Retour à la page d'accueil Philosophie Introductions Introduction à la Philosophie thomiste par l'abbé J.-M. Robinne I. Notions fondamentales. Avant de rentrer dans les différents traités philosophiques, il convient de faire un petit tour par les notions fondamentales. Cette méthode a ses avantages comme ses inconvénients. Les avantages en sont quune fois ces notions connues (on nosera pas dire maîtrisées) il sera alors plus aisé de se mouvoir dans les textes de saint Thomas, et surtout de saisir les subtilités du langage thomiste. Cependant, il faut en être conscient, cette méthode présente un gros défaut, qui pourrait même devenir un handicap majeur si on ny prenait garde. Elle risque en effet de donner de la philosophie une image de puzzle où pour comprendre il suffirait simplement de trouver lordre dans lequel il faille placer les mots. Ceci serait catastrophique, nous ne devons jamais oublier que le véritable philosophe vit véritablement sa philosophie, cest à dire quen lui les concepts sont actués et que par conséquent il sélève par sa réflexion. Nous aurons à revenir sur ce point en psychologie. Ce quil faut retenir pour le moment cest que ces concepts, que nous allons étudier et employer, doivent être compris et non pas seulement appris. I.1. Notion de lêtre. Saint Thomas parle souvent dun double sens du verbe esse : ¤ Ce mot signifie dune part la réalité, le fait dêtre réel pour les choses qui existent selon les prédicaments. ¤ Dautre part, il indique la composition du prédicat et du sujet, composition qui se situe dans la seconde opération de lintellect (le jugement).[1] Le premier sens mentionné est parfois subdivisé en un sens principal, celui de lacte dêtre qui résulte des principes de la chose, et en un second sens, celui de lessence selon laquelle la chose existe. Mais notons au passage que la composition est basée sur lêtre de la chose, qui est lacte de lessence. Dans dautres textes de St Thomas létant peut avoir encore dautres sens, cependant en ce qui concerne la Question 3 de la prima pars, nous ne trouvons de références quà ces deux sens précis. I.2. Le concept de lêtre. La pensée humaine se développe graduellement et va de ce qui est plus général à un savoir plus particulier. Le concept détant est le premier connu par nous car il est le plus indéterminé et le plus général. Toute la vie intellectuelle de lhomme est tracée, elle doit rester au contact du réel et est ordonnée au réel.[2] La perfection de notre vie cognitive est la connaissance de lÊtre Absolu. Le fait que létant est ce que nous connaissons en premier implique aussi que nous expérimentons directement les choses et le monde. Le premier concept du mot étant que nous acquérons est général et encore indéterminé. Mais, le contenu du mot étant signifie tout ce qui est réel et contient en lui-même la réalité de tout ce qui existe dune manière ou dune autre. Nous pouvons donc relever quétant veut dire « ce qui est ». Nous voyons ici un aperçu général et vague du concept détant, nous reviendrons plus tard sur la notion dêtre dans la partie sur lontologie, mais avant cela il faut étudier les différentes divisions de létant. I.3. La division de létant[3]. La première question qui se pose est de savoir quelle est la première division de létant. On pourrait penser que la division en substance et accident est la première, étant donné que la substance est la réalisation la plus authentique de létant. Pourtant on peut rapidement sapercevoir que la distinction entre substance et accident se fonde sur la division de létant en acte et de létant en puissance. Par conséquent même du point de vue psychologique les concepts dacte et de puissance précède ceux de substance et daccident. Lacte et la puissance sont présents dans tous les prédicaments[4][5]. I.3.a. La Puissance. La puissance proprement dite est une capacité réelle de produire ou de recevoir un acte. La puissance a en effet une relation essentielle à lacte, cest à dire, lachèvement dun degré particulier de lêtre. Mais on ne peut pas réellement définir la puissance. Il sagit dun état du réel. Dans ce sens on la qualifie de « subjective ». Il faut donc voir en elle une réalité, tandis que la possibilité « objective » (la possibilité de réalisation dun cercle non existant) reste de nature purement idéale. La puissance est une des notions analogiques primitives qui à proprement parler ne peuvent être définies, mais que lon peut seulement sefforcer de saisir dans des exemples comme par induction, et en sappliquant à les distinguer de ce quelles ne sont pas. Lêtre en puissance appartient à la réalité appartient à la réalité dont il détermine les ordinations effectives à des actuations ultérieures. Cependant, il nest, dans sa propre ligne aucunement en acte. « Potentia dicitur ad actum » qui dit puissance dit nécessairement imperfection. ðOrdre à lacte, imperfections, tels sont les deux caractères communs à toute puissance. Nous avons distingué plus haut la puissance subjective (potentia) de la puissance objective (possibilitas). Nous ne regarderons ici que la puissance subjective. Elle se divise elle-même en deux types : 1.Puissance active (principe de lactivité de lagent) ð« Principium transmutationis in aliud in quantum est aliud » 2.Puissance passive (aptitude qua une chose à être transformée par une autre) ð« Principium quod aliquis moveatur ab alio in quantum aliud » Par rapport à lagent la puissance passive sera dite naturelle ou obédientielle suivant quelle se rapporte à un agent qui lui est immédiatement proportionné ou à un agent transcendant. I.3.b. Lacte. Au sens strict lacte est ce par quoi lêtre se détermine et se parfait[6]. Être en acte cest donc avoir une existence complète, tandis quêtre en puissance cest navoir quune existence incomplète. Lorsque lon parle du passage de la puissance réelle à lacte, on parle de mouvement. Lacte se réfère toujours à quelque chose qui existe. De plus lacte se manifeste dans son opposition à la puissance. Mais si la puissance inclut bien lacte dans sa notion (dicitur ad actum), lon ne peut pas dire à linverse que lacte implique nécessairement la puissance, il est dabord ce qui est effectivement (ex. lacte pur). I.3.c.Acte et puissance. « Tout étant est parfait en tant quil est en acte, imparfait en tant quil est en puissance »[7]. Ce principe découle clairement du contenu des concepts de puissance et dacte : ce qui est, est acte. La puissance est par contre la potentialité à un acte. Il sensuit donc que, logiquement lacte est plus parfait que la puissance, car est parfait ce qui existe, cest à dire ce qui est en acte. Et pourtant, une puissance peut, parfois être plus parfaite que lacte, sils ne sont pas dun même genre. Ainsi lintellect humain qui est une puissance, est plus noble que la forme substantielle de la pierre qui va lactuer[8]. Seul un acte pur serait totalement parfait. En effet, un acte pur, existe pleinement, cest à dire à lexclusion de toute puissance. Regardons maintenant la causalité entre acte et puissance, « ce qui est en puissance, nest porté à lactualité que par un étant qui est lui-même en acte. »[9]. Pour produire un effet, il faut un agent, cependant, lagent nagit que lorsquil actualise son action (agit actu). On peut aussi exprimer cette idée par : tout ce qui se meut est mû par autre chose, cest à dire, quil est porté par un autre à cette réalité qui est le terme de ce mouvement. Si une chose, nest pas une forme particulière, elle ne peut se la donner soi-même (puisquelle ne la possède pas), elle doit donc la recevoir dun autre. On voit petit à petit se dessiner le problème de la métaphysique, en effet, on aperçoit la nécessité dun être premier, qui ne reçoit rien, et donc qui est tout, ou plus exactement « qui est ». Mais nanticipons pas trop, continuons létude de la relation existant entre lacte et la puissance. Tout ce qui se meut est constitué dacte et de puissance car, afin de changer, il doit exister, mais il doit aussi être dans un état de puissance par rapport à ce quil devient par ce changement. Dans le processus du changement, la puissance précède lacte dans le sujet qui est conduit de la puissance à lacte. Pourtant, en dernière analyse, lacte précède la puissance, car ce qui est en acte doit être la source et la cause de lêtre et du contenu essentiel des choses[10]. Passons à la distinction entre acte et puissance. Dans une chose qui peut changer, lacte et la puissance doivent être distincts, car ce qui est en puissance nest pas encore, tandis que ce qui est en acte est déjà. La puissance nest pas encore en acte, mais peut recevoir une détermination et devenir une réalité. Lacte est déjà une détermination et est réel. Or ce qui existe et ce qui nest pas encore, sont distincts : « Lêtre est, le non être nest pas. » Donc un étant ne peut, en même temps et sous le même rapport, être en acte et en puissance. Nous avons affaire ici à une distinction réelle[11] cest à dire quil faut par conséquent reconnaître une certaine réalité à la puissance en dehors de son actuation par lacte. Enfin, terminons, par le principe fondamental concernant la limitation de lacte. Lacte est une perfection et il ne peut être limité que par une puissance[12]. En effet, lacte en lui-même est perfection, il ne peut donc pas être limité par lui-même (nous nous positionnons ici au niveau des étants finis, car, pour les anges par exemple, la forme ne compose pas avec de la matière, et dans son domaine, lacte peut être absolument parfait. Mais soulignons bien le fait que cela se passe dans un domaine particulier.), puisquà ce moment là il ne serait plus parfait. Il ne peut être limité que par ce qui le reçoit. Par conséquent, les perfections formelles que nous connaissons et qui sont actuellement limitées, ne le sont pas à cause delles mêmes, mais à cause de la puissance à laquelle elles sont reliées ou du sujet dans lequel elles se trouvent. Nous voyons mieux maintenant la relation entre puissance et acte, et nous voyons donc que seul un être absolument premier peut être acte pur, puisque étant absolument premier, il est obligatoirement acte. Sil y avait en lui une puissance, il faudrait, avant lui, un acte pour actuer sa puissance. Mais, il faut noter également que la notion de puissance et dacte touche aussi bien les être matériels, que les êtres immatériels. Cependant ne nous occupons pas ici des êtres immatériels, occupons nous plutôt des êtres matériels. Ceux-ci sont composés de matière et forme, après avoir vu lacte et la puissance, il va être plus aisé de comprendre la composition de la matière et de la forme. I.3.d. Matière et forme. Il nous faut ici, faire une petite distinction, il y a dune part la matière première, puissance pure, et dautre part, la materia signata (matière seconde), qui est déjà actuée, tel les parties dun tout, elles existent, donc sont actuées. Nous allons parler ici de la materia signata, cest à dire matière seconde. La matière est lélément indéterminé, non spécifique, qui se retrouve partout et en tout, avec ses parties multiples étendues dans lespace. Le problème qui se pose à nous, est de savoir pourquoi, les parties organiques multiples de la matière, étendues dans lespace, ne se séparent pas comme leur nature propre le leur permettrait, et comme elles le font parfois. On constate en effet dans la nature quelles restent constantes, adhérentes, continues, pour composer un certain corps particulier, différent de tous les autres en grandeur, en figure, etc. Un corps[13] existe avec un unité interne, ses parties organiques ne séparpillent pas à droite et à gauche. Cet assemblage, nétait pas nécessaire, mais seulement possible : il na pas toujours existé et nexistera pas toujours. Cependant durant le temps où il existe, il y a une cause qui le maintient en état. Or cette cause, ne peut être extérieure, chaque corps a une unité intérieure et propre bien à lui : une unité naturelle dont la source doit se trouver au plus intime de son être, dans sa substance même. Il y a donc en celle-ci outre la matière aux parties multiples, un rassembleur de la matière, une énergie unificatrice, un principe de cohésion présent à toutes les parties, qui sinsinue en elles et les tient par le dedans, leur communiquant leur propre unité. « Omne corpus divisibile est. Omne autem divisibile indiget aliquo continente et uniente partes ejus. »[14]. Admettre cela cest admettre dans chaque corps une forme substantielle. On arrive ainsi au fait que tout corps est composé de matière et forme, puisque cest cette forme qui lui donne son unité[15]. Cette forme qui soppose à la dispersion, à la dissociation, est nécessairement quelque chose de simple. Ce quelque chose qui maîtrise la matière, qui est un alors que tout le reste est divers, stable alors que tout le reste change, nous lappelons la forme substantielle. Donc dun côté il y a dans lunivers , de la matière : sans quoi nous naurions à faire quà de lintelligence pure, nous vivrions dans un monde tout spirituel, parmi des esprits sans corps. Le sensible sévanouirait. Et dautre part il y a dans lunivers, des formes : sans quoi rien ne serait précisément intelligible, aucun objet différencié ne soffrant à lesprit. Il reste cependant malgré cela une question, comment cette dualité intrinsèque est-elle compatible avec lunité de lêtre ? Comment des principes aussi divers, voire opposés, se réconcilient-ils au point de collaborer à la constitution dune substance unique ? Par un rapport dacte et de puissance, la forme jouant le premier, la matière le second. Sous peine de briser lunité, on ne peut concevoir lêtre substantiel comme une simple association. Une nature complexe nest pas contradictoire. En effet il est tout à fait inconcevable quun individu porte en lui deux existences distinctes. En effet cela scinderait sans remède la substance créée. Une matière pure puissance, sans existence propre est absolument requise pour sauvegarder lunité de la substance. La matière et la forme sont les éléments de lessence, lune déterminable, lautre déterminante, dont lexistence est lacte commun. La matière et la forme sont deux, leurs essences sont irréductibles. Elles ne feront vraiment un que si un même élément, absolument singulier, rigoureusement unique, est présent en elles, les pénètre également lune et lautre. Lessence et lexistence sont les deux aspects de lêtre. Puisque la première ne nous fournit pas la raison de lunité, il nous faut regarder du côté de la seconde. La matière et la forme constituent un seul être parce que, dépourvues lune et lautre dexistence propre, elles communient en une existence unique qui les réalise à la fois, à laquelle chacune participe à sa façon, et dont, réciproquement, elles déterminent les modes de réalisation : la matière apportant la capacité dextension quantitative, la forme étant le principe des qualités. Bref la matière et la forme ne sont pas deux choses juxtaposées, deux êtres absolus et réalisés chacun pour soi, mais les constituants intrinsèques dun même existant. Maintenant que nous avons bien vu la composition dacte et de puissance, ainsi que celle de matière et de forme, et surtout le rapport entre matière et forme et essence et existence, il nous faut aborder, justement, la question de lessence et de lexistence. I.3.e. Lessence et lexistence. En rentrant dans létude de lessence et de lexistence, nous pénétrons plus à fond dans lontologie. Mais avant de parler de la relation qui existe entre lessence et lexistence, il nous faut dabord les aborder de façon séparée. I.3.e.1. Lessence. En guise dintroduction à létude de lessence, saint Thomas propose la considération suivante : « Il faut que le mot essence signifie quelque chose qui est commun à tous les contenus naturels par lesquels les différents étants sont placés dans les divers genres et espèces »[16] De même saint Thomas enseigne que létant et lessence sont ce que lintellect connaît en premier[17]. Cela veut dire que nous devons aller du concept de létant à celui de chose ou dessence, et que lessence suit bien létant en tant que celui-ci est divisé en prédicaments. Ceci signifie à son tour que « chose » ou « essence » peuvent désigner des contenus, non seulement substantiels mais aussi accidentels. Mais il est vrai que dans son sens le plus propre, lessence se dit de la substance. Les choses matérielles sont composées de matière et de forme. Celles-ci appartiennent toutes les deux à lessence et à la définition, puisque ce nest pas seulement la forme mais aussi la matière qui constitue la nature des choses matérielles[18]. La définition dune chose concerne lessence générale[19], car elle fait abstraction de sa réalisation individuelle[20]. Cest pourquoi dans létude de lessence la matière concrète individuelle nest pas considérée. Ce qui est propre à Paul en tant quil est cet humain là, nest pas compris dans lessence quoique, dans létant individuel, lessence soit toujours déterminée individuellement. Tant le genre que lespèce expriment lessence, mais ils le font dune manière différente. Le genre[21] signifie de façon indéterminée ce qui est contenu dans lespèce, alors que lespèce détermine le genre[22]. Parce quil est déterminé ultérieurement le genre a les caractéristiques de la matière (sans être lui-même matière)[23]. Les essences spécifiques sont déjà contenues dans leur genre respectif, quoique de façon indéterminée. Le genre et lespèce dénotent lessence existante, en tant quils expriment tous les deux ce qui est contenu dans lindividu[24]. Bien que notre concept de lessence soit un concept universel, son universalité nappartient pas à la chose existant individuellement. Nous ne disons pas que Paul est une espèce, mais quil est homme[25]. Il sensuit que dans les choses matérielles, lessence existe comme réalisée individuellement, même si nous la connaissons comme quelque chose duniversel. Cest pour cette raison que nous ne disons pas que lindividu est sa propre essence[26]. Ainsi ce qui est propre à lessence spécifique en tant que telle, à savoir son universalité, nappartient au contenu de ce que les choses sont quau niveau de la pensée[27]. Dans les choses non composées il ny a pas de matière et par conséquent pas dindividuation. En elles lessence coïncide avec les formes simples quelles sont en tant que substances[28]. Mais même dans ces substances lessence nest pas lexistence[29]. Saint Thomas envisage lessence par rapport à lêtre de la même manière quil envisage la puissance par rapport à lacte. Avant sa réalisation dans un étant, lessence na aucune réalisation qui lui soit propre. Il nous faut donc pour comprendre lactuation de lessence étudier lexistence, qui se comporte comme son acte. I.3.e.2. Lexistence. « Ce que jappelle être est de toutes les choses la plus parfaite. »[30]. Le noyau et le centre de tous les étants, cest leur être, leur existence, cest-à-dire leur réalité ou leur actualité ou leur ratio essendi. Mais lêtre donne aussi de la stabilité et du repos[31]. Lêtre est la réalité dun étant, lactus entis, la réalisation de lessence[32]. Ainsi lêtre est à la forme comme quelque chose qui la suit per se, mais non pas comme leffet qui découle de la puissance active dun agent. Lêtre est consécutif per se à la forme des créatures[33]. Cela veut dire que la forme est la cause de lêtre dans lordre de la causalité formelle[34]. La forme fait que la substance devient réelle, parce quelle même devient réelle grâce à laction divine[35]. Lêtre est le facteur le plus déterminant parce quil porte une chose à sa réalité et lui donne donc toute sa perfection[36]. Néanmoins la forme « exerce » lexistence qui est son acte le plus élevé. Au plus intime de lui-même, lêtre consiste à être ceci ou cela, cependant au niveau universel, il dépasse le simple fait dêtre ceci ou cela, dêtre un homme, cest ce qui rend réel. De lui-même lêtre na aucune extension comme en ont les corps qui sont portés à lexistence par lui. Il est indivisible[37]. Lêtre reste en lui-même dans létat dun moment actuel et permanent[38]. La temporalité nest par conséquent pas essentielle à lêtre, pour ces raisons lêtre est davantage quune simple actualité accidentelle. Il nous reste maintenant à voir le point important qui est la distinction entre lêtre et lessence. I.3.e.3. La distinction entre lêtre et lessence Pour la distinction entre lêtre et lessence, on peut distinguer trois groupes de preuves : 1) Un premier argument est fondé sur la manière selon laquelle nous concevons lessence de quelque chose. Pour connaître une chose comme une plante ou un animal, nous devons connaître les caractères de son essence. Mais rapidement nous constatons que lexistence nest pas comprise dans celle-ci. Il sensuit que lexistence nest pas dans lessence comme lun de ses attributs mais quelle est surajoutée à celle-ci[39]. Cet argument se fonde sur le fait que notre concept de lessence dun étant matériel est emprunté à cet étant particulier et que, par conséquent, le contenu de ce concept (res concepta) existe en réalité. Cela est du à la nature spécifique de la connaissance humaine : lintellect humain est en puissance à la connaissance. Il est fécondé et déterminé par lintelligibilité des choses, cest à dire par leur contenu formel. Bien que des choses comme leau, le bois, les animauxfassent connaître avant tout leurs propriétés accidentelles, elles manifestent aussi leurs essences respectives dans cette communication, même si, le plus souvent, elles le font par un concept confus ou générique. Il en ressort dès lors que lêtre dune chose nest pas contenu dans son essence, dont la connaissance nous est donnée par la chose elle-même. Apparemment il faut situer lêtre en dehors de lessence. 2) Une seconde preuve sélabore à partir de la contingence des êtres. Saint Thomas appelle contingentes les causes matérielles, qui ne produisent pas leurs effets de façon nécessaire. Est contingent aussi le choix libre de la volonté. Pour saint Thomas le mot contingent désigne ensuite les choses corruptibles qui ont la possibilité de ne pas être[40]. Enfin il emploie ce terme pour indiquer lexistence des choses crées, considérées dans leur dépendance de Dieu qui les a créées librement[41]. A partir de ceci on peut formuler largument suivant : ce qui est corruptible ou contingent ne tire pas son existence de soi-même. En effet sinon, il ny aurait aucune explication au fait que les étants puissent perdre leur existence, ou quils nexistent pas de façon nécessaire. Si quelque chose ne tire pas son être de lui-même cela veut dire que cet être lui est ajouté. Ainsi dans les choses contingentes, lêtre et lessence (essence prise au sens de lessence individualisée) sont vraiment distincts. Ceci sera plus facilement compris si on considère que ce qui est son être par lui-même ne le perd jamais mais le possède au contraire comme appartenant à son essence. Il est ainsi manifeste que les choses corruptibles ne tirent pas leur être delles-mêmes[42]. 3) La troisième preuve est tirée de lunité et de la multiplicité des choses. Si une chose était identique à son propre être, elle ne pourrait jamais exister dans un grand nombre dindividus[43]. Lêtre en tant que tel signifie une plénitude dactualisation. Cest une concentration de réalités et de perfection dans lunité. La multiplicité et la multiplication ne peuvent se produire quà cause dun facteur potentiel et limitatif. Ainsi toutes les choses qui sont des substances ne peuvent être leur propre être[44]. Si une substance devait être sa propre existence, elle serait son propre univers sans aucune communauté avec les autres. En fait ici on utilise la limitation de lêtre créé : quand dune façon dêtre particulière et limitée est réalisée, lêtre est reçu dans un sujet qui le limite[45]. Lêtre qui par lui-même est une plénitude dêtre sans limite, ne peut être quun[46]. Mais notre perception de la multiplicité nest pas une diversité absolue, car les étants ont réellement quelque chose en commun, ils sont étants, ils ont donc en commun le fait dêtre.[47] Lêtre commun étudié en ontologie est donc composé de deux principes réellement distincts lun de lautre. Une distinction purement logique entre des éléments qui en réalité coïncident ne suffirait pas pour expliquer la multiplicité et la contingence des choses. La véritable unité nest possible que si les deux parties sont reliées lune à lautre comme le sont lacte et la puissance[48]. Ce sont deux composants (entia quo) qui ne sont pas eux-mêmes létant, mais par lesquels létant quils constituent existe. Lessence seule nest pas un étant, puisquelle nexiste pas en tant que telle. De même lacte dêtre nest-il pas ce qui existe. On parle donc de lessence et de lêtre comme de deux composants de létant, unis comme une puissance et son acte. Ainsi ils peuvent constituer un étant unique. De la même manière que la matière est déterminée par la forme, lessence est portée à la réalité par lêtre. La grande différence est, cependant, que la matière ne détermine pas la forme substantielle (sauf en tant quelle la limite à un sujet individuel), alors que lessence détermine la nature de lacte dêtre (au moins dans ce sens que le sujet est ajusté à elle). Lacte dêtre est reçu, limité et déterminé par lessence. Lêtre qui nest pas ordonné à, ni reçu dans une essence na aucune limitation et possède la plénitude de lêtre. Les créatures par contre sont une détermination et une limitation de lêtre, à cause de leurs essences par laquelle chacune diffère des autres. Lessence et son acte dêtre sont reliés lun à lautre comme le sont la puissance et lacte. Mais nous devons éviter de considérer ces deux composants comme des principes indépendants lun de lautre. En réalité on ne peut séparer lêtre de lessence, car ils sont toujours ensemble : lêtre réalise une essence particulière, tandis que cette essence possède et affirme catégoriquement que lêtre est lactus essentiae et que lessence est créée simultanément avec son acte dêtre[49]. Mais ce qui existe cest létant, son être et son essence ne le sont que dans le cadre de ce tout, bien que lêtre soit le composant qui fait exister celui-ci. On le voit, la composition de lêtre et de lessence est dun ordre tout à fait différent dune composition de parties quantitatives. Lêtre ne reçoit pas son degré de perfection de lessence. lêtre est attribué aux choses en tant que celles-ci appartiennent à lun ou lautre des prédicaments[50]. La doctrine de la distinction réelle est intimement liée à celle de la participation de toutes choses à l'être divin[51]. Saint Thomas souligne que « tout ce quil y a, dans une chose, dextrinsèque à son essence, est le produit dune cause »[52] et que toutes les autre choses en dehors de Dieu ne sont pas leur propre être mais participent à lêtre[53]. Le fait dêtre créé implique nécessairement cette composition dêtre et dessence qui constitue, en fait, la nature profonde des étants. Il nous reste encore un point à observer, la composition de substance et daccidents. I.3.f. La substance et les accidents. Les étants que nous percevons sont des substances qui possèdent certaines propriétés. Quelques-unes de ces propriétés ne sont pas essentielles car elles peuvent changer, alors que le sujet auquel elles appartiennent demeure le même. Il sagit alors de déterminations qui ne sont pas la chose elle-même, mais qui lui sont attribuées, ce sont les accidents. Les accidents renvoient toujours à la substance à laquelle ils appartiennent. Dans leur définition la substance est mentionnée comme le sujet auquel ils sont inhérents[54]. Les choses qui nous entourent existent en et par elles-mêmes. En dautres termes, elles sont des substances. A parler strictement seules les substances existent. Les accidents sont des déterminations à lintérieur de cette réalité[55]. La substance est la chose qui existe, possède une perfection fondamentale et constitue un tout qui est complet. Les accidents laissent intact ce tout, car ils en sont des déterminations complémentaires, ils ne constituent pas avec la substance, un nouvel étant par soi (ens per se), mais un tout per accidens. Comme toute composition ontologique, cette unité accidentelle repose sur le rapport de lacte à la puissance[56]. Le rapport entre la substance et ses accidents est caractérisé par une influence mutuelle, cest à dire, celle quexercent les différents genres de causes. Si il y a entre la substance et ses accidents une relation de la puissance à lacte, cela ne veut pas dire quon ait à faire ici à une exception à la règle selon laquelle une puissance et son acte respectif se situent sur le même niveau ontologique. Certes, la substance appartient à un ordre bien différent de celui des étants accidentels. Mais la réponse à la difficulté est que les accidents déterminent la substance dans la mesure où celle-ci est de nature à avoir des dimensions dans lespace, à être déterminée par des qualités etc. dune manière accidentelle. Un accident nest pas un étant qui subsiste lui-même, mais un étant dans un autre[57]. En raison du fait que lêtre nexprime pas de lui-même un contenu particulier, mais est déterminé par son ordre à une forme en sorte dêtre ainsi une actualité particulière, il faut faire une distinction dans un accident entre sa forme dune part et son actualité dautre part, à condition que cette actualité soit seulement supplémentaire à tout ce quest la chose existante. Cest par son être que la substance actualise et pose ces déterminations accidentelles, mais elle ne peut pas les produire quant à leur contenu formel : être Socrate nest pas la même chose quêtre sage. Quant à son contenu formel cet être accidentel résulte dans la substance de linfluence causale formelle déterminante de la forme accidentelle. Cest laccident porté à sa réalisation. La forme accidentelle et lêtre accidentel résultant son réellement distincts quoique toujours ensembles. Conclusion En conclusion, on peut voir que la composition de la substance et des accidents est une conséquence de la distinction dessence et dexistence : lExistence même (Ipsum esse) est unique, comme tout acte pur, et elle existe par soi. Tous les êtres qui ne sont pas leur existence existent donc par lexistence même (propriété dêtre ab alio). Parmi eux enfin, il faut quils sen trouvent qui existent en soi tout en existant par Dieu : ce sont les substances (propriété dêtre en soi). Saint Thomas est ainsi amené à conclure que la distinction de la substance et de laccident est elle-même fondée sur la distinction de lessence et de lexistence. Pour entrer dans le prédicament substance et pour avoir des accidents, il faut réellement être composé dune essence et dune existence réellement distinctes.[58] Ainsi on ne peut comprendre la composition réelle de la substance et des accidents sans se rapporter aux autres compositions réelles. On sait que lexistence et lessence fonctionnent sur le modèle dacte et de puissance, lessence se comportant comme une puissance à légard de lacte qui se comporte comme un acte. Et, de plus, il faut également considérer la composition de substance et daccident sous laspect du composé de matière et de forme, surtout si on considère la matière et la forme sous laspect considéré dans le De principiis[59]. Il semble alors quon ne puisse véritablement saisir la composition de substance et daccidents que si lon imagine une double composition de matière et de forme et dessence et dexistence, ainsi cette composition devient plus claire. Cest par le rapport avec lessence et lexistence que lon pourra comprendre la composition de substance et daccidents[60]. Mais cest par la composition à partir des compositions que lon en saisira vraiment létendue. _______________________ [1] Cf. S. Th. Ia, Q. 3, a.4, ad 2 : « Ad secundum dicendum quod esse dupliciter dicitur : uno modo, significat autem essendi ; alio modo significat compositionem propositionis, quam anima adinvenit coniungens praedicatum subjecto. » [2] Cf. De Veritate, Q.1, a.1 « Anima nata est convenire cum omni ente » [3] Même si le but de cet article est de se familiariser avec les grands concepts thomistes, on est malheureusement obligé demployer un certain nombre de concepts avant même de sêtre familiarisé avec eux. [4] Cf. V Metaph., leçon9, n°897 : « In omnibus enim praedictis quae significant decem praedicamenta, aliquid dicitur in actu et aliquid in potentia. » [5] Le mot prédicament vient du latin praedicare qui veut dire : dire, attribuer quelque chose à quelquun. On appelle prédicaments les catégories ou classes suprêmes de prédicats attribuables à un sujet. Aristote en comptait dix, le premier celui de la substance, le neufs autres étant les différentes catégories daccidents : quantité, qualité, relation, lieu (où ?), temps, action, passion, situation et possession. Il faut cependant faire attention à ne pas confondre les prédicaments davec les prédicables (genre, espèce, différence, propre, accident) les prédicables disent luniversel qui est dans lesprit et ses diverses manières de regarder le réel. [6] Actus est quando res est, non tamen est sicut in potentia. [7] Cf. Contra Gent. L. I, ch. 28 : « Unumquodque perfectum est, in quantum est actu, imperfectum autem secundum quod est in potentia cum privatione actu. » [8] Lintellect est comme une tabula rasa qui est actuée par la forme substantielle quelle saisit. Pour elle être actuée cest devenir la forme substantielle connue. [9] Cf. S. Th. Ia, Q.3, a.1 : « Quia quod est in potentia, non reducitur in actum nisi per ens actu. » [10] On voit ici se dessiner les différents types de causalité (formelle, matérielle, efficiente et finale) [11] Il est à noter que dans la philosophie thomiste il y a deux types de distinctions : réelle et de raison. 1.La distinction de raison est celle effectuée par lintelligence, cest à dire quelle postérieure à la conception de la raison. 2.La distinction réelle elle est antérieure à la conception de la raison. Bien sûr on pourrait introduire et créer de nouvelles distinctions pour permettre une plus grande précision dans le domaine du donné réel. Mais cela ne semble pas opportun de changer la terminologie thomiste au moment où celle-ci est attaquée (quand elle nest pas attaquée par ceux mêmes qui sont censés la défendre). [12] « Actus utpote perfectio, non limitatur nisi per potentiam, quae sit capacitas perfectio » [13]« Hoc igitur nomen quod est corpus multipliciter accipi potest. Corpus enim, secundum quod est in genere substantiae, dicitur ex eo quod habet talem naturam, ut in eo possint designari tres dimensiones; ipsae enim tres dimensiones designatae sunt corpus, quod est in genere quantitatis. Contingit autem in rebus, ut quod habet unam perfectionem ad ulteriorem etiam perfectionem pertingat, sicut patet in homine, qui et naturam sensitivam habet et ulterius intellectivam. Similiter etiam et super hanc perfectionem, quae est habere talem formam, ut in ea possint tres dimensiones designari, potest alia perfectio adiungi, ut vita vel aliquid huiusmodi. Potest ergo hoc nomen corpus significare rem quandam, quae habet talem formam, ex qua sequitur in ipsa designabilitas trium dimensionum cum praecisione, ut scilicet ex illa forma nulla ulterior perfectio sequatur; sed si quid aliud superadditur, sit praeter significationem corporis sic dicti. Et hoc modo corpus erit integralis et materialis pars animalis, quia sic anima erit praeter id quod significatum est nomine corporis et erit superveniens ipsi corpori, ita quod ex ipsis duobus, scilicet anima et corpore, sicut ex partibus constituetur animal. Potest etiam hoc nomen corpus hoc modo accipi, ut significet rem quandam, quae habet talem formam, ex qua tres dimensiones possunt in ea designari, quaecumque forma sit illa, sive ex ea possit provenire aliqua ulterior perfectio sive non. Et hoc modo corpus erit genus animalis, quia in animali nihil est accipere quod non implicite in corpore continetur » De Ente et Essentia. Ch.III TRADUCTION : Ce terme corps peut être pris en plusieurs sens. En effet, dans le genre de la substance, on donne le nom de corps à ce qui a une nature telle que trois dimensions puissent y être somptées. Mais ces trois dimensions déterminées constituent en elles-mêmes le corps qui est dans le genre de la quantité. Or il arrive que dans les choses, une perfection possédée soit comme un palier pour en atteindre une nouvelle, comme cest évident dans lhomme qui à la nature sensitive et ultérieurement, lintellectuelle. Et de même, à cette perfection quelle la possession dune forme apte à avoir trois dimensions, peut sajouter une autre perfection, la vie ou quelque chose de cet ordre. Ce terme corps peut signifier une chose qui a une forme impliquant la détermination des trois dimensions, mais de telle sorte que de cette forme, nulle perfection ultérieure ne dérive ; si quelque chose dautre lui est surajouté, ce sera alors en dehors de la signification du mot corps ainsi entendu. De cette sorte le mot corps sera la partie intégrante et matérielle de lanimal parce que lâme sera en dehors de ce qui est signifié par ce terme corps et se trouvera adjointe à ce corps de telle façon que de ces deux éléments, à savoir lâme et le corps, lanimal soit constitué comme de deux parties. Ce terme corps peut avoirs une autre acceptation : il signifiera alors une chose possédant une forme de laquelle peuvent procéder trois dimensions quelle que soit cette forme, quune perfection ultérieure puisse en dériver ou non ; dans ce sens le corps sera le genre de lanimal parce que lanimal ne comprend rien qui ne soit implicitement contenu dans le corps. [14] Cf. Contra Gent. L.II, ch. 65 [15] Cf. S. Th. Ia, Q.3, a.2 : « Omne compositum ex materia et forma est corpus. » [16] Cf. De Ente et Essentia. ch.I : « Oportet quod essentia significet aliquid commune omnibus naturis, per quas diversas entia in diversis generibus et speciebus collocantur, » [17] Idem, « Non enim res est intelligibilis, nisi per definitionem et essentiam suam. » [18] Cf. De Ente et Essentia. ch.II : « Definitio autem substantiarum naturalium non tantum formam continet sed etiam materiam. » Et in VII Metaph. L.9, n°1467. Saint Thomas attaque une position des Averroistes quil considère fausse, cette position est : « Quod nullae partes materiae ponantur in definitione indicante speciem, sed solum principia formalia speciei. » [19] Il faut noter dès à présent que lon distingue différents « types » dessences. Lessence concrète, la natura absolute et luniversel. Mais ce point qui est lun des plus complexe (surtout pour la natura absoluta) sera abordé en métaphysique. [20] Cf. S. Th. Ia, Q.3, a.3 : « Quia essentia vel natura comprehendit in se illa tantum quae cadunt in definitione speciei » [21] Le genre comme les autres prédicables est un être de raison, cest à dire quil na aucune réalité en dehors de la conception de notre intelligence. Bien sûr il y a un certain fondement dans le réel, dans le sens où les divisions quil indique ne sont ni arbitraires ni infondées, mais bel et bien fondées dans le réel. [22] Cf. S. Th. Ia, Q.3, a.5 : « Primo quidem, quia species constituitur ex genere et differentia. Semper autem id a quo sumitur differentia constitues speciem, se habet ad illud unde sumitur genus, sicut actus ad potentiam. » [23] Idem. : « Omne enim genus habet differentias quae sunt extra essentiam generis » [24] Cf. De Ente et Essentia. ch.III : « Sic igitur patet quod essentiam hominis significat hoc nomen homo et hoc nomen humanitas. » [25] Cest justement ce qui fait la différence entre lessence et luniversel. Les universaux sont des êtres de raisons, alors que lessence a une réalité en dehors de lintellect. [26] Cf. De Ente et Essentia. ch.IV : « Non enim potest dici quod homo sit quidditas sua » [27] Cf. De Ente et Essentia. ch.III : « Ratio speciei accidat humanae naturae secundum illud esse quod habet in intellectu. » [28] Cf. S. Th. Ia, Q.3, a.3 : « oportet quod ipsae formae sint suposita subsitentia. Unde in eis non differt suppositum et natura. » [29] Cf. S. Th. Ia, Q.3, a.5 : « Et sic oportet quod quaecumque sunt in genere, differant in eis esse et quod quid est, idest essentia. » [30] Cf. De Potentia, Q.7, a.2 ad 9 : « Hoc quod dico esse est inter omnia perfectissimum » [31] Cf. Contra Gent. L.I, ch.20 : « aliquid fixum et quietum in ente » [32] Cf. S. Th. Ia, Q.3, a.4 : « esse est actualitas omnis forma vel naturae » [33] Idem [34] Cf. S. Th. Ia, Q.54, a.1 : « forma est quae dat esse », et in De Princ. Naturae, I : « Forma facit esse in actu » [35] Cf. De Spir. Creat. a.1, ad 5 [36] Cf. S. Th. Ia, Q.7, a.1 : « Illud quod est maxime formale omnium » et in Q. d. de anima a.1, ad 17 : « quod licet esse sit formalissimum inter omnia, tamen est etiam maxime communicabile » [37] Cf. S. Th. Ia, Q.11, a.1 : « Et inde est quodunumquodque, sicut custodit suum esse, ita custodit suam unitatem. » [38] Cf. note 6 [39] Cf. S. Th. Q.3, a.4 : « Primo quidem, quia quidquid est in aliquo quod est praeter essentiam eius, oportet esse causatum. » [40] Cf. De Potentia Q.5, a.3 : « Potentia ad non esse » [41] Idem. « Si rerum universitas considerantur prout sunt a primo principio » [42] Cf. Contra Gent. L.II, ch.52 : « Sed cujuslibet rei creatae suum esse est ei per aliud, alias non esset creatum. Nullius igitur substantiae creatae suum esse est sua substantia. » [43] Cf. S. Th. Ia, Q.3, a.7 : « Sic igitur in omni composito est aliquid quod non est ipsum » [44] Cf. De Veritate Q.27, a.1, ad 8 : « Omne quod est in genere substantiae est compositum reali compositione eo quod id quod est in preadicamento substantiae est in suo esse subsitens et oportet quod esse suum sit aliud quam ipsum. Alias non posset differe secundum esse ab illis cum quibus convenit in ratione suae quidditatis. » [45] Cf. De Potentia Q.1, a.2 : « Esse enim hominis terminatum est adhominis speciem, quia est receptum in netura speciei humanae , et simile est de esse equi, vel cuiuslibet creaturae. » [46] Cf. S. Th. Ia, Q.3, a.5 : « quod ens non potest esse genus alicuius : omne enim genus habet differentias quae sunt extra essentiam generis ; nulla autemdifferentia posset inveniri, quae est extra ens. » [47] Il semble cependant quaucune démonstration de lécole thomiste ne soit réellement convaincante, ni quaucune naboutisse réellement. On peut en revanche se reporter à celle du P. Guérard des Lauriers o.p.. Pour le Père Guérard il faut partir de lexistence de Dieu. Dieu est lIpsum esse en qui essence et existence ne sont pas réellement distinctes. Or lIpsum esse est unique et il ne peut être quunique. Par conséquent compte tenu de lunicité de Dieu, dans tous les étants créés lessence est distincte de lesse. Or en philosophie thomiste nous lavons vu il y a deux types de distinctions : distinction de raison (post concep. Intell.) et distinction réelle (ante concep. Intell.). Or cette distinction ne peut de façon évidente être une distinction de raison. Il sensuit que cest bien une distinction réelle nen déplaise aux suaréziens. [48] Cf. S. Th. Ia, Q.3, a.4 : « Oportetquod ipsum esse comparetur ad essentiam, quae est aliud ab ipso, sicut actus ad potentiam » [49] Cf. De Potentia Q.3, a.5 ad 2 : « Ipsa quidditas creatur simul cum esseDeus dans esse simul producit id quod esse recipit » [50] Cf. Quodl. II, Q.2, a.2 : « Esse dicitur actus entis inquantum est ens, idest quo denominatur ens actu in rerum natura. Et sic esse non attribuitur nisi rebus ipsis quae in decem generibus continentur » [51] Cf. S. Th. Ia, Q.3, a.4 : « Ita illud quod habet esse et non est esse, est ens per participationem. » [52] Cf. S. Th. Ia, Q.3, a.4 : « Quidquid est in aliquo quod est praeter essentiam eius oportet esse causatum. » et in Ia, Q.3, a.7 : « quia omne compositum causam habet » [53] Cf. S. Th. Ia, Q.44, a.1 : « Omnia alia a Deo non sunt suum esse sed participant esse. » [54] Cf. VII Métaph., L.1, n°1258 : « In definitione cuiuslibet accidentium oportet ponere definitionem substantiae » [55] Cf. XII Métaph., L.1, n°2419 : « Ens dicitur quasi esse habens. Hoc autem solum est substantia quae subsistit. Accidentia autem dicuntur entia non quia sunt sed quia magis ipsis aliquid est ; sicut albedo dicitur esse, quia eius subiectum est. » [56] De Potentia, Q.7, a.1 : « In omni compositio qualicumque compositione oportet potentiam actui commisceri. » et in S. Th. Ia, Q.3, a.6 : « quia subiectum comparatur ad accidens, sicut potentia ad actu » [57] Cf. S. Th.I-II, Q.110, a.2 ad 3 : « Unde omne accidens non dicitur ens quasi ipsum esse habeat, sed quia eo aliquid est : unde et magis dicitur esse entis quam ens, ut dicitur in VII Metaphys. Et quia eius est fieri vel corrumpi cuius est esse, ideo, proprie loquendo, nullum accidens neque fit neque corrumpitur : sed dicitur fieri vel corrumpi, secundum quod subiectum incipit vel desinit esse in actu secundum illud accidens. » [58] Cf. S. Th. Ia, Q.3, a.6 Resp. : « Licet id quod est aliquid qliud possit habere adiunctum, tamen ipsum esse nihil aliudadiunctum habere potest. » [59] Cf. De Principiis, I,3 : « Sicut autem omne quod est in potentia potest dici materia, ita omne quo habet aliquid esse, quodcumque esse sit illud, sive substantiale, sive accidentale, potest dici forma. » [60] Cf. La 5^ème thèse thomiste : « Est praeterea, in omni creatura, realis compositio subjecti subsistentis cum formius secundario additis, sive accidentibus : ea vero, nisi esse in essentia distincta recepitur, intelligi non potest »