HISTORIQUE

Du

6ème BATAILLON ALPIN DE CHASSEURS A PIED

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Merci à Marie Paule pour la recopie

 

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1914

 

 

 

                  Le 6ème bataillon de chasseurs, parti aux manœuvres alpines dans la première quinzaine de juin, eut connaissance de la tension politique dans les derniers jours de juillet.

                  Rappelé en toute hâte à Nice où il tenait garnison, il y arrive le dimanche 2 août, vers 2 heures du matin et procède immédiatement à sa mobilisation.

                  Dans l’après-midi, il occupe à l’extérieur de la ville les cantonnements prévus, en attendant une décision en ce qui concerne l’attitude de l’Italie.

                  Dès qu’il en reçoit l’ordre, le 6ème bataillon de chasseurs, à l’effectif de 27 officiers et 1 690 sous-officiers, caporaux et chasseurs, formant six compagnies et une section de mitrailleuses, sous les ordres du commandant Lançon, quitte Nice en chemin de fer et débarque à Vézelise (Meurthe et Moselle), le 10 août 1914.

 

 

 

LORRAINE

 

                  Le 13 août, à Saint-Nicolas-du-Port, il forme avec les 23ème, 24ème et 27ème bataillons un groupe sous les ordres du lieutenant-colonel Papillon-Bonnot, à la disposition du général commandant la 2ème armée.

                  Le 14, il se rend à Jarville-Nancy, où il débarque le 15 à destination de Marainviller, par Lunéville ; puis de là, il se dirige ver Hénaménil, à travers la forêt de Parroy, par Croismare et le Puits ; par ordre du général commandant le 15ème corps, les quatre bataillons de chasseurs sont arrêtés à Hénaménil ; le 6ème bivouaque sur la rive gauche du Sanon.

                  Le 16, le groupe de bataillons reçoit l’ordre de marcher sur Parroy et le bois du Haut-de-la-Croix, où sont établis de forts retranchements ennemis. Le 6ème est en tête, à l’extrême-droite du 15ème corps, il assure la liaison avec le 10ème.

                  Quittant Hénaménil à 3 heures, il arrive à Parroy à 5 heures, longe le canal de la Marne au Rhin et entre à Xures à 7 h 30. A 8 heures, il franchit la frontière à la cote 270, dépasse le bois du Haut-de-la-Croix que l’ennemi a évacué et, marchant vers l’est, se porte sur le village de La Garde, qu’il occupe et met en état de défense.

                  A 18 heures, prenant la direction nord, le 6ème et un bataillon du 141ème RI se portent sur Bourdonnais, où ils arrivent à 19 heures, après avoir mis en fuite quelques patrouilles de uhlans. Le lendemain, à 4 heures, ils continuent leur mouvement, arrivent à 8 heures à Gélucourt, où le 6ème reçoit l’ordre de se porter à l’attaque du village de Guéblange, qui parait occupé ; seuls quelques éléments de cavalerie essaient de retarder sa marche ; ils sont aisément dispersés. La 2ème compagnie entre dans Guéblange, l’organise défensivement, pendant que les 3ème et 5ème compagnies, dépassent cette localité et envoient des reconnaissances dans le bois de Marshac. Des fractions de la 2ème compagnie réussissent à pénétrer dans Dieuze.

                  Le 19, à 1 h 45 du matin, le bataillon quitte Guéblange, traverse Dieuze, reçoit les premiers coups de fusil à la sortie de la ville et prend sérieusement contact avec l’ennemi vers la cote 237. Il est 4 heures du matin, le jour commence à poindre et une brume épaisse couvre la région. Le bataillon déployé progresse en direction de Verguaville. La marche est pénible pour les hommes charges, qui avancent dans les champs d’avoine sur un sol détrempé.

                  Les compagnies de tête se trouvent bientôt soumises au feu de l’infanterie et des mitrailleuses ennemies dissimulées dans les récoltes et aux abords du village, qui est fortement ému.

                  Les Allemands, bien cachés, tirent à coup sûr, mais les pertes cependant sérieuses n’arrêtent pas les chasseurs, qui font preuve d’un absolu mépris du danger et d’une ardeur remarquable.

                  Malgré le poids énorme du sac et de l’équipement, ils courent, s’aplatissent, se relèvent, et repartent sans cesse; ils sont bientôt trempés jusqu’aux os et couverts de boue; mais peu importe, ils surmontent la fatigue, pour ne penser qu’au devoir.

                  Vers 6 heures, l’artillerie française apporte une aide efficace et, à 8 heures, dans une magnifique charge à la baïonnette, le bataillon s’empare du village de Verguaville.

                  Un moment après, il débouche dans la direction de Bensdorf.

                  A ce moment, l’artillerie ennemie qui s’était à peine révélée, ouvre un feu terrible à obus de gros calibre. Le bombardement porte sur la partie nord du village et les débouchés, c’est-à-dire sur toute la zone du bataillon.

                  Les batteries ennemies bien dissimulées, et ne souffrant aucunement de notre tir, causent dans les rangs des chasseurs des pertes sanglantes ; des fractions entières disparaissent dans les explosions de 210. Toutes les tentatives faites pour continuer la marche en avant sont arrêtées par les rafales de l’artillerie et des mitrailleuses dont le feu dure jusqu’au soir.

                  Sous ce feu d’enfer, d’autant plus impressionnant que les chasseurs se trouvent pour la première fois soumis à l’action de l’artillerie et sans le moindre abri, personne ne bronche ; le 6ème, fidèle à la consigne qui dit : « Plutôt se faire tuer sur place que reculer ! » s’accroche au terrain et n’en cède pas un pouce. Malgré les pertes extrêmement lourdes, les chasseurs ne bougent pas ; l’avance est impossible ; mais tout le terrain conquis est conservé.

                  Dans cette première affaire tout le 6ème, officiers et chasseurs montrèrent un esprit de devoir et de sacrifice au-dessus de tout éloge. Des sections, perdant leur chef, se ralliaient immédiatement aux gradés restant ; tout se passait avec ordre et méthode, comme à la manœuvre.

                  Lorsque vers la fin du jour, le feu de l’ennemi s’apaisa, le bataillon profita de cette accalmie pour faire un nouveau bond en avant et placer des avant-postes.

                  Le lendemain, appuyé par les 23ème et 27ème bataillons, il repart à l’attaque au nord de Verguaville. Mais les trois bataillons sont encore arrêtés par un ennemi très supérieur en nombre, bien retranché et muni d’une nombreuse artillerie.

                  Il reste sur place jusqu’au soir, malgré le bombardement, en attendant le moment où il pourra progresser.

                  A 19 heures, il est encore accroché au terrain, quand il reçoit l’ordre de se replier : « c’est la retraite de Morlange qui commence ! ».

                  Le 6ème qui, en liaison avec le 27ème, était en tête pour l’attaque, aura maintenant pour mission de couvrir et de protéger la division en retraite ; tâche ingrate et pénible que tous, gradés et chasseurs, accompliront de leur mieux.

                  Jusqu’à 22 heures, le bataillon résiste à toutes les attaques aux environs de la ferme Hertzoff et ne cède le terrain que lorsque tous les éléments qu’il a reçus ordre de protéger sont hors de portée.

                  Par Donnely, Montcourt, Parroy et Beuzemont, il se retire en combattant sans cesse et le 21 août, il se porte sur Einville, puis sur Lunéville, que le groupe des bataillons de chasseurs doit couvrir dans la direction du nord.

                  Le matin, le 6ème occupe la cote Friscati ; à 14 h 30, il reçoit l’ordre de se porter sur Blainville, mais ne s’y arrête pas ; à peine arrivé, il doit continuer jusqu’à Neuville-sur-Moselle, où il passe la nuit.

                  Le lendemain matin, il repart sur la cote nord d’Haussonville, où il se fortifie pendant la journée du 24, en construisant des tranchées.

                  Le bataillon combattant et marchant jour et nuit, montra la mesure de sa discipline et de son moral ; exténués, à bout de forces, sans ravitaillement et manquant de sommeil, les hommes restaient groupés autour de leurs chefs et n’attendaient que le signal pour repartir vers l’est. Cette occasion leur est bientôt donnée.

                  L’offensive sur la Mortagne est décidée !...

                  Le 25 août, le 6ème B.C.A. marchant ave la 29ème division occupe Landecourt ; le 26, les quatre bataillons marchent sur Lamath qu’ils enlèvent ; le 6ème, avant-garde de la division, sortant des bois de Clairlieu, franchit rapidement le terrain découvert et s’empare du village du même nom. Continuant le combat contre l’infanterie ennemie, il progresse vers la Mortagne. Tous rivalisent de courage et d’entrain ; à la 3ème compagnie, le chasseur Garnier, atteint mortellement au cours de l’attaque, meurt en criant : « Vive la France ! » pendant qu’on le transportait.

                  L’élan du bataillon est un instant arrêté par l’obstacle que représente la rivière, sur laquelle n’existe qu’un seul point de passage, un pont de bois détruit par les Français au cours de la retraite et rétabli par les Allemands. Les chasseurs arrivèrent si rapidement que l’ennemi n’eut pas le temps de le faire sauter, mais il le tenait sous le feu de ses mitrailleuses et le rendait infranchissable. L’aide de l’artillerie fut demandée et, après un court bombardement, dont le résultat fut une diminution d’intensité du feu de l’ennemi, le commandant Lançon donne l’ordre d’attaquer à 16 heures.

                  Mettant baïonnette au canon, les chasseurs s’élancent vers le pont qu’ils franchissent et pénètrent dans le village ; la 2ème compagnie entre la première, suivie des 5ème et 6ème ; un combat de rues s’engage pendant que d’autres éléments contournent la localité. Les Allemands sont surpris de la rapidité de l’attaque, cependant les Bavarois se défendent avec énergie, mais ils sont obligés de céder, laissant entre nos mains 8 officiers, 322 soldats valides et 7 mitrailleuses ; le bataillon capture également une formation sanitaire complète du 21ème corps, avec plus de 600 blessés, ce qui porte le chiffre total des prisonniers à près de 1 000, plus un nombreux matériel, comprenant chevaux, munitions d’infanterie et d’artillerie.

                  Dans la journée du 27, le 6ème continue à progresser au nord de Xermaménil, sur la route de Lunéville.

                  Le 29 août, l’ennemi tenant encore Fraimbois, le groupe de bataillons se porte en direction du Laxat, à travers le bois de Bareth, et de Saint-Mansuy ; cette avance au débouché du bois est rendue difficile par la résistance des Allemands, fortement retranchés dans la région cote 278 – bois Le Fréhaut – ferme Le Fréhaut, d’où il dirige sur nos éléments une vive fusillade.

                  Le 1er septembre, le bataillon reçoit du général de division l’ordre de prendre pied sur la cote 278.

                  Dès que l’artillerie a cessé son feu, le 6ème se porte à l’attaque et, à 11 heures, s’empare de l’objectif assigné, malgré une fusillade nourrie ; il l’organise et reste sur la position pendant toute la journée ; le 2, il est relevé pour être envoyé à Lamath.

 

 

BATAILLE DE LA MARNE

 

                  Le 4 septembre, le 6ème B.C.A. (avec le 15ème corps) est appelé à marches forcées à la bataille de la Marne ; il est placé à l’extrême gauche de la 3ème armée, dont il fait partie.

                  Le 6 septembre, il se porte à l’ouest de Bar-le-Duc, pour protéger la ville. A Véel, il opère sa jonction avec le 24ème B.C.A.; de là, il marche sur la ferme des Goulots, et rencontre l’ennemi à Couvances, au sud de Vasincourt.

                  Le 7, vers 9 heures du matin, l’ennemi attaque sur tout le front de la 29ème division ; le 6ème venait d’être relevé de la ligne de feu. Après avoir touché son ravitaillement dont il était privé depuis deux jours, il commençait à préparer la soupe lorsqu’il reçut l’ordre de repartir en avant comme réserve du 3ème R.I. Après une marche de nuit très pénible, il arrive au petit jour sur la ligne de combat, au moment où le 3ème, attaqué de nouveau, se repliait. Quatre compagnies du 6ème prennent la place du 3ème et réussissent à enrayer l’avance ennemie. Une contre-attaque à la baïonnette brillamment exécutée par les deux autres compagnies, ramène le front à la lisière du bois que le 3ème avait été obligé de lâcher quelques heures auparavant.

                  Le 8, l’ennemi tient toujours Vassincourt, qui est attaqué à droite par le 5ème corps, au centre par le 3ème R.I, à l’ouest par le 6ème B.C.A. Les 1ère et 6ème compagnies gagnent la cote 187, la 4ème débouchant du bois de Soulames franchit la Meuse et marche sur l’éperon boisé situé à 1 kilomètre au sud de Vassincourt, s’avançant par la lisière du bois ; les 2ème et 3ème compagnies marchent en soutien.

                  A 7 h 45, quatre compagnies et la section de mitrailleuses occupent la croupe boisée orientée nord-est sud-ouest, entre la Meuse et Vassincourt ; elles se fortifient sur cette position. A 10 h 45, au moment où le 6ème reçoit l’ordre de se porter à l’écluse au nord de Vassincourt, le 24ème B.C.A. violemment attaque se replie, découvrant le flanc gauche de la ligne de résistance du 6ème, dont les tranchées sont attaquées à revers par les Allemands.

                  Le bataillon contre-attaque aussitôt avec ses deux compagnies de soutien, pendant que le reste se replie lentement et en bon ordre sur Véel ; puis, de là il repart en direction de Vassincourt, avec mission de tenir jusqu’au sacrifice, et passe la nuit sur la position.

                  Le 9, une compagnie est prêtée comme soutien d’artillerie à une batterie du 19ème régiment, laquelle, sur la demande expresse du chef de bataillon, est amenée en première ligne, d’où elle bombarde les tranchées ennemies de Vassincourt qu’elle prend d’enfilade. Un peu plus tard, d’autres tranchées très fortement garnies sont découvertes au sud-ouest du village et soumises, par le lieutenant Creutzer, à un feu extrêmement meurtrier de la section de mitrailleuses. Cet officier n’hésite pas à se porter aux points les plus dangereux pour vérifier les effets du tir de ses mitrailleuses, il installe même une pièce dans un arbre, d’où il tire à coups sûr dans les tranchées ennemies.

                  L’ennemi est obligé d’évacuer la position, laissant des quantités de cadavres qui témoignent de ses pertes.

                  Vers 15 heures, les Allemands tentent une contre-attaque dont les éléments, reçus à coups de canon et de mitrailleuses, sont complètement anéantis.

                  Pendant toute la nuit et la journée du 10, le bataillon maintient intégralement ses positions en dépit des nombreux retours offensifs de l’ennemi qui chaque fois, est repoussé avec des pertes sanglantes. Dans la soirée, la situation de l’ennemi, pressé de toutes parts, devient critique ; menacé d’enveloppement, il commence un mouvement de retraite, talonné par nos troupes qui ne lui laissent aucun répit.

                  Le 6ème se lance à la poursuite ; malheureusement, à 11 heures, il est arrêté par le tir d’une batterie de 75 qui, à la suite d’une méprise, dirige son feu sur les compagnies. A 13 heures, le 6ème bataillon entre dans Vassincourt.

                  Le village et les abords présentent un spectacle d’inoubliable horreur. Le tir de la batterie demandé par le commandant Lançon et celui des mitrailleuses du lieutenant Creutzer on produit des effets terribles ; les tranchées allemandes sont littéralement comblées de cadavres.

                  A 20 heures, le bataillon dépasse le village au nord et à l’est ; des patrouilleurs hardis poussent des reconnaissances jusque sur les hauteurs de la cote 185, que la 4ème compagnie réussit à occuper le lendemain. Dans l’après-midi, le bataillon parvient sur la rive nord de canal de la Marne au Rhin.

                  La magnifique attitude du 6ème bataillon au cours de ces combats lui vaut une première citation à l’Ordre de la division.

 

                  Sont cités à l’Ordre de la 29ème division :

 

                  Le 6ème BATAILLON DE CHASSEURS A PIED, le commandant Lançon, les Officiers, Sous-Officiers et Chasseurs du Bataillon :

 

                  « Pour la ténacité et le dévouement dont ils ont fait preuve aux combats de Vassincourt, se conformant ainsi à l’ordre du général commandant en chef : « Tenir jusqu’au sacrifice complet ».

                                                                                 « Le général commandant la 29ème division,

                                                                                                   « Signé : CARBILLET »

 

 

 

 

                  Le 13 septembre, l’ennemi battu par la 3ème armée, battu également par la 6ème se replie, poursuivi, sur Revigny par la 30ème division (15ème corps) et le 11ème corps, pendant que la 29ème division, dont fait partie le groupe de bataillons de chasseurs, organise la crête au sud du canal.

                  Le 6ème, retiré de la ligne pour se reformer revient à Vassincourt, où il se ravitaille au moyen de vivres que les Allemands n’ont pas eu le temps d’emporter, puis repart à la poursuite de l’ennemi ; le 14 septembre il est à Rembercourt, le 15 à Rampon, et le 16 à 19 heures, il reçoit l’ordre de se porter sur Cumières, et pousse jusqu’à Forges ; là, il se heure à une forte organisation défensive des hauteurs de Montfaucon – Cuisy – bois de Forges et reste pendant six jours soumis à un violent bombardement de pièces de gros calibres.

 

 

ARGONNE

 

                  Le bataillon est ensuite porté plus à l’ouest de Verdun, dans la forêt de Hesse et le bois de Cheppy, pour coopérer à la défense de la région de Vauquois et arrêter l’offensive allemande de deux corps d’armée qui, par la vallée de l’Aire, se portaient sur la voie ferrée de Paris à Verdun.

                  Après avoir combattu dans les bois de Cheppy, de Malancourt et à Vauquois même, il organise les lisières nord de la forêt de Hesse, et arrête l’ennemi à 800 mètres au sud de Vauquois.

                  Il reste sur cette position du 24 septembre au 27 octobre, l’organise et la rend à ce point inexpugnable que, quelques jours après son départ, une grosse attaque allemande vient y échouer et y subir des pertes importantes.

                  Le bataillon reçoit à cette occasion des félicitations pour le travail de défense très complet qu’il avait organisé sur ce point.

                  Le 29 octobre, le bataillon est appelé au nord de Verdun pour coopérer à une attaque ayant pour but de tourner par l’est la position de Montfaucon. A 7 heures, le 6ème bataillon arrivant à Esnes, se porte sur les pentes du Mort-Homme où, avec le 24ème bataillon, il forme un groupe qui a pour mission :

                  1 – Attaquer le bois de Forges ;

                  2 – Progresser sur Gercourt et le bois Sachet pour couvrir la droite de la 29ème division, qui attaque dans la direction de Septsarges ;

                  3 – S’établir solidement sur la position de Gercourt.

 

                  A 9 h 05, le bataillon se porte en avant; à 10 heures, l’artillerie allemande fait un barrage aux compagnies descendant les pentes nord du Mort-Homme et ralentit sérieusement la progression. Les chasseurs sont obligés de se défiler en colonne par un pour continuer à avancer. Après avoir parcouru les 2 kilomètres qui séparent le Mort-Homme du ruisseau de Forges, et traversé ce cours d’eau, les 1er et 22ème compagnies arrivent au moulin de Raffecourt, où elles s’établissent malgré les feux d’infanterie.

                  A 13 h 40, toutes les compagnies ont pu être rassemblées au ruisseau et dans les boqueteaux au sud du cours d’eau.

                  Le 6ème bataillon est en liaison à gauche avec le 40ème R.I et à droite avec le 24ème B.C.A.

                  A 16 h 15, le bataillon reprend sa marche en avant, les compagnies débouchant du talus de la route de Béthincourt – Forges progressent par petits groupes sur la croupe sud-ouest du bois de Forges, jusqu’au moment où, la première ligne de tirailleurs étant complètement formée, les clairons sonnent la charge ; à cet instant le bataillon entier s’élance superbement à l’assaut des lignes allemandes, mais de nombreuses mitrailleuses, servies par des ennemis bien abrités dans des tranchées profondes, derrière des réseaux de fil de fer intacts, ouvrent un feu meurtrier et ralentissent la progression. Cependant les chasseurs avancent toujours. Les bonds sont faits par petits groupes, puis homme par homme jusqu’aux fils de fer que commencent à cisailler les premiers arrivés.

                  A 16 h 46, le tir des mitrailleuses ne s’est pas ralenti, et le bombardement devient terrifiant. L’artillerie lourde ennemie, prenant nos troupes de flanc, fait un barrage de 305 ; le bataillon tient sous cette pluie de fer pendant un quart d’heure, mais vu l’impossibilité d’aborder la tranchée ennemie et l’inutilité d’augmenter les pertes déjà lourdes en restant sous ce bombardement, l’ordre de repli est donné, le bataillon revient s’établir au pied du Mort-Homme, sur le ruisseau de Forges, dont il tient la rive nord.

                  Le bataillon reçoit pour sa belle conduite au cours de ce combat, sa deuxième citation à l’Ordre de la division.

 

                  Ordre n° 10 de la 29ème Division

 

                  « Le général commandant la 29ème division cite à l’Ordre de la division les 6ème et 24ème bataillons de chasseurs et plus particulièrement les officiers, sous-officiers et chasseurs dont les noms suivent, pour le courage et le dévouement dont ils ont fait preuve au cours du combat du 29 octobre 1914…….

                                                                                 « Le général commandant la 29ème division,

                                                                                                   « Signé : CARBILLET »

 

                  Relevé le 31 octobre, le 6ème bataillon est mis au repos pendant quelques jours ; mais la bataille de l’Yser est engagée, et bientôt il est appelé à donner son concours pour barrer aux Allemands la route de Calais.

 

 

YSER

 

                  Le 12 novembre, le 6ème est embarqué en chemin de fer à Mussey et dirigé sur la Belgique. Le 13, il débarque à Stenneverke et le 14, il monte en lignes au bois du Confluent (1 kilomètre au dus de Voormezeele).

                  Le 15 novembre, à 16 heures, une forte attaque allemande, partie du bois Quarante, oblige les unités voisines du bataillon à évacuer leurs tranchées ; les 1ère et 2ème compagnies du 6ème contre-attaquent immédiatement et arrêtent net la progression de l’ennemi.

                  Le bataillon, dans des conditions très dures, sans le moindre abri, sous le bombardement et la pluie, dans des tranchées impossibles à préserver de l’inondation, renforce cependant la défense par la création de nouvelles lignes bien organisées et couvertes de solides réseaux de fils de fer.

                  Les pieds constamment dans l’eau, les chasseurs ont beaucoup à souffrir des rigueurs de la température ; les évacuations pour pieds gelés sont nombreuses, cependant le moral reste toujours excellent.

                  Le 18, des éléments du 6ème exécutent une opération de détail sur le bois Quarante (1500 mètres au sud de Voormezeele).

                  Dans la soirée, l’ennemi tente une attaque; cloué sur place par la fusillade, il ne réussit même pas à aborder notre ligne.

                  Le 28 novembre, en exécution des ordres du général commandant le 16ème corps d’armée, une forte reconnaissance est lancée sur la corne nord du bois Quarante ; une heure après, elle rentre, n’ayant pu progresser au-delà de la tranchée allemande, à cause des réseaux intacts et d’un violent feu d’infanterie.

                  Le lendemain, une section est de nouveau envoyée pour compléter les renseignements de la veille, elle arrive à 40 mètres de la tranchée allemande, et parvient à s’y maintenir.

                  Le caporal Rambert, de la 21ème compagnie, doué d’un courage exceptionnel, parvient jusqu’aux fils de fer qui forment un réseau de 10 mètres d’épaisseur ; à plat ventre dans la boue, il commence à les cisailler, mais au bout de quelques instants, trouvant que le travail n’avance pas assez vite, il décide de les enlever en arrachant les piquets de soutien. Il parvient ainsi jusqu’à la tranchée et reconnaît l’organisation de la position ; au moment où il essaie de revenir en arrière, il est soumis au feu d’une mitrailleuse, reçoit quatorze balles et parvient néanmoins à rejoindre la ligne française pour rendre compte de sa mission.

                  Le lendemain, il est décoré de la Médaille militaire par le général Grossetti, commandant le 16ème CA.

                  Le 30 novembre, suivant l’ordre reçu, le 6ème bataillon attaquera à 6 h 15 la corne nord du bois Quarante, les compagnies de tête sont les 6ème et 21ème.

                  La préparation d’artillerie a été pour ainsi dire inexistante.

                  Pour pratiquer des passages dans les réseaux, des chasseurs et des sapeurs du génie munis de cisailles et de pétards de mélinite, partent courageusement en avant, roulant devant eux des matelas destinés à les protéger des balles ; protection dérisoire, au bout de quelques instants ils sont tués dans les fils de fer qui ne seront pas détruits.

                  Malgré ces préparatifs défectueux, le moral est excellent et, quand à 6 h 25 l’ordre est donné d’attaquer, les 6ème et 21ème compagnies partent dans un élan admirable.

                  Elles ont à peine débouché qu’elles sont soumises à des feux de front et de flanc ; la 21ème  est particulièrement éprouvée par le tir des mitrailleuses installées dans le saillant qui se trouve au milieu de la lisière nord du bois Quarante, leur nombre augmente à chaque instant, elles forment un barrage de feu que les compagnies ne peuvent franchir sans de fortes pertes.

                  La 6ème, tout en avançant, parvient à se défiler dans un pli de terrain, malheureusement, il n’en est pas de même pour la 21ème compagnie qui, emportée par son élan, se trouve en avant et plus exposée. Dans l’espace d’une minute, elle perd trois de ses chefs de section, dont le sous-lieutenant Cotti, et 85 chasseurs. L’adjudant Imbert, avec sa section, continue cependant à avancer et parvient à 10 mètres des fils de fer qu’il ne peut franchir faute de brèche. Il s’y maintiendra jusqu’à 18 heures, et ne se repliera que sur ordre, en ramenant tous ses blessés.

                  La 6ème compagnie n’a pas réussi non plus à aborder la tranchée allemande, elle s’est heurtée elle aussi aux réseaux infranchissables. A 10 h 45, ordre est donné aux deux compagnies de ne laisser qu’une section sur les positons avancées et de venir se reformer à la corne sud du bois du Confluent. Le mouvement de replis s’exécute en bon ordre.

                  Dès leur arrivée dan le bois, les chasseurs de la 21ème compagnie, faisant preuve d’un esprit de corps et de solidarité admirables, posent leurs sacs et conservant leurs fusils, repartent malgré les balles pour ramasser leurs camarades blessés.

                  Ils en rapportent 34 avant midi. D’autres furent rapportés à 18 heures par l’adjudant Imbert. A 19 heures, le lieutenant Bertrand, de la 2ème compagnie, avec 9 volontaires, parcourt en rampant le terrain du combat pour s’assurer qu’il ne reste plus de blessés parmi les morts ; il réussit à en ramener 8 et rend compte que trois seulement n’ont pu être relevés en raison de l’intensité du feu.

                  Pour les deux compagnies, les pertes s’élèvent à 1 officier, 105 sous-officiers, caporaux et chasseurs tués ou blessés, dont 85 pour la 21ème compagnie.

                  L’adjudant Imbert reçoit la médaille militaire sur le champ de bataille.

                  Le 6ème bataillon restera en ligne jusqu’au 7 décembre, dans des tranchées où le niveau de l’eau monte sans cesse, malgré les efforts continuellement déployés pour lutter contre l’inondation.

                  Les pluies incessantes, le bombardement dans ce terrain peu solide, ont vite fait de causer des dégâts irréparables, les tranchées fondent littéralement et, c’est dans l’eau et la boue jusqu’à la ceinture que les chasseurs sont obligés de travailler et de monter la faction.

                  Malgré tant de souffrances endurées pendant trois semaines, le moral ne faiblit pas une minute, et quand le bataillon fut relevé, seul l’état physique des chasseurs épuisés accusait les fatigues de ces dures journées ;

                  Pour son héroïque conduite au cours du combat du 30 novembre, la 21ème compagnie est citée à l’Ordre du bataillon :

 

                  Ordre du 6ème bataillon de Chasseurs Alpins

 

                  Est citée à l’Ordre du bataillon :

 

                  La 21ème Compagnie du 6ème Bataillon de Chasseurs, commandée par le lieutenant BARTHELEMY :

 

                  « La 21ème compagnie, au combat du 30 novembre, ayant perdu en quelques instants 86 tués ou blessés, a néanmoins progressé et s’est maintenue sur les positions acquises, quoique ayant perdu trois chefs de section sur quatre ; les chasseurs de cette compagnie, à peine relevés des tranchées, ont tenu à aller eux-mêmes ramasser tous leurs blessés, au prix de nouvelles pertes.

                  « Aux armées, le 1er décembre 1914.

                                                                                 « Le chef de bataillon,

                                                                                                   « Signé : Lançon »

 

                  En quittant le 16ème corps d’armée, les bataillons de chasseurs reçoivent les adieux du général qui, dans un Ordre, rend hommage à leur vaillance.

 

                  Ordre général du 16ème Corps d’Armée

 

                  « Au moment où les bataillons de chasseurs momentanément affectés au 16ème CA vont quitter le d’armée, le général commandant leur adresse ses félicitations pour l’entrain, l’endurance et la vaillance dont ils ont fait preuve au cours des opérations qui se sont déroulées au sud d’Ypres, du 12 novembre au 5 décembre.

                  « Ils leur souhaite bonne chance sur les champs de bataille nouveaux où leur vaillance trouvera encore à se donner carrière pour la gloire de la France.

                                                                                 « Le général commandant le 16ème CA

                                                                                                   « Signé : GROSSETTI »

 

 

ARTOIS

 

                  Depuis que la guerre de tranchées est en cours, seules des affaires locales ont été tentées ; la première offensive de quelques importance destinée à percer le front va avoir lieu en Artois, menée par deux corps d’armée.

                  Le 6ème bataillon, qui jusqu’à ce jour a été de toutes les opérations difficiles, aura encore une place de choix au premier rang.

                  Le 7 décembre, le bataillon commence les étapes qui, de Dickebuch (Belgique) l’amèneront le 14 à Béthonsart (Pas-de-Calais). Là il prend quelques jours de repos et, le 27 décembre, à 7 heures, le 6ème, à l’effectif de sept compagnies de 150 chasseurs et une section de mitrailleuses, vient se placer à Mont-Saint-Eloi et dans les tranchées au sud de Berthonval.

                  A 13 heures, l’artillerie française bombarde les lignes allemandes. Il fait un temps affreux, la pluie tombe sans discontinuer depuis plusieurs jours et le piétinement des nombreuses allées et venues qui précèdent l’attaque a transformé l’eau dont sont remplies les tranchées en une boue épaisse dans laquelle on enfonce au-dessus du genou.

                  Les 1ère et 2ème compagnies vont occuper les premières lignes ; en plus des difficultés qu’elles ont à se mouvoir dans ce bourbier, elles sont gênées dans leur mise en place par la présence, à leur point de départ d’assaut, d’une compagnie d’un corps voisin amenée là par erreur. A 13 h 50, les compagnies de tête s’élancent à l’assaut des tranchées allemandes du bois de Berthonval.

                  Parties superbement, elles sont, au bout de quelques instants, prises de front par des feux d’infanterie, et de flanc par des mitrailleuses. Elle progressent néanmoins jusqu’à un chemin creux situé à 250 mètres de la parallèle de départ ; mais là, elles sont obligées de s’arrêter, les mitrailleuses d’un ouvrage situé en pointe et à droite de la ligne allemande, et qui n’a pu être enlevé par les bataillons de gauche, prennent de flanc et couvrent d’une nappe de balles les cent mètres de glacis qui séparent le chemin creux de la tranchée ennemie.

                  Les pertes des compagnies atteignent en ce moment 60 % de leur effectif et, rien que la 2ème, 2 officiers et 9 sous-officiers sont hors de combat ; cette unité est donc d’un seul coup privée de ses cadres.

                  Les compagnies se retranchent dans le chemin creux, un poste est poussé dans un boyau allemand jusqu’à la première ligne, refoulant l’ennemi dans sa tranchée de soutien.

                  A 16 heures, les 3ème et 4ème compagnies et la section de mitrailleuses viennent renforcer les 1ère et 2ème compagnies sur la position.

                  Le long du chemin creux, des tranchées sont construites et renforcées à l’aide de réseaux Brun. A 17 heures, les travaux poussés activement permettent de relier par boyau la nouvelle position aux tranchées de départ.

                  Les chasseurs, dans l’eau et la boue jusqu’à la ceinture, sous un bombardement continuel, travaillent avec une ardeur digne d’admiration.

                  Pendant toute la journée du 28, les travaux continuent sous la pluie et le marmitage, le bataillon est relevé le 29 ; les chasseurs, couverts de boue, épuisés, mais fiers sont envoyés au repos à Hermin pendant une dizaine de jours.

                  La 2ème compagnie, après ces glorieux combats, reçoit la citation suivante à l’Ordre de l’armée :

 

                  Ordre de la Xème Armée – N° 47

 

                  Le général commandant la Xème armée, cite à l’ordre de l’armée :

 

                  La 2ème compagnie du 6ème Bataillon de Chasseurs à Pied :

 

                  « A l’assaut des tranchées allemandes, le 27 décembre 1914, cette compagnie a perdu, sur les trois sections engagées en première ligne, ses deux officiers, 9 sous-officiers et 70 hommes ; s’est néanmoins solidement établie sur la position conquise, à 200 mètres en avant de son point de départ. Tous les officiers, sous-officiers et chasseurs de cette compagnie ont fait preuve du plus bel entrain et de la résolution la plus énergique.

                                                                                 « Le général commandant la Xème armée,

                                                                                                   « Signé : DE MAUD’HUY »

 

                  Le capitaine MICHEL, tué à la tête de sa compagnie, est cité à l’Ordre de l’armée, dans les termes suivants :

 

                  « A fait preuve, depuis le début de la guerre, du plus beau courage. A été tué le 27 décembre, en conduisant sa compagnie à l’assaut »

 

                  Le lieutenant MARC est également cité à l’Ordre de l’armée ; cet officier était un modèle de courage et d’abnégation, un véritable entraîneur d’hommes ; pendant l’attaque du bois de Berthonval, au moment où ses chasseurs allaient sortir de la tranchée, il monte seul sur le parapet pour mieux diriger le débouché de sa compagnie ; c’est alors qu’il est atteint d’une balle au ventre qui le met hors de combat. Au moment où il est blessé, ses chasseurs qui ont en lui une confiance sans bornes, manifestent leur attachement à leur chef en disant : « Qu’allons-nous devenir, le lieutenant MARC est blessé ».

 

 

 

1915

 

 

                  Le 1er janvier, le chef de bataillon fait paraître l’Ordre suivant :

 

                  « Au seuil de l’année nouvelle, le commandant salue, au nom de tous, la mémoire des braves camarades morts pour la patrie dans l’année qui finit. Ils sont nombreux, car dans cette guerre, la plus grande qu’ait vue l’humanité, sur tous les points où la bataille fut la plus rude, en Lorraine, aux glorieuses journées de la Marne, devant Verdun, la grande forteresse française, en Belgique, dans les luttes sur l’Yser, devant Arras, le 6ème bataillon de chasseurs à pied a payé à la patrie un large tribut.

                  « Aujourd’hui, face à l’ennemi, officiers, sous-officiers, caporaux et chasseurs, affermissons nos âmes pour de nouveaux combats, jusqu’à la victoire définitive, peut-être éloignée, mais certaine. Sachons que rien ne se crée de grand et de durable que par la volonté et que la gloire ne s’acquiert qu’au prix du sacrifice.

                  « Sur notre cher drapeau, que la Légion d’honneur et la Médaille militaire attachées à sa hampe sacrent le plus glorieux des armées françaises, faisons tous le serment de laisser plus grande et plus belle encore à nos enfants la chère patrie que nous ont léguée nos ancêtres.

                  « Fait à Hermin, le 1er janvier 1915.

                                                                                 « Le chef de bataillon commandant le 6ème BCA

                                                                                                   « Signé : LANÇON »

 

                  Le 12 janvier, le 6ème bataillon est retiré de l’Artois pour être envoyé en Alsace, où il prendra une part glorieuse aux combats qui seront livrés dans les Vosges.

                  Il embarque à la gare de Saint-Pol et arrive le 14 janvier ; il fait alors partie de la 4ème brigade de chasseurs à pied, commandée par le colonel Roux (47ème division), détachement de l’armée des Vosges.

 

 

ALSACE

 

                  Débarqué au Thillot, dans la vallée de la Moselle, le 6ème bataillon fait des reconnaissances à l’est de ce village, dans la région comprise entre Ramonchamp, le col de Morbieux, le col du Ménil, la Tête des Corbeaux et Fresse-sur-Moselle.

                  Les quelques jours passés dans la région du Thillot sont employés au réentraînement des chasseurs et à la réorganisation du bataillon.

                  Le 25 janvier, le bataillon quitte le Thillot, passe par Bussang, franchit l’ancienne frontière à 16 heures, au col de Bussang et va cantonner à Felleringen, dans la vallée de la Thur. Le 26, il vient à Saint-Amarin, où il reste jusqu’au 11 février, exécutant des travaux de défense dans la région.

 

                  Pendant le séjour du bataillon à Saint-Amarin, le commandant LANÇON est promu Officier de la Légion d’honneur avec la citation suivante :

 

                  « Chef de corps remarquable par son sang-froid et son calme sous le feu. A différents combats, a conduit son bataillon sous le feu violent de l’artillerie et de l’infanterie, avec une précision et une énergie dignes des plus grands éloges. »

 

                  Pendant la même période, sont nommés Chevaliers dans l’Ordre de la Légion d’honneur :

 

                  Lieutenant PLEUCHOT, du 6ème B.C.A :

 

                  « A été atteint de onze blessures ; a fait preuve du plus grand courage et d’un stoïcisme parfait, entraînant d’abord sa section sous le feu, puis la maintenant en place, sous le bombardement intense de l’artillerie, pendant douze heures. »

 

 

                  Lieutenant BERTRAND :

 

                  « Belle conduit au feu, à différents combats où il a entraîné sa section et a bousculé l’ennemi qui lui était opposé. Blessé dans une affaire, s’est contenté d’un pansement sommaire et, dès le lendemain, est retourné au combat »

 

                  Le chasseur CABALL (Jean), reçoit la Médaille militaire pour le motif suivant :

 

                  « Ayant reçu à l’assaut une balle qui lui a fracassé le poignet gauche, a néanmoins continué à combattre et a tiré en appuyant son fusil jusqu’à ce qu’il ait reçu une deuxième balle qui lui a traversé la poitrine. »

 

 

                  Le 12 février, le bataillon quitte Saint-Amarin pour venir occuper à Altenbach les positions de soutien.

                  Le 15 février, le 6ème, par une marche de nuit, se porte sur Colbach et le Sudelkopf, où il relève le 24ème bataillon de chasseurs (la position du Sudelkopf comprend, de l’ouest à l’est, les pitons appelés Sudel n° 1, n° 2, n° 3)

                  Le 16 février, les 1ère et 6ème compagnies occupent les pentes sud du Sudel n° 2, les 3ème et 4ème  compagnies tiennent les positions de soutien.

                  Le 17 février, l bataillon reçoit l’ordre d’attaquer le Sudel n° 3, dénommé le Doigt, position dominante et boisée, en même temps que fortement organisée, dont les pentes couvertes de neige sont garnies de nombreux fils de fer.

                  Notre position de départ est sur le Sudel n° 2, nouvellement conquis par le 24ème B.C.A. ; entre les deux crêtes se trouve un col, prolongé vers le nord par le ravin de Diefenbach. A 13 h 30, les 4ème et 3ème compagnies, commandées par les lieutenants Banzet et Macaire, quittent la ligne de soutien, dépassent la première ligne, traversent le col, franchissent un réseau intact et montent à l’assaut du piton.

                  Les chasseurs gravissent la pente très raide, jonchée d’abatis et de fils de fer et font irruption dans la tranchée allemande, dont les occupants, malgré leur défense acharnée, sont pour la plupart tués à coups de baïonnette.

                  Le temps d’explorer les abris et ils repartent en avant, descendent la pente est du Doigt, en direction de Rimbach ; quelques-uns même poussent jusqu’aux premières maisons.

                  La soudaineté de l’attaque a surpris les unités ennemies de soutien, qui n’ont pu intervenir, et nous empêcher de progresser au-delà de la crête ; elles ont cependant exécuté une contre-attaque en revenant par le boyau, de manière à prendre à revers la 3ème compagnie, qui avançait face à l’est. Mais cette compagnie ne se laissa pas surprendre ; tout d abord elle contint l’ennemi et finalement parvint à le chasser des positions qu’il tentait de réoccuper. Elle s’établit ensuite au changement de pente qui se trouve à l’est de la ferme Sudel.

                  De son côté, la 4ème compagnie, en arrivant au piton, fait un à-droite complet, bouscule l’ennemi qui remontait et se porte face au sud, à environ 600 mètres ; elle revient finalement à s’établir à 300 mètres au sud du piton, face au sud-est, en liaison à droite avec la 18ème compagnie du

334ème R.I., qui n’a pas réussi à progresser.

                  La 2ème compagnie reste en réserve sur les positions de départ. La 6ème, en liaison avec la 3ème aux abords de la ferme Sudel, occupe l’éperon 937,2. La 5ème, en liaison avec la 6ème d’une part et le 215ème R.I. d’autre part, barre le col de Furstacker face au nord (à l’ouest e au nord du Sudel n° 1). Les sections de mitrailleuses se trouvent : l’une au sommet du Doigt, face au sud-est, et l’autre à Hutter, barrant le col du Furstacker.

                  A 14 h 30, la position est totalement conquise. Dans ce combat, le sous-lieutenant Banzet, qui vient de prendre inopinément le commandement de la 3ème compagnie et se bat pour la première fois, se distingue par son allant et sa sûreté de coup d’œil. Une partie de la position ennemie qui était assignée à la compagnie comme objectif, opposait à une de ses sections une résistance sérieuse. Quittant alors les éléments d’une unité voisine dont la progression paraissait assurée, il s’élance à la tête de la section arrêtée, entraînant tout le monde par son exemple, essuie plusieurs coups de feu tirés à bout portant, tue l’officier allemand qui dirigeait la résistance et s’empare de la position, dont il fait les défenseurs prisonniers. Au moment où il arrive sur un groupe d’ennemis qui levait les bras pour se rendre, l’un deux lui tira un coup de revolver, qui atteint un chasseur à ses côtés. Le sous-lieutenant Banzet, punit ce lâche comme il le mérite, et lui brûle la cervelle en disant : « Tu me paieras mon chasseur !... »

                  Le sergent-major Girod, de la 4ème compagnie, emporté par son élan, dépasse son objectif, descend avec sa section jusqu’aux premières maisons de Rimbach, à 2 kilomètres au nord-est du Piton. Contre-attaqué par des forces très supérieures, il est obligé, pour ne pas être cerné, de revenir sur ses pas. Il le fait avec ordre et méthode, en tenant l’ennemi à distance et en lui infligeant des pertes sérieuses.

                  Aussitôt la position conquise, les travaux d’organisation commencent et sont poussés activement.

                  Le Sudel n° 3, si l’on en juge par la force des ouvrages, l’accumulation des matériaux, le nombre et l’organisation des abris, semble avoir constitué pour les Allemands le réduit de la défense de la région du Sudel.

                  Pendant l’organisation de la position, dans la soirée qui suivit l’attaque, des patrouilles hardies sont exécutées, l’une d’elles, sous la direction du sergent Cathala, s’infiltre dans Rimbach ; elle rapporte des renseignements de première importance. Une autre, commandée par le sergent Fillaul, part avec quatre volontaires, à travers bois, reconnaître les fermes de Glasfutte et Graben, à 1 800  mètres au nord du col du Furstacker.

                  Pendant les journées qui suivent, l’ennemi ne tente aucune action d’infanterie, mais son artillerie lourde et de campagne bombarde sans relâche la cote 937,2, le col du Furstacker et le collet entre les Sudel n° 2 et n° 3.

                  Jusqu’au 22, le bataillon organise le secteur ; durant toute cette période, la température a été extrêmement rigoureuse, la pluie et la  neige tombèrent sans discontinuer.

                  Le 22 février, le 6ème B.C.A., relevé par le 24ème B.C.A., vient cantonner à Altenbach où il reste la journée du 23.

                  Le 24, il est alerté à 11 heures ; il quitte le cantonnement pour se rendre à Kruth et Wildenstein, en passant par Saint-Amarin, Wisserling et Felleringen ; il arrive à 22 heures et repart le lendemain matin à 4 heures à Saigmatt, par le col de Bramont, Retournemer, col de la Schlucht, arrive vers minuit, pour repartir le lendemain matin à 5 heures. Par mesure de précaution contre le bombardement, le bataillon prend des formations articulées dans les bois au sud de Saigmatt et se dirige vers Gashney, il s’installe en cantonnement de bivouac sur la route de Gashney au Sattel, au lieu dit « Germania », la température est excessivement rigoureuse. Les chasseurs construisent des abris très rudimentaires et passent deux jours à cet endroit.

                  Le 1er mars, les 5ème et 6ème compagnies, sous les ordres du capitaine Haas, sont alertées ; elles redescendent sur Saigmatt, Stoswir et sont placées en soutien des 12ème et 52ème B.C.A. Au bout de quelques heures, elle repartent au nord de Saigmatt, où elles bivouaquent une nuit et un jour puis remontent vers Germania.

                  Dans le même temps, le bataillon détache des compagnies à l’Almatt et au Klizerstein.

                  Le 5 mars, les 5ème et 6ème compagnies, précédée de deux reconnaissances, s’emparent du Sillacker, s’y établissent et poussent des patrouilles.

                  Le 6 mars, le 23ème B.C.A. et deux compagnies du 6ème attaquent la crête au Petit et au Grand Reichaker et s’en emparent après un combat acharné. L’attaque a eu lieu à 12 heures ; dans  l’après-midi, l’ennemi contre-attaque avec violence. Le colonel Roux, commandant le secteur, fait appel aux éléments encore disponibles du 6ème, qui comprennent la 1ère compagnie, un peloton de la 2ème et une section de mitrailleuses. Ces unités, sous les ordres du lieutenant Sauvajon, partent du camp de Gashney, sous un bombardement violent et précis, franchissent 1 500 mètres d’un seul bond, pour venir se placer au Petit Reichaker. Un peloton est détaché pour soutenir le 23ème, débordé par des forces supérieures ; le peloton de la 2ème compagnie est placé sur les pentes nord du Petit Reichaker, établissant une ligne est-ouest, pour faire la liaison entre les deux Reichaker.

                  Dans ces combats, parmi ceux qui se distinguèrent d’une façon particulière, il convient de citer le chasseur Rougeault, de la 1ère compagnie, qui fit preuve d’un esprit de discipline et de sacrifice admirable ; six sentinelles ayant été tuées successivement dans le même petit poste, au moment où le capitaine demandait un volontaire, pour assurer ce service, Rougeault se présenta le premier, prend ses consignes et, quoique sachant le danger auquel il s’expose, sort du boyau pour aller immédiatement occuper son poste. Quelques instants après, il tombe glorieusement, lui aussi, près de ses camarades.

                  Après lui, le chasseur Didier se présente également comme volontaire pour ramener les morts et, malgré tous les périls qu’il doit affronter, il réussit à ramener les corps de ses camarades, parmi lesquels celui de Rougeault.

                  La nuit du 6 au 7 mars est relativement calme, elle est employée à construire les retranchements sur les positions. Pour cela, les outils manquent complètement ; pour faire les tranchées, les chasseurs utilisent tout ce qui est à leur portée, ils creusent dans la neige et la terre avec leurs mains et se servent de leurs bérets pour la transporter.

                  A la suite de ce combat, le chef de bataillon fait paraître l’ordre suivant :

 

                  ORDRE DU BATAILLON N° 34

                 

                  « Le bataillon a pris pied dans le département du Haut-Rhin (Alsace), le 26 janvier.

                  « Le 1er février, il a emporté le formidable réduit de la défense allemande au Sudelkopf, faisant des prisonniers et capturant un matériel considérable, mitrailleuses, bombes, outils, canons lance-bombes.

                  « Le 5 mars, il a balayé les avant-postes allemands au Sillakerkopf.

                  « Le 6 mars, il a emporté, avec le 23ème bataillon, la position du Reichakerkopf et résisté victorieusement aux contre-attaques des meilleures troupes prussiennes actives qui, de leur côté, ont combattu avec la plus grande bravoure.

                  « Le commandant adresse ses félicitations aux officiers, sous-officiers, caporaux et chasseurs, qui ont affirmé une fois de plus leur supériorité sur l’ennemi.

                                                                                 « Le chef de bataillon commandant,

                                                                                                   « Signé : LANÇON »’

 

 

                  Le 7 mars, à 4 heures du matin, la 6ème compagnie, retirée du Sillaker, est envoyée au Reichaker, pour former une réserve à la disposition du 23ème B.C.A.

                  Le commandant Lançon prend le commandement du sous-secteur Sattel-Reichaker.

                  A 4 heures du matin, la 2ème compagnies progresse sur les pentes du Klizerstein, en direction de Frohnzenn, occupe une tranchée allemande et prend position à 600 mètres environ au dessus de la route de Mulbach.

                  Pendant la première partie de la matinée, gros bombardement du Reichaker.

                  Vers 9 heures, l’ennemi déclanche simultanément sur les deux Reichaker deux contre-attaques, arrêtées à quelques mètres de nos positions, grâce au feu bien dirigé des mitrailleuses de la section Mélandri. A peine cette première tentative est-elle repoussée, qu’elle est suivie d’une seconde série de deux contre-attaques, et ainsi de suite, sans arrêt jusqu’à 16 heures, moment auquel l’ennemi attaque en masse et à fond sur les deux sommets. Ce sont respectivement pour le grand et Petit Reichaker les sixième et septième contre-attaques.

                  Les chasseurs rivalisent de courage, les canons de fusils sont brûlants, toutes les munitions sont employées et les cartouchières des morts et des blessés sont vidées par les défenseurs encore debout.

                  Un moment, le Petit Reichaker est pris par l’ennemi, ce qui a pour conséquence de couper les communications arrières du Grand Reichaker, mettant ainsi en grand péril les défenseurs des deux sommets.

                  Le capitaine commandant le 23ème B.C.A. fait alors appel à la 6ème compagnie, du 6ème bataillon, sous les ordres du capitaine Haas, qui lance une de ses pelotons à l’attaque du Petit Reichaker, afin de prendre la position. Lui-même mont en tête de ses chasseurs et il tombe mortellement frappé par une balle ; en même temps que lui son officier de peloton est blessé, mais les chasseurs entraînés, électrisés par l’exemple héroïque de leurs chefs, bondissent dans la tranchée, en chassent l’ennemi et délivrent leurs camarades des 23ème et 6ème, qui se défendaient avec l’énergie du désespoir.

                  Au moment où le peloton de la compagnie Haas attaquait, le chasseur Granier, envoyé au ravitaillement en munitions d’une section de mitrailleuses, voyant la 6ème compagnies partir à l’assaut du Petit Reichaker, pose ses caisses de cartouches, ramasse le fusil d’un mort et se joint au peloton de contre-attaque. Il arrive des premiers dans la position ennemie, met plusieurs Boches hors de combat et, avec quelques camarades, organise rapidement la tranchée.

                  Au bout d’un moment, il revient vers ses caisses de cartouches et la apporte à sa section. Quand son chef lui demande le motif d’une si longues absence, il répond simplement : « Quand j’ai vu partir le peloton de contre-attaque de la 6ème, j’ai pensé que si les boches réussissaient à couper le chemin du Grand au Petit Reichaker, vous tous cernés, et comme il n’y avait pas trop de monde, je suis parti avec eux, sachant d’autre part, que vous ne manquiez pas de munitions »

                  Au cours de la cinquième contre-attaque sur le Grand Reichaker, les Allemands encore une fois repoussés pouvaient s’entendre narguer par le chasseur Boch, petit bonhomme à la voie fluette, que l’on aurait pris pour une fille, mais qui se battait comme un lion et criait de toutes ses forces : « Vous pouvez venir le Boches, ce ne sont pas les bitous qui sont ici, ce sont des chasseurs !... On vous recevra….Nous ne partirons pas !... »

                  Dans un petit poste avancé, chargés de barrer un boyau, onze chasseurs gisent tués ou blessés ; le dernier vient de tomber, ce que voyant, le chasseur Buera s’élance aussitôt et prend la place. A coups de grenades, à coups de fusil, il parvient à arrêter les Boches qui essayaient de franchir le barrage.

                  Plus loin, c’est l’adjudant Mélandri, commandant une section de mitrailleuses. Au moment de l’attaque du Grand Reichaker, par le 23ème et le 6ème, il est arrivé au sommet avec ses pièces un des premiers ; après avoir rallié tous les chasseurs dispersés du 23ème, il fait organiser la position. Quand les contre-attaques se déclanchent, il est à son poste, veillant à tout ; il attend pour faire ouvrir le feu de ses mitrailleuses que l’ennemi ne soit plus qu’à quelques mètres et en fait ainsi une véritable hécatombe. Les cadavres s’amoncellent devant ses pièces, certains même touchent presque le canon. Il est secondé par des chasseurs d’un sang-froid extraordinaire, qui opèrent comme à la manœuvre ; quelquefois les pièces s’enrayent, à cause de la basse température, les servants allument tranquillement des journaux pour les chauffer, sans se soucier le moins du monde des dangers qui les entourent.

                  Dans cette lutte féroce, certains trouvent encore le moyen de faire rire en exprimant leur satisfaction, tel le chasseur mitrailleur Cresson, engagé volontaire (36 ans), qui demande à diriger le tir d’une pièce ; pour cela, il monte sur le parapet, les obus qui éclatent tout près ne lui enlèvent rien de son humeur railleuse ; quand un arbre tombe, fauché par une explosion, on l’entend dire ; « Chic, les voilà qui nous coupent du bois pour cette nuit !... »

                  Au moment où les ennemis débouchent, voyant tomber les Boches devant sa mitrailleuse dont il commande le feu, il dit à son officier ; « Ah !... mon lieutenant, c’est un bath boulot que vous me donnez-là, je ne donnerais pas ma place pour un louis !... » et s’adressant à ses camarades, il ajoute : « Ne vous en faites pas les amis, à ce train-là nous danserons à Paris le 15 juillet !... »

                  Tous luttent avec une énergie farouche, à côté des mitrailleurs, d’autres chasseurs armés de fusils se tiennent debout sur le parapet pou mieux viser et abattent leur Boche à chaque coup.

                  Dans ce combat disproportionné, où l’ennemi amène sans cesse des renforts pour de nouvelles attaques, on voit des chasseurs dans la neige jusqu’aux genoux, pourchasser à la baïonnette les Allemands, de sapins en sapins.

                  Tout le monde se dépense sans compter ; à la première compagnie, le lieutenant Pattela, officier adoré de ses hommes, quoique malade, avait tenu à rester avec ses chasseurs, malgré les vives instances de son commandant de compagnie, le lieutenant Sauvageon, qui l’engageait à aller se faire soigner, et lui disait, en désespoir de cause : « Il est malheureux que je n’aie pas un galon de plus pour vous donner l’ordre de partir. »

                  Dans la tranchée, il encourage ses chasseurs aux moments les plus critiques, en leur disant : « ‘Pour l’honneur du 6ème et de la 1ère compagnie, nous ne bougerons pas !... Nous nous ferons plutôt tuer sur place !... »

                  Dans la nuit du 7 au 8 mars, des travaux d’organisation se poursuivent sans relâche, malgré les fatigues d’une journée de combat, dans des conditions exceptionnellement mauvaises. Les Allemands n’ont pas réussi dans leurs attaques, ils en ont assez d’une leçon aussi sévère et ne tentent pas de nouvelles actions d’infanterie durant toute la nuit.

                  Après cette journée de glorieux combats, le chef de bataillon, pour glorifier la vaillance de tous et rendre hommage à la mémoire du capitaine Haas, fait paraître l’Ordre suivant :

 

                  ORDRE DU BATAILLON N° 35

 

                  « Le 7 mars, à 16 heures, les Allemands tentaient, par une contre-attaque désespérée et menée par les meilleurs régiments actifs, de reprendre la position du Reichakerkopf, qui domine Munster (Haut-Rhin).

                  « Au moment où l’ennemi, trois fois supérieur en nombre, réussissait à prendre pied dans une de nos tranchées, le capitaine Haas, commandant la 6ème compagnie, jusqu’alors en réserve, s’élança à la tête de ses braves chasseurs et mit les Prussiens en complète déroute. Le capitaine Haas a été tué d’une balle à la tête, au moment où il assurait la victoire.

                  « Le commandant salue, au nom de tous, la mémoire de ce vaillant officier, issu d’une vieille famille d’Alsace et qui est tombé sur la dernière crête qui domine la plaine du Rhin.

                                                                                 « Le chef de bataillon,

                                                                                                   « Signé : LANÇON »

 

 

                  De plus, le capitaine Haas est cité à l’Ordre de l’armée dans les termes suivants :

 

                  « Au moment où l’ennemi allait réussir, par une contre-attaque en masse, à occuper une partie de la position qui venait d’être conquise, s’est élancé à la tête de son peloton de réserve, a bousculé les assaillants ; a été tué d’une balle à la tête en en assurant définitivement le succès. »

 

                  Du 8 au 11 mars, l’organisation des sommets est poussée activement sur les deux Reichaker, malgré les bombardements ennemis qui, le 12, augmentent d’intensité, avec gros emploi de 210 et de mines ; les tranchées des deux Reichaker sont bouleversées et le passage du col du Sattel est infranchissable. Le bombardement continue pendant deux jours ; c’est dans ce secteur que les mines sont utilisées pour la première fois contre le 6ème.

                  Le 14, dans l’après-midi, une compagnie du bataillon voisin, après de grosses pertes, est obligée d’évacuer une tranchée entièrement bouleversée par les 210 ; pendant la nuit, les Allemands parviennent à l’occuper.

                  Le 15, à 8 heures du matin, la 4ème compagnie du 6ème reçoit l’ordre de contre-attaquer pour reprendre la tranchée ;

                  Sans aucune préparation d’artillerie, elle part, magnifiquement entraînée par son chef, le lieutenant Macaire ; mais les mitrailleuses ennemies ouvrent le feu et empêchent tout progression.

                  A 11 heures, les 3ème et 5ème compagnies et les restes de la 4ème, plus une section de mitrailleuses du 6ème bataillon et une compagnie du 23ème B.C.A. renouvellent l’attaque du matin. La position ne pouvant être battue par l’artillerie française, les mitrailleuses du 6ème font un tir de neutralisation. Pendant ce temps, les compagnies débouchent et, d’un seul bond, atteignent la tranchée après une lutte acharnée et un terrible corps à corps, elles chassent un bataillon du 75ème Prussien, dans le vallon de Tiffenbach, où elles le poursuivent jusqu’au moment où des mitrailleuses allemandes réussissent à prendre position, arrêtent l’avance qu’il serait téméraire de pousser plus loin, au prix de trop lourdes pertes.

                  Dans cette affaire, le lieutenant MARCORELLES, particulièrement aimé de ses chasseurs, trouve une mort glorieuse à la tête de sa section. Son héroïque conduite est l’objet de la citation suivante à l’Ordre de l’armée :

 

                  « A fait preuve d’énergie et de dévouement depuis le début de la campagne ; blessé en octobre, a rejoint son bataillon à peine guéri. Est tombé glorieusement en enlevant d’assaut une tranchée ennemie. »

 

                  Le 16 mars, le bombardement ennemi augmente d’intensité, les 210 et les mines bouleversent les tranchées et les abris péniblement construits. Le 17, il continue, redoublant de violence, ainsi que le 18 ; en même temps l’ennemi s’approche en sape du Petit Reichaker.

                  Le 19, le 62ème B.C.A. attaque sur la croupe qui descend du Grand Reichaker jusqu’à la cote 600, environ 800 mètres au nord.

                  Le 20, dans la matinée, bombardement de la violence habituelle par pièces de tous calibres (les 210 tirent par deux).

                  Les tranchées sont complètement bouleversées et les chasseurs sont à bout de forces. A 13 heures, l’ennemi lance une forte attaque et parvient à pénétrer dans une partie de la positon, sur la face nord et sur les derrières de la 4ème compagnie, qui défend le Grand Reichaker, face à l’est. Cette compagnie est en même temps attaquée de front par une ligne très dense de tirailleurs ennemis munis de grenades ; les chasseurs enveloppés de toutes parts opposent une résistance désespérée, jusqu’au moment où manquant de munitions et à bout de forces, les quelques survivants sont submergés par le nombre sans cesse croissant des assaillants.

                  Entre les deux Reichaker, la 3ème compagnie, qui fait face au ravin de Tiffenbach, perd deux sections, qui sautent dans une explosion de mine.

                  L’ennemi attaque alors avec plus de violence sur tout le front. Une compagnie du bataillon de gauche est obligée de se replier quelque peu, par le col du Sattel.

                  La 6ème compagnie, qui tenait le Petit Reichaker, est enveloppée. Les deux pelotons de cette compagnie, sous le commandement du lieutenant Bamme, s’adossent l’un à l’autre pour mieux résister et parviennent à se dégager et à se replier sur le col du Sattel, où ils rejoignent les autres éléments du bataillon. La contre-attaque est rendue impossible du fait des conditions défavorables dans lesquelles se trouve notre artillerie, du violent barrage ennemi, interdisant tout rassemblement et de l’état extrême de fatigue de tous.

                  La nuit est employée à la relève des morts et des blessés restés entre les lignes.

                  Le 21 mars, la 1ère compagnie du 6ème participe à une contre-attaque menée par les 62ème et 24ème B.C.A. et réussit à reprendre le Petit Reichaker.

                  La journée du 22 se passe sans incidents. Préparation d’une attaque.

                  Le 23, attaque de la position du Grand Reichaker par le 62ème B.C.A., aidé de quatre compagnies du 24ème et de deux du 6ème ; malgré le feu de notre artillerie, dont le tir est bien réglé, cette attaque ne parvient pas à progresser.

                  Le 24, journée calme ; dans la nuit du 24 au 25, le 6ème bataillon est relevé par le 67ème B.C.A.

                  Au moment où le lieutenant Fontanille s’apprêtait à rejoindre le bataillon avec son peloton, l’ennemi, attaquant les premières lignes, réussit à s’emparer d’un élément très délicat de la position, par où les Allemands, supérieurs en nombre, menacent d’encerclement la garnison du Reichaker.

                  N’écoutant que sont courage, le lieutenant Fontanille contre-attaque immédiatement  à la tête de ses chasseurs et s’empare de la tranchée, qu’il organise aussitôt.

                  Un moment après, l’ennemi revient en force ; il est de nouveau repoussé avec des pertes énormes ; le lieutenant Fontanille tombe, frappé d’une balle, alors qu’il dirigeait la résistance, mais ses chasseurs conservent intégralement le terrain.

                  Le 25, le bataillon bivouaque à Germania ; ce jour-là, le commandant Lançon est promu lieutenant-colonel.

                  Pendant la période du 6 au 21 mars, le 6ème bataillon a perdu 3 officiers tués, 6 officiers blessés et 784 sous-officiers, caporaux et chasseurs tués ou blessés.

                  Le bataillon vient cantonner de Germania à Gérardmer, où il reste quatre jours, puis de là se rend à Corcieux.

                  Le 18 avril, à 18 heures, les 1ere, 4ème, 5ème, 6ème compagnies et le peloton de mitrailleuses sont enlevés en T.M. et transportés au col de la Schlucht, où ce détachement, en arrivant, reçoit l’ordre de ses porter sur Gaschney, en réserve, à la disposition du général commandant la 151ème brigade.

                  Ces éléments arrivent à Gaschney à 3 heures 30 du matin, s’installent en bivouac jusqu’à 18 h 30. A  ce moment, ils seront remis à la disposition de la 4ème brigade et viennent cantonner à Gérardmer, où le bataillon se trouve au complet, à l’exception de la 4ème compagnie, qui assure une mission de liaison dans le ravin de Mittlach.

                  Le 20 avril, retour à Corcieux. Les 2ème et 3ème compagnies, qui avaient quitté Corcieux le 19, étaient à la disposition du colonel Brissaud, commandant le secteur des Lacs (Lac Blanc, lac Noir).

                  Le 21 avril, le lieutenant-colonel Lançon nommé au commandement d’un groupe de chasseurs alpins de la 47ème division, fait ses adieux au 6ème bataillon, dans l’Ordre suivant :

 

                  ORDRE DU BATAILLON N° 64

 

                  « Nommé au commandement d’un groupe de bataillons de chasseurs, je dois quitter aujourd’hui le 6ème, dont j’avais pris le commandement le 25 juillet 1914.

                  « C’est avec une peine profonde que je m’éloigne des officiers, sous-officiers et chasseurs qu j’ai conduits au feu pendant neuf mois, pour le salut et la gloire de la patrie.

                  « Ensemble, nous avons ajouté une longues page de sacrifices et de succès à l’historique glorieux des chasseurs à pied.

                  « J’ai le droit d’être fier de vous. A ceux qui sont tombés, je donne un souvenir ému ; à ceux qui restent, je garderai une amitié fidèle.

                  « Continuez, mes chers amis, à combattre vaillamment avec la foi dans la justice de notre cause, avec la certitude de la victoire complète de la France.

                                                                                 « Le lieutenant-colonel commandant,

                                                                                 « Signé : LANÇON »

 

 

                  Ce même jour, le capitaine adjudant major prend provisoirement le commandement du bataillon. Les 2ème et 3ème compagnies relèvent les unités du 52ème B.C.A., dans le secteur de Weiss-Wettstein.

                  Du 21 au 30 avril, le 6ème bataillon occupe et organise les secteurs de Noirmont, Creux-d’Argent, Jeune-Champs et du lac Noir.

                  Le 1er mai, le 6ème relevé par le 52ème bataillon, fait étape sur Corcieux, où il séjourne jusqu’au 6.

                  Le 7, il vient à Granges, où il cantonne les8 et 9. Le 10, le commandant Melle-Desjardins, arrivant au bataillon, en prend le commandement et fait paraître l’ordre suivant :

 

                  ORDRE DU BATAILLON N° 72

 

                  « Par décision du général commandant le groupe des armées de l’Est, je prends à la date d’aujourd’hui le commandement du 6ème bataillon de chasseurs.

                  « Partout, où il a été, en Lorraine, en Belgique, dans les Vosges, le 6ème bataillon a fait brillamment son devoir.

                  « Sévèrement éprouvé à plusieurs reprises, ses cadres et ses effectifs ont été presque entièrement renouvelés.

                  « Il faut que le 6ème maintienne sa réputation.

                  « Officiers, sous-officiers, caporaux et chasseurs, je compte sur vous pour développer à l’extrême les belles qualités de notre corps, l’ardeur au feu, l’endurance aux fatigues, la gaieté et l’entrain.

                  « Joignez-y une belle tenue, une attitude fière et décidée, une instruction parfaite, et je vous promets que nous ferons de bonne besogne.

                  « Devant vous, les Allemands ne tiendront pas.

                  « Granges, le 9 mai 1915.

                                                                                 « Le chef de bataillon commandant le 6ème B.C.A.

                                                                                                   « Signé : MELLE-DESJARDINS »

 

 

                  Dans la soirée du 10 mai, le bataillon va bivouaquer sur les pentes du Gaschneykopf.

                  Du 11 au 31 mai, le bataillon construit des abris dans le camp de Gaschney ; exécute des travaux d’approche sur les pentes de l’Altmathkopf, en prévision d’une attaque du Braunkopf, plateau dominant et débordant le village de Metzeral.

                  Du 1er au 11 juin les travaux continuent, l’ennemi inquiet bombarde chaque nuit les boyaux et tranchées en construction.

                  Pendant la période du 11 mai au 11 juin, le bataillon a fourni un effort considérable, construisant plus de 1500 mètre de boyaux et tranchées, ce qui lui vaut les félicitations du colonel La Capelle, commandant la 4ème brigade.

                  A cette occasion, le chef de bataillon fait paraître l’Ordre suivant :

 

                  ORDRE DU BATAILLON N° 90

 

                  « Le 6ème bataillon de chasseurs vient d’exécuter un travail considérable et périlleux en creusant, au nez de l’ennemi, une parallèle permettant de l’attaquer avec un minimum de pertes.

                  « Chasseurs ! L’effort de ce travail est presque terminé, reste à enlever les positions ennemies. Je sais que pour cela je puis compter sur vous, sur votre cœur de Français, sur votre volonté de vaincre.

                  « Au moment de l’assaut, pas de regards en arrière.

                  « Il faut, d’une seul bond, franchir et dépasser les retranchements ennemis.

                  « Dans cette circonstance, vous montrerez que vous êtes de vrais « diables bleus ».

                                                                                 « Le chef de bataillon commandant le 6ème B.C.A.

                                                                                                   « Signé : MELLE-DESJARDINS »

 

 

                  Pendant l’exécution des travaux, le bataillon, bien que n’étant pas engagé, éprouva des pertes cruelles : 3 officiers furent tués ainsi que plusieurs chasseurs.

                  Les 12 et 13 juin, le 6ème est mis au repos au camp de Gaschney.

                  Le 14, conformément aux ordres reçus, les 2ème et 6ème compagnies et le peloton de mitrailleuses du bataillon relèvent des unités du 52ème B.C.A. dans l’ensemble de la position et en assurent la garde en liaison à gauche avec le 24ème B.C.A., à droite avec le 23ème. La nuit se passe sans incidents, l’ennemi bombarde avec intermittence les tranchées et boyaux conduisant aux parallèles de départ.

                  Le 15 juin à 7 h 30, les Allemands bombardent violemment, avec de l’artillerie lourde et de campagne, les première et deuxième lignes ainsi que les boyaux de communication. Le pilonnage dure pendant une heure. A ce moment, les sections de compagnies en lignes réparent les dégâts.

                  A 10 heures, le bombardement reprend plus violent et plus précis. L’ennemi, prenant d’enfilade plusieurs de nos boyaux et tranchées, les détruit totalement ; par surcroît de malheur, les 220 français, tirant trop court, menacent de décimer la garnison de notre première ligne. Le téléphone est coupé depuis longtemps, les moyens de liaison sont à peu près inexistants. C’est alors que le capitaine Barthélemy, qui commande les compagnies d’attaque, demande un volontaire pour aller au P.C. informer le chef de bataillon de la situation et demander l’allonge du tir.

                  La mission est extrêmement périlleuse, tout le chemin à parcourir étant soumis au feu des deux artilleries.

                  Cependant, à la première demande, le caporal-fourrier Bréra se présent aussitôt, emporte le pli destiné au commandant et revient une fois sa mission accomplie, reprendre sa place de combattant, pour l’attaque qui se déclenchera tout à l’heure.

                  A 11 h 45, les 3ème et 5ème compagnies d’une part, les 1ère et 4ème compagnies d’autre part, quittent Gaschney pour se rendre au bois d’Altnhoff, où elles restent jusqu’à 15 h.

                  A 13 heures, l’artillerie française commence son tir de préparation sur le Braunkopf ; il paraît assez bien réglé, et les tranchées ennemies sont en partie détruites, mais une maison, dénommée maison O., située au nord-est des positions de départ et fortifiée par l’ennemi, ne reçoit aucun projectile.

                  Le tir de préparation continue jusqu’à 16 h 30 ; l’artillerie allemande répond vigoureusement par un pilonnage en règle de nos parallèles de départ. Malgré ce bombardement, les compagnies d’attaque commencent leur mouvement pour aller occuper leurs emplacements de départ.

                  Les 2ème et 6ème compagnies, qui sont en lignes, se portent dans des places d’armes pour laisser la place au 3ème et 5ème compagnies, dans les tranchées de départ. Quand les 2ème et 6ème compagnies quittent les tranchées de première ligne, elles ont déjà subi de fortes pertes, causées par la contre-préparation allemande. Des boyaux sont totalement comblés, de même que des parties de la tranchée de première ligne. Malgré ces difficultés, le placement des deux compagnies d’attaque (3ème et 5ème) s’opère rapidement.

                  La position du Braunkopf, qui est à enlever, se présente sous la forme d’un gros mamelon avec, à son point culminant, un grand rocher. Le sommet est dénudé, mais les pentes cultivées, sont garnies d’arbres, et parsemées de petites fermes isolées. La maison, dite maison O., est située par rapport à nos positions de départ en avant et à gauche ; elle constitue donc pour l’ennemi une forteresse de flanquement, puisque de cet endroit, il lui est possible de battre de ses feux de mitrailleuses tout le front de débouché du bataillon.

                  L’attaque a lieu à 16 h 30 ; la 3ème compagnie à droite, sous les ordres du capitaine Laplanche et la 5ème à gauche, sous les ordres du capitaine Audibert, franchissent d’un seul bond le parapet de la tranchée. La 3ème se porte sur le versant nord du Braunkopf et le Rocher, qu’elle enlève rapidement, malgré la résistance opposée par l’ennemi ; ses chefs tombent à la tête de leurs chasseurs. C’est d’abord le lieutenant Pattela, adoré de ses hommes, qui les encourage quelques temps avant l’attaque, alors que le bombardement de contre-préparation creusait de nombreux vides ; au moment de l’assaut, il sort le premier, entraînant son peloton par son exemple, mais il n’a pas la satisfaction d’arriver jusqu’à l’ennemi ; il tombe avant d’avoir pu aborder la tranchée que ses chasseurs enlèvent de haute lutte.

                  Le capitaine Laplanche est frappé, lui aussi, quelques instants après, sur le sommet du Rocher, où il est arrivé le premier.

                  Dès le débouché, le capitaine Audibert est blessé ; le sous-lieutenant Faure prend aussitôt le commandement de la 5ème compagnie, en tête de laquelle il se trouve déjà avec sa section, progresse rapidement et va même si vite, que ses hommes ne peuvent le suivre ; il est un moment isolé et assailli par un groupe d’Allemands, dont il se débarrasse à coups de revolver. Continuant toujours, il arrive devant un abri occupé et, payant d’audace, il intime aux Allemands l’ordre de se rendre, en les menaçant de son revolver vide, et les ramène vers sa compagnie, qui arrive à la ligne des blockhaus ennemis, s’empare des centres de résistance garnis de mitrailleuses et capture les servants. Une section s’empare d’une maison organisée de la ligne d’arbres et y fait des prisonniers. Le reste de la 5ème compagnie continue sa marche en avant, dépasse le Rocher et descend les pentes sur du Braunkopf. Emportée par l’élan de son chef, elle est un instant isolée et est obligée de prendre la liaison avec la 3ème compagnie, avec laquelle elle opère des destructions et capture des prisonniers.

                  Pendant ce temps, l’aspirant Lacour, qui a reçu l’ordre d’aller jusqu’au cimetière de Metzeral, devance sa compagnie, suivi de sept chasseurs, dépasse le barrage français, va jusqu’au cimetière et ne se décide à revenir que sur le point de se voir coupé.

                  Les 3ème et 5ème compagnies organisent les deux lignes de tranchées conquises, elles sont sur le Braunkopf, sans aucune liaison. A gauche, le 24ème bataillon n’a pu déboucher pour s’emparer du bois Noir, la maison O. n’ayant pas été touchée par l’artillerie, balaye de ses mitrailleuses les pentes du Petit Almalt et le Braunkopf ; à droite, le bois d’Eichwald, n’ayant pu être enlevé par le 23ème bataillon, les deux compagnies reçoivent également de cette direction des feux de mitrailleuses qui leur causent des pertes.

                  A 16 h 50, les 2ème et 6ème compagnies viennent renforcer dans les tranchées conquises, les 3ème et 5ème. Pour y arriver, elles traversent rapidement le Braunkopf, mais le tir de barrage d’artillerie et les feux de mitrailleuses du bois Noir et de la maison O., du bois d’Eichwald, sont de plus en plus meurtriers et causent à ces unités de lourdes pertes ; elles parviennent cependant jusqu’à la position et procèdent à son organisation sous les ordres du capitaine Barthélemy.

                  A 1 heure, la 1ère compagnie à droite et la 4ème à gauche, viennent à leur tour dans les tranchées de première ligne ; la 1ère compagnie détache un peloton pour flanquer à l’est nos positions du Braunkopf et les relier aux tranchées de départ ; le 2ème peloton est porté sur le Braunkopf, pour renforcer les compagnies d attaque.

                  Le sous-lieutenant Girod, de la 4ème compagnie, s’élance avec un peloton, passe à la maison O., et l’attaque, pour tenter de faire tomber cette résistance qui empêche la progression ; il est arrêté net par le feu des mitrailleuses. Voyant ses chasseurs hésiter un instant, il les excite et repart de plus belle, en disant : « il faut arriver coûte que coûte !... » Au bout de quelques mètres, il tombe, frappé d’une balle à la tête ; ses chasseurs s’accrochent au terrain et finissent par pénétrer en cet endroit dans la première ligne allemande, qu’ils organisent au plus tôt.

                  Le 2ème peloton de la 4ème compagnie établit la liaison avec le 24ème bataillon.

                  Vers 20 heures, les Allemands tentent une contre-attaque qui est repoussée. Quelques fractions, profitant de ce que la liaison est encore mal assurée, essaient de s’infiltrer dans les lignes en utilisant le boyau que viennent de dépasser les éléments de tête ; ils se heurtent au sergent Granier, de la 1ère compagnie qui, groupant autour de lui quelques chasseurs, leur oppose une résistance énergique ; il est tué en criant ; « Mort aux Boches !... Vive le 6ème !... »

                  Aussitôt, le chasseur Couval prend le commandement du petit groupe, qui ne cédera pas, malgré la supériorité numérique de l’assaillant. Couval tombe, lui aussi mortellement blessé ; ses camarades le vengent, ainsi que le sergent Granier, en arrêtant les Allemands, auxquels ils infligent des pertes sévères.

                  Devant l’échec de leur tentative, les Allemands bombardent violemment les positions du Braunkopf et de l’Altmatt. Pendant la nuit, vers 1 heure, le 6ème bataillon est renforcé par deux compagnies du 46ème B.C.A.

                  Le 16 juin, à 2 h 30, une petite contre-attaque allemande, déclenchée sur le Braunkopf, est arrêtée à coups de grenades et de fusils par les 1ère et 5ème compagnies.

                  Pendant toute la matinée, les Allemands bombardent violemment les tranchées et boyaux de l’Altmatt. A 10heures, une nouvelle contre-attaque est repoussée avec de grosses pertes.

                  A 10 h 30, l’artillerie commence une préparation sur les tranchées allemandes situées à l’ouest et au sud-ouest du Rocher. A 13 heures, une attaque menée par les 46ème et 24ème bataillons, débouche de nos parallèles et réussit pleinement. Ces deux bataillons occupent entièrement leurs objectifs. Le reste de la journée est marqué par un bombardement violent de nos positions, mais l’ennemi ne tente plus aucune action d’infanterie.

                  Pendant ces deux journées de combats, les traits d’héroïsme furent nombreux. Chacun était à sa place, accomplissant son devoir de son mieux. Le chasseur téléphoniste Clutier, sous un bombardement formidable, répare sa ligne plus de dix fois, sans souci des obus qui pleuvent ; les compagnies d’attaque ne sont pas plus tôt arrivées sur leurs objectifs, qu’il déroule son fil et l’inspecte sans cesse, pour rétablir les communications coupées par la mitraille.

                  Des Allemands, qui s’apprêtaient à achever un officier blessé, en sont empêchés par le caporal Deygache, qui se précipite au secours de son chef.

                  Le sous-lieutenant Lahalle, trois fois blessé au cours de l’attaque, conserve le commandement de sa section, qu’il vient d’entraîner à l’assaut de la position ennemie et refuse de se laisser évacuer.

                  Pendant la nuit du 15 au 17, le 11ème bataillon relève le 6ème sur la position du Braunkopf. Les compagnies reviennent au camp de Gaschney, om elles bivouaquent. Dans ces combats, le bataillon a perdu cinq officiers tués, quatre officiers blessés et 489 sous-officiers, caporaux et chasseurs hors de combat.

                  Le 18 juin le général de Maud’huy félicite le bataillon de la prise du Braunkopf. Il remet la Croix d’officier de la Légion d’honneur au chef de bataillon MELLE-DESJARDINS, avec la citation suivante :

 

                  « Officier du plus haut mérite, le 15 juin 1915 a conduit son bataillon à l’attaque, sous un feu terrible d’artillerie et d’infanterie et a enlevé la plus grande partie des tranchées ennemies. A été blessé d’un éclat d’obus et a conservé le commandement de son bataillon pendant tout la journée, donnant ainsi un exemple de ténacité et de courage remarquable. »

 

                  Le capitaine Barthélemy est nommé chevalier de la Légion d’honneur :

 

                  « Officier énergique et parfaitement brave, a porté sa compagnie à l’assaut, malgré de violents tirs de barrage et des flanquements de mitrailleuses sur ces deux flancs ; a rapidement organisé la position conquise et l’a conservée, malgré toutes les contre-attaques, pendant plusieurs heures, jusqu’à l’arrivée des renforts. »

 

                  Le caporal Deygache reçoit la Médaille militaire :

 

                  « Pendant l’assaut, s’est élancé au secours d’un de ses officiers blessé ; a tué un officier allemand au moment où ce dernier allait se servir de son revolver contre un officier français. A ensuite tué à coups de crosse un Allemand qui transmettait des renseignements au téléphone ; puis a détruit l’appareil et coupé les fils. A fait preuve de beaucoup d’entrain et d’audace. »

 

                  La belle conduite du 6ème bataillon, au cours de cette attaque, lui vaut sa première citation à l’Ordre de l’armée.

                 

                  ORDRE GÉNÉRAL N° 32 DE LA VIIème ARMÉE

 

                  Est cité à l’Ordre de l’armée :

 

                  Le 6ème Bataillon de Chasseurs à Pied :

 

                  « A fait preuve d’une vaillance et d’une énergie au-dessus de tout éloge en enlevant une position très solidement organisée, dans laquelle l’ennemi se considérait comme inexpugnable, d’après les déclarations mêmes des officiers prisonniers. Lui a fait des pertes considérables, malgré un bombardement des plus violents, n’a cessé de progresser pendant plusieurs journées consécutives, pour élargir sa conquête.

                                                                                 « Signé : DE MAUD’HUY »

 

                  Le colonel La Capelle, commandant la 4ème brigade de chasseurs, envoie aux bataillons qui la composent, ses félicitations avec l’ordre suivant :

 

                  ORDRE DE LA BRIGADE

 

                  « Chasseurs !

                  « Après huit jours de combats continuels et acharnées, vous avez rejeté l’ennemi sur Mulbach et la rive droite de la Fecht.

                  « Malgré la force de leur organisation défensive, malgré le feu de leur infanterie et de leur artillerie, malgré un bombardement violent, qui trahissait leur inquiétude et leur colère, vous avez enlevé à la baïonnette et occupé des positions formidables, forçant l’ennemi à reculer partout, en lui infligeant des pertes sensibles.

                  « Près de 1 000 prisonniers, dont plusieurs officiers, un matériel considérable, minenwerfer monstrueux, mitrailleuses, fusils, grenades et cartouches par centaines de mille, sont restés entre vos mains.

                  « Vous pouvez être fiers de ce succès remarquable, qui prouve votre courage et votre vaillance. Vous êtes toujours l’élite de l’infanterie française, ardente à l’attaque, faisant preuve dans le combat d’intelligence et d’initiative, de ténacité et d’énergie. Dans les circonstances les plus critiques, sous le feu le plus violent, alors que vos chefs sont tombés, vous savez puiser dans votre amour de la patrie, dans votre sentiment du devoir, dans votre cœur de chasseur le courage et la volonté d’avancer quand même et d’enfoncer vos baïonnettes dans le dos de vos adversaires.

                  « Saluons ceux d’entre vous qui sont tombés glorieusement pour la France. Leur mort a été adoucie par la vision de la victoire et leur âme en s’envolant, a entendu la voix de la patrie qui leur disait merci.

                  « Pour elle, chasseurs, nous continuerons à combattre avec la volonté de vaincre, coûte que coûte ; pour elle, nous serons toujours prêts au sacrifice. Nous ne penserons au repos que lorsque le dernier de nos ennemis aura quitté le sol de notre France.

                  « Officiers et chasseurs, je vous remercie tous du concours absolu et dévoué que vous m’avez prêté. Je suis, plus que jamais, fier de vous commander, car je sais que je puis compter sur vous pour la tâche ardue et glorieuse qui nous incombe, la libération de l’Alsace…

                  « Vivent les chasseurs !...

                  « Vive la France !…

                                                                                                   « Signé : DE LA CAPELLE »

 

                  Le 18 juin le 6ème bataillon est embarqué en T.M. à destination de Fraize, où il restera jusqu’au 9 juillet.

                  Le 10 juillet, le 6ème bataillon quitte Fraize vers 1 heure du matin et est amené en camions au camp d’Haeslen, près de Sulzern, en direction de Munster.

                  Il séjourne dans le camp jusqu’au 13 ; ce jour-là, les 1ère, 2ème et 3ème compagnies quittent Haeslen pour le camp de Vida, pente sud du Sattel, où elles s’installent et construisent des abris.

                  Le 14, l’état-major du bataillon, le peloton de mitrailleuses, les 4ème, 5ème et 6ème compagnies rejoignent à Vida celles qui y sont déjà et, en 48 heures, tout le bataillon construit un camp en rondins, pour loger 1 500 hommes.

                  Du 15 au 19 juillet, le bataillon exécute sur le Reichaker et les pentes du Sattel, des travaux préparatoires à une attaque sur le Reichaker. Le 19 juillet, à 18 heures, deux compagnies et une section de mitrailleuses du 6ème relèvent en première ligne des fractions du 47ème B.C.A.

                  Le bataillon se rassemble ensuite dans les tranchées du Petit Reichaker et le 20, à 11 h 30, le mouvement est terminé.

                  Le bombardement français a commencé à 8 heures du matin ; à 10 heures, le chef de bataillon rend compte que le tir de l’artillerie lourde est défectueux (grande dispersion, défauts d’éclatement) : à 11 h 30, compte rendu est fait que la préparation est insuffisante, l’attaque est retardée et remise à 12 h 30.

                  Les communications téléphoniques sont coupées à partir de 12 heures et ne pourront être rétablies avant le lendemain matin. A 12 h 30, la destruction des fortins n’est pas plus avancée, mais il est impossible de rendre compte, par suite de la rupture des liaisons.

                  Pour vérifier le résultat du bombardement, le commandant Melle-Desjardins demande au commandant Nicolas, du 24ème bataillon, de faire faire une reconnaissance, pendant que lui-même en fera exécuter une par le 6ème. Ces reconnaissances, d’une compagnie chacune, sont accueillies par des feux violents et ne peuvent déboucher. A 13 heures, l’attaque est remise à 15 heures et une nouvelle préparation est ordonnée.

                  A 15 heures, le commandant du 24ème indique à nouveau que la préparation est incomplète ; le lieutenant-colonel Lançon, qui commande le secteur, fait savoir à ce moment que des éléments du 67ème bataillon (à droite du 6ème), ont pris pied dans la tranchée allemande, dans la partie basse de la crête du Petit Reichaker, à 644,6. Le commandant du 6ème décide alors de lier son mouvement à celui du 67ème et de pénétrer dans les tranchées allemandes en remontant vers le Petit Reichaker ; il fait sortir la 2ème compagnie, à droite, en liaison avec le 67ème. Cette compagnie est prolongée à gauche, par les 4ème, 1ère et 6ème compagnies ; une fraction de cette dernière sortira en liaison avec le 24ème bataillon, sur le sommet du Petit Reichaker.

                  A 15 h 20, le Petit Reichaker et les tranchées de la croupe sud sont brillamment enlevés ; les deux bataillons font chacun une soixantaine de prisonniers.

                  Le 6ème progresse rapidement dans la partie voisine du Petit Reichaker, mais il est arrêté par des blockhaus et des réseaux de fil de fer intacts, qui le retiennent dans la partie basse.

                  A 15 h 45, les Allemands déclanchent sur le 24ème bataillon et la gauche du 6ème, une forte contre-attaque, menée par quatre compagnies. Le 34ème n’a, à cet endroit, que deux compagnies en lignes, malgré de nombreux signaux, il ne peut obtenir de barrage et se trouve dans l’obligation de céder une partie du terrain conquis ; la gauche du 6ème (deux sections) est obligée de suivre en partie ce mouvement. La contre-attaque allemande est arrêtée au bout de cinq minutes, et le 6ème bataillon reste entièrement sur ses positions ; elles englobent en demi-cercle une partie d’environ 200 mètres de tranchées allemandes, la gauche touche le bord du plateau du Petit Reichaker, et la droite est en liaison avec les 3ème et 5ème compagnies, qui sont restées en deçà des fils de fer allemands.

                  De 15 h 50 à 20 heures, le combat continue à coups de grenades ; ce n’est que dans la soirée que l’on peut commencer l’organisation de la positions conquise, qui sera reliée à droite et à gauche à nos tranchées de départ.

                  La 5ème compagnie est portés en lignes entre les 4ème et 3ème. Le bataillon a donc ses six compagnies en lignes au début de la nuit.

                  Le 46ème bataillon vient alors prendre la place dans les tranchées de départ.

                  Pendant cette première partie de l’affaire, le bataillon a déjà douze officiers hors de combat et un nombre considérable de chasseurs.

                  La nuit se passe sans incidents. Le 21 juillet, à 4 heures, la situation semblait acceptable, quand les contre-attaques allemandes commencèrent. Il y en aura cinq, de 4 heures à midi, avec deux objectifs : d’abord la partie de notre nouvelle ligne formant saillant et l’axe de la route de Fhronzell au Sattel.

                  Sur le premier objectif toutes les contre-attaques sont arrêtées ; sur le deuxième, les trois premières contre-attaques sont repoussées ; une quatrième, beaucoup plus violente, nous oblige à une rectification de quelques mètres et nous cause des pertes sérieuses.

 

                  Cette nouvelle position sera maintenue jusqu’à l’annonce d’une nouvelle action d’artillerie ; à ce moment, il y a nécessité de faire quelques mètres en arrière pour permettre le bombardement ; ce mouvement délicat se fait avec ordre et presque sans pertes. La ligne occupée forme alors un angle obtus, dont un côté est l’ancienne tranchée et l’autre est parallèle et à 80 mètres de la ligne allemande.

                  Dans l’après-midi, nouveau bombardement non suivi d’attaque.

                  A 16 h 50, la sixième contre-attaque allemande débouche dans le fond du ravin de Stocka. Elle est immédiatement arrêtée.

                  A 20 heures, les 1ère et 3ème compagnies reçoivent l’ordre de pousser des reconnaissances vers la ligne ennemie pour connaître sa force : deux escouades exécutent cet essai avec hardiesse. La fusillade qui se déclanche et les nombreuses fusées lancées de plusieurs points, indiquent que la ligne allemande du Petit Reichaker est sérieusement tenue.

                  A 20 h 30, le 6ème bataillon est relevé par le 46ème et se porte à Vida.

                  Dans ces deux journées, le bataillon a perdu 12 officiers et 439 hommes.

                  Les chasseurs du bataillon ont montré une belle tenue au feu et une rare ténacité dans le combat à la grenade, qui dura plus de trois heures.

                  Le 20 juillet, au moment où le bataillon est sorti des tranchées pour se porter à l’attaque, la 1ère section de la 1ère compagnie, suivant l’exemple de son chef, le sous-lieutenant Guillon qui, bien que blessé mortellement, trouve encore le courage d’entraîner ses chasseurs jusqu’à la tranchée allemande, dans laquelle il tombe en criant : « En avant, les chasseurs, on les a !... », arrive dans la position ennemie dont elle s’empare, puis, sous la conduite des sergents Sallendre et Behoccaray, dépasse les deux lignes de tranchées qui lui étaient assignées comme objectifs, et ne s’arrête que beaucoup plus loin, quand la progression est devenue impossible. Son élan l’a séparé du gros de sa compagnie, elle se trouve complètement entourée ; les chasseurs s’accrochent au terrain, bien décidés à ne pas revenir en arrière et s’organisent sur place, pour mieux résister aux contre-attaques qui, pendant deux jours, se succèderont avec seulement des interruptions de bombardement. La section est coupée de toute communication avec le bataillon, mais la résistance acharnée des chasseurs a raison de toutes les contre-attaques boches ; quand les munitions sont épuisées, ils utilisent les approvisionnements de grenades allemandes et de cartouches, et se maintiennent sur la position jusqu’à ce que le bataillon ait réussi à progresser jusqu’à eux et à les délivrer.

                  Le sous-lieutenant Guillon a été tué à la tête de ses chasseurs, et nombre d’entre eux ont payé de leur vie cet héroïque exploit, qui vaut à la section la citation suivante à l’Ordre de l’armée.

                 

                  Est citée à l’Ordre de l’armée :

 

                  La 1ère section de la 1ère compagnie du 6ème bataillon de chasseurs :

 

                  « Sous le commandement du sous-lieutenant Guillon (Alexis), dans un élan admirable, est partie à l’assaut d’une tranchée ennemie, l’a enlevée en faisant de nombreux prisonniers et continuant sa progression, est arrivée à une deuxième tranchée, où elle s’est maintenue avec opiniâtreté, sous un feu violent de bombes, de grenades et d’obus. »

 

                  Le capitaine Veillon, blessé grièvement dès le début de l’attaque du 20 juillet, reste à sa place et ne consent à se laisser évacuer que lorsque sa compagnie a atteint ses objectifs.

                  Au cours d’une contre-attaque ennemie, les Allemands essaient de progresser par un boyau, pendant que d’autres avancent par le terre-plein ; le caporal Hubert, qui les aperçoit, se précipite à leur rencontre et, avec deux chasseurs, il barre le passage pendant plusieurs heures, se battant à la grenade sans arrêt, il reçoit sur le champ de bataille la Médaille militaire, avec la citation suivante ;

 

                  « Déjà cité deux fois pour sa belle conduite, dans de récents combats, s’est particulièrement distingué les 20 et 21 juillet 1915, en maintenant quelques hommes avec lui à la tête d’un boyau, pour arrêter une violente contre-attaque allemande à coups de grenades et de pétards. »

 

                  Le 22 juillet, le 6ème bataillon bivouaque au camp de Vida.

                  Le 31 juillet, il vient au camp de Gaschney, où il reste pendant six jours. Le 3 août, le drapeau des chasseurs est confié à la garde du 6ème bataillon pour trois jours. Le chef de bataillon fait paraître à cette occasion l’Ordre suivant, pour rappeler les titres de gloire que se sont attribués les chasseurs à pied.

 

                  ORDRE DU BATAILLON N° 122

 

                  « Chasseurs du 6ème bataillon,

                  « A partir d’aujourd’hui, la garde du glorieux drapeau des chasseurs à pied vous est confié.

                  « Les noms des batailles inscrites dans ses plis rappellent l’héroïsme de vos aînés. La Croix de la Légion d’honneur et la Médaille militaire que, seul de tous les drapeaux des armées, il porte suspendues à sa cravate, sont la gloire des cent mille chasseurs qui, de la mer du Nord aux frontières de la Suisse, combattent pour la France.

                  « Déjà, au cours de cette campagne, vous avez montré que vous étiez dignes d’appartenir à cette arme d’élite et, grâce à vous, de nouveaux noms de victoires s’ajoutent à ceux d’Isly, Sidi Brahim, Sébastopol, Solferino, Extrême-Orient, Madagascar, Maroc où s’illustrèrent vos aînés.

                  « Ils témoigneront, ces nouveaux noms, aux générations futures que vous avez aimé votre patrie par-dessus tout, et jusqu’au sacrifice suprême.

                  « Chasseurs du 6ème bataillon, pendant qu’il sera parmi vous, contemplons avec émotion cet emblème sacré, témoin de tant d’héroïsme, et jurons tous de le conduire à la victoire et de poursuivre sans lassitude nos efforts jusqu’au jour prochain de la défaite définitive du sauvage envahisseur.

                  « 3 août 1915.

                                                                                 « Le chef de bataillon commandant,

 

                                                                                                   « MELLE DESJARDINS »

 

 

                  Le 5 août, le drapeau des chasseurs est remis solennellement au 46ème bataillon.

                  Le 6 août, le bataillon fait mouvement pour aller relever dans le secteur du Braunkopf le 23ème B.C.A. Il a quatre compagnies en lignes, une en réserve à Metzeral et une au Bois Carré.

                  Jusqu’au 16 août, l’ennemi ne montre aucune activité.

                  Le 17 août, le bataillon est relevé par le 24ème et le 20, il va réoccuper le secteur du Reichaker jusqu’au 30 août. Il vient ensuite aux camps Nicolas et Vida, pendant six jours, pour remonter de nouveau au Reichaker.

                  Pendant quelques jours, quatre compagnies sont en premières lignes et deux en réserve. Le bataillon occupe le secteur du Reichaker jusqu’au 6 novembre, effectuant des relèves intérieures par compagnies, sans que pour cela les chasseurs puissent profiter d’un peu de repos.

                  Le 25 septembre, les deux compagnies de réserve au camp Nicolas sont passées en revue par le général de Puygradin, qui attache officiellement la Croix de guerre au fanion du bataillon, pour les trois citations (une à l’armée et deux à la division) que le 6ème a obtenues.

                  Les compagnies en ligne organisent le secteur et consolident les tranchées et boyaux, constamment démolis par le bombardement ennemi. Les Allemands font un gros emploi de leur artillerie lourde de 210 et de minen, en même temps qu’ils creusent sous nos tranchées des galeries de mines pour les faire sauter.

                  Le 31 octobre, les unités en lignes constatent que l’ennemi électrise ses fils de fer, par un courant à haute tension, afin de se mettre à l’abri des coups de mains de nos patrouilleurs, souvent très hardis.

                  Le 6 novembre, le 6ème B.C.A est relevé du secteur du Reichaker, dans lequel il vient de passer deux mois.

                  Depuis le 10 juillet, le bataillon n’a eu que quelques jours de repos passés dans des bivouacs, mais il n’est jamais descendu dans la vallée.

                  Du 7 au 17 novembre, le bataillon cantonne à Abdallah Le 19, il vient à la Chapelle-sous-Bruyères et s’embarque en deux échelons à destination de Toulon, où il arrive le 21.

                  Aussitôt débarqué, le bataillon reçoit l’ordre de se porter au quai Millot, où il est embarqué à bord du croiseur auxiliaire La Provence.

                  La 46ème batterie, du 1er régiment de montagne, est adjointe au 6ème bataillon pour former le 6ème groupe alpin, sous le commandement du chef de bataillon Melle-Desjardins.

                  Le 6ème groupe alpin passe la nuit du 21 novembre à bord de La Provence, en rade de Toulon ; par décision ministérielle, il est mis à disposition de l’amiral commandant les forces navales de la Méditerranée.

                  A 15 heures, La Provence quitte Toulon, à destination de Bizerte, où elle entre en rade le 23, à 15 heures, et va mouiller devant Sidi Abdallah. Le 24 novembre, le groupe alpin débarque et va cantonner à la caserne Farré et au camp de l’ouest.

 

 

Vers 1916

 

 

 

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