Rafael Nadal peut-il trébucher sur son tapis rouge ? Rafael Nadal est un garçon formidable. Le Majorquin aime tellement Roland-Garros, qui débute dimanche 24 mai, que, non content de gagner systématiquement le tournoi, il fait de son mieux pour en préserver le suspense. Il y a seulement une semaine, l'on se demandait si, au fond, il était bien nécessaire de programmer chaque année à Paris quinze jours de tennis pour aboutir à un résultat immuable : victoire du bulldozer espagnol, adversaires ratatinés errant en quête de Prozac et chroniqueurs se croyant victimes d'Alzheimer, à force de confondre les différentes éditions du tournoi, tant elles se ressemblent. Mais, depuis, ô miracle, l'impensable s'est produit. Rafael Nadal a perdu. Chez lui, en Espagne. Sur terre battue, qui plus est. "Sa" surface. En ce beau dimanche 17 mai, à Madrid, c'est Roger Federer qui a ressurgi de nulle part – il n'avait pas gagné un tournoi cette année – pour lui infliger en finale une aimable dérouillée, en deux petits sets (6-4, 6-4). La belle affaire! Le Majorquin est donc faillible. Sur terre battue, sa dernière défaite remontait tout de même à plus d'un an… C'était à Rome, face à Juan-Carlos Ferrero, et le jeune homme avait alors une bonne excuse "à la Gasquet" : une grosse ampoule. La défaite de Madrid tombe donc à point.On peut maintenant, en extrapolant, imaginer qu'il se prenne les pieds dans son tapis rouge préféré, l'ocre de Roland-Garros. Essayons cet exercice, qui, pour être honnête, fleure la mauvaise foi, tant le numéro1 mondial reste favori. Voici les raisons de croire que Nadal peut choir de son trône : Federer, toujours 2e mondial malgré son déclin, remonté comme un coucou suisse par sa victoire de Madrid, aura envie de décrocher le seul titre du grand chelem qui manque à son palmarès; Nadal, en dépit de ses succès, a connu une saison de terre battue pas si facile que ça, bousculé d'abord tendrement par Novak Djokovic (4e) à Monte-Carlo et à Rome, puis plus rudement à Madrid, où le Serbe a eu plusieurs balles de matchen demi-finale; il n'y a plus un seul, mais plusieurs adversaires crédibles pour l'Espagnol, puisque l'on peut ajouter à Federer et Djokovic, par exemple, l'Ecossais Andy Murray (3e) et, avec un soupçon de chauvinisme, Jo-Wilfried Tsonga (9e). Tentons maintenant le point de vue opposé, plus facile. Nadal a peu de chance de perdre, car : il n'a cessé de progresser et n'est plus le joueur monolithique de ses débuts, où il gagnait déjà; il y a deux ans, Federer l'avait aussi battu juste avant Roland-Garros, à Hambourg, ce qui n'avait pas empêché l'Espagnol de dynamiter ensuite les espoirs du Suisse; Roland-Garros se dispute en trois sets gagnants et cela change tout… Dans ce chapitre, on est obligé d'user de points de suspension, tant les arguments abondent. "Jamais lassé" Que pense Rafael Nadal de ces conjectures? Jeudi, il gambadait en toute insouciance entre Rueil-Malmaison et Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) sur les courts du très sélect Paris Golf &Country Club. Il y disputait un match exhibition contre Arnaud Clément, juste après que Federer eut fait de même contre Stanislas Wawrinka. "Je ne suis jamais lassé de gagner", a-t-il confié. Et d'énoncer les raisons de sa sérénité. "J'ai réalisé cette année mon meilleur début de saison. C'est vrai que je suis moins bien sur terre battue que l'année passée, l'année où j'y ai le mieux joué. Mais, cette saison, mon bilan sur cette surface est quand même de trois tournois gagnés et d'une finale dans le quatrième. Je suis prêt." La meilleure raison, finalement, de croire à l'éventuelle défaite de Nadal est bêtement sonnante et trébuchante. En ces temps de libéralisation des paris sportifs, miser sur l'Espagnol n'a aucun sens : sa cote avoisine, sur la plupart des sites, les deux contre un, soit 2euros de gain pour 1 euro parié. En misant sur tout autre joueur, on peut espérer, sait-on jamais, faire fortune. Le mot de la fin est pour Arnaud Clément – battu jeudi 6-3, 6-3 –, qui pense aussi que tomber sur Nadal relèverait de la mauvaise fortune. Quels seront les objectifs de l'Aixois à Roland-Garros ? "Ils seront revus à la baisse si je le rencontre au 1er tour…" Pierre Jaxel-Truer