d'un ou plusieurs sens figurés, imagés (la flèche en tant que signe). Cette opposition sens littéral / sens figuré ne sera pas applicable à tous les items polysémiques. Le lexicographe se retrouvera souvent en présence de -- citations datables. Quel serait par exemple le sens littéral d'ouvrir (open, abrir, etc.)? On pensera peut-être d'abord à ouvrir une porte ou ouvrir une fenêtre plutôt qu'à ouvrir un livre, ouvrir un débat ou ouvrir un compte en banque, mais quel serait le sens littéral d'ouvrir, indépendamment des lexies ou semi-lexies (collocations) que nous venons de proposer? Pourquoi est-ce que confronté à ouvrir un livre je devrais me mettre à la recherche d'un sens 'littéral' d'ouvrir (pour de toute façon le rejeter?). En fait, on dispose -- Grand Robert ci-dessous) Le sens littéral d'un énoncé serait celui que l'on obtient en sélectionnant, comme contribution sémantique des items lexicaux pleins, le sens dit littéral de ces items, en maximisant les isotopies. Mais le sens de tout énoncé est un sens construit : l'énoncé se laisse interpréter en fonction d'un ensemble de paramètres parmi lesquels interviennent les éventails -- particuliers), on tombe dans le piège. On croit alors pouvoir partir d'un sens littéral de l'énoncé, sens qu'il faut postuler pour tous les énoncés dont on veut montrer que l'interprétation retenue n'est précisément pas -- contexte particulier, comme dans une démonstration linguistique, par exemple en vue d'établir le bien-fondé du passage par un sens littéral dans le processus interprétatif. -- littérale / acception figurée dans le cadre du travail lexicographique. On passe du lion félin au lion homme selon des lignes d'extension du sens qui sont familières et productives (l'extension métaphorique est à tout moment -- intervenir le lexicographe, dont la tâche est de rendre compte de l'usage). Mais reconnaître un sens littéral et un sens figuré à lion ne nous force pas à passer par une interprétation littérale de lion lorsque nous sommes -- chauffeur de taxi et notre voisin. Il faut récuser l'existence d'un sens littéral qui se présenterait en premier pour les énoncés, par lequel il faudrait passer, et qui ne -- savions ce qu'ouvrir un livre veut dire. Le concept d'écarter qui semble crucial ici doit se comprendre dans le sens qui convient. Si je découpe un livre et que j'en écarte les feuillets de manière à ce que la distance entre deux feuillets soit d'au moins 500 mètres, je n'aurai guère ouvert le livre dans le sens où nous sommes invités à l'entendre en lisant ces définitions. Le 'pour le lire' du Littré est le bienvenu – il indique ce pourquoi on -- objet dont le verbe est ouvrir. En présence de ouvrir un livre, je ne passe donc pas par un sens plus littéral de ouvrir, celui que l'on associerait peut-être à ouvrir dans ouvrir une porte ou ouvrir une fenêtre. On me dira que l'acception d'ouvrir dans ouvrir un livre n'est tout simplement pas un sens figuré, et que donc ici l'opposition sens littéral / sens figuré n'entre pas en jeu. Mais je crois que personne ne niera que le lexicographe peut marquer de non-littéral le sens qu'il attribue à ouvrir dans ouvrir un débat ou ouvrir le bal. Et pourtant, pas plus ici que dans le cas de ouvrir un livre, je ne passe par un sens littéral dont je mesure l'inadéquation avant de passer au sens figuré qui convient au syntagme. Dans suivre une flèche, il ne convient pas plus d'opposer un sens littéral de suivre et de flèche, à un sens figuré de ces deux items. Supposez qu'une flèche traverse le ciel dans mon champ de vision. Est-ce que, en suivant la -- transformée en signe? Tous les mots ont-ils un sens littéral ? Je peux considérer qu’endoscopie n’acquiert un sens littéral que si je peux le confronter à une lecture métaphorique. Tous les mots sont-ils susceptibles de faire l’objet d’une lecture métaphorique ? On penserait à exclure certains termes techniques (au sens large : aussi juridiques, économiques, etc.) et des mots abstraits, tels que ceux que l’on choisit -- métonymique ou métaphorique. Les choses se compliquent lorsqu’on parle du sens littéral des énoncés. Le sens littéral de l’énoncé est-il composé au départ des sens littéraux de tous ses composants, en excluant absolument la possibilité qu’une acception non littérale puisse se retrouver composante d’un sens littéral ? La reconnaissance d’un sens littéral des énoncés est absolument essentielle pour une théorie qui oppose meaning et force – le meaning est le sens littéral, le sens de l’énoncé lui-même (que j’appellerais plus volontiers la signification de la phrase sous-tendant l’énoncé), la force est le sens qu’un locuteur lui donne (pour nous : le sens tout court). -- Recanati (2004:92 et suivantes), à la suite de Searle, se penche sur l’absence d’interprétabilité du syntagme couper le soleil, dans le sens où l’on ne parvient pas à se figurer la ‘situation’, l’état du monde, qui -- mode opératoire assez précis, dont on ne peut s’écarter indûment sous prétexte que l’on s’en tient au ‘sens littéral’. Si je coupe un livre en petits morceaux, si je coupe l’herbe dans le sens de la longueur, etc. ou si je prétends qu’en faisant de telles choses je me conforme à l’interprétation -- the virus with a powerful microscope). Ce soi-disant sens littéral n’est autre qu’un sens construit en abusant de l’outil lexicographique, en attribuant à un élément d’énoncé -- d’analyse et d’abstraction et ne sont pas un donné qui justifierait une construction compositionnelle du sens basée sur ces acceptions. -- (a) taple blork Les locuteurs, on le verra, ne renonceront pas vite à faire sens : ils laisseront courir leur imagination, mais celle-ci n’échappera jamais à la langue, sa frontière ultime. On aura ainsi un début d’accès aux mécanismes qui permettent de faire sens. Dans la mesure où les interprétations proposées seront reconnaissables et -- de poser des problèmes aux théories qui insistent sur une distinction nette entre meaning et force, sens de la phrase en elle-même et sens conféré à l’énoncé par le locuteur. Peut-on toujours distinguer entre contenu d’une -- h) Je ne suis déjà pas si bien que cela avec elle (Sodome et Gomorrhe) i) Mon pauvre fils, tu n’avais pas déjà beaucoup de sens commun, je suis désolée de te voir tombé dans un milieu qui va achever de te détraquer (À -- k) Je vous ai déjà dit que je la répudie. On peut aisément construire une série qui fasse passer du sens temporel (incluant le definiens auparavant), à l’exemple racinien, dont la portée -- À certains égards, le TLF fait moins bien. La description du sens temporel se veut plus précise, mais elle est alambiquée et inexacte : la référence -- trop, et le ‘censé se produire’ est inexplicable : I. Sens temp. « Déjà » exprime la précocité de survenance d’un procès qui, attendu pour plus tard, aurait pu ne pas se produire à la date à laquelle il -- Mais c’est surtout quand on lit les exemples donnés en illustration de ce sens qu’on est persuadé que le lexicographe n’a pas vraiment fait son travail. En effet, l’exemple suivant (repris ici comme t) n’illustre pas le -- Toutefois, le TLF est supérieur dans la description de ce qu’il appelle le sens logique (argumentatif conviendrait mieux), restreint à la langue familière (est-ce bien avéré ?). Le TLF dégage un sens où « Déjà marque un degré relatif et signifie qu’un résultat partiel est acquis dès le moment -- 5. Sens et traduction -- introduit par Quine, et l’usage qu’il en fait pour démontrer le caractère indéterminé de toute description du sens d’un énoncé. La traduction radicale conduit aux limites de la traduction tout court. Si le célèbre ‘gavagaï’ -- +++ La paraphrase est sans doute notre outil le plus précieux pour l’exploration de l’interprétation et du sens, et pourtant elle est par nature inadéquate : la paraphrase parfaite, celle qui donnerait lieu -- énoncé identique au premier – il s’agit d’un énoncé répété. De paraphrase en paraphrase, le sens originel s’écoule, se perd, et de nouvelles interprétations apparaissent. -- pleut ». Et pourtant, nous avons interprété différemment. Nous voulions faire sens, donc nous n’avons pas rejeté l’énoncé. Nous ne l’avons pas redressé sans plus, comme le fait la paraphrase donnée. Nous avons compris -- ressentir cette aliénation. On pouvait dire tout cela dans la paraphrase – oui, mais en le disant, en tentant de fermer le sens, de le fixer. -- ne peux le faire qu’en citant l’énoncé. Mais la citation d’un énoncé n’en éclaire pas le sens. -- linguistiques : grammaire et dictionnaire ne suffisent pas à en rendre compte. Résumer, traduire, paraphraser : nous voilà dans le domaine du sens. À y bien réfléchir, il n’y a guère que les manipulations de traitement de texte (changer la casse et le corps, indenter, etc.) qui peuvent s’accomplir en négligeant le sens véhiculé (il n’y a bien sûr aucune obligation à les exécuter de cette manière aveugle). Des opérations qui semblent à prime -- effet, outsider ne signifie pas ‘personne ne participant pas aux débats politiques en cours’. Le sens se construit, il ne résulte pas de la concaténation ou de l’amalgame d’acceptions, même bien choisies, dans un -- donne : Les étrangers sont plus riches... L’oed (L’Oxford English Dictionary), quant à lui, rend compte des sens appropriés au contexte, ou du moins leur fait une place : -- Encore faut-il interpréter non-member et fortunately situated, ce qui ne peut se faire sans une appréhension globale du sens de l’énoncé dans le contexte de tout le paragraphe (il faut au moins accès à tout le paragraphe -- +++ On sait que la traduction a tendance à diluer, à allonger, comme si le sens était exprimé de manière plus dense dans le texte original. On peut donner de ce mécanisme de très nombreux exemples, et pour de nombreuses -- +++ Jusqu’à quel point le sens peut-il se concentrer ? Un seul mot peut-il contenir toute une proposition ? Peut-il en contenir plusieurs ? Plus le sens est concentré, plus le texte apparaît numineux. Peut-on imaginer un instant précédant un big bang linguistique, un instant où le sens de toute proposition est hyper-concentré, prisonnier d’un noyau dont toutes les -- à chaque mot correspond une proposition entière, elle-même construite autour d’une coordination. Le sens se déplie, s’ouvre comme une fleur empoisonnée. Le caractère définitif, indiscutable de l’arrêt est souligné par cette haute concentration. On a le sentiment de se rapprocher de la langue adamique, une constellation de diamants qui font briller le sens sans le disperser. On peut certes étudier les trois mots mystérieux, en interroger -- 6. Le calcul du sens -- Nous ne sommes pas fort avancés dans le calcul du sens. Par exemple, nous savons que la relation verbe-objet, même si elle est syntaxiquement une -- Tournons-nous vers des relations que l’on croit pouvoir calculer avec succès. Considérez le calcul du sens de un ballon rouge. Il s’accomplit comme suit : prenez toutes les choses qui sont des ballons et toutes les -- chercher, c’est essayer de trouver. C’est là un des premiers postulats de sens que l’on apprend à l’école. - Si vous voulez… -- Argument : une notation logique non paraphrasable de manière satisfaisante en langue naturelle ne peut représenter le sens de façon adéquate, même si elle est susceptible de fournir des inférences intéressantes. Chercher, -- naturelle. Mais cet argument ne convainc pas, car comment montrer alors que la représentation en notation logique est bien une représentation du sens véhiculé par l’énoncé en langue naturelle, à savoir John tries to find a -- Un texte requiert une orientation – il ne part pas dans toutes les directions (tous les sens...) en même temps. Ce qui explique la valeur heuristique du concept d’isotopie, la non-perception des ambiguïtés, etc. -- Nous avons souligné qu’on est prêt à donner du sens, à faire sens. Mais à l’aide d’aussi peu d’informations nouvelles que possible. Toujours enclins -- schèmes familiers, nous préférons reconnaître qu’apprendre... Nous ne voulons pas nous laisser surprendre par le texte – lui donner sens, c’est le ramener à quelque chose de connu. Cette démarche est très nette dans -- à l’appliquer à un faisceau de métaphores qui essayent de cerner ou d’établir un noyau de sens. Un excellent exemple est fourni par le bouquet de métaphores par lesquelles le Christ se définit dans l’évangile de Jean. -- peux extraire C’est vendable. Mais de Il ne fait pas dans la dentelle, je ne peux extraire Il fait dans la dentelle, sans changement drastique du sens. Ce qui ne signifie pas que l’expression soit figée avec la négation comme -- On revient à la question fondamentale : qu’est-ce que le sequitur ? Faire le plus de sens possible, c’est prédiquer un maximum de choses d’un minimum d’individus. -- peuvent recevoir de lecture individuante en raison de l’inclusion totale du sens du verbe dans celui du nom. En conséquence, tous les énoncés non métalinguistiques relatifs au passage du temps devront recevoir une -- concerne Claude et non le temps. Même si le temps est sujet grammatical, rhétorique, thème, etc., il n’y a pas ici de sujet réel (dans le sens d’objet du discours) en dehors de Claude. -- m’aide à repérer le terme positif de l’opposition. Ce terme positif est capable à son tour d’orienter les mots qui sont tournés dans son sens et de leur conférer sa valeur. On peut par exemple se poser la question de savoir -- Notez que l’ajout du verbe implicite manger (accompagné d’une modification du profil intonatif) fait basculer le sens vers cesser de : Veux-tu finir de manger la tarte ! -- Finis est interprété ici comme finis de le faire, de le préparer, de le décorer, etc. – tout le processus de préparation à la consommation, au sens large. De même -- les interprétations proposées par les qualia associés à l’item confrère. Le sens doit être construit, et il ne peut pas l’être sur base des significations répertoriées dans le dictionnaire, même si nous persistons à -- pour tenter de donner une caractérisation sémantique du lien. Il tombe sous le sens que dans les paires écrire une lettre (avant :0, après :1) -- que Wittgenstein appelle parfois sa grammaire. Le temps passe n’est vide de sens que si on le veut bien (si on le lit mal). -- de l’explication qui en a été donnée. Il y a donc clarification, mais dans le même temps fermeture et réduction du sens, en un mot appauvrissement. Mais le lecteur ne procède-t-il pas de la même manière, ne se forge-t-il pas -- groupe verbal (temps, mode, voix, etc. – cf. Fillmore 1971:389). L’établissement des fonctions lexicales va dans le même sens. Dans porter plainte, porter est décrit comme un simple opérateur, le sémantisme de la -- On s’est moins penché, je crois, sur la déplétion des configurations syntaxiques. Ces dernières ne véhiculent pas un sens bien précis ; on sait qu’on ne peut définir sémantiquement la relation qui unit un sujet à un -- par exemple, ne serait tel qu’en vertu d’une configuration formelle qui ne porte avec elle aucun atome de sens identifiable à travers toutes les manifestations de cette configuration. On est obligé de parler de prototype -- Les énoncés où les termes abstraits abondent, où les verbes sont mous (doit aussi être pris en compte, s’articule avec,...) : le sens est facile à construire, il y a beaucoup de jeu, les choses se donnent, mais cette facilité devrait nous mettre en garde – trop de sens, c’est pas de sens du tout. -- saisi les étapes où le discours abstrait devait faire place au mythe. On n’épuise pas le sens d’un mythe. On n’épuise pas le sens de la littérature – c’est même précisément ce qui la définit. -- 7. Sens et littérature -- franchi par l’intervention de l’écriture), le vouloir dire est moins facile à saisir, et le sens s’ouvre. Le fait que le texte est de la langue garantit cette ouverture du sens en lieu et place de sa mort. Car on ne se résigne pas de bonne grâce à la mort du sens. Ces énoncés seconds finissent par être plus riches de sens que les énoncés premiers. La littérature est le royaume par excellence des énoncés seconds : elle ne -- peut écrire de la ‘littérature’ en se fiant presque exclusivement à ce désir du lecteur d’insuffler du sens, y compris là où on n’a pas cherché à en mettre. Nous vivons dans un univers interprété, même si, à en croire Rilke, -- +++ Le sens s’instaure de lui-même, sans doute. Mais ce n’est pas avec de tels textes qu’on apprend à penser, à sentir. Ni à écrire. -- +++ Maintenant ce sont mots qu'on aligne, assonances qu'on arrange, et l'espoir toujours comblé d'en voir jaillir l'éternelle fontaine du Sens, magnifique prostitué (Ante faciem venti). -- très diverses, parmi lesquelles celle-ci : on ne sait rien en faire d’autre !), on est prêt à ouvrir l’éventail des sens à construire. Nous sommes toujours disposés à prêter aux riches et la littérature est riche de sens par expectative. -- aux incantations nécessaires pour obtenir et prolonger quelques instants le prodige de son évocation, ... » (édition Quarto, p. 279). Le sens n’est pas là prêt à être prélevé. Il s’agit de le recréer à chaque fois. Il y aura des -- tant que texte littéraire. L’œuvre n’existe pas sans un lecteur pour lui donner sens. Il n’y a pas d’interprétation(s) correcte(s) et incorrecte(s) (ce qui ferait de l’auteur ou d’un critique donné, le maître du sens de l’œuvre), mais des interprétations riches, intéressantes, ouvrantes et des -- +++ La critique littéraire est une construction de sens sur une construction de sens (d’où bien sûr la différance). On serait surpris de voir un critique d’art offrir une aquarelle en commentaire à une toile. La critique littéraire participe au jeu infini du sens – l’œuvre est son pré-texte. La nature de la langue se révèle dans ce jeu – elle ne renvoie -- est magnifiée, soulignée par la cacophonie du vers, qui nous dit que la poésie est ici ailleurs que dans les sons, elle est dans la forme au sens le plus primitif et le plus absolu, le dessin même des lettres qui la -- Ainsi réintervient le vouloir dire de Mallarmé, mais sur un plan beaucoup plus global : non pas le sens de ce texte, mais le sens de toute l’œuvre, les contours qu’elle dessine dans le corpus illimité des interprétations. -- Si le sens d’un texte se construit en partie grâce au contexte dans lequel ce texte s’insère, il s’ensuit que l’intertextualité offre un terrain d’étude intéressant pour déterminer la nature et l’étendue des variations de sens dues au contexte. L’intertextualité est un concept très général, qui va bien au-delà de celui -- simple d’intertextualité, afin de saisir le mécanisme de construction et de modification de sens au plus près. On peut concevoir la citation textuelle comme la réalisation de la potentialité d’insertion de tout texte dans un -- question de lecture, c’est-à-dire d’apport du lecteur dans la constitution du sens) b) la citation peut être annoncée, par exemple par le biais de la -- sait qu’il cite chaque mot qu’il utilise, chaque mot emmenant avec lui tous les environnements qu’il a connus et dans lesquels il s’est chargé de sens, et portant en lui tous ceux qu’il est susceptible de connaître, et dont le -- Revenons aux citations textuelles. La citation entraîne la modification des potentialités de sens des deux textes, le texte cité et le texte citant, le texte accueilli et le texte récepteur. Nous nous intéresserons aux -- citation, et par là même, par la citation elle-même. Le texte cité est un véhicule de sens, mais qui ne s’est pas préchargé du sens qu’il offrait dans son contexte d’origine ; dès lors il est libre de coopérer à la construction d’un sens qui s’écarte de l’éventail des sens d’origine du texte cité, mais qui ne peut se construire sans le rappeler, ce qui conduit précisément à la -- On peut aussi fournir maint exemple de contexte non congruent mais non hostile, dans lequel la citation doit néanmoins se dépouiller du sens qu’elle véhiculait dans son contexte d’origine. C’est le cas de la citation -- l’inverse de celui souhaité par l’auteur : il s’agit d’une question de mots, du véhicule du sens et non du sens. Il est alors aisé de voir les prophéties s’accomplir ; mais ce ne sont plus que des mots, la bale des signes que l’on -- La citation vient tout simplement s’inscrire dans une structure discursive où elle concentrera sur elle-même (sur ses potentialités de sens) toute l’attention, vu qu’aucun contexte ne vient l’orienter vers autre chose qu’elle-même. Le véhicule du sens peut alors se révéler pour ce qu’il est, un vaisseau précieux dont la gamme infinie des sens dont il pourra se révéler porteur freine la hâte du lecteur, et instaure la puissance poétique -- intégrante du poème. Le lecteur (celui des « poèmes trouvés » et celui de ce texte) est invité à laisser se faire le jeu du sens aussi longtemps qu’il lui apporte quelque plaisir. Le contexte d’origine pourra ensuite servir de -- Gilles DELEUZE, Logique du sens, Collection ‘Critique’, Les Éditions de Minuit, Paris,1969 -- Denis FISETTE et Pierre POIRIER (dirs), Philosophie de l’esprit – I. Psychologie du sens commun et sciences de l’esprit – Textes réunis par Denis Fisette et Pierre Poirier, Vrin, Paris, 2002 -- Classicismo, Sansoni/Academia, 1970 Robert MARTIN, Pour une logique du sens, deuxième édition, Presses Universitaires de France, Paris, 1992 -- Bernard VICTORRI et Catherine FUCHS, La polysémie – construction dynamique du sens, Hermès, Paris, 1996 Ludwig Wittgenstein, Philosophische Untersuchungen, Philosophical -- [2] Cette notion est donc équivalente à celle d’univers au sens de Martin 1992 :109 : « L’univers est l’ensemble des croyances d’un -- [4] Ici comme dans les citations suivantes extraites de Logique du sens, c’est Deleuze lui-même qui souligne. [5] Comme l’avance Wittgenstein au §500 des PU : « Lorsqu’on dit qu’une phrase est dénuée de sens, ce n’est pas parce que son sens serait quasiment dénué de sens, mais parce qu’une combinaison de mots est exclue du langage, retirée de la circulation. » (p.500 de la -- [11] La leçon etairoij (compagnons) n’offre pas un sens sensiblement différent en contexte. -- [33] Rappelez-vous que, dans ces conférences, j’emploie « référent » dans le sens technique de chose nommée par un nom (ou de chose satisfaisant une description singularisante) et qu’il ne doit y avoir -- de désigner par S l’ensemble de ces systèmes et par L la langue, la conversion se fait toujours dans le sens S->L, jamais à l’inverse. » (Benveniste 1974:54) -- grise et de maison suivante ; dans le premier cas on peut calculer l’extension par intersection. Mais le sens du mot gris varie en fonction de l’élément qu’il modifie, une journée grise n’est pas grise