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» Responsabilité à raison de l’insertion de liens hypertexte promotionnels, ex : le service Adwords de Google

25 avril 2007

 

Attention : la présente note ne présume pas, ni n’établit la responsabilité de Google à raison de ses activités de référencements promotionnels, mais évoque objectivement les moyens opérants pouvant être soulevés à son encontre, tels que résultant de la jurisprudence.

Remarques liminaires LE moteur de recherche Google propose aux enchères la vente de mots-clés, dans le cadre de son programme publicitaire de vente de liens hypertexte promotionnels : adwords et premium sponsorship.

Le lien publicitaire de l’annonceur, ainsi acquis sur adwords, s’affiche sur la page de résultats du moteur de recherche, dès lors qu’il existe une concordance entre les mots clés achetés et ceux contenus dans la requête.

Exposé du problème

Certains keywords peuvent correspondre à une marque, et être « achetés » par une société concurrente dans le cadre du programme adwords précité.

Ainsi, Google est susceptible de proposer un référencement trompeur et abusif.

L’objet de la présente note consiste à déterminer les moyens opérants opposables à Google pour engager sa responsabilité et obtenir le deréférencement des ces liens illicites, le cas écheant.

rq : En tout état de cause, même si le contenu contrefaisant est localisé à l’étranger, le juge Français reste compétent. Sa compétence serait, le cas échéant, incontestable, dès lors que la visualisation par les internautes des annonces litigieuses s’effectue à partir du territoire Français : TGI Paris, 3e chambre, 4 février 2005, Société Google France et Google Inc. c/ Société Louis Vuitton Malletier

Exposé du principe

Il n’existe pas, en France, de régime légal particulier, régissant la responsabilité du fait des hyperliens. L’insertion d’un lien hypertexte peut engager la responsabilité de son auteur suivant l’utilisation qui en sera faite et la forme qui sera adoptée. En principe, la technicité et l’automaticité du PageRanking empêchent de rechercher la responsabilité de Google.

« Cependant, le référencement publicitaire rompt avec les critères automatiques et objectifs qui gouvernent le fonctionnement classique des moteurs de recherche. C’est pour cette raison que la jurisprudence se montre plus rigoureuse envers les moteurs de recherche dans le cadre de leur activité de vente d’espace publicitaire ». Cette activité interdit au moteur de recherche se prévaloir des dispositions protectrices relatives à la responsabilité des fournisseurs d’hébergement dans la mesure où Google agit alors en qualité de “régie publicitaire” et non de prestataire purement technique de service.

Le caractère très évolutif de la jurisprudence concernant l’incrimination de la technique de fourniture de liens commerciaux ne nous permet pas d’exposer une véritable ligne jurisprudentielle.

Il convient donc de distinguer 2 éléments :

    • La responsabilité de Google
    • Le déréferencement du lien litigieux, étant entendu que le refus de déréferencer engagerait certainement la responsabilité de Google.

Moyens opérants pour engager la responsabilité de Google

A cet effet, nous envisagerons très schématiquement les moyens susceptibles d’être opposé à Google.

1. art. 1382 code civil

Principe : Une faute génératrice d’un préjudice suppose une réparation.

Caractérisation : cette faute s’appréciera au regard de la finalité poursuivie. Elle pourrait résulter de la confusion ou de l’appropriation de l’image d’une marque concurrente au moyen de techniques de framing / inline linking, ou via un référencement publicitaire illicite.

Application contentieuse positive : Google engage sa responsabilité civile “du fait de son absence d’examen préalable de la licité de l’usage par les annonceurs des mots clé en cause”, Google ayant en charge une obligation de précaution : “Google doit adopter des mesures de précaution pour ne pas faciliter à ses clients grâce à la mise à disposition de cet outil, la commission d’atteinte aux droits des tiers dont en cas de carence elle se rend complice” :

TGI Paris, 3e chambre, 3e sect., 12 juillet 2006, GIFAM c/ Google France

2. Concurrence déloyale

Définition : La concurrence déloyale consiste dans l’utilisation de procédés contraires aux usages et habitudes professionnelles, tendant à détourner la clientèle d’un concurrent. Elle est une modalité de la responsabilité pour faute.

Identification : Une faute génératrice d’un préjudice à l’égard d’un concurrent. L’usurpation de dénomination sociale constitue un acte de concurrence déloyale . Des dénigrements peuvent également permettre de caractériser la concurrence déloyale :

TGI Paris, 3e chambre, 7 juin 2006, et TGI Nanterre, 16 décembre 2004, Sté Hôtels MERIDIEN.

Conclusion : Si l’incrimination de concurrence déloyale pourrait être opposée au concurrent, Google n’est pas en principe un concurrent de la société détentrice lésée et par conséquent ce moyen ne saurait prospérer à son encontre.

3. Parasitisme

Principe : Ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir faire. Caractérisation : L’établissement de liens sponsorisés par un moteur de recherche peut relever d’une telle problématique quand c’est en tapant le nom d’un site qu’on aboutit à un autre site.

Conclusion : Encore une fois, ce moyen pourrait valablement mais exclusivement être opposé au concurent.

4. Contrefacon ou complicité de contrefaçon par fourniture de moyens

Applications : Ce fondement a permis aux juges, à de nombreuses reprises, de sanctionner Google, concernant son activité consistant à offrir aux annonceurs des liens sponsorisés à partir de marques protégées : CA Versailles, 23 mars 2006.

Cependant la jurisprudence est variable, ainsi Google a pu être considéré comme complice de contrefaçon ; “(...)Google ne peut arguer de l’absence de contrôle résultant de l’automatisation intégrale du système de référencement publicitaire de google, système qui résulte de choix technologiques, pour se soustraire à une condamnation sur le fondement de la complicité de contrefaçon de marque par fourniture de moyens” : CA Versailles, 10 mars 2005, Google France c/ Viaticum et Luteciel

Conclusion : Ce moyen peut parfaitement être opposé à Google, et pourrait prospérer, le cas écheant.

Déréferencement du lien litigieux et retrait des keywords litigieux sur Adwords

Il est de jurisprudence constante que Google, et plus généralement les moteurs de recherche, n’ont pas d’obligation générale de contrôle a priori des liens proposés.

Cependant, en matière de référencement publicitaire, certaines obligations pèsent sur ces derniers. Des tribunaux ont ainsi pu considérer que Google est tenu de mettre en place des procédures de contrôle et d’alerte permettant de faire cesser les atteintes aux droits des tiers, et de prendre dans des délais raisonnables les mesures propres à faire cesser les troubles allégués.

Le jugement du TGI de Paris précité , retient précisément que Google a commis une faute de nature à engager sa responsabilité “ en ne vérifiant après le choix par l’annonceur d’un mot clé constituant une marque ou une dénomination sociale ou un nom de domaine que cette utilisation par l’annonceur est licite tant au regard du droit des marques qu’au regard des règles de loyauté du commerce”. : TGI Paris, 3e chambre, 3e sect., 12 juillet 2006, GIFAM c/ Google France

Google doit ainsi “vérifier que ses annonceurs sont bien habilités “ à utiliser de tels keywords, et, à cet effet, les juges ont ordonné la mise en place d’un dispositif de contrôle a priori.


Charles Pesquet

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