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Le risque rupture de barrages

Le risque rupture
de barrages
Quelques définitions

Le risque « rupture de barrage » entre dans la catégorie des risques technologiques. Les causes ainsi que les mécanismes en jeu lors d'une rupture sont variables en fonction des caractéristiques propres au barrage.

Si l'on se place dans un contexte mondial, il convient de souligner les limites de l'analyse du risque de rupture de barrage. En effet, cette analyse repose notamment sur deux éléments qui ne sont connus qu'avec une certaine incertitude : le nombre de grands barrages et le nombre de ruptures observées.

La première incertitude est due à une définition plutôt imprécise du terme
« grand barrage » [voir ci-dessous]. La seconde incertitude, qui porte sur le nombre de ruptures observées, est due au fait que tous les pays n'abordent pas de la même façon le phénomène de rupture. En effet, outre le fait que la frontière entre incident grave et rupture soit parfois difficile à fixer, un tel phénomène présente un aspect fortement négatif que certains pays peuvent préférer garder secret.

Les grands barrages : la définition du « grand barrage », telle qu'elle est arrêtée par la Commission internationale des grands barrages (CIGB), est imprécise :

• est « grand barrage » tout ouvrage de plus de 15 m de haut au-dessus de la surface générale des fondations ;

• peut être considéré comme « grand barrage » un ouvrage dont la hauteur serait comprise entre 10 et 15 m et présentant des caractéristiques particulières : grand réservoir, évacuateur de crues important, etc.

  • Les barrages
  • Un barrage est un ouvrage artificiel ou naturel (causé par l'accumulation de matériaux à la suite de mouvements de terrain) établi en travers du lit d'un cours d'eau, retenant ou pouvant retenir de l'eau.

    Les barrages artificiels doivent être placés dans des cuvettes géologiquement étanches. Ils sont composés d'un corps conçu de manière spécifique à chaque type d'ouvrage, reposant sur une fondation étanche ou rendue étanche en amont.

    Un barrage en béton est découpé en plusieurs tranches verticales, appelées plots. Des ouvrages annexes lui sont associés, tels que les évacuateurs de crues, les prises d'eau, les turbines, les vidanges de fond, etc.

    Constitution d'un barrage
    Constitution d'un barrage

  • Les différents types de barrages
  • On distingue deux types de barrages selon les matériaux qui les composent. Les barrages en matériaux meubles ou semi-rigides, appelés barrages en remblai, peuvent être en terre ou en enrochement.

    Barrage poids en terre ou en enrochement
    Barrage poids en terre ou en enrochement

    Parmi les barrages en maçonnerie ou en béton on distingue plusieurs catégories, selon leur mode de conception.

    Les barrages en remblai sont souvent appelés digues. Ils peuvent être composés d'un seul matériau assurant à la fois la stabilité et l'étanchéité : on parle alors de barrage homogène.

    Barrage en terre compactée, homogène
    Barrage en terre compactée, homogène

    Pour les autres digues, la conception consiste à réaliser un noyau ou un parement amont dans des matériaux différents, capables d'assurer la fonction d'étanchéité : argile, béton bitumineux, béton hydraulique ou géomembrane.

    Barrage en terre compactée, hétérogène
    Barrage en terre compactée, hétérogène

    Les barrages en remblai, d'emprise au sol importante, n'engendrent pas de forte contrainte sur le sol.

    Les barrages en maçonnerie [Matériau moins utilisé actuellement mais composant un grand nombre de barrages existants.] ou en béton peuvent être de différents types. Les barrages poids, à profil généralement triangulaire, résistent à la poussée de l'eau par leur seul poids.

    Barrage poids en béton
    Barrage poids en béton

    Le barrage de Chambon en construction
    Le barrage du Chambon (barrage poids en béton) en construction
    [
    coll. Graphies]

    Les barrages poids évidés comportent moins de matériaux dans les zones les moins sollicitées et inversement. Les barrages voûtes ont une forme convexe tournée vers l'amont, qui permet de reporter la plus grande partie de la poussée de l'eau sur les rives par des effets d'arc.

     Le barrage voute
    Le barrage voute

    Les barrages mixtes poids-voûte (barrage de Bort-les-Orgues en Corrèze) combinent les deux techniques précédentes et réduisent l'emprise au sol par rapport à un barrage poids. Les barrages à contreforts sont généralement utilisés dans les vallées trop larges pour accueillir un barrage voûte et dans lesquelles la construction d'un barrage poids, nécessitant beaucoup de matériaux, se révélerait trop onéreuse.

    Barrage poids béton à contrefort
    Barrage poids béton à contrefort

  • Les différents usages
  • Les barrages sont conçus dans un objectif bien précis, mais certains ouvrages peuvent combiner plusieurs usages. Parmi ces fonctions, on trouve la régulation des cours d'eau (maintien d'un niveau minimum des eaux en période de sécheresse, barrage écrêteur de crue), le stockage d'une réserve d'eau, utilisée pour alimenter un canal ou une ville, lutter contre les incendies ou irriguer les cultures, la production d'énergie électrique, la plaisance ou encore la décantation et le stockage de déchets miniers.

    Les barrages mobiles, installés sur les grands fleuves, servent à réguler la hauteur d'eau pour la navigation, au moyen de vannes.

    La fonction d'un barrage écrêteur de crue est de retenir temporairement une partie du débit de la crue et de relâcher ensuite petit à petit le volume correspondant. Les effets de la crue dans la partie aval du bassin versant s'en trouvent réduits d'autant.

    Le risque de rupture de barrage en France
    et sa réglementation

    Le régime juridique des barrages varie selon leur usage, leur impact et leurs dimensions. La législation les concernant [voir tableau ci-dessous] distingue les ouvrages faisant l'objet d'une concession de force hydraulique des autres.

    Réglementation précédant la construction de l'ouvrage
    Loi n° 92-3 du 03 janvier 1992,
    dite " loi sur l'Eau "
    Réglementent les dossiers d'autorisation
    à fournir avant la construction d'un barrage quelle que soit sa taille, ainsi que les documents supplémentaires le cas échéant.
    Décret n° 93-742 du 29 mars 1993
    Décret n° 93-743 du 29 mars 1993
    Décret du 13 juin 1966 Définissent le rôle et les compétences
    du Comité technique permanent des barrages, dont l'avis est nécessaire lors
    de la construction d'ouvrages de hauteur supérieure à 20 mètres.
    Arrêté du 30 décembre 1966
    Circulaire n° 75-65 du 27 novembre 1975
    Décret n° 99-853 du 28 septembre 1999 Réglemente les modalités d'élaboration des PPI dans le cas des grands barrages.
    Réglementation concernant la surveillance des ouvrages
    Circulaire n° 70-15 du 14 août 1970 modifiée par la circulaire n° TE-8562
    du 29 septembre 1983
    Définit les moyens de surveillance à mettre
    en place lors de la première mise en eau ainsi que lors de la période d'exploitation
    des barrages intéressant la sécurité publique.
    Circulaire du 13 juillet 1999 Relative à la sécurité des zones situées
    à proximité ainsi qu'à l'aval des barrages
    et des aménagements hydrauliques, face aux risques liés à l'exploitation des ouvrages.
    Décret n° 94-894 du 13 octobre 1994 Relatif à la concession des ouvrages utilisant l'énergie hydraulique. Ce décret impose l'exposé des moyens de surveillance
    des ouvrages dans le dossier de demande
    de concession.
    Circulaire du 23 mai 1997 Définit les moyens de surveillance à mettre
    en place pour les barrages de moyenne importance permettant la production d'électricité.

    Pour les premiers, l'exploitant élabore un dossier de demande de concession, dans lequel doivent être exposés les moyens de surveillance des ouvrages, de détection d'anomalies, d'alerte et d'intervention en cas d'accident ou d'incident. Le service chargé du contrôle de ce type d'ouvrage est la direction régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement (Drire).

    La construction des autres types de barrages nécessite une procédure de déclaration ou d'autorisation selon les conséquences de l'ouvrage sur l'écoulement du cours d'eau et sur la sécurité. Les critères pris en compte, ainsi que les différentes procédures à suivre pour effectuer la déclaration ou obtenir les autorisations, sont définis par décret. Le service chargé du contrôle est le service chargé de la police de l'eau (DDE, DDAF).

    Quel que soit ce régime, les moyens de surveillance à mettre en place dépendent de l'importance de l'ouvrage concerné et de la période
    d'exploitation : renforcés lors de la première mise en eau de la retenue, ils sont maintenus sous une forme allégée pendant toute la vie de l'ouvrage. Plusieurs circulaires régissent ces modalités.

    Pour les plus grands barrages, la rédaction d'un plan particulier d'intervention (PPI) [Voir le chapitre sur le PPI], dont les modalités d'élaboration sont définies par décret, est nécessaire.

    Les barrages métropolitains soumis à PPI
    Les barrages métropolitains soumis à PPI

    Les causes d'accident et les conséquences

  • Le processus de formation
  • Les causes de rupture

    Les causes de rupture d'ouvrage peuvent être de différents ordres.

    Des problèmes techniques peuvent entraîner la rupture d'un ouvrage. Il peut s'agir d'un défaut de fonctionnement des vannes permettant l'évacuation des crues ou bien d'un vice de conception, de construction ou de matériaux. Le type de barrage, les matériaux utilisés, la nature des fondations ainsi que l'âge de l'ouvrage vont avoir une influence sur l'apparition de ces problèmes. Cependant, l'évolution des techniques de construction rend les barrages modernes beaucoup plus sûrs.

    Des causes naturelles peuvent également être à l'origine de rupture de barrage. Il en est ainsi des crues exceptionnelles, d'intensité supérieure à celle retenue pour le dimensionnement des ouvrages évacuateurs, appelée crue de projet. Le niveau de sécurité retenu est généralement compris entre la crue millénale et la crue décamillénale. Les barrages en remblai ne supportent pas la submersion et sont donc plus vulnérables aux débordements. La phase de chantier pour les barrages en construction est une période sensible aux risques de crue, car les ouvrages d'évacuation ne sont pas encore opérationnels.

    Les glissements de terrains, soit de l'ouvrage lui-même dans le cas de barrages en remblai, soit des terrains entourant la retenue sont également une cause de rupture. L'ouvrage peut être déstabilisé par un glissement (barrage de Malpasset, 1959) ou bien submergé par la vague engendrée par un glissement en amont de la retenue (barrage du Vajont, 1963).

    Enfin les séismes peuvent causer des dommages mineurs à ne pas négliger (déformations, tassements, fissures, etc.). En France, le risque sismique est systématiquement pris en compte lors de la conception des ouvrages, même s'il est peu élevé. Les ruptures de barrages dues aux séismes sont d'ailleurs très rares.

    Apparition de fissures sur un barrage en béton
    Apparition de fissures sur un barrage en béton à la suite d'un séisme
    (Austrian Dam, Californie, 1989)

    Des causes humaines peuvent enfin être à l'origine d'accidents : études préalables pas assez approfondies, contrôle d'exécution insuffisant, erreurs d'exploitation, défaut de surveillance et d'entretien ou encore actes de malveillance, sabotage, attentat, guerre (les barrages sont néanmoins protégés par la convention de Genève).

    Les types de rupture

    Le risque de rupture brusque et inopinée est considéré comme très faible, voire nul. La situation de rupture paraît plutôt liée à une évolution plus ou moins rapide d'une dégradation de l'ouvrage susceptible d'être détectée par la surveillance et l'auscultation.

    Les barrages en remblai peuvent être touchés par une rupture progressive, causée par un phénomène d'érosion externe ou interne.

    L'érosion externe est engendrée par des circulations d'eau, même peu importantes, sur la crête des barrages. Le mécanisme d'érosion s'amorce à partir du bord aval de la crête et progresse jusqu'à ce qu'une brèche soit ouverte. Le phénomène peut durer quelques minutes à quelques heures selon la taille des matériaux, leur cohésion, le revêtement de la crête, la hauteur de l'eau qui s'écoule au-dessus du barrage.

    L'érosion interne correspond à l'entraînement des matériaux au sein du corps de l'ouvrage ou de sa fondation. Elle est provoquée par des percolations excessives à travers l'ouvrage. Le conduit de fuite s'agrandit par érosion jusqu'à provoquer l'effondrement de la structure.

    Les barrages en maçonnerie ou en béton sont menacés par une rupture instantanée partielle ou totale, produite par renversement ou par glissement d'un ou plusieurs plots.

  • L'onde de submerssion
  • L'aléa « rupture de barrage » correspond à la formation d'une onde de submersion, à l'origine d'une élévation brutale du niveau de l'eau à l'aval.

    La carte du risque représente les zones menacées par l'onde de submersion qui résulterait de la rupture totale ou partielle de l'ouvrage. Obligatoire pour les grands barrages, cette carte est réalisée par l'exploitant à partir de simulations sur ordinateur. Elle détermine à l'avance, dès le projet de construction, quelles seront les caractéristiques de l'onde de submersion : hauteur de l'eau, vitesse, temps de progression de l'onde, amortissement, etc., en tous points de la vallée, en y faisant figurer les enjeux et les points sensibles, ainsi que tous les renseignements indispensables à l'établissement des plans de secours et d'alerte.

    L'avancement du front de l'onde de submerssion
    L'avancement du front de l'onde de submerssion

    Les enjeux (habitations, etc.) et l'avancement du front de l'onde de submersion (zone de proximité immédiate) figurent sur la carte du risque.
    La carte est accompagnée d'un tableau reprenant les hauteurs d'eau en différents points.

  • Les enjeux humains, matériels et environnementaux
  • L'onde de submersion, par sa force intrinsèque, occasionne d'énormes dommages en aval du barrage. Elle est suivie d'une inondation importante, mêlant eau et matériaux issus du barrage, et de l'érosion intense de la vallée.

    Un tel événement a des conséquences sur les populations allant de blessures plus ou moins graves à la mort par noyade ou ensevelissement. Les victimes peuvent également être isolées suite à l'inondation des voies de communication ou subir un relogement temporaire durant le temps que dure la crise et le retour à la normale.

    Les conséquences sur les biens vont également des simples dommages à la destruction totale des habitations, voies de communication et autres ouvrages. Dans le cas où d'autres barrages seraient présents en aval, l'onde de submersion peut provoquer à son tour leur rupture et accentuer ainsi les dommages.

    Les conséquences environnementales sont multiples : la faune et la flore sont détruites par le passage de l'eau ; le sol est emporté, ce qui rend l'exploitation agricole des terrains difficile. Diverses pollutions peuvent être occasionnées par la destruction d'usines et autres bâtiments industriels. Des accidents technologiques dus à l'implantation d'entreprises dans la vallée (déchets toxiques, explosions par réaction avec l'eau, etc.) peuvent avoir lieu suite au passage de l'onde.

     

    Quelques définitions

    La fréquence des crues

    Une crue de fréquence millénale est une crue dont la probabilité d'occurrence annuelle est égale à 1/1 000 soit 0,001 (une chance sur mille de se produire au cours d'une année donnée).

    Une crue de fréquence décamillénale est une crue dont la probabilité d'occurrence annuelle est égale à 1/10 000 soit 0,0001 (une chance sur dix mille de se produire au cours d'une année donnée).

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