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Nicolas Sarkozy modifie la nature de la fonction présidentielle


publié le samedi 23 juin 2007 à 19h07



Sarkoland

Nicolas Sarkozy est partout, à la fois président de la République et chef de gouvernement. Son hyperactivité étonne. Ce changement de style n'est pas simplement une affaire d'images. Lors de l'émission C dans l'air, intitulée "24 heures à Sarkoland", les invités d'Yves Calvi ont démontré que Nicolas Sarkozy est en train de modifier la nature de la fonction présidentielle.


Un président encore candidat

Depuis sa prise de fonction, Nicolas Sarkozy donne l'impression d'être toujours en campagne électorale en cherchant à justifier ses choix, à essayer de convaincre les autres du bien fondé de son programme. Il y a un décalage entre le candidat et ce qu'on attend d'un président de la République. Nicolas Sarkozy refuse d'être solennel, il veut apparaître comme un président proche du peuple, qui met les mains dans le cambouis et ne délègue pas à d'autres le travail quotidien. D'ordinaire, le président de la République est un personnage un peu distant, qui prend du recul par rapport aux événements. Nicolas Sarkozy fait tout le contraire, il s'implique dans tous les domaines, sur tous les sujets, sans intermédiaire.


Un acteur incontournable

Non seulement il change le style présidentiel mais il est en train de changer la nature de la fonction présidentielle. En gérant tous les dossiers en direct, il devient incontournable. Revers de la médaille, tous les acteurs de la vie publique qui n'auraient à faire qu'à un ministre pourraient se sentir mal traités. Autrement dit, en devenant incontournable, il affaiblit ces ministres. Tant qu'il tient le rythme, cela fonctionne. Mais, à terme, il va y avoir un problème de quantité de charge de travail. Quand la machine va se gripper, quand les premières difficultés arriveront, il sera en première ligne et n'aura pas de ministre ou de Premier ministre pour prendre les coups à sa place.


La désacralisation de la fonction présidentielle

Nicolas Sarkozy joue le rôle de super-premier ministre. Il y a une désacralisation de la fonction présidentielle, une perte de distance. Que ce soit De Gaulle, Mitterrand ou Chirac, il y avait toujours une certaine distance avec le peuple. Le président avait un rôle d'arbitre. Aujourd'hui, Nicolas Sarkozy est un président engagé, qui est présent sur toutes les questions. Cette perte de distance fait que l'on devient une cible.
Roland Cayrol explique que Nicolas Sarkozy agit ainsi car c'est ce que veulent les Français depuis des années. Les électeurs en ont assez de la monarchie présidentielle, ils veulent des responsables politiques vraiment responsables, qui rendent des comptes et ne s'abritent pas derrière des ministres ou un Premier ministre.
Nicolas Sarkozy aime bousculer les habitudes. Par exemple, il a annoncé qu'il allait se rendre au sommet Ecofin où se réunissent les 27 ministres des finances de l'Union Européenne pour expliquer la politique budgétaire de la France. C'est une première dans l'histoire et ça risque d'entraîner une certaine pagaille car cela change le niveau de la rencontre. Que vont faire les autres chefs d'Etat si Sarkozy est le seul à se rendre à une réunion où il n'y a que des ministres ?


La même méthode de travail qu'au ministère de l'Intérieur

Christophe Barbier, directeur de L'Express, explique que Nicolas Sarkozy, en tant que président, applique la même méthode que celle employée au ministère de l'Intérieur. Le nouveau président de la République fait du "saute-mouton" sur les dossiers. Quand la polémique a lieu sur la TVA sociale, il lance un autre chantier sur la suppression des pré-retraites. Quand il évoque le statut d'autonomie des universités, sujet plutôt controversé, il ajoute la question de la vétusté des locaux, qui fait plus consensus.
Il veut donner l'impression que ce qui est en cours est déjà réglé pour lui. Autrement dit, il a toujours un dossier d'avance. Sauf que ce qui était possible au ministère de l'Intérieur avec l'insécurité, l'immigration, n'est plus possible avec les questions économiques et sociales. Nicolas Sarkozy ne pourra pas aller aussi vite qu'il le souhaite car mettre en place des réformes, consulter les partenaires sociaux, tout cela prend du temps. Il y a des contraintes de négociations qu'il n'a jamais rencontrées au ministère de l'Intérieur. Des lois, des règlements encadrent les négociations. Le temps des syndicats n'est pas forcément le temps du président.
De même, en politique étrangère, Nicolas Sarkozy ne peut pas décider seul. Les chefs d'Etat étrangers ont leur propre timing. Il ne pourra donc pas aller aussi vite qu'il le souhaiterait. Il a réussi à dépoussiérer la fonction présidentielle. Mais l'exercice de style a donc ses limites.


Un changement de rythme par rapport à Chirac et Mitterrand

Après 4 années passées à l'Elysée, Roland Cayrol se souvient que François Mitterrand lui avait dit qu'il arrivait à 9h au bureau et qu'il remontait dans ses appartements pour dîner sans emmener du travail. Il avait donc un rythme de travail très raisonnable ce qui n'empêchait pas le pouvoir exécutif d'être parfaitement opérationnel. Par conséquent, pour se montrer plus réactif, Nicolas Sarkozy a une marge, il n'est pas obligé d'être aussi présent que ces dernières semaines. Le directeur de l'institut CSA considère que Nicolas Sarkozy va réduire un peu le rythme mais que même en faisant cela, il sera toujours plus présent que ses prédécesseurs qui se sont caractérisés par leur rareté sur la scène médiatique. Par exemple, Jacques Chirac n'intervenait que lors des voeux du nouvel an et le 14 juillet. Entre cette absence et une hyperactivité intenable, Nicolas Sarkozy a donc une marge de manœuvre.


Faire toutes les réformes en même temps

Contrairement à Mitterrand qui expliquait qu'il fallait "donner du temps au temps", Nicolas Sarkozy est constamment dans l'urgence. Selon lui, l'accélération du temps politique avec le passage du septennat au quinquennat explique qu'il faut faire toutes les réformes en même temps, ouvrir tous les dossiers pour être certain d'en réussir quelques-uns. Il fait le contraire de Jean-Pierre Raffarin lorsqu'il était Premier ministre et faisait les réformes les unes après les autres.
Il faut faire sauter les obstacles, prendre de vitesse les syndicalistes, changer les règles au parlement, s'assurer du soutien de l'opinion non pas en expliquant les réformes adoptées mais en faisant de la pédagogie sur les réformes à venir pour prendre à témoin l'électeur et faire pression sur les parlementaires ou les syndicalistes pour aller vite puisque l'opinion est d'accord.


Peut-il tenir ce rythme ?

Roland Cayrol évoque une faiblesse du nouveau chef de l'Etat : à plusieurs reprises, Nicolas Sarkozy est apparu satisfait de lui-même et agacé des critiques. Au lendemain des législatives, Le Monde a titré "Avertissement pour Nicolas Sarkozy". Il s'est senti obligé de reprendre le titre et de se justifier sur TF1. Lors de cette interview télévisée, Patrick Poivre d'Arvor a aussi évoqué une certaine fébrilité du président et celui-ci l'a extrêmement mal pris. D'ailleurs, il n'a pas répondu à la question et a évoqué un autre sujet, sa jeunesse. Par conséquent, être toujours en première ligne, défendre ses idées au quotidien pour démontrer qu'on a toujours raison demande un effort constant. Il faut pouvoir tenir sur la durée mais un mandat de cinq ans, c'est très long.
S'il y a une forte contestation sociale, si les Universités sont bloquées pendant plusieurs semaines, que va-t-il faire ? Il ne pourra pas aller directement débattre dans les facultés avec les étudiants au risque de se faire bousculer par un public hostile. Sa fonction de président implique nécessaire un certain recul pour qu'il puisse conserver une certaine autorité. Le président de la République a un certain rang et il travaille aussi pour l'histoire. Il ne pourra donc pas être aux manettes au quotidien selon Christophe Barbier.


Moteur d'un renouveau politique

Mais en agissant ainsi, il veut montrer que la modernité s'est installée à l'Elysée. Il se veut proche du peuple, direct. C'est une des raisons pour lesquelles il a été élu. Cela fait partie du personnage. Avec une participation de 85% au premier tour de la présidentielle, il a le sentiment d'avoir contribué à réconcilier des Français avec la politique. Il est le moteur de ce renouveau politique. Pour cela, il compte bien ne pas décevoir en appliquant scrupuleusement son programme pour qu'on ne puisse par lui faire le reproche de ne pas avoir tenu ses promesses. Il se sent investi d'une mission, ce qui explique en partie toute cette agitation selon Roland Cayrol. Sur TF1, il a déclaré qu'il souhaitait mettre de la vie au plus haut niveau du pouvoir.


Comment le Premier ministre et les ministres peuvent-ils prendre le relais sur les dossiers ?

Si Nicolas Sarkozy peut impulser le départ de toutes les réformes, mener la première réunion de travail avec les partenaires sociaux, les réunions suivantes devront se faire sans lui. Il ne pourra pas tout faire. Il pourrait alors revenir à un moment clé pour apporter son aide en cas de blocage. Il va donc falloir qu'il trouve ses marques, qu'il rationalise la conduite des affaires publiques, il ne pourra pas rester sur ce rythme pendant 5 ans. Pour l'instant, il a toujours tout fait lui-même et lorsqu'il ne l'a pas fait en personne, cela a dérapé. Par exemple, sur la TVA sociale, il ne s'est pas occupé directement du dossier, et la polémique a coûté une cinquantaine de députés aux législatives. Nicolas Sarkozy doit donc trouver un équilibre entre son hyperactivité à l'Elysée et le fonctionnement de la machine gouvernementale.

Par conséquent, l'élection du nouveau président de la République marque un tournant dans l'histoire de la Ve République. Il change la nature de la fonction présidentielle. D'un président arbitre, le chef de l'Etat est devenu un "super premier ministre" dont la philosophie est la culture du résultat. Le Premier ministre n'est plus qu'un directeur de cabinet. Mais Nicolas Sarkozy ne pourra pas incarner à lui tout seul le pouvoir exécutif pendant 5 ans. La question est donc de savoir comment il va réussir le passage entre cette hyperactivité politique et le rythme plus paisible d'un pouvoir exécutif qui dispose de cinq années pour appliquer son programme sans donner le sentiment de revenir à l'image du président-arbitre qui cherche surtout à durer.


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