| MÉMOIRES DE RECHERCHE DE L'INSTITUT : LACCOMPAGNEMENT 
                    DE LA FIN DE VIE Par Marie-Jeanne Kouskoff (Page: 2)   Michel de MUzan, 
                    psychanalyste, écrit dans " 
                    De lart à la mort " à 
                    propos du mourant :  " Alors que les 
                    liens qui lattachent aux autres sont sur le point de 
                    se défaire absolument, il est paradoxalement soulevé 
                    par un mouvement puissant, à certains égards 
                    passionnel. Par là il surinvestit ses objets damour 
                    car ceux-ci sont indispensables à son dernier effort 
                    pour assimiler tout ce qui na pu lêtre jusque 
                    là dans sa vie pulsionnelle, comme sil tentait 
                    de se mettre complètement au monde avant de disparaître
 La disponibilité 
                    absolue du thérapeute (ou de laccompagnant) prend 
                    valeur dun don de sa propre vie au patient. Dès 
                    lors celui-ci peut transformer lhorreur davoir 
                    été " choisi " par la mort, alors 
                    que la vie continue dans le monde, en une mort partagée 
                    avec un autre quon entraîne avec soi- ce qui correspond 
                    peut-être à une nouvelle naissance 
 Le mourant forme ainsi 
                    avec son objet ce que jappellerai sa dernière 
                    dyade
Cet objet-clé (laccompagnant) devrait 
                    pourvoir et assurer une présence qualitativement sans 
                    défaillance et assumer un certain flou de son être, 
                    vivre presque en état dabsence
 Le plus 
                    souvent, ce sont les autres qui entravent le travail du trépas. 
                    Aveugles à ce qui se passe, ils refusent le rôle 
                    dobjet-clés du mourant "... Jean Vimort, aumônier 
                    dhôpital, sinterroge sur la distinction 
                    entre la mortalité de lhomme en elle-même 
                    et les modalités de la mort.  " Si la mort nest 
                    pas évitable, toute mort particulière, en son 
                    ici et maintenant, naurait-elle pas pu être évitée 
                    ?... Sous le choc de la maladie et de la menace de la mort, 
                    une sorte de réveil se produit leur permettant de voir 
                    ce quils ne voyaient pas auparavant. Ils cherchent alors 
                    à le dire, à en parler, mais bien souvent nous 
                    ne lentendons pas, nous éludons ces questions
 Lhomme menacé 
                    directement par la mort a une parole à dire, non sur 
                    la mort dabord, mais sur la vie, sur la manière 
                    de vivre qui pourrait changer les conditions de notre mort. 
                    Parole de refus de tout ce quil saisit maintenant comme 
                    mortifère dans sa vie et dans le monde. Parole de protestation, 
                    de révolte, de lutte. Parole quil dit pour lui-même 
                    autant que pour les autres
Parole que souvent il nose 
                    pas formuler, même intérieurement, tant sont 
                    grandes les résistances de tous ordres qui lempêchent 
                    de venir au jour
.Le malade cherche à se vivifier 
                    avec ce qui est vivifiant dans son passé ou dans son 
                    présent et à se protéger de ce qui est 
                    mortifère
Suivre le malade suppose aussi de ne 
                    pas esquiver les obstacles, de ne pas les minimiser
 Laccompagnant doit 
                    apporter la plus grande attention à ses messages non 
                    verbaux : tout le non-dit derrière les mots, les attitudes, 
                    les regards, le ton de la parole
Une fois que la médecine 
                    ne peut plus rien pour la guérison, il reste toute 
                    une tâche vivifiante permettant au malade de vivre au 
                    maximum jusquau bout
Il perd son envie de vivre 
                    si le genre dexistence quil a maintenant nest 
                    pas reconnu comme une vie possible, comme quelque chose qui 
                    vaut la peine dêtre vécu, reconnu par son 
                    entourage, par la société, par linstitution 
                    de soins où il se trouve
 Lidée dune 
                    mort possible, lorsquelle simpose au malade, lui 
                    donne souvent le désir de vivre au maximum toutes les 
                    possibilités qui sont les siennes, et en particulier 
                    de chercher des comportements qui lui donnent le sens de sa 
                    dignité, de limportance de sa parole et des messages 
                    de toute sorte quil nous destine. ". Par leur écoute attentive 
                    et respectueuse, et leur reconnaissance de la valeur de lêtre 
                    humain, les accompagnants (soignants, familles ou bénévoles) 
                    peuvent aider les mourants à réaliser ce désir, 
                    à affirmer cette sagesse et cette dignité. b) - accompagner les personnes 
                    âgées : Trop souvent mises au rebut, 
                    isolément à leur domicile ou en institutions, 
                    elles ne sont pas ou mal regardées ; elles font peur 
                    et suscitent parfois lhorreur, néantisées 
                    par le regard des autres et de la société dans 
                    son ensemble. Leur expérience, les leçons quelles 
                    ont pu tirer de la vie et du monde dans lequel elles ont vécu 
                    nintéressent plus personne (le monde dans lequel 
                    nous vivons aujourdhui na plus rien à voir 
                    avec ce quelles ont connu, et encore moins le monde 
                    de demain !) ; leur rôle social est réduit à 
                    néant ; elles ne sont considérées que 
                    comme des charges à assumer, souvent à contrecur. Pourtant laccompagnement 
                    de ces personnes très âgées peut être 
                    dune très grande richesse pour ceux qui savent 
                    voir la personne au delà de ses handicaps ; lêtre 
                    humain a la capacité dévoluer jusquà 
                    la mort, mais cest lêtre dans sa spécificité- 
                    et non le vieillard ou le malade- quil faut contacter. 
                     " Laccompagnement permet un 
                    retour au sentiment dappartenance au même monde 
                    ; il donne à la personne la possibilité de se 
                    sentir exister dans le temps présent et de se remettre 
                    en mouvement
De là elle peut entrer dans le travail 
                    de deuil de sa vie, avant de se préparer à mourir. 
                    Présence et écoute changent le regard, notre 
                    regard et celui de lautre sur lui-même et sa fin 
                    de vie " écrit V. Martinet 
                    (responsable des S.P. en Gérontologie). Combien de personnes âgées 
                    pourraient ne pas sombrer dans le repli sur soi et la confusion 
                    mentale si nous les regardions avec davantage de considération 
                    ? c) - accompagner les personnes 
                    en deuil : Michel Hanus, Dr en Psychologie 
                    et en médecine, président de la Société 
                    de Thanatologie et fondateur de lassociation 
                    " Vivre son deuil " nous 
                    dit que le deuil nest pas non plus une affaire de spécialiste 
                    -médecin ou psychologue- mais de solidarité. 
                    Ce nest pas une maladie mais une épreuve de la 
                    vie. La mort est un temps dans la 
                    relation ; le deuil, cest le " jamais plus ", 
                    mais ce nest pas loubli ; cest un travail 
                    de transformation de la relation dans le sens de davantage 
                    de présence intérieure. Il est indispensable daccompagner 
                    les endeuillés. Au début, cest le choc 
                    ; la personne est touchée dans toutes ses dimensions, 
                    y compris le corps. De réels états dépressifs 
                    réactionnels se manifestent, avec une grande douleur 
                    intérieure ; ils peuvent durer longtemps (non codifiable) 
                    ; il est encore plus inquiétant de faire un deuil très 
                    rapidement. Certaines personnes croient voir, entendre, sentir 
                    la personne morte ; elles ont peur de perdre la raison. Il 
                    y a toujours de la culpabilité dans le travail de deuil. 
                    Souvent aussi, une identification narcissique à la 
                    personne décédée, mais habituellement 
                    cette régression ne dure pas, les forces de vie lemportent. 
                    Puis vient la reconnaissance -progressive- de la réalité. 
                    Ensuite lintériorisation de la relation : le 
                    recueillement avec la personne morte, la remémoration 
                    des souvenirs (bons et moins bons), le moment du pardon pour 
                    lautre et pour soi. Dans cette intériorisation, 
                    il y a un mouvement didentification et de transmission 
                    ; nous nous identifions aux gens que nous aimons ; lorsquils 
                    meurent, ces identifications augmentent. Ainsi on garde en 
                    soi une partie de la personne et on la transmet ; le deuil 
                    est une voie de passage. Lorsque le travail de deuil ne 
                    parvient pas à se faire, ou lorsque la douleur ne peut 
                    sexprimer affectivement, cest le corps qui va 
                    la traduire : maladies, accidents, prises de risques inconscientes. 
                    Un deuil différé est encore beaucoup plus dur 
                    ; les deuils itératifs sont des facteurs aggravants. 
                    Il faut parfois donner des médicaments aux endeuillés 
                    si la douleur est trop insupportable et la dépression 
                    trop profonde, mais il faut surtout les entourer, les accompagner, 
                    pas seulement juste après le deuil mais pendant longtemps. 
                    Au niveau de la société, on observe que le deuil 
                    entraîne une surmortalité. Les hommes meurent 
                    plus ; ils expriment moins leur chagrin. Bloquer les émotions 
                    est dangereux pour la santé. Les deuils non faits se 
                    transmettent à travers les générations. 
                    Comment accompagner un endeuillé ? Il faut toujours 
                    se demander quelle qualité relationnelle unissait les 
                    deux personnes pour essayer denvisager comment elle 
                    peut être maintenant ; surtout ne pas vouloir consoler 
                    : il ne veut pas perdre cette douleur qui équivaut 
                    à de lamour ; parfois il na pas envie de 
                    la partager. On ne peut quaccompagner la souffrance 
                    ; il faut donner du temps, de façon suivie, pour écouter. 
                    Peu à peu, la souffrance qui diffuse sapaise. Les rites facilitent le travail 
                    de deuil, ils expriment les choses quon ne dit pas ; 
                    ils sont indispensables pour les deuils traumatiques. Or les 
                    rites funéraires sont de plus en plus pauvres. Il est 
                    important de resocialiser le deuil, de mettre en place des 
                    rites qui aient un sens pour tous et permettent de relier 
                    pendant un temps donné une communauté dans une 
                    même émotion, de soutenir les personnes en deuil 
                    et de les accompagner dans les étapes du détachement. 
                    Lorsque laccompagnement de proximité est insuffisant 
                    ou défaillant, laccompagnement associatif et 
                    le partage communautaire peuvent être dun grand 
                    réconfort. Faire des deuils, cest la dynamique 
                    de la vie ; on peut survivre au deuil, cest un processus 
                    qui nous fait grandir. 6) - Laccompagnement : 
                    Un devoir de civilisation Eric Fiat fait de laccompagnement 
                    un devoir de civilisation :" 
                    La maladie entrave, appauvrit la vie sociale : elle assigne 
                    à la nature. Parler avec le malade, cest laider 
                    à entretenir cette flamme de lesprit que la maladie 
                    tend parfois à étouffer, cest tenter de 
                    le rapatrier dans ses droits et devoirs de citoyen ; de cela, 
                    tout le monde est capable
Accompagner le mourant, cest 
                    se faire son témoin. Ecouter ses dernières paroles 
                    pour témoigner que jusquau bout, et même 
                    après la mort, il fut un être desprit
Proches 
                    les uns des autres, les mourants et les bien-portants, les 
                    hommes morts et les hommes vivants se constituent les uns 
                    les autres comme êtres desprit.
 Certaines choses échappent 
                    à lordre marchand du " donnant-donnant " 
                    : le savoir, lamour, lêtre humain ; eux 
                    seuls peuvent se donner sans se perdre. Entre le " donnant-donnant 
                    " et la gratuité, qui est de lordre de la 
                    grâce, il y a un intermédiaire : cest la 
                    gratitude. Pourquoi lautre est-il sorti du " donnant-donnant 
                    " ? Pourquoi ma-t-il donné plus que je nattendais 
                    ? Laccompagnant bénévole 
                    est quelquun qui éprouve la gratitude.   III - LE TRANSPERSONNEL DANS 
                    LACCOMPAGNEMENT Approches et expériences 
                    : " Le transpersonnel, 
                    cest tout ce qui dépasse la personne " 
                    dit Marc-Alain Descamps. Dans laccompagnement 
                    de la fin de vie, la personne est très souvent dépassée, 
                    tant celle du mourant que celle de laccompagnant
 Les bénévoles 
                    sont souvent des personnes qui ont vécu des deuils 
                    très lourds, ou ont frôlé la mort de près, 
                    ou se sont confrontés à des expériences 
                    de mort symbolique et renaissance, bref toutes sortes dexpériences 
                    qui amènent à percevoir le monde, la vie et 
                    la mort au-delà des barrières de lego 
                    et entrer en contact avec des énergies spirituelles. 
                    Le paradoxe de ces confrontations à la mort (ou méditations), 
                    est que simultanément elles nous incitent à 
                    vivre intensément chaque instant, tout en nous amenant 
                    à percevoir ce qui, en nous, ne change jamais (le Soi, 
                    selon Jung) ; en cela, elles ont une grande puissance régénératrice. 
                    De par cette confrontation avec la mort (de lego) et 
                    louverture qui en découle, se crée une 
                    proximité avec les personnes en fin de vie, une relation 
                    au niveau de lêtre essentiel ; laspect terrorisant 
                    de la mort tend à disparaître, même si 
                    elle peut toujours apparaître comme injuste et douloureuse. A la fin de la vie comme à 
                    la naissance, lêtre humain est contraint de quitter 
                    son existence pour être projeté dans linconnu 
                    ; le malade est seul face à la mort qui sannonce, 
                    nous navons aucune solution à lui proposer. Seulement 
                    accepter, avec lui, que la vie humaine est faite dincertitude 
                    et de finitude. Si nous sommes nous-mêmes en contact 
                    avec notre propre solitude existentielle, nous partageons 
                    avec lui ce mystère de notre condition. Dune 
                    façon paradoxale, dès que jose my 
                    confronter, ma solitude disparaît. Plus je suis conscient 
                    de ma solitude, plus je suis en relation avec lautre 
                    ; mais cest une relation qui se situe au-delà 
                    de lego. Les moments de souffrance et dimpuissance 
                    partagée sont souvent dune grande fécondité. 
                    Ce que le malade offre à laccompagnant, cest 
                    le cadeau de sa différence, de sa spécificité, 
                    de son altérité. Dans léchange, 
                    dans ce que jai pu percevoir de lui et reprendre à 
                    mon compte, je me transforme, ma conscience sélargit 
                    en intégrant et unifiant ; des êtres qui, à 
                    priori, pouvaient mapparaître comme étrangers, 
                    me deviennent proches ; cest un processus dhumanisation 
                    qui sopère. Lune des difficultés- 
                    et lun des paradoxes- de laccompagnant, cest 
                    de pouvoir sengager le plus totalement possible auprès 
                    du mourant sans personnaliser la relation ; par exemple, on 
                    doit accepter de ne jamais savoir pourquoi on a été 
                    choisi pour tenir le rôle d " objet-clé 
                    " ; on ne devrait même pas se poser la question
 Qui aide qui ? Cest nous 
                    qui venons chercher " quelque chose " pour nous-mêmes. 
                    Cest à partir de notre manque, de notre blessure 
                    consciente ou inconsciente que nous pouvons rejoindre lautre, 
                    lui-même blessé, nos retrouvant dégal 
                    à égal, dêtre humain à être 
                    humain, face au deuil de la toute- puissance, reliés 
                    dans ce travail de dépouillement, de renoncement et 
                    dabandon à la vie et à la mort.  Cécile Bessières, 
                    longtemps formatrice des bénévoles, disait : 
                    " Le salaire du bénévole, cest son 
                    enrichissement existentiel, mais il passe par la frustration 
                    de lego et la désillusion ". Laccompagnement des 
                    personnes en fin de vie nous offre la possibilité de 
                    vivre des états de conscience différents de 
                    la conscience ordinaire, où le moi tend à satténuer, 
                    sinon disparaître ; cest un travail de désinvestissement 
                    de lego ; à partir dexpériences 
                    transpersonnelles fugitives, il peut nous amener progressivement 
                    à vivre plus durablement dans un état transpersonnel. 
                    (cf, plus haut, Michel de MUzan : " 
                    vivre presque en état dabsence "). Les difficultés, 
                    ce sont toujours lorgueil, les peurs, le mental, la 
                    subjectivité
Il nous faut abandonner 
                    toutes les représentations, 
                    y compris celle du " bon accompagnement " ou de 
                    la " bonne mort ". Le paradoxe de ces états 
                    de conscience, cest que simultanément la conscience 
                    de lego, du moi séparé, sestompe, 
                    tandis que lidentité profonde de lêtre 
                    semble enfin se révéler. Lacceptation de limpermanence 
                    de toute chose, et très précisément celle 
                    de notre propre mort nous fait prendre conscience de la futilité 
                    et de labsurdité de nos attachements et de nos 
                    ambitions. A lapproche de la mort, beaucoup de personnes 
                    découvrent que la seule réalité qui subsiste, 
                    cest lamour ; parfois, il est trop tard, les besoins 
                    du mourant ne sont pas compris, lentourage est devenu 
                    indifférent. Mais il arrive aussi que lannonce 
                    de la maladie et de la mort possible revivifie les liens damour 
                    avec les proches et transforme la fin de vie. Ainsi ce malade 
                    qui en vient à reconnaître : " Aujourdhui 
                    je sais ce qui est essentiel dans la vie ; le temps mest 
                    peut-être compté, mais je me sens pleinement, 
                    intensément vivant, et je remercie chaque jour le ciel- 
                    et ma maladie !- de mavoir permis de vivre ces moments 
                    là, je veux bien donner ma vie pour ça ! " Vivre une telle expérience 
                    nest certainement pas le lot de toutes les personnes 
                    gravement malades ; elle illustre pour moi ce quon pourrait 
                    appeler " entrer vivant dans la mort ". Mais de telles rencontres, qui 
                    sont de vrais " cadeaux ", ne doivent pas conduire 
                    à idéaliser le bénévolat daccompagnement. 
                    Le quotidien de laccompagnant bénévole, 
                    cest de rencontrer toutes sortes de malades, et parfois 
                    aussi de venir pour sa permanence et de ne rencontrer personne 
                    ! Chaque première rencontre peut être aussi la 
                    dernière ; tout doit se donner dans cet instant ; nous 
                    ne pouvons compter sur le temps pour tisser la relation. Laccueil 
                    du malade peut être mondain, chaleureux ou indifférent 
                    ; il peut nous mettre à la porte, nous injurier, tenter 
                    de nous humilier
Les changement dhumeur peuvent 
                    être très brusques; il peut prendre le risque 
                    de nous renvoyer car il sait que cela ne porte pas à 
                    conséquence ; nous reviendrons lui faire un signe amical 
                    la fois suivante ; un bénévole ne se vexe pas 
                    ! Dans la vie du bénévole, 
                    il y a beaucoup de moments où on se demande si on nest 
                    pas venu pour rien : on na eu que des contacts superficiels, 
                    ou bien tous les malades quon devait voir étaient 
                    sortis, absents de leur chambre, en soins, ou décédés
 Ces moments de vide, de doute, 
                    font aussi partie intégrante de notre engagement de 
                    bénévole ; ils nous permettent heureusement 
                    de rester, avec une certaine humilité, dans le questionnement 
                    sur le sens de ce bénévolat.  Malgré cela, notre présence 
                    hebdomadaire régulière, aux horaires préalablement 
                    définis, donne tout son sens à notre engagement 
                    vis-à-vis des malades, des soignants et de léquipe 
                    des bénévoles. Et pourtant nos " prestations 
                    " restent très aléatoires. Chaque semaine 
                    nous devons arriver " neufs ", ouverts et disponibles 
                    à tous (malades, familles, soignants), et en même 
                    temps prêts à accepter que personne nait 
                    lenvie, le besoin ou le temps de nous rencontrer
et 
                    repartir sans être déçus ni découragés 
                    ! CONCLUSION Accompagner des personnes en 
                    fin de vie, cest sengager dans un mouvement de 
                    société qui nous transforme à la fois 
                    personnellement et collectivement et développe notre 
                    amour de la vie. Accompagner est un privilège, 
                    mais aussi une responsabilité ; nous devons à 
                    chaque instant trouver notre juste place, la juste mesure 
                    du temps donné
 Lors des Journées nationales 
                    des bénévoles de la SFAP, le Pr Delattre, neuro-oncologue 
                    à lHôpital de la Pitié-Salpétrière, 
                    disait aux bénévoles : " Il peut y avoir 
                    un risque dinhumanité dans les services où 
                    il y a une forte mortalité ; nhésitez 
                    pas à dire ce qui vous paraît inadmissible ou 
                    inhumain dans le service ; louverture sur la société 
                    civile est un garde-fou, une protection pour tous ".Et Marie-Sylvie Richard, chef de service à la Maison 
                    Médicale Jeanne Garnier : " Les bénévoles 
                    ne sont pas là pour combler les manques de linstitution, 
                    ils assurent une présence de la société 
                    observatrice et critique
Le questionnement sur le " 
                    savoir être " concerne tout le monde, soignants 
                    comme bénévoles
La présence des 
                    bénévoles aide les soignants à sortir 
                    de leur spécialisation et à renvoyer à 
                    la société les questions qui lui appartiennent, 
                    par exemple celle du vieillissement de la population...Les 
                    soignants doivent travailler en étroite collaboration 
                    avec léquipe des bénévoles, mais 
                    leur altérité doit être reconnue ; avec 
                    des approches différentes, ils ont nécessité 
                    de faire équipe ensemble
 "
 Si nous sommes conscients 
                    de la nécessité de réhumaniser et resocialiser 
                    le temps de la fin de vie, il nous faut aussi éviter 
                    le piège de la professionnalisation et de la spécialisation 
                    ; lessentiel est un travail sur soi-même. Il ne 
                    peut pas y avoir de " savoir-faire " dans lexpérience 
                    de laccompagnement de la fin de vie, précisément 
                    parce quil ny a rien à faire et quil 
                    sagit à chaque fois dune 
                    rencontre unique entre des êtres uniques à un 
                    moment unique. Les pré-requis sont 
                    simplement de pouvoir faire le vide en soi, créer un 
                    espace daccueil, apprendre à être un canal, 
                    devenir transparents, mettre de la conscience dans nos moindres 
                    regards, paroles, attitudes. Reconnaître limpuissance 
                    de lego, cest la condition pour quapparaisse 
                    la fécondité ; lêtre 
                    se connaît à travers le don, plus je donne, plus 
                    je reçois ; dans la présence, quelque chose 
                    se donne de lun à lautre. Au contact des personnes en fin 
                    de vie, nous expérimentons limpermanence et linterdépendance 
                    ; or nos sociétés fonctionnent sur le déni 
                    de ces réalités. Dans les sociétés 
                    pré-industrielles, différents rites de passage, 
                    lors des moments de transition importants de la vie, permettaient 
                    daffronter la mort, de transcender la peur et de transformer 
                    radicalement son existence ; les individus pouvaient faire 
                    plusieurs fois lexpérience de mort et renaissance 
                    psycho-spirituelle avant dêtre confrontés 
                    à leur mort biologique. Cet entraînement à 
                    la mort fait cruellement défaut dans nos sociétés 
                    ; les violences de toutes sortes, les passages à lacte 
                    et la fuite dans lalcool ou la drogue en sont, entre 
                    autres, les conséquences. Stanislas Grof écrit 
                    : " Ce " mourir avant 
                    de mourir " a deux conséquences fondamentales 
                    :il nous libère de la peur de la mort et change notre 
                    attitude face à elle
il transforme aussi notre 
                    façon dêtre au monde
Louverture 
                    à une spiritualité de type universel et non 
                    confessionnel constitue une autre conséquence importante 
                    du fait de se libérer de la peur de la mort ". Cette capacité de vivre 
                    des états de conscience transpersonnelle, chacun de 
                    nous la possède en lui-même. Dans " 
                    Quest-ce que le transpersonnel ? " Marc-Alain 
                    Descamps écrit : " Cest 
                    dans lexpérience préalable du vide (du 
                    défilement des idées et du moi) que se fait 
                    la révélation dune Présence qui 
                    se contemple et saime elle-même, à la fois 
                    dans la majesté de sa manifestation physique par lUnivers, 
                    dans la montée à la conscience et à la 
                    Sur-conscience et par lamour dans le cur de lHomme
Laccès 
                    au transpersonnel peut se faire à différentes 
                    occasions et selon diverses formes. Mais ce qui est surtout 
                    important, cest son apport et les transformations quil 
                    opère dans lindividu. Lapproche du transpersonnel 
                    ouvre à laltruisme, à lhumilité, 
                    au dévouement, à lamour des êtres 
                    humains, des êtres vivants, de la nature, du cosmos 
                    et du divin. " Et Abraham Maslow, dans 
                    " Vers une psychologie de lêtre 
                    " : " Le besoin du Beau, du Vrai, du Juste est une 
                    pulsion innée. " Nos sociétés tendent 
                    à refouler ces pulsions innées, à ridiculiser 
                    les idéaux et les idéalistes ; la volonté 
                    de maîtrise du monde conduit au mépris de lart, 
                    devenu marchandise, de la réflexion philosophique, 
                    de la contemplation de la nature, du recueillement, de la 
                    vie intérieure
Pourtant, mettre ses capacités 
                    au service des valeurs (le Beau, le Vrai, le Juste
), 
                    se battre pour les incarner dans le monde, cest se réaliser
 Laccompagnement des personnes 
                    en fin de vie, en ouvrant au dépassement de la personne, 
                    tend à étendre la conscience à luniversel.   >> RETOUR 
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