Alternatives Internationales
Alternatives Internationales :. Accueil.:
Les clés pour comprendre le monde
Lettre d'information Inscrivez-vous
Rechercher

LES ENJEUX 2007
Les enjeux 2006
- Sommaire détaillé
-
Je commande

NOUVEAU
La Lettre d'Alternatives Internationales vient de paraître. Pour en savoir plus

TOUS NOS EVENEMENTS
NOS ANCIENS NUMEROS
VENTE EN LIGNE
- Abonnements
- Vente au numéro
NOS LIENS FAVORIS
NOS DOSSIERS THEMATIQUES
- Afrique
- Altermondialisation
- Environnement
- Europe
- Irak
- Politique étrangère américaine
- Maghreb et Proche-Orient

ASSOCIATION DES LECTEURS

_______________________
UNE PUBLICATION
Alternatives Economiques
La Scop Alternatives Economiques


Démocratie-mirage au Moyen-Orient ?
Alternatives Internationales n° 15, juillet-août 2004

Avec le sommet du G8, Washington a accepté de faire des gouvernements de la région des agents de sa démocratisation. Petite histoire d’un leurre.

Le sommet du G8 réuni à Sea Island (8-10 juin) a solennellement adopté un « partenariat pour le progrès et un avenir commun pour le Grand Moyen-Orient (GMO) et l’Afrique du Nord » afin de promouvoir la démocratie et la prospérité dans une vaste zone allant du Maroc au Pakistan. Le dispositif central du partenariat sera un « forum pour l’avenir » associant gouvernements, hommes d’affaires, représentants des sociétés civiles du GMO et leurs homologues du G8 afin de parvenir à une réforme concertée des systèmes de gouvernement dans une région où les autocraties sont nombreuses. Au début de l’année, lors de l’annonce de leur initiative pour le GMO, les Etats-Unis avaient fait référence à un précédent heureux : le processus d’Helsinki, qui avait permis aux pays occidentaux de faire des droits de l’homme une question centrale à l’est de l’Europe. Le bloc communiste avait dû répondre par des concessions graduelles. Aujourd’hui, le modèle proposé par le G8 se rapproche davantage de celui de l’Apec, qui réunit chaque année les pays riverains du Pacifique et dont les discussions portent avant tout sur la libéralisation économique. Les mesures concrètes susceptibles d’être soutenues par le nouveau partenariat sont plutôt modestes : programmes de démocratisation, financement d’entreprises privées... On est loin de la « stratégie offensive en faveur de la liberté au Moyen-Orient » prônée par le président Bush.

Cette révision à la baisse des ambitions de départ doit beaucoup au tir de barrage des Européens et des Arabes qui ont reproché à la démarche américaine sa dimension prescriptive, le peu de cas qui était fait du processus euro-méditerranéen de Barcelone ainsi que l’absence totale de référence au conflit israélo-arabe. Ces trois déficits ont été comblés puisque la réforme structurelle du GMO est censée être fondée sur la coopération avec tous les acteurs locaux (y compris les Etats), s’appuyer sur l’acquis européen et aller de pair avec le règlement de contentieux politique et territorial entre Israéliens et Palestiniens. Toutefois, ce rééquilibrage justifié de l’initiative sur le GMO l’hypothèque en même temps sérieusement. Associer les gouvernements de la région à la mise en œuvre de réformes politiques de fond apparaît comme un leurre : les régimes égyptien et saoudien auraient beaucoup à perdre en s’engageant vraiment dans cette voie et le refus de leurs dirigeants d’assister à la rencontre du G8 parle de lui-même. A cet égard, l’adoption par le récent sommet de la Ligue arabe d’une déclaration sur la modernisation politique, économique et sociale ne saurait faire illusion : la cause de la réforme est brandie pour mieux la contrôler. Quant au conflit israélo-arabe, son règlement sur une base équitable n’est pas pour demain, l’administration américaine ayant ouvertement endossé la stratégie unilatérale d’Ariel Sharon qui conduira peut-être, l’an prochain, au retrait de Gaza, pour mieux assurer la mainmise israélienne sur les zones utiles de Cisjordanie.

Le contexte général n’est donc guère porteur pour voir le partenariat avec le GMO déboucher sur une transformation démocratique en profondeur que les Etats-Unis eux-mêmes ont quelque raison de craindre tant elle risquerait de favoriser l’arrivée au pouvoir d’islamistes moins bien disposés à leur égard que les régimes (semi) autoritaires en place. Comme les Européens, ils se contenteront fort bien d’une libéralisation politique de façade, concédée et régulée par les pouvoirs en place, qui permettra des ouvertures à doses homéopathiques tout en préservant les liens stratégiques anciens. C’est d’ailleurs bien la voie déjà empruntée par les Etats arabes présents à Sea Island (Bahrein, Jordanie...). Mais la démocratisation véritable que les militants des droits de l’homme, les féministes et les opposants politiques appellent de leurs vœux devra attendre des jours meilleurs.

Alain Dieckhoff

Alternatives Internationales