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La justice donne raison à MSF contre les Pays-Bas

16.03.2007
La Haye a perdu le procès dans l'affaire d'une rançon versée pour libérer un otage 
 
Christian Lecomte

Les Pays-Bas ont perdu le procès intenté à la branche suisse de Médecins sans frontières dans l'affaire de la rançon ayant permis d'obtenir la libération le 11 avril 2004 d'Arjan Erkel, un ressortissant néerlandais chef de mission de MSF retenu en otage pendant vingt mois au Daghestan (Caucase). Le Tribunal de première instance de Genève a en outre condamné les Pays-Bas à verser des dommages et intérêts de 46000 euros à MSF-Suisse ainsi qu'à couvrir des frais de justice à hauteur de 70000 francs.

Le litige portait sur une somme d'un million d'euros versée aux ravisseurs par La Haye. Les autorités néerlandaises souhaitaient obtenir le remboursement de cette «avance faite à MSF». Refus de l'organisation humanitaire, qui a toujours affirmé ne jamais verser de rançon en cas d'enlèvement. Une question de principe pour MSF, qui craignait que chacun de ses expatriés ne soit désormais perçu comme un potentiel «coffre-fort ambulant». «Quel particulier voudrait maintenant nous donner de l'argent s'il sait qu'il sert à financer des ravisseurs et donc à alimenter des combats armés?» interrogeait MSF. En outre, MSF soutenait n'avoir jamais donné mandat au gouvernement néerlandais pour négocier en son nom. En juillet 2004, La Haye a donc porté l'affaire devant les juges, confrontation inédite puisque pour la première fois un Etat intentait une action en justice contre une ONG.
Médecins sans frontières a pris connaissance avec «grande satisfaction» du jugement du tribunal. «C'est un soulagement, confie Christian Captier, le directeur de MSF-Suisse. Notre crédibilité en sort renforcée par rapport aux donateurs et aux acteurs sur le terrain.»
L'organisation humanitaire, qui continue à condamner la méthode utilisée par le gouvernement des Pays-Bas pour régler le différend, estime que la décision rejette en bloc la tentative des autorités néerlandaises de porter atteinte à MSF «en niant l'utilité publique de sa mission d'assistance des populations dans le besoin». «Nous n'avons pas cherché à créer de front uni pendant l'affaire mais nous avons toujours voulu expliquer notre position», ajoute Christian Captier.

La Haye fera appel
MSF se félicite cependant des soutiens reçus pendant l'affaire, autant de la part d'autres organisations humanitaires que de hautes personnalités telles que l'ancien premier ministre français Michel Rocard, qui soulignait que «si la justice donnait raison à l'Etat néerlandais, un coup extrêmement grave serait porté au principe même des missions des ONG». Dans un courrier adressé au Ministère néerlandais des affaires étrangères, des députés européens écrivaient que «l'affaire aurait gagné à être réglée à l'amiable» et que «ce type de procès intenté à une ONG pouvait mettre en péril ses activités».
Maître Luc Hafner, conseil genevois de l'Etat néerlandais, a déclaré de son côté au Temps qu'il ferait appel contre cette décision «juridiquement erronée» «S'il le faut, nous irons devant la Cour cantonale de justice puis devant le Tribunal fédéral», a précisé l'avocat.

© Le Temps, 2007. Droits de reproduction et de diffusion réservés.

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