Fiche LAC KARIBA
L'éprouvante construction du barrage de Kariba

 

Source : guide Lonely Planet, "Zimbabwe et Botswana", mars 1999.

L'histoire de Kariba se condond avec celle du barrage. La ville de Kariba, comptant aujourd'hui environ 13 000 habitants, a surgi e 1955 en tant que cammpement de chantier de l'Impresit, la société italienne chargée de la construction du barrage. Ingénieurs et ouvriers, en butte à d'innombrables difficultés, y logaient durant les travaux.

Désespéré, le peuple batonka, qui occupait la vallée du Zambèze supérieur, et qui devait être déplacé avant l'inondation de son territoire, invoqua l'aide de Nyaminyami, le dieu du fleuve à tête de poisson et queue de serpent, le suppliant d'intervenir pour préserver son environnement et ses intérêts.

Nyaminyami accéda aux prières de ses fidèles en s'opposant violemment au projet de barrage. Le jour de Noël 1955, une élévation brutale du niveau du fleuve balaya le pont flottant du chantier et noya les fondations inachevées du coffrage. La seconde épreuve fut une canicule inaccoutumée qui ralentit considérablement les travaux. En juillet 1957 durant la saison sèche, un orage torrentiel s'abattit sur la région, et les eaux déchaînées du Zambèze endommagèrent le coffrage principal du barrage.

En mars de l'année suivante, une autre anomalie climatique - une inondation comme survient une seule en un millénaire - déversa 16 000 m3 d'eau à la seconde sur le chantier, détruisant de nouveau le coffrage, ainsi que le pont routier suspendu au-dessus du fleuve. En tout, 86 ouvriers furent tués pendant la construction : 18 d'entre eux furent enterrés dans le béton, le barrage étant probablement devenu la plus grande pierre tombale du monde.

Après avoir réchappé aux catastrophes climatiques et aux tragédies mortelles, les 10 000 ouvriers d'Impresit achevèrent le mur principal du barrage en décembre 1958. Les eaux commencèrent alors à monter, puis inondèrent les vallées et les affluents du Zambèze moyen. 5 000 animaux, représentant plus de 35 espèces dont des reptiles (et même des mambas noirs !), furent évacués entre mars et décembre 1959 au cours de l'opération Noé. Non sans problèmes aussi, 50 000 Batonkas furent évacués et réinstallés sur des terres plus élevées. Le dieu du fleuve parraissait néanoins s'être rasséréné.

Cependant, dès que le lac commença à se remplir, une algue envahissante, la Salvinia molesta, ou herbe de Kariba, se développa rapidement en surface. En 1962, elle recouvrait 20 % du lac et ne cessait de s'étendre, poussée par les vents. Cette couche de mauvaise herbe devint si épaisse qu'elle provoqua une ombre subaquatique néfaste au plancton et aux plantes. On répandit alors sur le lac du paraquat, un désherbant chimique. D'autres solutions biologiques furent mises en oeuvre, dont l'introduction d'une sauterelle amphibie importée d'Amérique du Sud. L'insecte dévora le fléau vert, mais un nouveau problème sembla surgir. Comme des tapis de Salvinia s'accumulaient sur les rives, les écologistes s'inquiétèrent des éventuelles conséquences de ce phénomène sur la faune. L'algue se décomposa cependant en un humus qui stimula la croissance du Panicum repens, ou "torpedo grass", favorisant le développement de pâturages, qui attirèrent vers les rives les grands mammifères venus des zones où le fourrage était rare. Bien que la création d'un lac artificiel aussi vaste ait profondément perturbé l'écosystème du Zambèze, il semblerait que la région ait aujourd'hui retrouvé un équilibre écologique satisfaisant.

Cependant, au début des années 80, une nouvelle tragédie menaça le lac. Il s'agissait cette fois-ci de la sécheresse qui fit baisser le niveau des eaux à tel point que les turbines du barrage ne purent plus fournir suffisamment d'électricité au Zimbabwe et à la Zambie. Le Zimbabwe, qui souffrit alors d'importantes coupures de courant, dut importer de l'électricité d'Afrique du Sud.

Les Batonkas, toujours très mécontents, soutiennent que Nyaminyami n'a pas encore fini avec ce barrage et qu'il ne saurait être satisfait avant que la monumentale obstruction du fleuve ne soit balayée. Bien que les pluies soient revenues en Afrique australe en 1993, le niveau était jusqu'à récemment demeuré extrêmement bas. Pour répondre aux besoins croissants du pays, le Zimbabwe envisage aujourd'hui la construction d'un second grand barrage sur les gorges de Batoka (aussi appelées gorges du Diable), situées un peu plus en aval. Mais si l'on n'en croit les penchants destructeurs de Nyaminyami, les pouvoirs publics risquent de jouer, une fois de plus, avec...le feu.

Fiche h2o Lac Kariba
Voir aussi la fiche h2o sur le fleuve Zambèze.
Et notamment la fiche Zambèze - Energie et Environnement.

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