04.06.2007

Confucius, une certaine conception du lien entre enseignement et pratique

A l'heure où la Chine se tourne à nouveau vers Confucius* (551-479 av JC) et au moment où l'enjeu chinois est de s'approprier les technologies et savoir-faire occidentaux, il est utile de s'imprégner de la vision que transmettent Confucius et ses disciples de l'éducation et de l'apprentissage.

Pour Confucius (Entretiens, chapitre VII) , il faut "étudier sans me lasser et enseigner sans relâche" mais le maître ne perd pas son temps à enseigner à celui qui n'a pas soif d'apprendre : "Je n'éveille pas celui qui n'y aspirait pas d'abord, je n'apprends rien à qui ne cherchait d'abord. Si lorsque je dévoile un coin, on ne me répond pas par les trois autres, je n'y reviens pas". Bénéficier de l'apprentissage du maître n'est donc pas un dû, il faut le mériter et chacun va chercher à en être digne car il n'y pas d'apprentissage sans rites et seul le maître peut les transmettre. Pour Xunzi, (Xunzi, II, "culture de soi", IIIème siècle avant JC), "l'étude consiste à prendre pour modèle les rites" et "sans le maître, comment connaissons-nous l'exactitude des rites ?".

Dans la pensée Confucéenne, l'étude est au service de l'action efficace, elle constitue un processus qui doit déboucher sur la mise en pratique. "Mieux vaut entendre que ne pas entendre, voir qu'entendre, connaître que voir et pratiquer que connaître. L'étude s'arrête à la pratique, qui permet la clairvoyance, laquelle conduit à la sainteté" (Xunzi).

Derrière ce mot "sainteté", il faut comprendre que dans la morale confucéenne, la pratique est la forme suprème d'accomplissement de l'homme, elle engage toute la personne et constitue le révélateur ultime de la profondeur des apprentissages effectués.

"Il en est qui se pénètrent de l'étude avec leur personne et leur esprit, d'autres avec leur bouche et leurs oreilles. Ceux-ci se perdent en conjectures et ne recherchent que des ombres et des échos. Quant à ceux qui se pénètrent de l'étude avec leur personne et leur esprit, c'est dans l'activité que leur pratique se révèle : ils la possèdent véritablement en eux-mêmes" (Wang Yangming, penseur confucéen du XV ème siècle).

On peut donc parier que les Chinois sauront s'approprier rapidement nos technologies et nos savoir-faire**. Les dépasser, c'est une autre affaire...

*voir par exemple l'article de Sébastien Billioud, chercheur au centre d'études français sur la Chine contemporaine de Hong Kong dans le remarquable numéro hors série du magazine Le Point de mars-avril 2007. Dans cet article, il montre l'actualité du confucianisme y compris dans la sphère économique : "des chefs d'entreprise se proclament confucéens et soutiennent toutes sortes d'activités, souvent éducatives; des organisations mettent en place des séances de lecture matinales et collectives des classiques...."'
** L'investissement des familles dans l'éducation de leurs enfants est par exemple considérable, une grande partie de l'épargne des ménages (37% des revenus soit près de 3 fois plus qu'en France) y est consacré. Source Le Nouvel Obs du 24-30 mai 2007, "A quoi rèvent les Chinois ?".

04.03.2007

Confucius au travail

Pour comprendre les influences culturelles qui imprègnent les modes de gestion et de relations humaines dans les entreprises asiatiques et tout particulièrement en Chine, à Singapour, à Taïwan et en Corée du Sud, il est souvent fait appel à l’héritage de Confucius. Mais qu’est-ce qu’une morale confucéenne au travail ?

L’importance de la formation et de l’éducation. On doit en effet à Confucius la création il y a deux mille cinq cents ans de la première école du monde ouverte à tous. « Etudier » est le maître mot qui ouvre le premier chapitre des « Entretiens familiers » aphorismes recueillis par ses disciples. Dans la morale confucéenne, il faut donc s’exercer constamment pour donner le meilleur de soi-même. On doit toujours être dans une dynamique d’auto-perfectionnement. Ce qui fait dire à Sophie Faure dans "Manager à l’école de Confucius" que le confucianisme est une philosophie de l’excellence. On n’est pas très loin du kaizen japonais, le système d’amélioration continue mis en œuvre chez Toyota.

L’exigence personnelle et l’indulgence envers les autres. « Si tu vois quelqu’un qui se conduit bien imite-le » disait Confucius. « Mais si tu vois quelqu’un qui se conduit mal, cherche en toi en quoi tu l’imites » ajoutait-il. Pour Sophie Faure, la pensée confucéenne nous enseigne que « Rien n’est pire qu’un homme de talent dépourvu d’éthique ».

L’importance de la hiérarchie. Pour Confucius, on est toujours le supérieur et l’inférieur de quelqu’un. La culture confucéenne repose donc sur une hiérarchie détaillée. En Chine, l’influence communiste et son apport égalitariste tempère cet héritage. Une entreprise chinoise peut ainsi être très confucéenne dans sa hiérarchie et très « camarade » dans les rapports humains.

Le respect de l’autorité dû aux anciens. Dans les cultures confucéennes, l’âge rentre plus qu’ailleurs en ligne de compte dans le respect que l’on accorde à quelqu’un et donc au statut qu’il peut avoir dans une relation professionnelle.

L’importance de la famille et de la piété filiale. Dans l’entreprise, il ne sera donc pas rare, ni mal venu, de coopter des membres de sa famille pour un emploi dans sa société.

17.02.2007

Evaluation et susceptibilités asiatiques

En Chine et dans les pays asiatiques de culture confucéenne (Singapour, Taïwan, Corée du Sud,...), le feed-back ne s'accorde pas avec la nécessité de ne jamais faire perdre la face à son interlocuteur (Voir par exemple le N°144 de Business Digest et l'article de Jim R. Slater). Dans ce contexte, il apparaît indélicat de confronter un individu à ses réussites et ses échecs.

Vous me direz que c'est vécu comme une indélicatesse en France aussi, "logique de l'honneur" oblige. Mais il semblerait que ce soit encore plus difficile dans ces cultures. N'hésitez pas à nous faire part de vos expériences si vous avez pratiqué une évaluation annuelle dans l'un de ces pays...